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12 novembre 2011 6 12 /11 /novembre /2011 21:24

                                 Où, les insectes étant partis, je continue à chercher la petite bête.

     Petite épigraphie des églises du Finistère III :                                               Kerfeunteun.

DSCN1300

L'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunten, paroisse de Quimper, possède un vitrail du XVIe siècle (1525-1530 selon R. Barrié) illustrant le thème de l'arbre de Jessé, et dont l'une des particularités est de recéler des données épigraphiques (noms des maîtres-verriers) et iconographiques (paysage avec château) qui n'apparaissent qu'à un observateur dotè d'un échafaudage...de bonnes jumelles ou d'un téléobjectif. En outre, ce vitrail m'a intrigué par quelques énigmes excitantes.

  Il possède aussi l'intéret de pouvoir être comparé à celui de l'église de Confort-Meilars, sur le même thème, ou à celui d'autres paroisses, sur un thème différent mais réalisés par le même atelier quimpérois, celui des Le Sodec.

 Cette vitre de quatre mètres de haut sur deux mètres de large a été restaurée en 1850, 1919, 1942-1953 et en 1998 par l'atelier Jean-Pierre Le Bihan.

  Voici la liste des points que je retiens de l'examen de cette verrière :

- l'influence des gravures d'Albert Dürer pour l'image de la Sainte Trinité (case A1) mais aussi peut-être pour celle de Jessé en Mélancolique (case A2)

-Les hypothèses sur l'identité du donateur (case A3)

- les deux paysages à château sur les cases A2 et C2.

- les multiples citations du Salve Regina.

- l'identité douteuse de deux rois, JOAPLAL/Josaphat case A3 et YOSAPIAT/Josaphat ou Joram case B4.

-La présence d'un roi intrus, HANON case A4.

-La citation du psaume 50(51) Miserere mei case B3.

- La signature de l'atelier quimpérois Le Sodec dans l'image B4 et sur les anges du sommet.

 

 

   I. Le thème de l'arbre de Jessé.

             Ce thème iconographique de l'Occident chrétien médiéval se développe au XIe siècle ( il est habituel d'y voir l'influence de Suger) en la cathédrale Saint-Denis où un premier vitrail de 1144 sert de modèle à celui de la cathédrale de Chartres en 1145-1150. Le thème de l'arbre de Jessé devient populaire et se répand au XIIe siècle dans les verrières, les Bibles et Pasutiers ou en sculpture, et ne déclinera qu'au XVIe siècle après la Contre-Réforme.

      Ce qui est l'ancêtre des arbres généalogiques est né de l'application d'une formule de l' Ancien Testament dans la bouche du prophète Esaîe (ou Isaïe) à la généalogie de Jésus dans les Évangiles. La phrase d'Esaïe est celle-ci (en latin puisque c'est ainsi qu'on l'a trouve inscrite sur les vitraux): Esaïe, 11, 1-2 et 11, 10.

      Egredietur virga de radice Jesse et flos de radice ejus ascendet.

     " Un rejeton sortira de la bouche de Jessé, un surgeon sortira  de ses racines.Sur lui reposera l'esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé"

       " Ce jour-là, la racine de Jessé, qui se dresse comme un signal pour les peuples sera recherchée par  les nations et sa demeure sera glorieuse " (Bible de Jérusalem).

le texte latin de la Septante parle d'un Isaï, mais comme on peut confondre cet Isaï, le père de David, un berger ou éleveur ovin de Béthléem, avec le prophète Isaïe, le nom de Jessé, traduction grecque d'Isaï, a été préféré pour le désigner.

 Au IIè siècle Tertullien donna l'interprétation théologique suivante : "la branche qui sort de la racine, c'est Marie, qui descend de David. La fleur qui naît de la tige, c'est le fils de Marie."

  Dans les Évangiles, deux textes  proposent une généalogie de Jésus et détaillent par quelle filiation il est "fils de David, fils d'Abraham" : Matthieu I, 1-17 (soit l'incipit de l'Évangile de Matthieu), d'Abraham à Joseph, l'époux de Marie ; et Luc, III, 23-28, d'Adam à Joachim, père de Marie. Les généalogies sont donc  différentes et divergent à partir de David, Matthieu optant pour la descendance de l'un des fils de David, le roi Salomon alors que Luc choisit la descendance de Nathan, autre fils de David. 

  Matthieu faisant passer sa filiation par Joseph, cela posait un problème ardu aux théologiens, non pas parce que Joseph "ne connût point Marie", car le lien agnatique attribue la filiation à un enfant adoptè, mais parce que cela donnait un rôle éffacé à Marie, censée être "la fleur qui naît de la tige". Au Moyen-Age, le culte de Joseph est quasi inexistant, on ne rencontre ni toponyme, ni chapelle qui lui soient dédiès, pas d'avantage de représentations artistiques en dehors des Nativités qui n'apparaîssent qu'au XIIIe siècle, il n'a pas de culte officiel avant le XVe siècle, est absent des prédications, et survit dans l'ombre de Marie jusqu'à ce que Gerson puis les franciscains lui donnent une place à part entière. Rien à voir avec le Saint Joseph chef de la Sainte Famille qui a été si honoré au XIXe et au XXe siècle, où tant de garçons ont été prénommés de son nom, et tant de filles baptisées Marie-Joseph ou  Joséphine, et sa fête le 19 janvier n'a été instituée qu'en 1480, pour ne devenir fête de précepte qu'en 1621. Absent ou transparent au Moyen-Age, il acquiert une place ambigüe à la fin de cette période, celle d'un vieillard saturnien, d'un travailleur manuel rustre, un béjaune qu'on affuble de la couleur jaune ou de rayures (Michel Pastoureau) pour monter en dérision sa place de dindon de la fable, voire de mari trompé.(Paul Paysan, l'image ambigüe de Saint Joseph à la fin du Moyen-Age, Médiévales, 2000, volume 19 n° 39: 96-111)

                     Feste n'a en ce monde-cy

                     Mais de lui

                     va le cri :

                     c'est Joseph le rassoté. (Eustache Deschamps (1346-1406) Oeuvres complètes) 

   

   Pourtant, c'est  la généalogie de Matthieu que les artistes médiévaux préférèrent, et chacun accepta de ne pas voir Joseph, mais Marie se placer au sommet d'une généalogie issue de Jessé par Salomon. C'est donc celle que je vais développer . Elle s'étend sur quatorze générations d'Abraham à David, puis quatorze générations de David à la déportation à Babylone, jusqu'à Jéchonias, et sur quatorze autres générations encore de Jéchonias et ses frères jusqu'à Jacob, puis Joseph. Bien-sûr, les miniaturistes et les verriers ne représentèrent pas les quarante-deux aieuls du Christ, et choisirent parmi les rois de Juda en un florilège variable selon chacun.

Matthieu I, 1 : Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham :

  I, 2 : Abraham engendra Isaac ;Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères.

  I, 6 : ...Isaï engendra David ; David engendra Salomon de la femme d'Urie.

  I, 7 : Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abia ; Abia engendra Asa.

  I, 8 : Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Jozias.

  I, 9 : Ozias engendra Joatham ; Joatham engendra Achaz : Achaz engendra Ezèchias.

  I, 10 : Ezéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Amon ; Amon engendra Josias

  I, 11 : Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la déportation à Babylone.

  I, 12 : Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel. Salathiel engendra Zorobabel.

[...]

  I, 15 : Eliud engendra Eléazar ; Eléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob.

  I, 16 : Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ.

  I, 16 : Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis david jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations de la déportation à Babylone jusqu'au Christ.

  L'idée forte est d'associer les deux textes pour créer une métaphore, celle de l'arbre qui croît verticalement et dont chaque rameau donne, comme un fruit, un ancêtre, mélant une représentation originale du temps orienté vers le haut et animé d'une croissance et d'un projet à celle de la transmission générationnelle. Cet arbre généalogique qui nous est si familier et cette conception linéaire et orientée du temps n'a rien d'évident en soi mais construit un de ces paradigmes sur lesquels sont bâtis notre pensée occidentale. En même temps, elle rassemble en une seule image une synthése de la théologie chrétienne, du projet de Dieu dans la continuité/rupture entre Ancien et Nouveau Testament, et de la réalisation des prophéties bibliques dans la personne du Christ rédempteur par sa mort sur la Croix.

  La même idée est développée sous une forme iconographique proche dans la Légende de la Vraie Croix, telle qu'elle est représentée par exemple par Pierro della Francesca à Arezzo vers 1450.  Dans le Paradis poussait l'Arbre de Vie ; lorsque Adam et Éve en furent chassés, et lorsqu' Adam mourût, l'archange Michel apporta une graine de cet Arbre  que Seth fils d'Adam plaça dans la bouche de son père, pour le racheter du péché originel. De la graine poussa un arbre, sur la tombe situé à Jérusalem. Salomon fait abattre l'arbre pour en faire une poutre pour le Temple, puis cette poutre est réutilisée pour bâtir un pont à Siloé, avant d'être enfouie en terre. C'est cette poutre qui est utilisée pour dresser la Croix du Christ, plantée sur le Golgotha (araméen gulgulta, le crâne) : sur  la tombe et le crâne d'Adam. Ainsi la mort de Jésus sur cette croix-arbre vient-elle racheter Adam et sa race du péché.

 

        Réalisé en 1520, alors que le statut médiéval de Joseph est en train de se modifier, le vitrail de Kerfeuteun ne lui fait aucune place, et continue la tradition iconographique de l'arbre de Jessé usurpant la place généalogique de Joseph au profit de Marie.

II La Verrière de l'Arbre de Jessé à Kerfeuteun : les lancettes.

  La verrière se compose de trois lancettes  divisées chacune en quatre panneaux (ici nommées "cases"), et surmontées d'une couronne de sept éléments.

vitrail 5392c

  Le thème est traité dans les douze "cases" des lancettes, la couronne étant occupée par les anges et par le soufflet central orné d'un blason et d'une mitre.

Cette organisation verticale se double d'une structure horizontale qui ne correspond pas aux douze carrés bien dessinés par les meneaux de la maçonnerie et l'armature métallique, mais répond à une organisation de l'espace de l'image en trois niveaux :

  En bas, un dallage surélevé reçoit une constrution faite d'un banc et d'un mur, lequel est divisé en trois niches par des colonnes à chapiteaux et des arcades. Cinq personnages y sont placés, Dieu et le Christ à droite, Jessé au centre, un donateur à genoux patronné par un évêque à gauche.

vitrail 5379c

Au milieu, l'arborescence issu de Jessé s'etale latéralement ( initialement, l'arbre de Jessé s'élevait en un seul fût vertical, à Saint Denis et à Chartres, et les branches latérales qui permettent de placer d'avantage de Rois apparaît plus tardivement) en deux étages présentant chacun quatre rois, qui se balancent sur les branches comme des oiseaux  plutôt que d'apparaître comme des fruits ou des fleurs : des vieillards assez verts pour s'amuser comme des gamins dans les arbres;

vitrail 5381c

  Au sommet, les branches viennent s'élargir en une soucoupe blanche,  large fleur qui sert de piedestal à trois personnages, la Vierge, le Christ, et Saint Jean l'Évangéliste : l'idée généalogique  se perd au profit d'une représentation de la Crucifixion.


 vitrail 5382c


   Examinons maintenant chacune des scènes, en partant du bas à droite , et en utilisant la numérotation de Jean-Pierre Le Bihan qui a restauré cette vitre :les trois lancettes sont nommées A, B, C de droite à gauche, et les cases 1, 2, 3, 4 de bas en haut .

1. Dieu le Père et le Christ.

   La première image est celle de la Sainte Trinitè qui donne son nom à l'église. Elle est inspirée d'une gravure d'Albert Dürer. Le motif est familier au fidèle qui l'a découvert dès son arrivée au sommet du calvaire (actuel monument aux morts) sous la forme d'une sorte d'équivalent paternel de la Piéta, où Dieu le Père vêtu comme un pape avec une tiare sur la tête, et la colombe du Saint-Esprit posée comme sur un heaume de chevalier, tient dans ses bras la Croix et son fils crucifié:

statues 5371c

Entré dans le choeur de l'église, le fidéle retrouve, à droite du vitrail une statue de bois où Dieu retient le corps sans vie de son Fils :

statues 4789cc

  C'est donc sans surprise qu'il découvre l'image suivante, où le corps blafard du crucifié porte toutes les marques de la flagellation et de son supplice ; quand à la colombe, elle est descendu se poser sur l'épaule de Dieu.

vitrail 3493c

 

2. Jessé endormi.

  Les premières représentations de l'Arbre de Jessé montrait celui-ci allongé, mais pour des raisons évidentes de place, c'est assis que Jessé s'est ici assoupi ; cela permet de laisser penser qu'il ne dort pas, mais qu'il songe, comme tous les pères, non seulement aux bétises de son fils David (son aventure avec Bethsabé), mais aussi à la descendance dont il rêve. C'est de la poitrine du paysan de Bethléem que naît le tronc d'arbre dont la belle couleur verte chlorophylienne va servir de fil conducteur qui se mariera avec les deux autres couleurs dominantes de la verrière : le rouge, prédominant, et le bleu, parcimonieux car réservé à Marie pour la mettre particulièrement en valeur.

La posture de Jessé, le coude posé et la tête inclinée reposant sur la main, est celle, stéréotypèe, du Mélancolique, étudièe par Panofsky à la lumière du Problème XXX du pseudo Aristote, celle d'une passivité créatrice, anticipatrice, voire prophétique propre au Génie : c'est celle de la Melencholia de Dürer (1514).

 vitrail 3510c

3. Le donateur et son tuteur.

Le donateur est représenté agenouillé : son identité est discuté, mais il est vêtu comme un membre du clergé. Selon Peyron et Abgrall, c'est un chanoine (Pierre Goazguenou ou Yves Toulalan), selon R. Barriè ce serait le vicaire Guavaing Kerviler, ou l'évêque de Quimper Claude de Rohan (1510-1540). Quand au saint évêque, est-ce saint Corentin, saint Claude, ou quelqu'un d'autre?

vitrail 3490c

 

vitrail-3486c.jpg

4. La case A2. 

Cases intermédiaires qui seraient sans intéret, car elle montrent seulement les jambes des quatres rois, les cases A2, B2 et C2 révèlent des détails interessants:

vitrail 3483c

  Ainsi, sous le pied bleu, dans la partie rouge, se découvre un paysage avec une colline dominée par un château :

vitrail-3483cc.jpg

 

5. Case B2 :

vitrail 3484c

6. Case C2 :

On découvre sous le pied jaune, sur un fond rouge, une autre image de paysage représentant un petit mont où culmine un (?) clocher, et sur la droite un autre clocher :

vitrail 3485c

  Les deux robes sont ornées sur leurs galons d'inscriptions:

Sur le pan de robe à droite (celle du roi Joatan) sont inscrits les lettres capitales suivantes :(I)ORVEN, le V étant inversé pointe en haut.

Sur l'autre robe (celle de David) est inscrit : SALV.ER, recouvrant la jambe droite, en lettres capitales blanches en en deux traits. On déchiffre Salve Regina, l'antienne de dévotion à Marie chanté depuis le XIIè siècle. Je m'étonne du point situé entre le V et le E, qui se retrouvera régulièrement.  Sur l'autre pan au dessus de la jambe gauche est inscrit : REGINA...MISES...AV. en lettres capitales où seul le G de Regina est une onciale.


  L'antienne débute ainsi : Salve, Regina, Mater Misericordiae. Vita, dulcedo et spes nostra, salve.  "Salut,Ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur et notre espèrance, salut."

  Cette antienne va se retrouver à de nombreuses reprises, comme si chaque roi de Juda chantait l'avènement de la Vierge et faisant de cet Arbre de Jessé un hymne marial.

 

7. La case A3 : Josaphat(?) et Abia.

  Elle présente la tête de deux rois dont les phylactères nous indiquent les noms; nous voyons aussi les robes des deux rois de la partie supérieure.

vitrail 3482c

  Ma première difficulté est de déchiffrer le nom du roi de droite, l'inscription portant la mention R. JOAPLAL , en lettres capitales pour le O, les A et le premier L. La lettre R. vaut pour Roi et sera retrouvée dans chaque phylactère des douze rois de Juda. La lettre J est peut-être un Z; le P est une onciale et/ou une lettre conjointe valant pour deux lettres fusionnées. le dernier L se termine par un petit signe, abréviatif peut-être. La première idée est d'y lire Josaphat, mais c'est faire une infidélité au texte;

La banderolle du roi de gauche porte : R. ABIA.

Les deux rois sont barbus, couronnés et portent des sceptres.

7. La case B3 : Joatan et David.

vitrail 3481c

  Le roi David est reconnaissable à sa lyre : on sait qu'on lui attribue la composition des psaumes de la Bible. Les cordes de la lyre sont réalisées par de fines incisions sur le fond rouge. Les deux rois sont barbus, Joatan tient un sceptre mais ne sembla pas porter une couronne mais un turban, attribut habituel de Salomon.

Inscriptions : R. JOATAN,très lisible, aux belles majuscules notamment les lettres A.

                       R. DAVID, moins distinct, lettres capitales hormis les D en onciales.

  Vêtements de Joatan :

 -sur l'étole claire autour du bras droit : SALVE : RE/NA en majuscules fines; le L est orné d'un prolongement inférieur comme pour une minuscule; les deux mots sont séparés par une barre ornée. 

- sur le camail vert : MEA MEA PERIES ET OS MOM AN...AL...(L)ORE

  Je rapporte le passage mea peries et os mom an au psaume biblique 50 (51) Miserere mei , deus, l'un des sept psaumes de la pénitence de la liturgie chrétienne, et qui contient ce verset :

Domine, labia mea aperies et os meum annuntiabit laudem tuam : "Seigneur, ouvre  mes lèvres et ma bouche annoncera tes louanges". Ce verset appartient au brévaire des moines itinérants composé par saint Prudence, une anthologie des plus beaux passages du psautier.

   C'est un psaume particulier, pénitentiel et de miséricorde. En 1630, Allegri composa son Miserere sur son texte, et ce psaume n'était chanté qu' au Vatican, en la Chapelle Sixtine, le mercredi et le Vendredi Saint  à la fin de l'office des ténèbres alors que les cierges s'éteignaient, à l'exclusion de toute autre lieu et occasion sous peine d'excommunication. 

  C'est d'abord une allusion à la faute de David : on sait qu'après avoir observé de sa terrasse la belle Bethsabé, femme de son général Urie, qui prenait son bain, et après avoir couché avec elle, David, apprenant qu'elle était enceinte rappella l'officier en permission pour pouvoir lui faire endosser la paternité. Face au refus d'Urie, pas dupe, David  se débrouilla pour le faire mourir lors des combats et épousa Bethsabé dont il eut un fils. Le prophète Nathan vient lui faire la morale et lui annonce que Dieu va le punir en faisant mourir le nouveau-né, mais qu'un autre fils naîtra de cette union : ce sera Salomon.

  Le Psaume 50 correspond au chant de repentance de David : Miserere mei, Deus: secundum magnam misericordiam tuam, Aie pitié de moi Seigneur en ta grande miséricorde.

  Mais ici, au centre géométrique de la baie vitrée, le verset de ce psaume est un appel à la louange.

  Je n'ai pas d'explication pour la mention mom an au lieu de meum an(nuntiabit), sauf à considérer le O comme une erreur d'un restaurateur ou comme une forme abréviative de (eu).

- bas de robe du roi de l'étage superieur (Josaphat): SALVE REGINA MISER

8 . Case C3 : Josias et Salomon.


vitrail 3480c

  C'est la représentation de deux rois barbus, aux belles couronnes dorées et dotés de sceptres : le roi Josias, le créateur du monothéisme hébraïque (640-609 av JC) discutant avec son vis-à-vis dont  douze générations le séparent, le sage et juste roi Salomon (970-931), le roi aux 700 épouses et 300 concubines, l'auteur du Cantique des Cantiques et di Livre des Proverbes, réputé pour ses jugements avisés, pour la sagesse de son gouvernement, pour le faste avec lequel il reçut la Reine de Saba, le roi batisseur du premier Temple de Jérusalem.

Inscriptions :

- R. JOSIAS en belles capitales pleines bien lisibles.

 - R. SALMON avec peut-être un tilde sur le M pour signaler l'omission du O.

- Sur le camail de Josias : SALV.E . REGINA M le signe séparant les deux mots étant une ligne brisée élaborée.

- Sur le camail de Salomon : SALV.E R

- Sur la robe bleu de la robe du roi de l'étage supérieur (Ézéchias) : SALVE REGINA MISERICOR    en lettres capitales sauf le d de REGINA qui est une onciale. Une apostrophe après le R de REGINA.

- dans le coin supérieur gauche, sur le camail d'Ézéchias : ER.A dib, ces trois dernières lettres en onciales.


9. Case A4 : la Vierge Marie et deux rois. 


vitrail 3477c

a) partie inférieure : deux rois.

 Le roi de droite porte le nom d' HANON, clairement indiqué. Mais que vient faire ici cet intrus? car  Hanon est décrit dans le deuxième Livre de Samuel chapître 10 comme le roi des Ammonites auquel David adressa une délégation pour lui témoigner sa sympathie après le déces de son père. Mais Hanon mal conseillé y voit une tentative d'espionnage de son royaume et renvoie les ambassadeurs la barbe rasée à moitiè et le vêtements raccourcis "jusqu'au fesses". offense grave à une époque où, comme nous le certifie Augustin Calmet dans ses commentaires de 1711, on ne portait pas de culottes.

  La présence d'un ennemi et offenseur du roi  David en lieu et place d'un de ses descendants  est particulièrement étrange, mais je n'ai pas trouvé que l'on se soit interrogé sur ce mystère.

Le nom du second roi est mal discernable, je lit R. ..(I)A, je propose ABIA. C'est le fils de Roboam et le père d'Asa, aussi nommé Abijam ou Abija (913-911 av JC). Il n'eut que 14 épouses. Mais j'ai déjà identifié ce roi en case A3. Serait-ce ASA, son fils ? Ce roi de Juda (911-870) est caractérisé par sa grande piété, sa conduite "qui satisfait l'eternel", sa lutte contre les divinités cananéennes, son expulsion des prostituées sacrées,...et par la grave maladie des pieds qui l'affecta à la fin de son régne.

b) partie supérieure : la Vierge.

  Elle est entourée par cinq visages d'angelots bleus ou jaunes. Son visage est très soigné et admirable de finesse, et sa superbe robe bleue sur un surplis jaune d'or attire le regard comme le pôle principal du vitrail.

10. Case B4 : Le Christ crucifié, et deux rois.

vitrail 3478c

a) partie inférieure : les rois Jechonias et Josaphat.

L'inscription (R.) IECONIAS est parfaitement lisible et désigne le roi Jechonias ou Joachin (598-597), qui ne régna que trois mois avant que Nabuchodonosor II ne s'empare de Jérusalem le 16 mars 597 et ne le déporte à Babylone avec la noblesse et les artisans pour trente sept ans de captivité.

 La seconde inscription porte la mention R. YOSAPIAT, que l'on est tentée de lire comme JOSAPHAT. Mais d'une part nous avons déjà attribué ce nom (avec nos doutes) au roi de la case A2, mais surtout un auteur, Xavier Barral i Altet écrit dans Artistes, Artisans et production artistique en Bretagne au Moyen-Âge en 1983 " le nom de Josapiat est une restauration fautive" pour Joram. On remarque aussi que c'est le seul souverain imberbe, et on suggère qu'il pourrait s'agir d'un autoportrait de l'artiste verrier.

Les vêtements portent les inscriptions suivantes :

vitrail 5382cc


-Sur le galon du camail de "Joram" on lit LORAS AN SODEC / LOR...SODEC SOD. Cette constatation associée aux inscriptions trouvées sur les anges du tympan a amené Roger Barrié a proposé d'y voir la signature de l'atelier de maîtres-verriers quimpérois du XVIème siècle Le Sodec. R. Barrié,Étude sur le vitrail en Cornouaille au XVIème siècle, thése de troisième cycle , UHB, U.E.R des arts, Rennes, 1978). 

Jean-Pierre le Bihan, qui a restauré ce vitrail, a rassemblé sur son blog

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/725-index.html

toutes les données disponibles sur cet atelier.

   Cet atelier est connu par:

- à Nantes en 1480, Bertrand Le Sodec répare la vitre de Saint Nicolas. Ce Bertrand Le Soudet ou Soudec est fait vitrier du duc par lettres patentes de François II.

-Laurent Le Sodec est cité en 1514 dans les comptes de la cathédrale de Quimper pour les inscriptions gravées sur l'ossuaire .

- Laurent et Olivier Le Sodec sont les auteurs des verrières de la Passion et de la Transfiguration de l'église Saint Théleau à Plogonnec (29).

- Gilles Le Sodec, sans-doute le fils de Laurent, passe contrat en 1543 avec le commanditaire Charles de la Marche pour réaliser un vitrail dont le sujet est le Credo pour l'église de Braspart (vitrail disparu).

- Bertrand Le Sodec est appellé pour refaire en 1486 les vitraux de l'église saint Similien à Nantes, détruits par un orage à Noël 1479.

 Cette inscription invite à se rappeller l'inscription AL LORE que j'ai mentionné sur le camail vert de Joatan

 

- Sur le rabat violet qui recouvre l'oreille de Jechonias, je lis OLICRAN, interprété par les auteurs comme OLIERAN car, à Plogonnec, sur un vitrail antérieur à 1539 c'est OLIERAN qui se lit sur le galon de la manche d'un acteur de la descente de croix, et OL SODEC ou SODEG sur le vitrail de la transfiguration.

 

b) Le Christ sur la croix.

Le corps crucifié livide porte toutes les plaies de sa passion. Il est entouré de quatre angelots verts, blanc et bleu; la seule inscription est celle du titulus crucis portant l'acronyme INRI de l'expression latine Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, Jesus de Nazareth Roi des Juifs, qui repose sur le témoignage de l'Évangile de Jean, 19, 19.

  Certains ont pu  voir dans l'inscription de ce titre de royauté le point culminant, l' acumen acuminis de la prophétie d'Isaîe, la réalisation ultime de la filiation royale issue de David par la succession scalaire et caténaire de tous les rois de Juda : certes couronné d'épine, mais Roi des Juifs.

 

11. Case C4 : Jean l'Évangéliste et deux rois, Zorobabel et Ézéchias.


vitrail 3479c

 

a) Deux rois, Zorobabel et Ézéchias.

Le roi de droite porte l'inscription encrassée ...XOBABEL que j'interprète comme Zorobabel, celui qui, exhorté par les prophètes Aggée et Zacharie, construisit le deuxième temple de Jérusalem. C'est aussi lui, le petit-fils de Jechonias -Joachin le roi déporté à Babylone,qui, après que Cyrus roi des Perses ait accordé la liberté aux juifs, conduisit un groupe de juifs de Babylone vers le retour à Jérusalem.

  A ses cotés, le deuxième (et douzième de notre liste), c'est le roi Ézéchias, c'est ce que je déduis d'une banderole où seules sont visibles les lettres HIAS, avec un h onciale et un I en capitale perlée. Ce fils d'Achaz  régna en 715-686 av JC sur un royaume de Juda que son père avait placé sous la "protection" assyrienne. Jérusalem lui doit la construction du tunnel de Siloé qui amène à Sion les eaux du Gihon.

Inscriptions :

- sur le galon du camail de Zorobabel, se lit OVE(C), mais le O est plus exactement ouvert comme un 6 ou la lettre d en onciale.

- entre les deux rois, le galon de la robe bleue de Jean porte (A)VE / GRAC / ORA (PR), que j'interprète comme des fragments ( inscription fragmentée par les replis du vêtement) de l'Ave Maria : Ave Maria , gratia plena [...] ora pro nobis peccatoribus...

b) Jean l'Évangéliste.

  Comme Marie et comme le Christ, il est entouré de cinq angelots, verts, jaunes et bleus dont les couleurs répondent à celles des vêtements.

  Sa présence est inspirée de Jean, 19,26 qui mentionne la présence de Jean, "le disciple qu'il [Jesus] aimait" au pied de la croix avec Marie, et décrit comment Jesus s'adresse à Marie pour lui dire en désignant Jean "Femme, voilà votre fils", et à Jean " voilà votre mère".

Un siziéme angelot est logé dans la mouchette ou jour en forme de flamme du tympan, répondant à son homologue du coté de marie.


III. La couronne du vitrail.

  Ce terme désignerait la partie qui ferme vers le haut les trois lancettes ; on parle aussi du tympan

Cette couronne  est composée de 4  éléments principaux en forme de pétales s'enroulant autour d'un jour central en forme de coeur lobé, le soufflet ; deux jours triangulaires curvilignes viennent compléter le motif ( j'espère, pour le plaisir que me procure le terme technique,que ce sont des jours d'écoinçon. Il y a des jours comme ça...) 


vitrail 5383c

Le soufflet est en partie récent, puisque si la mitre "est d'époque", les armoiries et la devise Eriti mihi testes, "Vous serez mes témoins" sont celles de Mgr André Fauvel, évêque de Quimper et du Léon de 1949 à 1968, qui vint inaugurer le nouvel autel le 21 décembre 1953.

Les quatre éléments en forme de flamme, de main en prière ou de pétales portent chacun deux anges tenant une couronne : là encore, le contenu de ces couronnes ets de facture récente. Je les numéroterai de la droite vers la gauche de 1 à 4 :

 a) Flammes  1  et 2 :

vitrail 3513c

   La flamme 1, celle du bas représente deux anges tenant une couronne qui présente un voile blanc où sont peints une lanterne et un instrument courbe à manche qui me semble être un allumoir : bref, un tableau consacré au thème de la lumière dont les références évangéliques sont nombreuses.   Il ne se trouve pas d'inscription sur ce panneau.

  La flamme 2 montre deux anges semblables, mais le voile qu'ils présentent porte le dessin d'une croix dont le centre est entouré d'un cercle de chaînes, avec l'image d'une lune et d'un soleil.

  La robe de l'ange supérieur est couverte de lettres d'or, qui s'assemblent en inscriptions : NOB(I)S SAV SODEC SO SODEC ORAS MOESA A (lettres capitales hormis le d de SOdEC en onciale) dans lesquelles on peut retrouver le nom des verriers quimpérois Le Sodec ; le "nobis" est peut-être celui des Litanies à la Vierge (ora pro nobis), ou extrait du Salve regina (nobis post hoc exilium ostende), ou signifier Nous (les verriers Le Sodec).

  L'ange inférieur s'apparie en doublon avec celui de la flamme 3, et va être étudié conjointement.


  

 

b) Flammes 3 et 4 :

vitrail 3514c

  Les deux anges de la flamme 3 tiennent dans la couronne le voile de la Sainte Face, le linge dont une femme essuya le visage du Christ lors de sa montée  du calvaire et sur lequel s'imprima miraculeusement la vraie image, vera icona, veronica, de Jésus.

 En dessous, ce sont les instruments de la passion qui sont présentés, réduits à un marteau, une tenaille et un lien.

Les robes des anges de la flamme 4 et l'ange supérieur de la flamme 3 ne portent pas d'inscriptions, mais des points dorés.

Il nous reste deux anges à examiner, dont la robe porte des inscriptions:


vitrail-5384cc.jpg


Celui de droite porte :SO..SO..VOS..SO...(R)Obn...NEMI..S.EC.SO..F...NC.N

Celui de gauche : SODEC..SEC.ECO..SpC..ODEC..ME...RAS..OMO..ES

Cela a été interprété comme étant en rapport avec les verriers Le Sodec, avec l'apparition possible du prénom Robin.

 

Conclusion :

  Je retiens de ce vitrail certes les excitantes recherches sur les verriers qui en sont les auteurs, de l'atelier Le Sodec à Quimper, certes aussi les énigmes sur les noms des rois, mais surtout la prééminence du culte marial, tant les mentions épigraphiques portées par les personnages semblent se réunir en un grand cantique polyphonique de salutation  à la Vierge et tant sa robe bleue semble capter le regard.

   J'en retiens aussi la présence cachée du Miserere (psaume 50), ce chant pénitentiel et de miséricorde qui fait référence au roi David, à sa faute, à sa punition et à son rachat.

  La position de David est centrale, sur une diagonale qui va du chanoine donateur à genoux vers la Vierge.

  Je postule que ce vitrail est une oeuvre pénitentielle où le donateur, pour se racheter d'un faute ou en réaction à un malheur qui l'a frappé, fait appel à la MISERICORDE de la Vierge en prenant David, sa propre faute punie et pardonnée, et sa propre miséricorde envers son ennemi Hanon à témoin.

  J'ajoute que ce vitrail est bâti près de Quimper en(?) 1525-1530 : Quimper a été particulièrement éprouvée par la peste ( 11 épidémies en 4 siécles) et cette maladie la menaçait au XVème siècle, avec des foyers en France en 1501 (Bretagne), 1522, 1523, 1529, 1531, avant l'épidémie de Quimper en 1533.  Si, en Bretagne, on invoque Saint Roch et Saint Sébastien, en Cornouailles  c'est à la Vierge qu'on demande d'abord protection et pardon pour les fautes que la maladie vient punir : tant N.D de Kerdévot à Ergué-Gabéric tout proche que N.D de Guéodet à Quimper. 

 Ne faut-il pas voir ce vitrail comme une demande de miséricorde à Marie face à la menace de la peste?

 

 

IV. Autres richesses de l'église de Kerfeunteun.

statue de Saint Pierre:

elle se trouve à gauche de la verrière, dans le choeur.

statues 4791cc

 

Pieta:

statue en bois polychrome du XVIème siècle provenant de la chapelle de Ty Mamm Douè

statues 5365

 

Chaire à précher & saint Corentin.

La chaire du XVIIIème siècle présente des panneaux de bois sculptés, peints en couleur bronze sur fond vert, qui représente les évangélistes.


 DSCN1304

 

La porte donnant acces à la chaire montre Saint Corentin. On lit partout qu"Il est reconnaissable à son poisson". Encore faut-il savoir que Saint Corentin est un breton qui avait décidé de se retirer dans un ermitage à Plomodiern, au pied du Menez Homou montagne de Saint Cosme, "pour mieux y vacquer et faire un perpétuel divorce avec le monde". Au lieu d'aller cueillir les mûres et les myrtilles, de pêcher la telline de la plage de Pentrez ou la sardine de la Baie de Douarnenez, Corentin, qui passait ses nuits et ses jours en prières et en oraisons quand il ne se livrait pas aux mortifications de tout ermite qui se respecte ou n'aménageait pas près de sa cabane un petit oratoire un jour, une fontaine l'autre jour, , bénéficiait d'un service de livraison des repas à domicile : lisons Albert le Grand, qui nous a déjà conté la vie de deux contemporains de Corentin, Saint Riok et Saint Guénolé ( Visite de Camaret et de ses inscriptions lapidaires ; tildes et N rétrograde .) : 

   "... Passant en ce lieu les nuits & les jours en prieres & Oraisons, inconnu & retiré de toute conversation humaine, mais chery & consolé de Dieu, qui jamais n'oublie ceux qui, pour son Amour, oublient toutes choses, & fortifié de sa grace contre les attaques & tentations de ses ennemis, & comblé de ses celestes et divines caresses. Pour sa nourriture & sustentation en cette solitude, Dieu faisoit un miracle admirable & continuel; car, encore qu'il se contentast de quelques morceaux de gros pain, qu'il mendioit quelques fois és villages prochains, & quelques herbes & racines sauvages, que la terre produisait d'elle-mesme, sans travail ny industrie humaine, Dieu luy envoya un petit poisson en sa fontaine, lequel, tous les matins, se presentoit au Saint, qui le prenoit & en coupoit une piece pour sa pitance, & le rejetoit dans l'eau, &, tout à l'instant, il se trouvoit tout entier, sans lesion ny blesseure, & ne manquoit, tous les matins, à se présenter à S. Corentin, qui faisoit toûjours de mesme."

   La fontaine de Corentin était capable de faire varier le menu : un jour, deux visiteurs se présentèrent et voilà  Corentin qui s'affaire autour de son bilig :

    "Il leur dressa des crépes (à la mode du païs) qu'il accomoda de quelque peu de farine qu'on luy avoit donnée par aumône és villages prochains; mais Dieu, qui ne délaisse ceux qui ont jetté en luy toute leur espérance, pourveut miraculeusement à la nourriture de ses serviteurs ; car S. Corentin, estant allé puiser de l'eau à la fontaine, la trouva pleine de belles & grosses anguilles, dont il en prit autant qu'il luy fut nécessaire pour festoïer ses hotes, lesquels se retirerent, loüans Dieu qui, par des miracles si signalez, témoignait la Sainteté de son serviteur S. Corentin."

 

 

On comprend mieux pourquoi chaque  statue de Saint Corentin le représente avec un beau poisson à ses pieds:

kerfeunteun 5368

 

 

 


 

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Published by jean-yves cordier
4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 22:57

Lieu : la digue, Goulven

Date : 3 novembre 2011                                                                                                                                                                                                                                                                          La Chrysomèle du peuplier  Chrysomela populi (Linnaeus, 1758) 

  Je l'ai croisé sur ma route entre Goulven-bourg et La Digue, la chrysoméle déguisée en coccinelle : 

chrysomela-populi 4161c

 

chrysomela-populi 4173cc

 

chrysomela-populi 4169cc

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Published by jean-yves cordier
3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 20:22


        Petite épigraphie lapidaire des églises et chapelles du Finistère ;

Où on recherche les tituli, les N rétrogrades et toute curiosité amusante.

                  II : L'Église Saint-Audoën à Rosnoën.


   La commune de Rosnoën domine l'estuaire de l'Aulne, au sud, et la rivière du Faou au nord. On peut l'intégrer fonctionnellement à la Rade de Brest, notamment par son acces maritime aux carriéres de microgranite de Kersanton et à celles de pierre de Logonna. 

  Son nom vient du breton Roz, "colline", et Lohen, nom de saint.

L' église doit son nom à Saint Ouen, dont Audoën est une forme rare. Elle date du VXI-XVIIè siècle et fut restaurée au XIXème. Elle marie superbement la pierre blonde de Logonna avec le gis sombre de Kersanton, répondant ainsi à travers la Rade aux chapelles et églises de Rocamadour à Camaret  de Saint-Sauveur au Faou et de Saint-Sébastien à Saint-Ségal.

I. Inscriptions lapidaires.

1°) La pierre de construction 1562

L'inscription la plus évidente est celle qui se présente dés que l'on arrive par l'entrée Ouest:


rosnoen 3011cc

  

  On y lit en belle écriture gothique : "lan 1562 le 31 de may fut fu(n)de f Tanguy fabricq(ue)".

   Les éléments remarquables sont:

- la pierre, microgranite de Kersanton. Le manoir des Salles à Rosnoën possédait au XVIIe siècle une carrière de kersantite ; la pierre arrivait à bord de navires qui accostait à une cale en contre-bas de l'église.

- l'utilisation de l'écriture gothique. Celle-ci est déjà supplantée en France dans l'imprimerie par l'écriture "humaniste" après les travaux de Geoffroy Tory (1530) et surtout par les créations de Claude Garamond qui grave en 1540 les "grecs du roi", caractères en cursive grecque, rejoignant les caractères d'Aldo Manuce à Venise en 1501 (caractères italiques) 

- le titulus ou tilde sur le u de "fu(n)de" pour mentionner l'omission du "n".

- le "e" suscrit à la fin de "fabricq(ue) en forme d'abréviation de "ue".

- l'orthographe de "fabricque". Selon le Trésor de la Langue Française, le mot apparaît dans notre langue en 1364 pour qualifier le travail du forgeron, puis en 1386-87 avec le sens utilisé dans cette inscription de " conseil chargé d'administrer les fonds et les revenus affectés à l'entretien, à la construction d'une église". Les membres de ce conseil se nomment "fabriciens", mais aussi "fabriques". Je retrouve l'orthographe "fabricque" en 1493 dans le Testament de Pierre Plume à Chartres ( L.FR ROUX, 1860, Second fragment...), dans une ordonnance de Charles VIII de 1495, et dans divers documents : l'usage en semble répandu.

- l'orthographe de "may" : Si l'orthographe "mai" est attestée en 1100 dans la Chanson de Roland (ço est en mai, al premer jur d'ested), la forme may est signalée en 1532 dans la Chronique de Bretagne dans l'expression "planter le may". Les Amours de Ronsard sont datées du 24 May 1553.

- l'élément qui n'est pas le moins remarquable est la beauté sobre, claire, parfaitement lisible de l'écriture gothique, dont les fûts droits  aux empattements modestes sont animés par la souplesse des lettres y, f, d, g, et par le brio de la seule majuscule du texte, le T de Tanguy.

2°) Le vantail de la porte Ouest.


rosnoen 3014c

Je déchiffre : H: HOI SIL & I: GEFF LES FABRIQUE LAN 1700.

  Les éléments remarquables me semblent être :

- la belle durée de conservation d'un élément de menuiserie.

- l'écriture en lettres romaines. 

- l'esperluette ou signe & , jadis la 27è lettre de notre alphabet, qui résulte de la ligature des lettres de la conjonction de coordination "et" et en possède la signification. La perluette, esperluète, fut très utilisée par les moines copistes médiévaux.

- le sens abscons (pour moi) des premiers termes : faut-il lire H.Hoisil comme un patronyme, ou bien H:HO signifie-t-il Honnête Homme, selon un usage répandu?

- le mot FABRIQUE ne possède pas un "R" bien identifiable, et la lettre Q et réalisée comme un P rétrograde. Ce dernier point est néanmoins très souvent rencontré.

- Et, bien-sûr, le N rétrograde que je m'amuse à dénicher et qui m'attendait ici sur ce vantail.

Voir : Visite de Camaret et de ses inscriptions lapidaires ; tildes et N rétrograde .

3°) Le contrefort sud-est de l'abside 

 

rosnoen 3037c

  C'est l'abbé J.M. Abgrall (1846-1926), l'historien du patrimoine religieux du Finistère, qui en déchiffra le texte (Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère, Bull. Soc. Arch. Finis. 1916, 3-47) : 

Y. Quelfellec . fab. Ce pingnon fut parachevé lan mil cix cent quatre, le 8 juillet.

 J'aurai l'impudence de corriger l'honorable chanoine pour lire 

 y queffuelec fab Le pingnon fut (? "parachevé" ne me semble pas confirmé)  lan m : cix cent quatre le 8è le juillet.

La pierre est en kersantite ; l'écriture gothique est moins lisible que sur l'inscription de 1562 mais les caractères sont arrondis et sans empattements. 

4°) Pierre tombale de l'intérieur de l'église : 

rosnoen 3018c

 

Bien-sûr, c'est l'esperluette que j'admire en premier ; et puis les "deux-points". Je note l'omission de "er" dans le nom Kerléan.

  Cette dalle ,  avec une deuxième dont l'inscription n'est pas lisible mais qui lui est intriquée, sont celles de Marie de Kerlean dame du Parc et Coetnes  et de Gabriel le Veyer, et cet ensemble funéraire en kersantite (?) fut réalisé pour les propriétaires de la Seigneurie du Parc à Rosnoën ; elles sont datées de 1724 et de 1725 et portent les blasons Coetnes et le Veyer (Le Veyer "porte d'or à trois Merlettes de sable").

  Gabriel le Veyer est dit "Seigneur du Parc, de Coëténez et du Ster", époux de Marie-Perronelle de Kerléan.

  La famille du Parc de Rosnoën est de la lignée de Maurice du Parc, l'un des champions du Combat des Trente au chêne de la Lande de Mi-Voix en 1351. Elle arme "d'azur au léopard d'or, au lambel de gueules", reprenant les armes des vicomtes du Faou, brisées d'un lambel.

Le gisant d' Yves le Bervet du Parc (1579-1641), sculpté par Roland Doré lui-même  pour la chapelle Saint-Eutrope en Plougonven est visible au Musée Départemental de Quimper ; mais est-ce la même famille ?:

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  En 1830, le Manoir du Parc était habité par les frères de Pompéry, Théophile, Henri (maire de Rosnoën) et Edouard, qui apportèrent aux Bas-bretons les lumières du Progrès en matière agricole par l'utilisation des engrais marins et l'assolement quadriennal : c'est en leur honneur qu'une statue aux seins généreux, allégorie de l'Agriculture, trône au centre de la Place principale du Faou. Elle a été sculptée par Mathurin Moreau, et inaugurée lors du comice agicole du 16 septembre 1884 :

le-faou 4367c

le-faou 4366c

 

Le socle de la statue est en granit de l'Aber Ildut dont on reconnaît les orthoses roses et les "crapauds" sombres : 

le-faou 4363c

  Tout porterait à croire que Gustave Flaubert s'est servi de ces trois frères comme modèle pour le pharmacien Homais, "correspondant du Fanal de Rouen", membre "de la société agronomique de Rouen, section d'agriculture, classe de pomologie" et spectateur admiratif des Comices Agricoles dans Madame Bovary, personnage qui, s'il n'eut pas eu de frère fortuné pour faire dresser une statue en son honneur sur la Grand-Place d'Yonville, reçut la croix d'honneur. N'apprenons-nous pas par Wikipédia que Théophile de Pompery collabora à un journal républicain, le Phare de la Loire, qu'il devint conseiller général du Faou et président du Comice agricole? Ne lisons-nous pas sous la plume du comte de Gourcy que "MM de Pompery sont parvenus à transformer les pauvres fermiers Bas-bretons en excellents cultivateurs, ayant adopté un assolement alterné", qu'ils sont parvenus à réunir au Comice du Faou jusqu'à soixante juments, qu'ils prodiguent à ces braves gens des leçons d'agriculture en breton, "saisissant toutes les occasions pour instruire ces bons bretons" avec le même zéle, les mêmes convictions que Homais pour chasser les mendiants de sa commune et redresser les pieds-bots,pardon, les "strephopodes". 


 5)° Pierres de construction, placées à l'intérieur de l'église, mur Ouest.


 .rosnoen 3025c

rosnoen 3022c

  

Je déchiffre : M.I.BOULART RECTr / 1674

                   V:& D : MIre F ;LUGVERN Rr ; MIres I. BAUGUION I; CREVEN ; CURES

ce qui se traduit simplement par Messire I. Boulart, recteur, 1674.

  Les lettres V&D en début de la deuxiéme inscription m'aurait dérouté si je ne les avais pas rencontré sur la chaire à précher de Locronan (voir cet article), avec le sens VEN. ET DISC., et si je n'avais pas reconnu dans cette abréviation la formule courante "vénérable et discret" qui précède couramment la mention de noms des membres du clergé, curés, vicaires ou recteurs. Nous lisons donc Vénérable et discret Messire F. Luguern, Recteur : Messires I. Bauguion  I. Creven, curés.

  Le forum Les généalogistes du Finistère mentionnent dans l'ascendance de Marie Guermeur son oncle François Luguern, né le 19-12-1662 à Rosnoën de Tanguy Luguern et Marie Mallegol, recteur à Rosnoën et décédé le 16-04-1732. Notons que ses parrain et marraine étaient François et Catherine Le Veyer, patronyme que nous venons de rencontrer comme Seigneurs du Parc.

Le même fil de discussion mentionne Jean Creven, prêtre à Rosnoën puis recteur à Sizun, fils de Françoise Mallegol et Charles Creven (mariées en 1630).

 Un Bulletin diocésain d'histoire de 1907 mentionne "Jan Bauguion curé de Rosnoên 1685-1717".


 5°) Le titulus du rétable 

           rosnoen 3028c  

Le retable architecturé du maître-autel date de 1713 ; il serait l'oeuvre du menuisier et sculpteur Pierre Costiou, du Faou. Sous le regard et la bénédiction de Dieu le Père, assisté de son fidèle Saint-Esprit, deux niches latèrales reçoivent les sattues de Saint Audoën et d'un apôtre. La niche sud est surmontée de l'inscription Mãr, le titulus valant sans-doute abréviation pour Maria.

II. Autres curiosités. 

1°) Statue de Saint Roch.

rosnoen 3017c

Statue de bois recouvert de peinture polychrome et doré, du XVIIè, représentant Saint Roch, bourdon à la main, bourse à la ceinture, montrant le bubon de peste de sa cuisse droite tandis qu'un chien lui apporte dans sa gueule un pain. 

   C'est l'iconographie traditionnelle de ce saint qui aurait vécu de 1340 à 1379 , ce Roch de Montpellier dont l'hagiographie raconte qu'après avoir distribué ses biens aux pauvres, il partit en pélerinage à Rome et soigna, grace aux connaissances acquises à la célèbre École de médecine de Montpellier et à l'usage de la lancette (bistouri), les "bubons" ou ganglions infectés de la peste bubonique. Rappellons que la Peste Noire a sévit en Europe de 1347 à 1352 en frappant trois à cinq personnes sur dix.

  Le bon Saint Roch finit par attraper la maladie, et se retira dans une forêt pour ne contaminer personne, secouru par un chien miraculeux qui dérobait pour lui un morceau de pain à la table de son maître : on le nomma Roquet, ou Saint Roquet, et c'est l'origine de notre "roquet".

  Le culte de Saint Roch est extrémement répandu dans le monde entier : patron des pélerins, des chirurgiens, des apothicaires, des tailleurs de pierre et de nombreuses confréries ou corporations, il fut invoqué contre toutes les épidémies, qu'elles frappent l'homme comme le bétail, ou la vigne. 

  La peste a atteint la Bretagne, où elle fut signalée à Quimper en 1348, 1412, 1480, 1533, 1564 et 1565, 1586, 1594 et 1595, 1636,1757 et 1758, mais aussi à Plougastel-daoulas en 1598 et à Pluescat et Cleder en 1627 et 1628 (source : Wikipédia): c'est dire que la protection de Saint Roch pouvait être sollicitée en Finistère au XVIe et XVIIe siècles.

  

2°) Statue de Saint Audoën

rosnoen 3032c

3°) statue géminée de Roland Doré :

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rosnoen 3044c

 

   Elle provient du calvaire de Rosnoën démantelé en 1895 et a été sculptée par le maître sculpteur de Landerneau Roland Doré en 1644 ; elle est actuellement placé à l'est du chevet de l'église où elle encadre, avec une pieta et une autre statue, le monument aux morts. Elle est en kersantite, et représente une sainte femme et un saint évêque bénissant. J'admire le drapé de la sainte, et le témoignage qu'il apporte sur le vêtement du XVIIe.

4°) les gargouilles coté est.

 

rosnoen 3038c

rosnoen 3040c

 

5°) Le Porche sud : Saint Yves ?

 

rosnoen 3057c

  Au sommet du pignon se trouve cette tête d'un homme moustachu, coiffée d'un bonnet.

rosnoen 3098

   Rien n'indique qui est ici représenté, mais je propose d'y reconnaître Saint Yves en rapprochant ces traits d'autres représentations du saint : 

Ainsi à Guimiliau on trouve une statue en pierre du saint moustachu, également coiffé du bonnet carré et tenant à la main une bourse:

DSCN0378c

A l'interieur de l'église de Guimiliau la statue de bois le montre en robe d'avocat sur la soutane, tenant en main des rôles de proces et de l'autre la barrette, comme surpris en pleine plaidoirie: et là encore, la lèvre supérieure s'orne d'une moustache qui semble, avec la bourse, la barrette, la sacoche et la robe d'avocat, appartenir à la liste des attributs du saint.

DSCN0406c

 

6°) Porche sud :La statue de Saint Rosnoën :

c'est un monolithe de pierre de kersanton qui, selon l'inventaire général du patrimoine culturel a été sculptée en milieu du 16e siécle par Bastien et Henri Prigent, auteurs de plusieurs calvaires.

rosnoen 3101

7°)  Le cadran solaire du clocher :

Ce cadran d'ardoise est en mauvais état et la partie supérieure du motif gravé est partiellement effacée. J'y discerne pourtant une date (16..) et le dessin dédoublé d'un animal dressé dont les pattes antérieures maintiennent un cadre.

 

rosnoen 3094

rosnoen 3096cc

  Ce cadran ressemble à d'autres, qui sont beaucoup mieux conservés et qui aident à interpréter le motif de Rosnoën:

Cadran solaire du clocher d'Irvillac :

irvillac 3217c

Cadran solaire de Landerneau :


landerneau 3233

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Published by jean-yves cordier
1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 19:11

  Lieu : Locronan et Briec sur Odet

  Date : 1er novembre midi:

                     Harmonia axyridis la coccinelle asiatique sur Finistère

   L'année dernière, je ne l'avais observée que lors d'un déplacement en Normandie(*), mais cette annèe c'est bien dans le Finistère, et plus exactement sur le mot Finistère d'un panneau touristique décrivant l'Église Saint-Pierre de Briec-sur-Odet que je l'ai observé, un peu après avoir partagé avec une autre, une miette de ma part de far breton lors de mon pique-nique à Locronan.

(*) : rencontre Asie-Californie : la coccinelle et la punaise.

 

coccinelle-asiatique 3998

 

 

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Published by jean-yves cordier
21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 11:31

 

Petite étude épigraphique de l'Annonciation d' Ambrogio Lorenzetti.

 

 

    Faut-il tout dire, tout écrire, tout prononcer tout expliciter ou tout montrer? J'aime les signes muets, les détails énigmatiques qu'un artiste place dans son oeuvre, et dont la découverte réveille les joies de retrouvailles secrètes. Ainsi du tilde, ou titulus.

I. Le titulus

 -a) le titulus latin

  C'est au départ un écriteau, dont le nom latin qui signifie "marque, inscription" a donné en français title ( "signe abréviatif" , Huon de Beauvais, au XIIIème siècle) puis "titre". dans le monde latin ce titulus désignait autant une affiche portant  la mention "à vendre" placardée sur une maison, ou ce panonceau que les légionnaires défilant en retour de campagne portent au bout d'un long bâton pour y inscrire le nom des villes qu'ils ont vaincu, ou une étiquette sur une bouteille, une enseigne de magasin, ou encore un écriteau pendu au cou des esclaves à vendre.

-b) le Titulus Crucis.

  Dans l'antiquité, le titulus, c'est aussi un insigne infamant servant à indiquer les crimes commis par un condamné et que celui-ci doit porter à son cou, avant qu'il ne soit fixé au dessus du poteau de justice au dessus de sa tête.

  Selon l'évangile de Jean (Jn,19,19), lorsque Ponce-Pilate condamna Jésus à la crucifixion, il dicta l'intitulé du titulus afin qu'il porte en latin, en hébreu et en grec  ceci: IESVS NAZARENVS REX IUDAEORVM, "Jésus de Nazareth Roi des juifs", dont les initiales composent le fameux INRI retrouvé sur toutes les représentations de la crucifixion.  Ce panneau, dont la relique est toujours conservée à Rome à la Basilique Ste Croix de Jérusalem sous forme d'une planche de noyer datant du 1er siècle, ou du XIème siècle, est connu sous le nom de Titulus Crucis.

-c) le titulus palèographique

  C'est un signe tracé au dessus d'une lettre (trait suscrit) pour indiquer l'omission d'une autre lettre dans les textes latins sous forme d'un simple trait droit puis ondulé. Son usage comme marque abréviative est très répandu dans les manuscrits occidentaux, sans-doute pour économiser la place sur les parchemins onéreux, pour économiser le labeur du copiste, ou par ces abréviations devenues si courantes qu'elles deviennent automatiques. Ainsi bõ signifie bon, 

-d) le tilde

Sous le nom de tilde, d'origine castillane (proche de notre title), on  retrouve le titulus dans les premiers livres imprimés ou incunables, mais aussi jusqu'au XVIIIème siècle dans les éditions courante.

  En Espagne, il devient le signe de la suspension, ou omission abréviative, d' une consonne n altérée, sous forme désormais toujours ondulée de ñ.

   C'est ce tilde qu'il est amusant de chercher, en compagnie d'autres symboles abréviatifs ou typographiques, dans les vieux ouvrages, dans les inscriptions lapidaires, ou sur les tableaux de nos musées, aiguisant le plaisir de déchiffrer les textes abscons, ou procurant le plaisir des retrouvailles avec un signe crypté.

II. L'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti.

  Ambrogio Lorenzetti (1290-1348) est un peintre siennois comme son frère ainé Pietro. Il peignit en 1344 un tableau de 122cm x120 destiné à l'Ufficio della Gabella de Sienne représentant une annonciation, qui fut placé dans la salle du consistoire du Palazzo Pubblico, avant de rejoindre les collections de la Pinacoteca Nazionale, où il est visible et où je l'ai photographié après acquittement d'une gabelle imposée sur les appareils photo...

  Le thème de l'Annonciation est une illustration du début de l'Évangile de St Luc, 1, 26-38. Le tableau est donc la mise en image d'un texte sacré, mais aussi l'animation et la représentation de ce texte lui-même, dans sa version latine. L'introduction d'inscriptions et de lettres dans un tableau ne débute à Sienne que vers 1300, et cette Annonciation est un exemple particulièrement remarquable de cette introduction de l'épigraphie dans l'image.


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   Le tableau est construit selon des axes qui sont ceux des paroles de trois protagonistes : Gabriel, l'ange ; Marie, la Vierge ; et Dieu , au sommet et au centre.


Sans titannonciation lorenzetti

 

  La parole du bon-messager (eu-vangelos) part de sa bouche pour atteindre la gorge de Marie. Elle vient alors entourer en auréole la tête de la jeune femme. La réponse de Marie monte vers l'interlocuteur divin. La parole de Dieu devient alors efficiente sous forme d'une colonne verticale et posée au sol, colonne qui représente le Christ selon un symbole connu de tous, columna est Christus.

  En même temps, cette parole devient fécondatrice par l'intermédiaire de la colombe (peu visible) de l'Esprit Saint qui , issue des Cieux,s'envole selon un axe qui va aboutir à l'oreille de la Vierge, puisque c'est par l'oreille, "per aurem, non per uterum", selon l'hymne de St Ephrem de 373 ou selon St Augustin que la parole de Dieu entra.

  L'ange Gabriel désigne celui qui l'envoie par un geste du pouce que Daniel Arasse a nommé "le geste de l'auto-stoppeur" ( Histoires de peintures,Denoël, 2004) .

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Allons maintenant chercher les titulus : ils sont, ici, particulièrement soignés, avec un graphisme élaboré : voici le à :


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revenons au texte évangélique: 

28 : L'ange entra chez elle et dit: je te salue, toi à qui une grâce a été faite ; le seigneur est avec toi  Et ingressus ad eam dixit: "Ave, gratia plena, Dominus tecum benedicta tu in mulieribus

29 : Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.

  

  Ce sont les paroles de l'ange qui sont inscrites en lettres d'or dans l'auréole qui ceint la tête de la Vierge : AVE MARIA GRATIA PLENA DOMINUS TECUM. La lettre finale  S de DOMINUS est placée en hauteur sous la forme réduite d'un signe particulier.  C'est  notre première trouvaille.

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30 L'ange lui dit : ne crains point, Marie, car tu as trouvé grâce devant Dieu.

31 Et voici : tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus.

32 Il sera grand et appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père

33 Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin

34 Marie dit à l'ange : comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme?

35 L'ange lui répondit : le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu

36 Voici, Elisabeth a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et elle qui était appelée stérile est dans son sixième mois

37 car rien n'est impossible à Dieu / quia non erit inpossibile apud Deum omne verbum

 C'est cette phrase qui court entre les lèvres de l'ange et la gorge, ou le haut de la poitrine de la Vierge qui croise ses mains sous cet impact dans un geste où se mêle l'effroi ou le bouleversement de l'émotion et l'acceptation du "fiat". Cette phrase passe sous la palme de l'archange puis sous la colonne christique. C'est elle qui présente un titulus sur le i de IMPOSSIBILE, pour signaler l'omission du M (en réalité du N, car en latin on écrit inpossibile).

 

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  De l'autre coté de la colonne, du coté marial, nous trouvons un titulus ou tilde sur le V de DEVM pour signaler l'omission du M. 

  Un autre Titulus signale l'omission du MN du OMNE.

  Enfin un autre signe abréviatif (**) vient remplacer les deux lettres ER du mot VERBUM.

On voit donc que l'usage du titulus est parfaitement conforme à l'usage et n'est employé que pour signaler l'omission des lettres M ou N.

 

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Errata sur l'image : la référence évangélique est Luc, 1 : 37

 

 Nous reprenons notre lecture :

38 Marie dit : Je suis la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon ta parole. Et l'ange la quitta. Dixit autem Maria ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum et discessit ab illa angelus.

Là encore, les paroles sacrées sont creusées par le signe du retrait, du vide par omission des consonnes nasales, tant pour le mot ANCILLA écrit ÃCILLA que pour celui de DOMINI qui est écrit DÑI. 

On aperçoit le Saint Esprit qui se dépêche de voler à l'oreille de Marie.


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Errata : la référence évangélique est Luc, 1 :38

  On aura compris que cet article se situe dans l' impulsion du livre de Daniel Arasse sur l'étude des détails en peinture. Revenons alors sur le visage de la Vierge :

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  On y remarque une boucle d'oreille. Pendant tout le Moyen-Âge, et longtemps après encore dans la société catholique, le port d'une boucle était réservé aux parias, aux marins, ... et il figure ici comme un signe de la judéité de Marie, un signe distinctif dont le port était imposé aux femmes juives de l'Italie médiévale avant le port du cercle puis de l'étoile : dans l'iconographie médiévale, la représentation d'un sujet portant une boucle est exceptionnelle, et toujours significative, retrouvée ainsi à l'oreille de Balthazar*, le roi mage qui offre la myrrhe et qui est noir, ou bien à celle des bourreaux du Christ, comme sur cette Déposition de Giovanni Antonio Bazzi dit El Sodoma, que l'on admire aussi à la Pinacothèque de Sienne. Porter une boucle est alors considéré comme une transgression à la règle qui veut qu'on respecte l'intégrité du corps, tout comme l'on interdisait les dissections.

 *  Les vitraux de l'église des Iffs ( seconde partie : les chapelles).

  Le "méchant" porte non seulement la boucle, mais aussi la barbe tirant sur le roux et les vêtements "mi-parti" aux culottes à "crevés", cumulant tous les signes d'infamie ou de nature satanique: tout le contraire des personnages habillés de vêtements unis, comme la Vierge, Sainte Cleophas et Sainte Marie-Madeleine au premier plan. La société médiévale considère l'uni comme signe du pur, donc du bon et du divin, et le bariolé, le fragmenté, le rayé, ou le mélangé comme signe du maléfique. 


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   Conclusion

Toute oeuvre d'art est une Annonciation, qui révèle au spectateur les capacités créatrices qui sommeillaient en lui et féconde son imagination. Mais si c'est "par l'oreille" que l'oeuvre fera son travail, ce ne sera pas par les évidences criantes, mais par les tildes, les vides, par les creux, les manques, par les silences et les omissions qui ouvriront des espaces pour le possible à venir.

   Chut : un ange passe!

 

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Published by jean-yves cordier
16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 19:42

Lieu : Camaret

Date : 16 octobre 2011

 

                    Le bal des Pouce-pieds Pollicipes pollicipes  (Gmelin,1789) .

 

   Sont-ce des tableaux de Dubuffet ?

Des calissons d'Aix à la framboise ?

Un vitrail au plomb de Tiffany ?

Une colonie  de macareux ?

Sont-ce des becs d'huîtrie-pie ?

 Des gants et dès à coudre de sorcière ?

 

 

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Et au fond des mares, anémone s' étire après la longue sièste de la marèe basse.

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Merci à Michel David, président de la section locale de Bretagne Vivante, de m'avoir si gentiment indiqué ce site.

 

 

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Published by jean-yves cordier
10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 09:51

                                                                                       En minuscule hommage à l'immense travail de Louis Chauris : nous ne parcourons si facilement  les voies de la connaissance géologique locale que parce qu'il en a pavé l'accès de toutes ses publications.

 

Date : 9 octobre 2011.

Lieu : de la Mairie de Brest au Port de commerce.

Objet : 1) identifier les minéraux utilisés pour l'édification des batiments des rues de Brest, sous la conduite d'Armel Menez (Maison des Minéraux de Crozon), puis renseigner le site Géodiversité.net des photographies prises à cette occasion.

             2) pour les profanes comme moi, découvrir le B.A BA. de la géologie.

 

           Une sortie géologique dans les rues de Brest.

 

  I. Nous démarrons notre circuit sur le parvis de la Mairie, Place de la Liberté pour découvrir le Granit de Huelgoat.

  L'Hotel de Ville ferme la Place qui occupe l'intersection entre la rue de Siam et l'avenue Clémenceau. Les bâtiments d' Etats ( Mairie, Poste en contre-bas) sont parés de granit, tout comme les immeubles monumentaux de la place qui participent, par la stricte organisation verticale  de leur architecture, à un style classique ou Haussmannien.

   Examinons, par exemple, le 29 avenue Clémenceau : cet immeuble construit en 1952 par les architectes Y. Frances et M. Philippe dans le cadre du projet de reconstruction de Brest par Jean-Baptiste Mathon dispose les arcades de son rez-de-chaussée comme les premiers éléments d'une verticalité ternaire rythmée aux étages par  les travées des fenêtres, les trumeaux de granit et par des pilastres raccourcis proportionnellement à l'étage qu'ils décorent ("étage attique").

  La couleur de la facade, gris-bleuté, est dû au parement en granit de Huelgoat.

 

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Huelgoat

Huelgoat ! On connaît cette commune au coeur du Parc de l'Armorique, dans l'ancienne forêt de Brocéliande, et le vallon de la Rivière d'Argent où l'arène granitique a dégagé d'énormes blocs de granit, en un Chaos comparable à celui de Fontainebleau où les promeneurs viennent songer, devant les roches vénérables, aux vers de Victor Ségalen qui y trouva la mort le 21 mai 1919 , son Hamlet à la main:

 

Pierre cachée dans les broussailles, mangée de limon, profanée de fientes, assaillie par les vers et les mouches, inconnue de ceux qui vont vite, méprisée de qui s'arrête là,

Pierre élevée à l'honneur de ce Modèle des Sages, que le Prince fit chercher partout sur la foi d'un rêve, mais qu'on ne découvrit nulle part

                                 Table de sagesse, Stéles, Victor Ségalen, 1912.

 

     C'est ce granit des blocs moussus et chenus du vallon du Fao qui a été exploité depuis des siècles par des "piker mein", des carriers souvent italiens dans de nombreuses carrières: en 1930, ils étaient 150 à travailler sur la commune.

 

 Le granit de Huelgoat.

  Encore nommé "bleu cristallin", c'est le nom commercial d'une roche (le granite des géologues mais la forme granitest admise) magmatique plutonique datant de l'ére primaire, formée comme tous les granites de quartz, de micas (noir :biotite, ou blanc : muscovite), de feldspath potassique et de plagioclases, une roche grenue comme l'origine italienne de son nom l'indique (granito = grenue). Celui-ci est à grains moyens et gros, gris clair à gris bleu foncé ponctué de taches noires cristallines par amas de biotite. Surtout, c'est un granit  à cordièrite,qui renferme des cristaux ou inclusion de cordiérite., caractérisée par sa propriété de changer de couleur selon l'angle sous lequel on l'observe par transparence, ou polychroïsme.

  En 1809, l' ingénieur et minéralogiste Louis Cordier (1777-1801) avait nommé cette espèce minérale la dichroïte ("deux couleurs") avant que Lucas ne la découvre en 1813 et lui donne son nom  de cordièrite. Aucune espèce minérale ne présente un polychroïsme aussi fort, un trichromisme bleu/jaune/violet qui l'a fait aussi nommer lolite, ou "couleur de la violette". Taillée, c'est une gemme bleu profond sous un angle, gris bleu sous d'autres, bleu brunâtre, jaunâtre presque transparent qui fait rêver aux beaux regards de certains yeux changeant comme le ciel breton.

 

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  La façade de la Poste doit son aspect au même granit de Huelgoat : la pierre y est bouchardée de différentes manières.

  La boucharde de granitier  est un outil de tailleur de pierre sans percuteur externe utilisé pour dégrossir la surface d'un bloc. ce marteau de fer acéré est équipé sur les deux cotés de sa tête de dents pyramidales dites en pointes de diamant, dont le nombre peut aller de 25 à 36 ou 64 pointes pour dégrossir du plus gros au plus fin avant le polissage par le "martin" abrasif. La boucharde moderne disposent de têtes amovibles par plaquettes interchangeables munies de dents au carbure.

  

 

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II. L'Église Saint Louis et la Pierre de Logonna.

 

 

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  L'église Saint Louis ( 1955-57) a été le plus grand sanctuaire reconstruit après la guerre, dans un style résolument moderne, sans autre référence à la Bretagne (elle s'inspire des églises suisses du XXème siècle) ...que le parement en pierre de Logonna dont l' éclat jaune contraste avec les travées de béton. Lorsqu'on s'approche, on découvre la beauté de cette chaude pierre ocre due des cernes subconcentriques d'hydroxyde de fer décorent de lignes sépia.

      Cette alternance du béton gris avec la pierre blonde répond à celle, homologue, de l'abbaye de Landevennec, ou de l'opposition granit de Kersanton/pierre de Logonna de l'Église  Saint-Sauveur, au Faou ou de la chapelle de Rocamadour sur le sillon de Camaret,  de l'autre coté du Goulet.

 

Église Saint-Sauveur, le Faou, 11 10 2011

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    Façade Église Saint-Louis, pierre de Logonna:

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   Ces dessins, qui peuvent évoquer les gravures mégalithiques, ou les cernes d' arbres fossiles, sont le résultat de la percolation d'eaux ferrugineuses à travers un granite très fissuré, pendant l'ère tertiaire sous un climat tropical humide.     

     La pierre est, géologiquement parlant, un microgranite dit microdiorite quartzique du Roz, une roche magmatique ni tout-à-fait plutonique (profonde) comme le granite, ni tout-à-fait volcanique (superficielle) comme le basalte, mais intermédiaire, et de semi-profondeur(une dizaine de kilomètres de profondeur), microgrenue et non plus grenue car ayant cristallisée rapidement par injection dans une paroi froide.  Sous forme de magma plus ou moins fluide, elle est venue s'infiltrer à travers les schistes noirs de la Rade de Brest, des roches sédimentaires du Dévonien supérieur, sous forme de filons ou lentilles répondant parfois au joli terme de "crotules".  Cette roche est ponctuée de petits trous, dus à une altération superficielle des petits micas.

 

      Ses gisements se situent sur la commune de Logonna-Daoulas et sont exploités depuis le XVIème siècle, tant en la carrière ou "pierrière" du Roz (toujours active) qu'en celle de Sainte-Marguerite. Ce matériau très apprécié pour la facilité de sa taille et pour sa résistance à l' érosion a bénéficié du réseau fluvial de la rade de Brest par gabarres pour de diffuser comme pierre de construction là où le granit était plus difficilement disponible, sur un périmètre d'une quarantaine de kilomètres jusqu'au Conquet , à Crozon, Chateaulin ou Landerneau. Actuellement, la pierre de Logonna est utilisée en ornement de façade, de cheminée ou en pavement, à moins d'être broyée et mélangée à des résines pour réaliser des éviers.

 

  Je peux admirer en parcourant la façade de l'église une véritable exposition de ces sortes de chromatogrammes naturels de sels ferrugineux.

 

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   Allez-y, l'entrée est libre, et il reste encore des centaines de tableaux à déchiffrer, certains calligraphiés comme par une écriture arabe :

 

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III. La Place Wilson  et les galets de quartzite.

  

   Cette décoration qui entoure le kiosque est réalisée en jouant sur les différences de coloration des galets de la Rade selon qu'ils soient oxydés (rouges) ou non ( clairs).

  

 

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   S'il existe trois formes de cordons de galets (cordon de barrage, fixé à la terre des deux cotés ; cordon adossé, plaqué contre les falaises ; "flèches", avec une pointe libre ), la rade de Brest est particulièrement riche en formations littorales de type flèches de galets, appelées en toponymie "ero", "ero vili", bili étant le pluriel de "bilienn", galet en breton. Ces galets proviennent de l'érosion de falaises composées d'un matériel meuble, le "head", ou de l'érosion des schistes, puis les courants de marée ou de vidange d'étangs modèlent la flèche de galet.

  La plupart de ces formations se "démantèlent", notamment depuis 200 ans sous l'effet de facteurs naturels, accrus par l'exploitation par l'homme des galets, ou par les travaux effectués.

 

IV Les pavés de l'île Longue  : caniveau, Place Wilson. Encore du microgranite.

 

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Jadis, les rues principales de Brest étaient pavées afin de mieux résister au piétinement et surtout au roulage des attelages que le simple empierrement responsable d'ornières et de beaucoup de poussières. Le pavage a trouvé un réemploi partiel en bord d'asphalte, pour les caniveaux.

   Les pavés peuvent être en granite ( de l'île Longue), en grès et quartzite ( les pavés en grés rose d'Erquy), mais à Brest , ou autour de la Rade dans les petits ports, ils sont en microgranite de l' Île Longue, autrefois nommé "porphyre" en raison de sa couleur gris-bleuté à beige.

   Ce microgranite se caractérise par son grain très fin au sein duquel se distinguent à l'oeil nu des feldspaths blanchâtres. Il voisine le microgranite de Rostellec, gris très clair nommé "eurite de Rostellec". Ces gisements coïncident avec des pointements microgranitiques dans des schistes dévoniens à l'époque hercynienne, puis l'érosion des schistes tendres a dégagé des "monadocks insulaires".

  Le gisement de l'île Longue voisine avec ceux des îles de Trébéron et de l' Ile des Morts, qui procurent plutôt des moellons.

C'est une pierre dure, très dure, difficile à façonner, les carriers débitant à la masse avec le tranchant d'un marteau les blocs, puis dressant une tête rectangulaire, se hasardant à démaigrir les cotés au risque de briser leur pavé. Heureusement, les nombreuses fissures naturelles du gisement, les diaclases, facilitent l'abattage.

   Elle est d'un grain si fin que le passage répété des roues la polissait comme du marbre et la rendait dangereusement glissante.

 Ces pavés proviennent des carrières de l'île Longue (qui n'est guère qu'une presqu'île) dont les gisements sont exploités depuis plusieurs siècles ; en 1862, on comptait 25 "pierrières", sans-doute un record mais il en restait 12 en 1926. Les forçats du bagne de Brest y ont travaillé sur les carrières que possédait la Marine. Les pavés étaient transportés par mer vers Brest ou vers les chantiers littoraux.

  ( lire : Les carrières de pavés à  l'île Longue, Louis Chauris, Avel Gornog n°4, 1996 etNouvelles observations sur le microgranit de l'île Longue,Avel Gornog n° 18, 2010.)

 

  On les retrouve encore le long des quais ou des cales, comme ici, au Faou, contenus par les dalles de granit :

 

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Le Faou : la cale                                                                              La Faou, le quai.

 

Un pavé au Faou : la roche, gris-bleu au départ, devient jaunâtre par oxydation graduelle du fer:

 

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  A Brest, les travaux d'aménagement de la Place de la Liberté ont mis à jour la demi-lune de Landerneau et la Porte Saint-Louis des anciens Glacis : on peut y voir le granit de l'Aber-ildut voisiner avec les pavés de l' Île Longue :


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V. La rue Traverse (1) le Kersanton .

  Au 5 de la rue Traverse, l'attention est attirée par un bâtiment au fronton ornée d'un dauphin (ou est-ce un triton?) :

Cette sculpture de facture récente est, nous précise Armel Menez, en pierre de Kersanton. Un motif similaire se retrouve sculpté sur la face principale du Monument Américain du Cours Dajot.

 

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La kersantite.

On lit souvent que c’est la seule roche au monde dont l’origine est un toponyme breton : kersanton en Loperhet, mais c'est oublier la sizunite, décrite par J. Cogné en 1962 au sud du Cap Sizun. Dans les deux cas, ce sont des lamprozytesreconnaisables à leur couleur sombre (roches mélanocrates ou mésocrates), tout comme la minette et la vogèsite, et j'adore entendre tous ces noms. Le Kersanton, c'est encore un microgranite formé il y a 280 millions d'années après avoir fait irruption à travers les schistes dévoniens en une vingtaine de filons, dont celui situé sur le lieu-dit éponyme, sur la rive droite de la Rivière de Daoulas.

 

Il y a quatre variètés de kersanton (L. Chauris) :

- le facies de kersanton au sens strict, du village de " kerzanton" en Loperhet, à gros grains noir-verdâtre avec énormément de paillettes de mica. Il a été exploité en cet endroit dès le XVème siècle et à proximité au XXème siècle, à Kerzanfloch, par l’entreprise Donnard. C'est le plus tendre, il se taille facilement mais c’est le seul kersanton qui ne résiste pas aux atteintes du temps.

- le facies de Rosmorduc ( Logonna-Daoulas), gris foncé à noir à grain très fin, mais très dur. C’est le kersanton par excellence, le plus beau, celui qu'emploient les artistes de la statuaire et des calvaires bretons, Roland Doré ou Yves Hernot. 

-le facies de la Pointe du Château (Logonna-Daoulas), d’un gris-bleuté et d’une dureté extraordinaire. Il n’a presque jamais été utilisé pour le statuaire.

- le facies du Rhun (l’Hôpital-Camfrout), gris-bleu à gris-vert, de grain moyen, le plus ordinaire. Il est de bonne tenue à l' altération et a été largement exploité.

 

Il est exploité depuis le douzième siècle (Abbaye de Daoulas).

 

  Gargouille de kersantite, Eglise Saint-Sauveur, le Faou.

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   VI Le granit de l'Aber Ildut rue Traverse.


 

Là encore, c'est Louis Chauris l'auteur incontournable :

http://lanildut.pagesperso-orange.fr/histoire/LanSource018.html


Ce granit bien connu se distingue par l'abondance des feldspaths roses potassiques ("orthoses") dont la taille peut atteindre 5 cm, sur un fond à grain moyen  contenant :

- un deuxième feldspath blanchâtre calco-sodique

- un quartz gris dit "gros sel",

- de nombreuses paillettes de mica  noi (biotite).

  Il n'est vieux que de 300 millions d'années, c'est donc un petit jeune à coté de la plupart des granits qui soufflent tous les ans une bougie supplémentaire de leurs 2 milliards d'années. Il provient d'un gisement de 11 km sur 13, autour de lannildut incluant les communes de Pouarzel Breles, Lanrivoaré ou Porspoder.

  Ce "granit porphyroïde rose" ( porphyroïde : contenant de gros cristaux, comme le vrai porphyre) est apprécié depuis toujours, et 16 menhirs, dont celui de 10 mètres à Kerloas, témoignent encore, entre Porspoder et Lanildut, de l'attrait de cette pierre, que les diaclases scindent en monolithes  de grande taille, pour les hommes de la civilisation mégalithique. A l'age de Fer, ce sont des stèles de taille plus modeste (encore jusqu'à 4 mètres néanmoins) qui sont réalisés dans cette pierre, à Locmaria-Plouzané ou à Plouzané par exemple. Si les gros cristaux ne permettent pas de l'utiliser dans la statuaire, sa résistance à l'érosion, l'excellent poli qu'il permet, son aptitude à la taille, la facilité de le transporter à partir de lieux d'extraction situés sur les rives maritimes de l'Ildut ou sur la côte (île Melon), et la beauté du contraste entre les fruits confits roses et le fond sombre l'ont fait choisir en architecture de chapelles ou d'églises (Saint-Martin à Brest), de forts, de phares, d'ouvrages d'art, de voierie, et de demeures privées.


Il y est utilisé en pierre de façade sur un immeuble situé en face de la Bibliothèque :

 

 

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   On le trouve aussi dans les rues en bordure de trottoir :


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 En descendant la rue Traverse  vers le cours d'Ajot, on la trouve encore sous forme de bornes sculptées d'une ancre, ou en dalles pour la chaussée ; certaines pierres sont affligées d'un gros "crapaud", une inclusion sombre de plagioclastes et de biotites qui n'était pas obligatoirement considérée comme un défaut par les carriers, et ne dévaluait pas l'ouvrage, à la différence des "crapauds" des pierres prècieuses:


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Louis Chauris nous précise que ces "crapauds" se trouvent parfois sur le terrain "en véritables essaims (le Mazou, côte ouest de l'île Melon) conférant alors à la roche un surprenant  effet poudingiforme". Il semble que le granite dont est fait l' escalier qui relie la rue Traverse à la rue de Denver, tout comme le parement de la maison Crosnier provienne de l'un de ces sites, tant les crapauds y abondent.


      2, rue Traverse :

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VI La Maison Crosnier 2, rue Traverse : la brique et le kersanton :

 

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  Sylvain Crosnier père (1833-1902) est venu de l'Indre et Loire pour créér à Brest avec M. Buré une entreprise spécialisée dans les travaux hydrauliques, qui rénova plusieurs bassins des ports de Brest, Lorient et Saint-Malo, réalisa 4 écluses en Mayenne, et travailla à de nombreuses propriétés privées de Bretagne. Cette entreprise Buré et Crosnier devint l'entreprise Crosnier et Fils en 1892 et oeuvra pour des particuliers.

  Son fils, François Sylvain Crosnier (1859-1950)  devint architecte en 1900, tout en procédant à l'acquisition de plusieurs terrains et maisons de rapport rue d'Aiguillon et sur le Cours Dajot. Il devint plus tard également administrateur de la Caisse d'Epargne.

  C'est lorsqu'il abandonna la profession d'entrepreneur au profit de celle d'architecte qu'il fit réaliser la Maison Crosnier au 20, rue de Denver, dans un style d'inspiration Art Nouveau qui s'appuie sur l'esthétique des courbes. Il y mêle harmonieusement le granite de l'Aber Ildut, le kersanton, la pierre de Logonna et la brique, alors que les fenêtres se décorent de motifs arrondis.

  Cette maison appartient aux sept demeures qui ont échappé aux bombardements qui ont détruit la ville de Brest en 1945.

 

granit de l'Aber Ildut + multiples"crapauds" :

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Kersanton + grille :                                            Granit de l'Aber-Ildut + fenêtre :

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Kersanton + pierre de Logonna :

DSCN9715

Kersanton + briques :

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Granit de l'Aber Ildut (et son "crapaud") + briques :

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  L'utilisation de la brique sur la façade de la maison de Sylvain Crosnier comme motif décoratif pour réaliser un contraste coloré avec la kersantite permet de découvrir le rôle économique que jouèrent les briqueteries au XVIIIème et surtout XIXéme siècle en utilisant les gisements d'argile, assez nombreux au fond des édentations du littoral de la Rade.

   A Quelern, une fabrique de briques a été prospère pendant plus d'un siècle et employa jusqu'à 80 personnes, pour approvisionner les fours ou les constructions civiles ou militaires de Brest. Cette briqueterie Kermarec active de la fin du XVIIIème jusqu'en 1866 est ensuite devenue la Villa-pension La Pagode (1903), une vaste longère prés de la caserne Sourdis, et on y voit encore des fours à brique et des fours à chaux.

    D'autres entreprises se sont développées autour de gisement d'argile, à Daoulas ou ailleurs, mais la plus connue est la Grande Briqueterie de Landerneau. Son principal approvisionnement venait de Saint Urbain : le gisement de kaolin de Kerbaol était envoyé par canalisation, sous forme fluide, jusqu'à Landerneau. Là, on mélangeait l'argile à du sable ou à du calcaire, et on remplissait des moules qui passaient au four pour réaliser des briques pleines ou creuses, mais aussi des tuiles, ou plus récemment des pots de fleurs ou de la poterie émaillée.

 

VII Le Monument Américain ; vue sur la Rade.

 

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  Ce monument était jadis en granit rose de Ploumanac'h ; nous n'avons pas su dans quel matériau il avait été reconstruit après-guerre. A défaut, nous avons contemplé la vue sur la Rade :

 

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VII : En finir avec le minéral : l'animal !

 

  Repu de mineral, je trouve enfin un être vivant : une chrysoméle : c'est comme si je me retrouvais chez moi !

 

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Published by jean-yves cordier
9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 16:11

 Date : 9 10 11                                                                                              A Carole, natur-ailement.

Lieu : l'Aber à Crozon (29), vers la Pointe de Trébéron.

 

                                        LES PÉTROGLYPHES DE L'ABER.

  

   Levons toute ambiguité : le terme pétroglyphe désigne par convention une inscription symbolique gravée sur la pierre par des hommes préhistoriques par incision ou piquetage du granit, du grés, du shiste ou de diabases, et ce n'est que par le jeu de mon imagination que j'ai pris les traces créées par les lichens, les veines minérales, l'oxydation, les fossiles, la progression de coquillages, ou les algues comme autant de hieroglyphes ou de runes, autant de préécritures que mon coeur déchiffraient parfaitement et qui venaient romprent l'obsédant et solennel silence des roches.

 

 

 

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Je frappe les dalles.

J’en éprouve la solidité.

J'en écoute la sonorité.

Je me sens ferme et satisfait.

 

J'embrasse les colonnes.

Je mesure leur jet, la portée, le nombre et la plantation.

 Je me sens clos et satisfait.

  

Me renversant, cou tendu, nuque douloureuse,

 je marche du regard sur le parvis inverse

et je sens mes épaules riches d'un lourd habit cérémonieux,

aux plis carrés, à la forte charpente.                                                      Victor Segalen, Retombées, in Stéles.

  

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                              Coeur endurci plus que la roche bise

 

Coeur endurci plus que la roche bise,
Vent aspirant pire que nord ou bise,
De grief refus tant orgueilleulx et fier,
N'est il moyen de te mollifier
Par tel façon que grace en fust acquise ?                                   Jean Marot (1423-1526)

 

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 Que ferais-je  
Si j’étais pierre et terre ? 
 
Tu l’as été  
Tu le seras          .....

 

 

 

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 ....

 

 

 

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 Aimer 
Être une pierre 
Et que ça dure. 
 
Et n’avoir rien à faire 
Que ce que font les pierres      ....

 

 

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 Comme si chaque pierre 
N’avait pas 
En elle son soleil, 
 
Celui qui te prolonge 
Dans les espaces                    ....

 

 

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    .....

 

 

 

 

 

 

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 ....

 Il suffit d’une pierre 
Pour écrire 
 
Ce que le monde 
Veut se dire 

 

                       
 Guillevic, « Quinze Galets », Relier, poèmes 1938-1996, Gallimard, 2007, p. 303-304 

  

  

 

 

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CAILLOU 
 
Viens encore une fois 
Te consacrer caillou 
 
Sur la table dans la lumière 
Qui te convient, 
 
Regardons-nous 
Comme si c’était 
Pour ne jamais finir ; 
 
Nous aurons mis dans l’air 
De la lenteur qui restera. 
 

 

       Men

 

Deu aman c'hoaz eur wech

D'en em ouestla da ven

War an daol e-kreiz ar skerijenn

 A zo diouzout,

Sellom ouzom

E-giz pa vefe

Da jom heb echui morse.

 Lakêt or-bo en êr

 Eur horregez hag a bado.

 

 

Encoches / Askennou


 Guillevic, Encoches, Éditeurs français réunis, 1971, p. 21. 

 

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  Fossile d'Orthocère, quartzite, localisé grâce à Armel Menez et à son site Geodiversité.net http://www.geodiversite.net/

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 21:30

    Histoire des noms (zoonymie) de mes papillons du Finistère IV. 

 

   Drepanidae, Lymantridae, Lasiocampidae, Arctiidae, Crambidae, Pyralidae.

 

 

• Drepanidae

   -Drepaninae:

                       Cilix glaucata

 

• Lymantridae

                 Euproctis chrysorrhea

                    Euproctis similis

                    Lymantria monacha

 

• Lasiocampidae

                     Euthrix potatoria

                     Lasiocampa trifolii

                     Trichiura crataegi

• Arctiidae

   -Lithosiinae

                       Miltochrista miniata

                       Eilema depressa

                       Eilema complana

                       Lithosia quadra

   - Arctiinae

                       Coscinia cibraria

                       Euplagia quadripunctaria

                       Spilosoma lubricipeda

                       Tyria jacobaeae

                       Diacrisia sannio

                       Epicallia villica

• Crambidae

   - Pyraustinae

                       Pyrausta purpuralis

                       Eurrypara hortulata.

                       Udea ferrugalis

 • Pyralidae

  - Pyralinae

                       Synaphe punctalis

 

DREPANIDAE

 

   Drepaninae :

 

      La Petite épine, Cilix glaucata (Scopoli, 1763) the Chinese Character.

 

Envergure : 18-22 mm,

Vole en deux générations en mai-juin puis en août ,

Alors que dans la famille des Drepanidae les chenilles échappent aux prédateurs en prenant l'aspect de'excrément d'oiseaux, ici c'est l'imago qui adopte cette stratégie et, par son aspect blanchâtre parcouru de veinage noir, ressemble à une fiente tombée du ciel sur une feuille. Mais cet aspect rebutant n'est qu'apparent, et à le considérer de près, Cilix glaucata ressemble plutôt à une porcelaine de Chine décorée d'une élégante calligraphie.

PHL : Prunellier, aubépine.

 

Zoonymie:

Cilix, Leach, 1815 in Brewster, Endinburg Encycl. 9 : 135. Cilix est  fils du roi de Phénicie Agenor et donc rien de moins que le frère de Phenix, Phynée, Cadmos, et Europe. Après que celle-ci ait réussi à se faire enlever par Zeus à force d'aller se baigner en petite tenue, son frère Cilix, soit-disant pour aller à sa recherche, partit à l'aventure et se fixa en Anatolie dans un beau pays arrosé par le fleuve Pyramos, qu'il s'appropria en le baptisant  la Cilicie. Et si tout le monde faisait pareil?

glaucata : de glaucus, bleu-gris

• nom vernaculaire La petite épine :

-  sans nom,Engramelle : suppl. pl IX fig 280 a,b,c.

- La Verdâtre, (phalena glaucata) Charles de Villers, Entomologie linnéenne, tome 2 p. 364, 1796. 

-  Platypteryx Petite Épine, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères Tome 4 (2)  p. 94 n°63, 1829  qui donne l'origine du nom : " Les supérieures, dont le sommet n'est nullement arqué, sont blanches en-dessus, avec une double rangée de lunules d'un gris bleuâtre qui longe le bord terminal, et une tache brune au milieu du bord interne, laquelle est bordée de fauve et surmontée d'une autre tache grise qui s'avance d'une manière oblique jusqu'au milieu de l'aile.Sur cette dernère tache on distingue les nervures qui ressortent en blanc et forment par leur disposition une petite branche épineuse ; d'où vient le nom de spinula (petite épine) donné à cette espèce."

   En effet l'épithète spinula a été utilisé plutôt que celui de glaucata par Hübner, Esper, Ochsenheimer, etc...

  Il se trouve que la plante-hôte de la chenille est le prunellier, prunus spinosa, l'Épine noire, alors qu'on nommait jadis petite-èpine ou épinette divers buissons épineux, aubépine, èpine-vinette,...

-

 

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LYMANTRIDAE

 

Le Bombyx Cul-brun Euproctis chrysorrhea

 

Zoonymie :

  • Euproctis

  • chrysorrhea: " de chrysos, "or" et rheo, "couler", parce que l'anus de ce lépidoptère est garni de poils ferrugineux qui, chez la femelle, se détachent et coulent, pour ainsi dire, avec les oeufs. (Godart, p. 273)

  • nom vernaculaire :

- La Phalène blanche à cul brun, Etienne-Louis Geoffroy, 1767 Hist. abr. ins. 2 p. 117 n° 20

- La Phalène blanche à cul brun, chenille à oreilles la Commune Jacques Louis Engramelle, 1779 Papillons d'Europe, tome 4, p. 95 pl. 135 n° 182.

- L' Arctie chrysorrhoe, Pierre-André Latreille, 1816 Nouv. Dict. Hist. Nat, 2, p. 444.

- L' Arctie Queue d' or, Pierre-André Latreille,1817  in : Le Règne animal par Cuvier tome 3, p. 569.

- Le Bombyx Cul-brun, Jean- Baptiste Godart, 1822 Hist. Nat. Lépidoptères, tome 4, p. 273 n° 80

 

 

 

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 Le Bombyx Cul-doré Euproctis similis;

 

Zoonymie:

  • Euproctis: cf supra

  • similis : semblable;

  • nom vernaculaire :

- La phalène blanche à cul jaune, chenille à oreilles du poirier, Jacques Louis Engramelle, 1779, Papillons d'Europe, p. 100, pl 136 n° 183.

- Arctie cul-doré, Pierre-André Latreille, 1816, Nouv. Dict. Hist. Nat. 2, p. 444. 

- Bombyx  Cul-doré, Jean-Baptiste Godart, 1822, Hist. Nat. Lépidoptères tome 4, p. 276 n° 81.

 

 

Le Bombyx Cul-noir, la Nonne, Lymantria monacha  (Linnaeus, 1758) Black Arches.

 

 

 

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LASIOCAMPIDAE

 

     La Buveuse, Euthrix potatoria (Linnaeus, 1758) the Drinker ( syn : Philudoria potatoria).

 

  Zoonymie:

Euthrix :Meigen, 1830 du grec eu-, bon, bien, et thrix, les cheveux : en raison de la belle toison dont est dotée ce papillon.

potatoria  Linné, 1758, pour, selon Emmet, l'habitude qu'a la chenille de boire l'eau de pluie ou la rosée. Voir infra.

• nom vernaculaire:

-La Buveuse, Chenille du Gramen Engramelle, 1786  Papillons d' Europe, tome 5, pl. 172 n°223. Il cite le potatoria de Linné, notre nom français est donc second par rapport au nom scientifique.

- Bombyx buveur, Godart, Hist. Nat. Lépidoptères tome 7 (2) p. 92 n° 17. Celui-ci écrit : "Godaert  [ Métamorphoses naturelles,  tome 1, page 39 Expérience XII, La Haye, 1700, 3 vol. petit in-8°.] a donné à la chenille de ce bombyx le nom de Buveuse, parce qu'il prétend avoir remarqué qu'elle est sujette à boire, et que lorsqu'elle boit, elle reprend haleine en levant la tête en haut, pour faire plus facilement dévaler  l'eau, ni plus ni moins que les poules qui après avoir bu, ne manquent jamais d'élever la tête vers le ciel." 

 

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  Le Bombyx du trèfle, lasiocampa trifolii ([Denis & Schiffermüller], 1775) , Grass Eggar.

Envergure : 40 à 55 mm

Vole d' août à septembre.

PHL: grande variété de plantes basses

Zoonymie :

  • Lasiocampa Schrank, 1802 : du grec lasios, "chevelu" et kampa, "la larve".

 • trifolii : du trèfle. Mais la chenille est polyphage.

 • nom vernaculaire : le Bombyx du trèfle, Jean-Baptiste Godart, 1822, Hist. Nat. Lépidoptères tome 4 p. 9 n° 19. Il cite en référence le zoonyme créé par Jacques Louis Engramelle en 1779 (Papillons d'Europe vol. 4, pl 176, n°226, p. 13) : "Le Petit Minime à Bande", que la postérité n'a pas retenu.

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Le Bombyx de l' aubépine, Trichiura crataegi  (Linnaeus, 1758)  the Pale Eggar.

Envergure : 25-30mm

Vole en août-septembre;

PHL : nombreux arbres et arbustes.

Zoonymie:

   • Trichiura crataegi Stephens, 1828 : du grec trix, trikhos, "le cheveu, le poil" et oura, "la queue" (comme dans ouraboros, le serpent qui se mord la queue, ou dans urodéle, pagure, graphiure...) : en raison de l' épaisse touffe anale de cette espèce.

   • crataegi : du nom scientifique de l'aubépine, l'une des plantes hôtes et la seule signalée par Linné, Systema Naturae 1758 p. 502 n° 30 sous le protonyme de Phalaena Bombyx crataegi.

   • nom vernaculaire :

- Phalène à  queue fourchue : Charles de Geer, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes 1752-1778 tome I, p. 193 & tome II(1) p. 300.

- La Queue Fourchue, chenille de l'aubépine, 1786, Jacques Louis Engramelle, p. 34 n° 235, avec ce commentaire : " De Geer les a nommées Phalènes à queue fourchue parce qu'effectivement dans le mâle les longs poils qui couvrent l'extrémité de son corps forment deux espèces de pinceaux.

- Le Bombyx de l'aubépine, 1822, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères vol 4 p. 122 n° 27.

- La Hausse-Queue Fourchue, 1866, Alfred Constant, Cat. Lépid. Saône-et-Loire p. 114.

 

Observée le 20 septembre à Crozon

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    Où on voit la queue fourchue...

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  ARCTIDAE.

 

Lithosinae :

 

L' Ecaille rosette, Miltochrista miniata  (Forster, 1771) the Rosy Footman, Rosen-Flechtenbärchen.

 

Envergure : 23-27mm.

Vole de juillet à août.

PHL : lichens des arbres.

 

Zoonymie

  • Miltochrista Hübner, 1819 : Verz. Beb. Schmett. (11) : 166 : Miltochristen, Miltochristae Le terme est construit sur le grec miltos, " terre rouge" et khristos , "oint, sacré", et se rapporte directement à l'espèce M. miniata, la seule que Hübner incluait dans ce genre, et qui se nommait alors Noctua rubicunda (Denis & Schiffermüller) ou Bombyx rosea (Fabricius).

• Miniata , Forster, 1771 , Nova Species insectorum : 75 sous le protonyme Phalaena miniata. . Il dérive du latin minius, a, um : "d'un rouge vermeil, éclatant" lié au nom commun minium, i : "minium, vermillon, cinabre", pour qualifier la coloration de ce papillon.

• nom vernaculaire:

-La Rosette, Geoffroy 1765, Hist. Ins. Paris, tome 2, p. 121  n° 25.

- La Rosette, la chenille des lichens des arbres, Engramelle, 1788 Papillons d'Europe, tome 6, p.50 n°310.

- Le Bombix (sic)  Rosette, 1790,  Olivier, Enc. Meth. p.102 n° 263.

- Callimorphe Rosette, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères tome 4 p. 383 n° 121

 

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La Lithosie ocre ou Lithosie déprimée Eilema depressa  (Esper, 1787) the Buff Footman, Nadelwald-Flechtenbärchen. 

    PHL : lichens et algues des arbres.

 

Zoonymie:

Eilema Hübner, 1819 , tiré du grec eilema, "un voile" , pour la façon qu'adoptent beaucoup d'espèces de ce genre d'enrouler leurs ailes comme un rouleau de tissu.

• depressa : déprimée au sens d'aplatie

• Nom vernaculaire:

- Lithosie : " du grec Xiôosguoç, "qui se fixe ou s'attache sur les pierres" parce qu'on en a trouvé sur des pierres couvertes de lichen ", nous dit Constant Dumeril dans Entomologie analytique, 2 : 1150, 1860. Le vocable français découle du lithosia de Fabricius, 1798 et a été introduit par P.A Latreille en 1810 comme nom de genre.

 

 

 

 

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La Lithosie aplatie ou Manteau à tête jaune Eilema complana  (Linnaeus, 1758) Scarce Footman

 

Zoonymie:

  •complana : du latin complano, niveler, mettre à plat

  •nom vernaculaire:

 - Le manteau à tête jaune, Etienne-Louis Geoffroy, 1764, Hist. abr. ins. 2, p. 191 n° 21

- Chenille du peuplier, le manteau à tête jaune, J. L. Engramelle, 1786  Papillons d'Europe, tome V  p. 37 n° 301

 

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La Lithosie quadrille, La jaune à qautre points Lithosia quadra (Linnaeus, 1758)  the Four-spotted Footman.

Zoonymie :

   • Lithosia Fabricius, 1798 : du grec lithos, la pierre, pour renvoyer aux chenilles qui se nourrissent souvent des lichens et que l'on trouve ainsi sur les roches.

   • quadra : Linné, Systema Naturae 1758 p. 511 n°84 : P. Noctua sticornis laevis, alis depressis luteis : superioribus punctis duobus atris. La description des deux points noirs sur chaque aile antérieure, et le choix du chiffre quatre pour nommer cette espèce, devait apparaître évidente pour des entomologistes qui examinaient plus souvent des spécimens de collection aux quatre ailes épinglées et aux points noirs aussi apparents que sur la face d'un dé à jouer, que pour nous qui ne voyons le plus souvent que trois points sur les papillons vivants.

   • noms vernaculaires :

- La Phalène jaune à quatre points , 1762, Etienne Louis Geoffroy, Hist. abr. ins. 2 p. 14 n° 84.

- La Jaune à quatre points, 1788, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe volume VI p. 31 n° 298.

- La Lithosie quadrille, 1824, Jean-Baptiste Godart Hist. Nat. Lépidoptères, volume V p. 13 n° 131.

 

  Crozon, 1er octobre 2011 : la femelle

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 Le mâle ; Plouzané, 5 octobre 2011 :

 

 

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Arctiinae:

 

Le Crible, Coscinia cribraria  (Linnaeus, 1758)  Speckled Footman

 

  Envergure 30-35mm

Vole de juillet à août

PHL : plantes herbacèes, Genista, Erica, Plantago,...

 

Zoonymie :

  • Coscinia Hübner, 1819 : du grec koskinon, "un crible", un tamis : en raison du motif des ailes parsemées de points noirs comme les petits trous d'une passoire.

  • cribraria : "criblé" du latin cribrarius, a, um : "passer au crible". Linné le décrit sous le protonyme Phalaena bombyx cribraria page 507, n°52 du Systema Naturae avec la description "  alis incambentibus : superioribus albis, transverse nigro punctatis".

   • nom vernaculaire

- Le Manteau à points : 1767, Geoffroy, Hist. abr. ins. tome 2, p. 190 n° 21.

- Le Crible : 1779, J.L. Engramelle, Papillons d'Europe, p. 47 n° 308.

- Lithosie Crible, 1824, J.B. Godart, Hist. Nat. Lépidoptères, tome 5 p. 26 n° 136.

 

 

 

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   Les Ecailles : zoonymie

Le nom d'Ecaille designe une ensemble de papillons de la sous-famille des arctiinae, mais appartenant à des genres différents. Un genre Ecaille / Chelonia a été fondé en 1822 par Godart, Hist. Nat. Lépidoptères 4 : 299 pour reprendre les Arcties de Latreille avec l'explication suivante : Chelonia est issu du mot grec qui signifie "écaille de tortue", "parce que les ailes de la plupart de ces nocturnes est tachée comme l'écaille des tortues. Arctie vient du grec arctos, "ourse", parce que les chenilles des espèces de ce genre sont très velues. M. Latreille adopte maintenant aussi la dénomination générique d'écaille. Elle est en effet beaucoup plus usité parmi nous, et a d'ailleurs  l'avantage d'être plus caractéristique et d'être de prononciation moins dure que le mot  arctie ".

   Mais  Godart n'est pas le créateur de ce mot, qui a été utilisé par Etienne Louis Geoffroy en 1762 dans son Histoire abrégée des insectes, 2, p. 105, sans l'expliciter, pour nommer l'écaille mouchetée, puis les espèces suivantes, écaille marbrée, martre, couleur de rose.

  Godart semble le réserver aux arctiidés aux ailes tachées de points, alors qu'il nomme callimorphe les espèces zébrées, mais ces callimorphes  seront plus tard renommées écailles, sans souci d'appartenance générique ou de ressemblance à l'écaille des tortues.

  Godart, "Le Genre Ecaille" : 1: Ecaille fermière (Villica) femelle. 2 & 3 : E. pourprée (purpurea) mâle et femelle. 4 &5 : Roussette (ruscula) mâle et femelle.

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  L' Écaille chinée, la Callimorphe Euplagia quadripunctaria (Poda, 1761) Jersey Tiger Moth.

Envergure : 42-52 mm

Vole en juillet et en août.

PHL : lamier, ortie, sauge des près, épilobe, framboisier, chévrefeuille.

Zoonymie :

    • Euplagia Hübner, 1820 : du grec eu-, "bon, beau", et plagios, "oblique", pour la belle obliquité des ailes.

   • quadripunctaria, "à quatre points", pour les deux points noirs qui apparaissent sur le fond rouge des ailes postérieures lorsque la callimorphe accepte de les dévoiler au photographe chanceux.

   • Callimorpha Latreille, 1809 : nom de genre synonyme d'où est issu le nom vernaculaire : du grec kallos, "beau", et morphe, "la forme", pour les belles formes de ces papillons.

   • noms vernaculaires:

- La phalène chinée : Etienne Louis Geoffroy, 1762, Hist. abr. ins. 2 : 145 n° 74.

  La phalène chinée : Jacques Louis Engramelle 1789, Pap. Europe , 4 : 126 n° 190.

  L'adjectif "chiné" n'est attesté, dans l' Encyclopédie, qu' en 1753, neuf ans avant son utilisation par Geoffroy, pour désigner des étoffes brodées à la manière des chinois en faisant alterner les couleurs sur le fil de chaîne pour faire apparaître un motif.

-Callimorphe Hera, Jean-Baptiste Godart, 1822, Hist. Nat. Lépidoptères 4 : 368 n° 96, qui reprend le Callimorpha Hera de Pierre André Latreille  ( gen. crust. et ins.) reprenant lui-même Phalaena hera de Linné, 1767.

 

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L' Ecaille tigrée, Ecaille de la menthe Spilosoma lubricipeda (Linnaeus, 1758) the White Ermine ou the Buff Ermine.

Envergure : 34-48 mm

Vole de mai à juillet.

PHL : diverses plantes herbacées ; Linné donne le chêne, l'atriplice, l'ortie, et beaucoup d'auteurs anciens, la menthe.

Zoonymie :

   • Spilosoma Curtis, 1825 ; du grec spilos, "le point", et soma, "le corps", en raison des points qui marquent l'abdomen des adultes.

   • lubricipeda  Linné, Systema Naturae 1758 p. 506 n° 47 sous le protonyme Phalaena bombyx lubricipeda. Duponchel donne l'origine : "de lubricus, "glissant, mobile" et pes, "pied", ainsi nommée par Goedart parce que sa chenille court avec beaucoup de vitesse", et Geoffroy disait aussi  " c'est ce qui a fait donner par d'autres celui de lievre". En effet, tant Geoffroy que Linné ont confondu, comme deux variétés de la même espèce, la Phalène-lièvre ( Engramelle, 1779) Spilosoma luteum (qui est jaunâtre, caractère qu'on attribuait aux mâles), et notre Ecaille tigrée.

   • noms vernaculaires :

- La Phalène-Tigre, 1762, Etienne Louis Geoffrroy, Hist. abr. ins. 2, p.118 n° n21. 

- La Phalène-Tigre, chenille de la menthe,, 1779, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe, vol.4, p. 161 n° 204, qui débrouille l' embrouillamini des auteurs précédents entre Ecaille lièvre, et mendiante.

- L' Ecaille de la menthe Chelonia menthastri, 1822, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères vol.4 p. 362 n° 114. Comme d'habitude, Godart ne retient pas les appellations imagées des prédecesseurs français, mais crée un nom binominal inspiré des noms scientifiques. Ici, il reprend l'épithète menthastri de Latreille (Arctia menthastri, gen. crust. et ins.), de Fabricius, Esper et Hübner (Bombyx menthastri).

- Notre appellation d'Ecaille tigrée semble récente, je la trouve utilisée en 1954 par C. Ferdinand, mais pas auparavant.

   Remarquons que les anglosaxons nomment tiger moths, ou tigers, les arctidés vivement colorés correspondant peu ou prou à nos écailles.

 

 

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L' Ecaille du Séneçon, l' écaille carmin, la Goutte de sang Tyria jacobaeae (Linnaeus, 1758) the Cinnabar.

 Envergure : 32-42 mm

Vole de mai à juillet

PHL : senecio jacobae, le séneçon.

Zoonymie :

   • Tyria Hübner, 1819 : selon A.E. Emmet, Tyria est un "grecisme" pour Tyrian. On trouve dans Wikipédia la donnée suivante :

Pourpre de Tyrian (Grec : πορφύρα, porphyra, latin : purpura), également connu sous le nom de le pourpre royal, colorant pourpre ou impérial impérial, est un colorant pourpre-rouge qui a été produit la première fois par les phéniciens antiques dans la ville du pneu.

   • jacobaea Linné, 1758, de la plante hôte nommée par Linné Jacobaea senecionis.

   • noms vernaculaires :

- La Phalène carmin du séneçon, 1762,Etienne Louis Geoffroy Hist. abr. ins. 2 : 146 n° 75. Le carmin est  un rouge vif extrait de la cochenille, quirmiz en arabe.

- Le Carmin, 1788, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe 6 :54 n° 312.

- La Callimorphe carmin,  1822, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères,4 : 377 n° 118.

- Je trouve le nom Ecaille du séneçon employé en 1888 par Maurice Maindron dans Les Papillons.

 L'emploi du zoonyme Goutte de sang semble très récent.

  Un regard outre-Manche pour signaler que le zoonyme anglo-saxon vient de cinnabaris, remède homéopathique et nom du sulfure rouge de mercure à la belle couleur

 

 

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L' Ecaille roussette, La Roussette, la Bordure ensanglantée Diacrisia sannio  (Linnaeus, 1758)  the Clouded Buff.

Envergure : 35-50 mm

Vole en juin et juillet.

PHL : bruyère,diverses plantes basses.

Zoonymie :

   • Diacrisia : Hübner, 1819 : du grec diakrisis, "séparation". D. sannio, la seule espèce du genre Diacrisia, est particulière par son dimorphisme sexuel marqué.

   • sannio : du latin sannio, onis : "bouffon, pitre, moqueur,". Le dimorphisme est tel que Linné a décrit deux espèces différentes, Bombyx Sannio ( p. 506) et Noctua russula, dont il subodore néanmoins la parenté puisqu'il écrit de cette Noctuelle rousse "qu'il serait facile de croire que les deux espèces ne différent que par le séxe tant elle ressemble au Bombyx Sannioni".

   • noms vernaculaires :

- La Bordure ensanglantée, 1762, Etienne Louis Geoffroy, Hist. abr. ins. 2 : 129 n° 39

- L' Ecaille à bordure ensanglantée, 1779, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe, 4 : 153 n° 201

- L' Ecaille roussette, 1822, Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères 4 :343 n° 106 : Godart, ou Duponchel, ne font que reprendre le nom donné par Linné en traduisant Russula par Roussette.

 

 

 

 

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 l'Ecaille fermière, l'Ecaille villageoise, Epicallia villica (Linnaeus, 1758) ou Arctia villica (Oberthür, 1911)  the Cream-spot.

Envergure 45-60 mm

Vole de mai à juillet.

PHL :diveres plantes herbacées, genêt, chevrefeuille.

Zoonymie :

   • Epicallia :

   • villica :

   • nom vernaculaire :

- l'Ecaille marbrée 1762, Etienne Louis Geoffroy, Hist. abr. ins. 2 : 106 n° 7.

- l'Ecaille marbrée, 1779, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe, 4 : 138.

 Ce zoonyme désigne actuellement Callimorpha dominula, mais c'est bien E. villica que décrivent ces deux auteurs

- l'Ecaille fermière, chelonia villica, 1822 Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidotères, 4 : 336 n° 104. Celui-ci donne la description suivante : "Le dessus des premières ailes ets d'un noir foncé et velouté, avec huit taches blanches ou d'un blanc jaunâtre, disposées ainsi qu'il suit : 1,2,2,2,1. La tache de la base est toujours à peu-près en forme de coeur, et celle de l'extrémité est surmonté d'un ou de deux points de sa couleur." Ces taches sont pourtant très variables, permettant de décrire des sous-espèces comme la brittanica d'Oberthür aux taches jaune-pâles, ou l' angelica de Boisduval aux macules jaunes confluentes.

- Le nom d' Ecaille villageoise est d'usage récent. Comme Ecaille fermière, il traduit l'épithète scientifique de Linné villica, signifiant en latin "fermière, campagnarde".

 

 

 

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CRAMBIDAE

  Pyraustinae

 

La Pyrale pourpre Pyrausta purpuralis  (Linnaeus, 1758)

Envergure 20 mm

Vole en deux générations de mai à juin, et de juillet à août

PHL : menthe, thym

Zoonymie :

  • pyrausta ( Pallas, 1771) se rapporte aux "pyraustes" dont parle Aristote ( Historia animalis, livre V, chap. 19) et Pline l'Ancien ( Histoire Naturelle, livre I, chap. 42 : Ignum animal :Pyralis, sive pyraustes et livre XI, chap. 36) et dont le nom signifie "qui ne craint pas le feu" , qui, telles les salamandres, vivent dans le feu et meurent dès qu'ils s'en éloignent.

  On trouve ce nom dans La Chanson du Mal-aimè de Guillaume Apollinaire:

  

  

Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste

  

Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertains
Te fuient ô bûcher divin qu' ornent
Des astres des fleurs du matin

   

    • purpuralis : pourpre. Décrit par Linné page 534 n° 233 sous le protonyme Phalaena Pyralis purpuralis

  • nom vernaculaire:

- Pyrale : voir infra

- Elle se nommait au XIXème siècle Botys pourpré

 

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La Pyrale de l'ortie Eurrhypara hortulata  ( Linnaeus, 1758) the Small Magpie.

Envergure : 24-28mm

Vole de juin à juillet.

PHL : orties, et autres plantes.

 

  Zoonymie

   • Eurrhypara Hübner, 1825 : des mots grecs eu-, "bon, bien" et rhuparos, dérivé de rhupos : "graisseux, gras", [et secondairement "sale, souillé, misérable"].  S'applique à l'aspect  lustré, bien ciré ou huilé des ailes.

  • nom de genre synonyme : anania

   • hortulata : je recopie Emmet, 1991 :  hortus, dim. hortulus, un jardin : Linné écrit dans sa description de 1758 (protonyme Phalaena geometra Hortulata p. 529 n° 195 ) "habitat in Urtica, hortis pomonae" ( vit sur l'ortie, dans les vergers de fruits) Linné le classe parmi les Géomètres, d'où la terminaison en -ata.

• nom vernaculaire :

- Pyrale : je copie Wikipédia, "Pyrale" ;  "Le radical pyr désigne le feu et une couleur rousse ou rougeâtre en grec.Les insectes du genre Pyrrhosoma sont également rouge vif. Ces papillons étaient réputés naître dans l'âtre, peut-être par ce qu'on les y retrouvait attirés par la lumière, ou qu'ils y passaient le jour à l'abri de la lumière solaire, ou que certaines espèces s'y échappaient de dessous les vieilles écorces des bûches, fagots ou foins qu'on jetait au feu."

- Le premier auteur qui a nommé cen français  est Etienne-Louis Geoffroy avec le zoonyme de Queue-jaune (Hist. abr. ins. tome 2, p. 136 n° 54.) e papillon

- Puis on trouve cette pyrale décrite sous le nom de La Phalène queue-jaune en 1817 ( G. Cuvier et P.A Latreille, Le régne animal, vol 2,p. 573), et, Pierre-André Latreille ayant créé le genre Botys, sous le nom de Botys queue-jaune en 1843 (Pierre Boitard, Nouv. man. compl. entom. vol 3 p. 246 ) ou de Botys de l'ortieou queue-jaune en 1863 ( Aristide Dupuis, Les Papillons, guide de l'amateur des lépidoptères, p. 186). Godart en 1823 utilise le terme de Botys de l'ortie (Hist. Nat. des Lépidoptères, tome I, p. 251), tout comme Emile Blanchard en 1868 ( Métamorphoses, p. 290).

- Le nom de Pyrale de l'ortie est donc récent, mentionné en 1988 dans "Sauvons les papillons", ed. Duculot de J. Blab et G. C. Luquet.

 

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 La Pyrale ferrugineuse Udea ferrugalis  (Hübner, 1796) Rusty Dot Pearl

Envergure : 18-22 mm

Vole de mai à décembre;

PHL : diverses plantes herbacées.

Zoonymie : 

Udea Guenée 1845 in Duponchel, Cat. méth. lépid. eur.  : 209 Il remplace les genres Botys de Treitschke et Godart, Scopula de Curtis et Margarita de Stephens et regroupe les papillons " à antennes simples dans les deux séxes, palpes aussi longs que la tête, droits, sans articles distincts, et s'allongeant en pointe aigue. Trompe grêle. Abdomen obconique. Ailes supérieures étroites, et dont l'angle apical est assez aigu. elles sont marquées de deux taches ordinaires, comme celles des noctuélites." Type : P. ferrugalis.

  Il existe un adjectif latin udus, a, um : "mouillé, arrosé".

ferrugalis : issu du nom latin ferrugo, inis, "la rouille", pour la couleur des ailes et de leurs taches.

   • noms vernaculaires :

- Botys ferrugineux, Duponchel in Godart, Hist. nat. Lépid. Fr. 8(2) : 138 n° 1003 pl. 218 fig. 7.

- Les auteurs français le désignent ensuite sous le nom scientifique de Scopula ferrugalis : Hippolyte Lucas en 1849 dans Hist. nat. anim. artic. in Exploration de l'Algèrie, ou Guenée en 1851 dans Boisduval et Guenée  Hist. nat. ins. 7 :398 n° 515.

- la Pyrale ferrugineuse : semble la reprise récente d'un nom vulgaire.

  PYRALIDAE

 

Pyralinae

 

Synaphe punctalis (Fabricius, 1775)

Envergure : 22-27 mm

Vole de juin à août

PHL : mousses

Zoonymie :

   • Synaphe, Hübner, 1825 : du grec sunaphe, "union" ; en musique antique, le synaphe désigne la conjonction de deux tétracordes. En botanique, le nom de synaphe rigida est un synonyme de catapodium rigidum, le Paturin-duret. A.E. Emmet n'explique pas l'emploi de ce nom par Hübner, mais cite Mc Leod : " peut-être de l'union partielle de quelques veines des ailes postérieures".

   •  punctalis : désignerait le prtit point blanc-jaunâtre sur la cote de l'aile antèrieure.

   • nom vernaculaire : ce papillon paraît-il trop vil pour qu'un nom de notre langue lui soit attribué ? Il ne dispose pas non plus de nom en anglais.

- La Clédéobie étroite : c'est pourtant le nom que Duponchel lui donna en 1831 dans Godart, Hist. Nat. Lépidoptères volume 8 (2), se contentant de reprendre le genre Cledeobia créé par Stephens pour grouper des espèces "aux palpes courbes et inclinées vers la terre, aux ailes oblongues", et en y ajoutant l'épithète "étroite", traduction de l'angustifolia de Treischke (Pyralis angustifolia). L'espèce reçu également les noms de Pyralis curtalis (Illig.), Phalaena erigalis (Fabricius), P. curtalis (Fab), crambus eigatus (Fab.), Cledeobia angustifolia (Curtis), qui a servi de type à Stephens pour le genre cledeobia.

   Le nom cledeobia est issu du grec kledos, "haie, cloture" et bios, "vie".

 

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Published by jean-yves cordier
4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 19:33

Histoire des noms (zoonymie) des papillons de nuit du Finistére III : Géomètres.

 

Rappel : il s'agit des papillons de nuit observés à Crozon et à Plouzané entre juillet et septembre (octobre) 2011 , sur les murs éclairés par les lampes extérieures. Les identifications ont été supervisées par Maël Garrin.

 

• Geometridae

   - Ennominae

                      Selenia dentaria

                      Abraxas grossularia

                      Lomaspilis marginata

                      Ematurga atomaria

                      Crocallis elinguaria

                      Colotois pennaria

                      Biston betularia

                      Macaria notata (ou : alternata)

                      Menophra abruptaria

                      Peribatodes rhomboidaria

                      Campaea margaritata 

                      Opisthograptis luteolata

                     

  - Larentiinae :

                       Rheumaptera undulata

                       Euphyia biangulata

                       Epirrhoe galiata  (errata)

                       Cosmorhoe ocellata

                       Xanthorhoe fluctuata

                       Xanthorhoe ferrugata

                       Hydriomena furcata

                       Chloroclysta siderata/ sp

                       Chloroclystis v-ata

                       Thera cupressata

                       Epirrita sp.

    - Sterrhinae :

                        Idaea aversata

                        Idaea rusticata

                        Scopula imitaria

                        Scopula marginepunctata

                        Rhodometra sacraria

 

 GEOMETRIDAE

 

 

Ennominae



 L' Ennomos illunaire Selenia dentaria  (Fabricius, 1775)  The Early Thorn.

Envergure :38-40mm

Vole en deux générations, d'avril à mai puis d'août à septembre.

Zoonymie :

•  Selenia Hübner, 1823 : de selene, la lune, pour les motifs blancs en croissant de lune des ailes. 

dentaria : pour le bord des ailes marqué d'indentation... ce que je ne comprends pas puisque le caractère distinctif de S. dentaria est l'absence (ou la modestie) de ces crénelures, bien plus prononcées sur l'aile postérieure de S. lunularia.

• Notre nom vernaculaire reprend celui du genre Ennomos Treitschke, 1825, qui vient du grec signifiant "dans la loi", "légal" : les papillons de ce genre respectent-ils à la lettre la régle établie par la classification de Treischke ?

  Le terme d'"illunaire " est également singulier. Une Noctuelle se nomme également Clytie illunaris, il ne s'agit pas d'un lapsus calami. Je trouve dans le dictionnaire latin en ligne  illūnĭus, a, um : qui n'est pas éclairé par la lune.

Cette signification paraît étrange pour un papillon de nuit, et je m'égare à suggerer de tenir compte de l'exemple des deux mots illuminatus, a, um : éclairé /  illuminus (de inluminus avec in privatif) : privé de lumière : l'illunaire serait un papillon "illuminé par la lune", avec un in-lunis où le -in ne serait pas privatif, mais inclusif.

Le volume 5 de l'histoire des papillons de Godart et Duponchel me détourne de cette idée fumeuse : concernant la noctuelle illunaire, ils signalent que Hübner a choisi ce terme parce qu'il n'a observé que des spécimens aux lunules éffacées. L' adjectif illunaire, avec un i privatif, s'applique aux croissants des ailes, ce qui devient parfaitement logique puisque S. dentaria est dépourvu d'une lunule de l'aile antérieure dont dispose S. Lunularia . Le nom illunaire s'explique en opposition avec celui de l'Ennomos lunaire, S. Lunularia.....Ouf.

 

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La Zérène du groseiller Abraxas grossulariata  (Linnaeus, 1758) The Magpie.

Envergure : 35-40mm

Vole en juillet-août.

Zoonymie:

 • Abraxas, Leach, 1815 :

  Abraxas est un démon, parfois représenté avec la tête d'un coq, le torse d'un homme et les pieds d'un dragon;

Formule magique et sacrée, Abraxas est, dans la Gnose grecque, le nom du dieu de l'année. Son origine est issue des sept premières lettres du nom de Dieu en hébreu, et fait référence aux sept planètes, aux sept archanges, aux sept péchés, aux sept jours, etc. Décomposées selon le système grec de numérotation, puis additionnées, les sept lettres du terme donne le nombre du cycle annuel, soit 365.
Il est donc le symbole de la totalité de la Création, du cosmos et de la Connaissance (gnosis).
Selon saint Jérôme, Abraxas correspondrait au nombre mystique et caché de Mithra, dont la somme des lettres, en grec (MEIOPAE), donne aussi 365.

Les Abraxas se présentent sous la forme d'intailles (pierres fines gravées en creux) ou de gemmes soit montées en bague, portée par les chrétiens gnostiques, puis par les maîtres du Temple qui l'utilisaient souvent comme contre-sceau, soit utilisées en sceaux. Ces pierres précieuses remontent au II siècle apr. J.-C., à une époque où vécut le célèbre philosophe gnostique Basilide d'Alexandrie dont la doctrine tenta de synthétiser les courants chrétien, égyptien, mithriaque, grec et celte.
Le mot de conjuration Abracadabra a la même source.

Grossularia mentionne la plante-hôte, le groseiller.

• Notre nom vernaculaire reprend le nom de genre Zérène attribué par Hübner, et utilisé actuellement,à des pierides d'Amérique du Nord, genre auquel l'Abraxas n'appartient donc pas... mais il appartenait à un genre Zérène de géometridés en vigueur au XIXème siècle, dont il était la seule espèce europèenne. Les autres étaient les Abraxas exotiques, remarquables par les taches jaunes et noires qui les faisaient ressembler à des panthères et des léopards (on comprend mieux le nom démoniaque d'Abraxas") et qui étaient nommés Tigrata, Panthararia, Jaguaria, Felinaria.

  Geoffroy le nommait Le Moucheté.

 

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La Bordure entrecoupée, la Marginée, Lomaspilis marginata (Linnaeus, 1758) the Clouded Border.

Envergure 30-38 mm

Vole de mai à juillet.

PHL : Peuplier (tremble), Saules.

Zoonymie :

   • Lomaspilis, Hübner, 1825 :du grec loma, "bord", et spilos, une "tache" , pour désigner la bordure maculée.

   • marginata, Linné, Systema Naturae 1758 p. 527 n° 182 : "phalaena geometra seticornis, alis omnibus albis : margine exteriore limbo fusco interrupto": seticorne ; toutes les ailes blanches, avec un bord extérieur brun , interrompu. Donc, aux ailes marginées.

   • noms vernaculaires :

- La Bordure entrecoupée, 1762, Etienne Louis Geoffroy qui traduit le latin de Linné. Hist. abr. ins. tome 2, p. 139 n° 60.

- La Marginée, 1789, Charles de Villers, Entomologie linnéenne II, p. 347 n° 533.

- La Phalène du Staphylier, 1789, Charles de Villers, Ent. linn. II p. 364 n° 570.

- La Phalène bordée, 1802, Charles Athanase Walckenaer, Hist. abr. ins. II, p. 306 n° 10.

- La Mélanippe marginée, 1830, Duponchel in Jean-Baptiste Godart, Hist. nat. Lépidoptères p. 279  n° 839

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La Phaléne picotée Ematurga atomaria  (Linnaeus, 1758)  the Common Heath.

Envergure : 22-30 mm

Vole de mai à août

PHL : bruyères (calluna, erica) et trèfles

Zoonymie :

   • Ematurga Lederer, 1853 : du grec ἦμαρ, ễmar, lui-même issu de l’indo-européen commun h₂eh₃mr̥. (copié-collé wikipédia), une forme archaïque, ou poétique, de hemera, le jour. Associé à -urga, de ergon, le travail, cela évoque les moeurs diurnes de ce "travailleur de jour" (A.E. Emmet, 1991).

   • atomaria : Linné, dans la description de 1758, Systema Naturae, p. 521 n° 140, écrit : Phalaena Geometra pectinicornis, alis  omnibus lutescentibus  : fasciis atomisque fuscis : "aux antennes pectinées, les ailes toutes boueuses (lutescentibus) ou souillées par des bandes et des corpuscules bruns" ( certes j'ai reçu le Paraclet, je parle le sancrit, le grec et le latin, mais ne prenez quand même pas mes essais pour parole d'évangile). Je me dis que ces atomes, ce sont ces petites taches brunes qui constellent la surface des ailes et que Geoffroy a nommé des "picots".

   • noms vernaculaires :

- La Rayure jaune picotée, 1762, Etienne Louis Geoffroy, Hist. Abr. ins. 2, p. 133 n° 50 . C'est plus clair en français, non?

- Les Atomes, 1789,Charles de Villers, Entomologie linnéenne II p. 305 n° 427.

- La Phalène panachée, piquée de jaune, à atomes gris 1775, de Geer, II, p. 353 pl.5 fig. 21.

- La Phaléne picotée, 1825, Guillaume Antoine Olivier Enc. meth. T 10 p. 75 n°6.

- La Fidonie picotée, 1829, Duponchel in Jean-Baptiste Godart, Hist. Nat. Lépidoptères tome 7 (2) p. 416. ( Duponchel reprend le genre Fidonia de Treischke).

 

 

 

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La Phalène de la Mancienne, la Crocalle aglosse, Crocallis elinguaria  (Linnaeus, 1758) The Scalloped Oak.

Envergure :32-41mm

Vole en juillet et août

 

Zoonymie

 • Crocallis, Treitschke, 1825 : in Ochsenheimer, Schmett. Eur. 5(2) : 431.

Georg Friedrich Treitschke (1766-1842) est cet entomologiste et musicien allemand qui a achevé le traité sur les papillons de Ferdinand Ochsenheimer. Poète, directeur de théatre, adaptateur d'opéras, il possédait certainement une culture étendue, mais la raison pour laquelle il s'en fut  chercher dans l'Histoire Naturelle de  Pline l'Ancien, Livre XXXVII, § LVI le nom d'une pierre précieuse, la Crocallis, pour l'attribuer à ce papillon restera sans-doute inaccessible à nos investigations. Pourquoi pas Cadmltis, ou Callaïs, Capnitis, Cappadocie, Callaïque, Catochitis, Catoptritis, Cépitis ou Cépolatitis, Céramitis, Cinédle,Céritis, Circos, Corsoïde, Coralloagathe, Corallis, Crateritis, Cytis, Chalcophone, Chélidoine, Chélonis, Chloritis, Choaspitis,ChrysoIampis. Chrvsopis, ou encore Cépionide ?

  Pline nous dit que la corallis ressemble à du minium, et se trouve dans l'Inde et à Syène, alors que la coralloagathe ressemble, elle, à du corail parsemé de gouttes d'or. Quand à la crocallis, " elle ressemble à une cerise".

Franchement, vous lui trouvez des allures de cerise, à  ce papillon?

  Plus finement peut-être, A. Maitland Emmet cherche l'étymologie du nom en le décomposant en crocos, le crocus, pour la couleur jaune des ailes, et kallos, "belle" : oh la belle jaune!

 

• elinguaria : l'attribution par Linné, sous le protonyme de Phalena elinguaria de cet épithète spècifique est plus facile à comprendre si on se réfère au latin elinguis, "dépourvu de langue", ce papillon étant doté d'une trompe dégénérée très bréve.

 

• nom vernaculaire 

  1-Le nom de Crocalle aglosse est la transposition du nom scientifique en passant par le mot grec qui signifie "langue" glossa et en l'associant au a- privatif. Il fut utilisé par de Villers ("l'Aglosse", Entomologie linnéenne TII,p.304 n°424) et par J.B. Godart (La Crocalle aglosse, Hist. Nat. Lépid. Papillons France, T. VII, 1829 p. 175, n°621, pl 146 n°3°)

2- Le nom Phalène de la Mancienne est utilisé par P.A Latreille en 1825 (Encycl. Meth ou Hist.Nat.:entomologie, 10 p.77) et en 1828 (Dict. classique d'hist.nat. tome 13 ). La mancienne est un autre nom de la viorne, arbuste de la famille des caprifoliacées, et Latreille écrit que la chenille "vit sur différents arbres, notamment sur  la mancienne ( viburnum lantana)".

 

 

 

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La Phalène emplumée, l'Himère plume Colotois pennata  (Linnaeus, 1761)  Feathered Thorn.

Envergure : 42-48 mm

Vole en octobre et novembre

PHL : diverses arbres et arbustes

Zoonymie :

   • Colotois Hübner, 1823 : genre monospécifique. Il existe un lézard de Ceyla nommé par les grecs kolotes, muni d'une double rangée de dents en forme de peigne : Kolotes-oide ?

   • pennaria Linné, 1761 : issu du latin penna, plume, cet épithète évoque les antennes du mâle, dont le caractère penniforme est spectaculairement développé.

   • noms vernaculaires:

- La Plume, 1789 : Charles de Villers, Entomologie linnéenne 2 : 297 n° 410.

- La Phaléne emplumée, 1825 : Latreille et Godart, Histoire Naturelle 10 : 94 n° 91.

- l'Himère plume, 1829 : Duponchel in Godart, Hist. nat. Lépid. Fr. 7(2) : 171 n° 620 pl. 146 1,2.



   Duponchel explicolotois pennaria godartque qu'il crée un genre à part, monospécifique, pour l'une des trois espèces que Treitschke avait placé dans son genre Crocallis, car ce Crocallis pennaria est trop différent de Crocallis elinguaria (voir supra) qui, comme son nom l'indique, est dépourvue de trompe alors que notre pennaria en possède une de belle taille ; en outre, les chenilles diffèrent.

   Il ne donne pas d'explication sur le choix de ce nom d'Himère. Himera est une ancienne citè grecque, fondée par les grecs de Messine (alors Xankle) à l'est de Palerme en Sicile. Elle sera confrontée à Carthage lors d'une bataille en 480 av. J.C, où elle remporte la victoire. On a retrouvé en 2009 une nécropole de 12.000 tombes de civils et de soldats, des maisons et des temples, qui pourrait dater de cette bataille. Himera est finalement détruite par les carthaginois en 409 av. J.C., et sa population massacrée.

Plouzané, 27 octobre 2011 : un mâle.

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La Phalène du bouleau, la Phalène poivrée, Biston betularia (Linnaeus, 1758) Peppered Moth.

Envergure : 35-60mm

Vole de mai à août

PHL: arbres et fleurs diverses, dont selon Linné le bouleau, l'orme et la rose.

 

Zoonymie

 

Biston, Leach, 1815 : Enycl. T. IX p. 134.

betularia : Linné, Syst. Nat. ed.10, p. 521 n°143, protonyme Phalena geometra betularia : "du bouleau" , l'une des plantes hôtes de la chenille.

• Phalène du bouleau : le terme est utilisé par les naturalistes français depuis la fin du XVIIIème siécle :première mention : 1789, Encycl. Meth. Hist. Nat. des insectes, C.J.Panckoucke, p. ccclxii, puis repris par Latreille, Lamarck (1803), Henry Milne-Edwards (1835).

• Phalène poivrée : son utilisation semble beaucoup plus récente,( mention en 1901 sur le net) sans-doute sous l'influence du terme anglosaxon de Peppered Moth et de l'étude du "mélanisme industriel du phalène du bouleau" autour des villes industrielles d'Angleterre. L'etymologie de bon-sens est d'attribuer ce terme à la couleur "poivre et sel" de cette phalène.

 

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La Philobie tachetée Macaria notata (Linnaeus, 1758) Peacock Moth

 

Envergure : 28-32 mm

Vole de mai à juin puis d'août à octobre ( j'ai donc affaire à un spécimen tardif)

PHL : Saule, Bouleau, Aulne, Chêne.

  Il est difficile de la distinguer de la Philobie alternée Macaria alternata ([ Denis & Schiffermüller], 1775)qui est censée être plus grise, avec une échancrure plus profonde et plus sombre, et qui porte quatre taches noires discales au lieu de cinq. Puisque je distingue ici cinq taches, j'ai optè pour M. notata. Mais cette espèce se distingue aussi par une ligne sombre continue sur le bord externe en amont des franges, qui est absente ici.

 

Zoonymie

• Macaria : le terme makaria signifie en grec ancien "bonheur", "béatitude". Macaria est dans la mythologie grecque la fille d'Hades et la déesse de la mort heureuse, ou la fille d'Heracles.

                  : le genre macaria a été créé par Curtis en 1826.

notata signifie "marqué", "écrit, tracé avec des lettres" ; le protonyme Phalena Geometra notata choisi par Linné page 523 de la dixième édition du systema Naturae s'accompagne de ce commentaire en page 524 : "... in salsia tertia sunt quatuor puncta aequaliter disposita inter se, quae stercora muscarum referunt " que je traduis par "quatre points équidistants qui ressemble à des crottes de mouche" !

• Philobie tachetée:

   Philobie était, selon les Panhélléniques d'Hégésippos, la femme d'un roi de Dardanus  nommé Persée. Elle nous est connue pour avoir aidée la jeune Laodicée, fille de Priam, à coucher avec le fils de Thésée, Acamas pendant la guerre de Troie. Celui-ci s'était rendu en négociation dans le camp troyen pour chercher à obtenir la restitution de la belle Hélène, et c'est cette entrevue qui avait rendue Laodicé folle de désir. Laodicé se confia à Philobie qui demanda à son mari d'inviter Acamas et de placer Laodicé dans son lit, la faisant passer pour une concubine royale :  c'est ainsi qu'elle parvint à faire l'amour avec l'ennemi de son père.

    Philobie est aussi le nom d'un genre de papillon créé par Jean-Baptiste Godart dans le tome 7 (2) de son Histoire Naturelle des lépidoptères consacrée aux Nocturnes, page 195 pour y placer sept espèces classées par Treischke parmi les Ennomos. Y figurent les Philobies alternée, éffacée, estimée, porte-coeur, jaune, signée et marquée, mais aucune philobie tachetée. Le grand savant n'a pas pris la peine de nous dire pourquoi il voulait honorer dame Philobie en lui dédiant sept papillons...

 

 

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   Ennominae, suite ; Tribu des Boarmies

 

   En 1829, Godart et Duponchel reprennaient le genre Boarmia de Treitschke pour définir leur genre Boarmie avec les caractères suivants : Antennes pectinées dans  les mâles tre pectinèes dans les femelles. Bord terminal dea ailes simple et entier. Corselet étroit et sqaumeux. Les quatre ailes également colorées et traversées par des lignes en zigzags sur un fond nébuleux. Frange des ailes plus ou moins festonnées. Palpe court et débordant à peine le chaperon. Trompe longue. Antennes des mâles terminées par un fil. Chenilles ressemblant à l'état de repos à des pédoncules ou queues de fruit. Ect... (Hist. Nat. Lépidoptères 7 (2) p. 327. Ils ajoutaient : " toutes les espèces qu'il renferme ont un tel air de famille qu' il suffit d'en connaître une pour avoir une idée des autres. Mais par cela même il est très difficile de les distinguer entre elles." Des erreurs d'identification sont là plus qu'ailleurs possibles. Ai-je confondu Peribatodes rhomboidaria et P. secundaria ? Comme mon propos est d'explorer l'origine des noms, ces erreurs seraient vénielles.

 

 

   La Boarmie pétrifiée Menophra abruptaria (Thunberg, 1792), Waved Umber.

Envergure : 36-42mm

Vole d' avril à août.

PHL : Troène, Lilas

 

Zoonymie

Menophra, Moore, 1887 : Lepid. Ceylon 3(4) : 409 : du grec mene, "la lune", et ophrus, "le sourcil" : cela se rapporterait à la série de croissants de la frange des ailes.

abruptaria Thunberg  1792 Diss. Ent. sistens Insecta Suecica (4) :59 pour la façon dont la zone brun rougeâtre qui s'étend de l'apex à la cellule discale s'interromp brutalement. (Emmet)

• nom vernaculaire : La Boarmie pétrifiée, Jean-Baptiste Godart, 1829 Hist. Nat. Lépidoptères tome VII (2), p.375 n° 683. Godart donne en référence Hübner ( Geometrica petrificata) et Treischke ( Acidalia petrificata), il s'est donc inspiré de ces prédecesseurs pour qualifier cette "boarmie" de "pétrifiée".

  Le nom boarmie provient d'un surnom d'Athena, "celle qui attelle les boeufs". Godart est le premier à utiliser le terme en langue française pour baptiser un genre de phalène, mais il reprend le "genus Boarmia" de Treitschke.

 

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   La Boarmie rhomboïdale, la Phalène à losanges, la chenille arpenteuse à losanges Peribatodes rhomboidaria  ([Denis & Schiffermüller] 1775) the Willow Beauty.

 

Envergure : 30-38mm

Vole de (avril-juin) juillet à septembre ; commune partout.

PHL :chenille polyphage sur toutes sortes d'arbres à feulles caduques.

Zoonymie :

Peribatodes Wehrli, 1943 : du grec peri, "rond" et batodes, " épineux, couvert d'épines" . A.E. Emmet ajoute : "peut-être à propos d'un habitat", mais l'habitat n'est vraiment pas spècifique de cette Boarmie. A l'occasion de la description  d'une nouvelle espèce de poisson en 2008, Araiocypris batodes, K. E. Conway donne l'étymologie suivante : "βατοδης (batodes), thorny, like a blackberry (βατομουρο)", épineux, comme une mûre.

  • rhomboidaria ([ Denis & Schiffermüller], 1775, protonyme Geometra rhomboidaria) : rhomboïdale, ( losangique)  qui qualifie la tache noire de la partie moyenne de l'aile antérieure (Spuler), "formée par le croisement des nervures médiane et postmédiane" (Emmet).

   • nom vernaculaire

- La Boarmie rhomboïdale 1829 Jean-Baptiste Godart & Duponchel , Hist. Nat. Lépidoptères p. 349 n° 673 tome 7 (2). Godart et Duponchel reprennent, comme d'habitude, le terme scientifique en l'adaptant en français : c'est le Boarmia rhomboidaria de Treitschke.

- Phalène à losanges : le nom est utilisé de nos jours pour désigner cette espèce, par exemple chez les viticulteurs pour la désigner comme ravageuse de la vigne dont elle creuse les bourgeons puis les feuilles.

  Au Moyen-Âge, ou dans le Livre de Kells, on trouve des représentations d'une phalène mangeant un losange (chrysalide) comme symbole chrystique ou de la ressurection-métamorphose, par exemple sous forme d'une broche portée par la Vierge. Mais cela n'a rien à voir avec notre boarmie.

 

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  Cette image est l'occasion de vérifier un caractère des antennes des mâles de Boarmie, " elles ne sont pectinées que jusqu'au quatre-cinquiémes de leur longueur à partir de la base, et filiformes pour le reste". (Godart et Duponchel, op.cité)

 

 

 

Le Céladon, la Perlée Campaea margaritata (Linnaeus, 1767) Light Emerald.

 

Envergure : 30-40 mm

Vole de juin à août et d'août à septembre.

PHL : diverses plantes.

Zoonymie:

Campaea , Lamarck 1816: le grec kampé signifie "la courbe, l'angulation" et a donné nos mots "jambe" et "hippocampe". En outre, le latin campe, es (issu du grec) signifie "chenille", et Emmet souligne le jeu de mot possible sur ces chenilles de géomètres qui se déplacent en se pliant et se dépliant.

margaritata : du latin margarita, "la perle", en raison de la couleur vert pâle trés lumineuse dse ailes. La terminaison -ata est ajoutée par Linné à tous les Géomètres.

• Nom vernaculaire :

- Le céladon, Etienne-Louis Geoffroy, 1767, Hist. abr. ins. 2, p. 137 n°57.

- La Perlèe, Charles  de Villers , Ent. linn. 2 p. 331 n° 498.

- Phalène gris de perle, Enc. Meth. tome X, p. 91 n° 19

- Métrocampe gris de perle, Jean-Baptiste Godart  1829, Hist. Nat. Lépidoptères vol. 7, p. 125 n° 605.

Emile Souvestre signale sa présence dans le département dans "Le Finistère en 1836" sous le nom de metrocampe gris de perle.

  

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  La citronelle rouillée Opisthograptis luteolata (Linnaeus, 1758), Brimstone Moth.

 

Envergure : 32-37 mm

Vole d' avril à Octobre.

PHL : diverses plantes

Zoonymie

   • Opisthograptis Hübner, 1823 : du grec opisthen, " au dos, derrière " et graptos, " peinte, inscrite" .

   • luteolata :  du latin  luteolus, "jaunâtre".

   • nom vernaculaire :

- Citronelle rouillée : un joli nom qui reprend à la fois l'épithète luteolata qui témoignait de la couleur jaune, et aussi indirectement le nom anglais, Brimstone (pierre de feu, le soufre) étant le nom anglais  de notre Citron. il reprend aussi le terme ferrugineis, "rouillé" de la decription des ailes par Linné : "anterioribus maculis costalibus tribus ferrugineis".

  On le doit à Étienne Louis Geoffroy 1762, Hist. abr. ins. 2 : 139 n° 59.

- Phalène de l'Alisier Charles de Villers, Ent. Linn 2 : 868 n°519;

- Phalène de l'épine, Walckenaer, Faune Paris 2 : 305 n°9

- Rumie de l'Alisier, Jean-Baptiste Godart Hist. Nat. Lépidoptères vol 7 (2) 1829 p. 119 n° 604.

 

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  Larentinae :

 

La Phalène ondulée Rheumaptera undulata  (Linnaeus, 1758), the Scallop Shell, Wellenspanner.

Syn : Hydria undulata.

Envergure : 25-30mm

Vole de juin à juillet.

PHL : Saule, Myrtille.

 

Zoonymie:

Rheumaptera Hübner 1822 (ou Hydria Hübner 1822, ou Calocalpe Hübner, 1825, ou Eulyppe, Hübner,1825...ou Melanippe Duponchel, 1829):

Le mot rheumaptera relie le mot grec rheuma, atos, flux de la mer, marée, courant (puis écoulement, catarrhe, d'où notre" rhumatisme") et le mot grec pteron, l'aile : pour traduire les ondes fluides imprimées en motif sur ses ailes.

undulata,Linné sous le protonyme Phalena Geometra undulata n° 164 de la dixième édition du Systema Naturae page 164, qui décrit "alis omnibus supra strigis convertissimis transversis undulatis fuscis" , "tout le dessus des ailes complètement balayé par des cannelures (strigis) d'ondulations brunes".

• Nom vernaculaire : 

- En 1796, Charles de Villers la nomme l'Ondulée : Entom. linn.T. II, p.338, n° 517.

- en 1825, Pierre André Latreille la nomme Phalène maillée (Enc. Meth. vol 10, p. 86 n°54 ) et remarque que la huitième ondulation est formée d'anneaux oblongs comme les mailles d'une chainette.

-En 1830, Jean-Baptiste Godart la rebaptise Larentie ondulée : Hist. Nat. Lépidoptères, T. 5 (1) p. 377 n° 877.

 

 

 

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La Cidarie-pivert Euphyia biangulata ( Haworth, 1809) Cloaked carpet.

Envergure : 25-30 mm

vole en deux générations en avril-mai et en juillet-août; (observée le 21 août à Plouzané). Fréquente la lisière des bois.

PHL : Stellaria, crataegus, prunus.

Zoonymie :

  • Euphyia Hübner, 1825. En grec, Euphuia,c'est "la bonne disposition naturelle " 'Aristote, Poétique , 22, 1459a), c'est aussi l'intelligence naturelle, l'esprit, les qualités d'un être bien fait, bien proportionné, gracieux. Thomas Tanner (1630-1682) a ainsi écrit en 1666 "Euphyia, or The acts and characters of a good nature". Pour un papillon, ce serait un hommage à l'harmonie de ses formes.

   • biangulata : s'oppose à E. unangulata , la Cidarie à bec, dont la ligne médiane forme un angle unique en son milieu, alors que celle de la Cidarie-pivert présente deux indentations.

  • Nom vernaculaire :

 - Hübner l'avait nommé Geometra picata. C'est Jean-Baptiste Godart, en 1830, dans le tome 8(1) de son Histoire Naturelle des Lépidoptères ou Papillons de France, page 329, lui donne le nom de Cidarie-pivert, en alléguant que : " Le nom de picata donné à cette espèce dérive probablement de Picus (pivert) : en effet, la couleur dominante de ses ailes supérieures est d'un vert olive foncé comme celle de cet oiseau".

  En réalitè, la forme latine picata est le participe passé de pico, enduire de poix, et signifie "poissé, enduit de poix", comme la bien mentionné A. Spuler. Le Pivert, ou pic-vert Oicus viridis n'y est pour rien.

 

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La Mélanthie du Caille-lait Epirrhoe galiata ([ Denis & Schiffermüller] 1775) Galium Carpet.

Envergure : 28 à 32 mm

Vole en juin-juillet, et en août-septembre.

PHL :gaillets

Zoonymie :

Epirrhoe : Hübner, 1825 : du grec epirrhoe, la rivière, à cause des ondulations de l'aile antérieure.

galiata : du gaillet.

• nom vernaculaire :

-La Mélanthie du Caille-lait, Jean-Baptiste Godart 1830, Hist. Nat. Lépidoptères tome 5(1) p. 268, n° 836.

- La Phalène du Caille-lait, Encycl. meth. fig. 80 n° 28.

  Le genre (et sans-doute le nom lui-même) de Mélanthie a été créé par Godart (ouvrage cité, p. 252) pour rassembler des espèces dont " le caractère principal est d'avoir la tête, le corselet et la base des ailes d'une couleur plus foncée que le reste ".

  Pas de photo, je ne donne que cette zoonymie, ayant cru observer cette espèce qui n'était qu'un Xanthorhoe ferrugata (infra).


 

   Le Lynx, la Phalène ocellée Cosmorhoe ocellata (Linnaeus, 1758) Purple Bar

Envergure : 20-25 mm

Vole en deux générations de mai à août

PHL : gaillets

Zoonymie:

   • cosmorhoe : Hübner 1825 , du grec cosmos, beau, bien agencé (comme dans cosmétique) et rhoe, écoulement.

   • ocellata: Linné, Syst.  Nat. 1758 p. 527 n° 183 sous le protonyme Phalaena Geometra ocellata et avec la description : " anticis fasciis duabus fuicescentibus maculaque apicis ocellari didyma", avec la terminaison -ata qu'il ajoute à ses géomètres.

   • nom vernaculaire:

- L' Oculéé (G. Ocellata), de Villers 1789 Entomologie linnéenne 2 : 348 ; La Découpée (G. fasciata), de Villers id. 2 : 364.

- Le Lynx (Ph. ocellata), Charles de Villers, 1789 Entomologie linnéenne 2 : 373 n° 598

- La Phalène ocellée, Pierre-André Latreille, Enc. Meth. vol 117 t.10 p. 79 n°24.

- La Mélanthie ocellée, Jean-Baptiste Godart 1830, Hist. Nat. Lépidoptères t.8 (1) p. 271 n° 837.

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La Phalène ondée, l'Incertaine, Xanthorhoe fluctuata  (Linnaeus, 1758)  the Garden Carpet.

 Envergure :27-31 mm

Vole d'avril à octobre.

PHL : crucifères.

Zoonymie :

   • Xanthorhoe : Hübner, 1825 : du grec xanthos, "jaune", et rhoe, " un courant, un écoulement". Ce nom se justifie par les lignes jaunes réparties comme des ondulations sur les ailes antérieures de quelques espèces de ce genre.

   • fluctuata  Linné, Systema Naturae 1758 p. 527 n° 185. Du latin fluctus, "vague, flots, houle" en raison des ondulations en "ripple marks " ou semblables aux trains de vague sur les flots, qui sont imprimées sur les ailes. La terminaison -ata y est accolé comme pour tous les géomètres de Linné.

   • noms vernaculaires :

-L' incertaine, 1789, Charles de Villers, entomologie linnéenne 2 :348 n° 355. Comment comprendre ce nom, pour une espèce si constante, si commune, si facile d'identification ? Je suggére ici que de Villers, fidéle linnéen s'il en fut, a voulu traduire scrupuleusement le fluctuata de son Maître suédois. Il a pris son dictionnaire et y a trouvé :Fluctuatus, a um : part. passé de fluctuo : 1 - qui a flotté (qu'il écarte car cela ne s'applique pas à un papillon) et 2- qui varie, qui ne reste pas fixe. S'il va lire , comme moi dans le dictionnaire latin-français en ligne de Hassid et Woitrain, la définition du verbe fluctuo, il trouve, en cinquième sens, "être irrésolu, incertain". Il traduit fluctuata, forme féminine, par "l'incertaine", en toute logique. Godart, le proviseur, aurait donné 20/20 à cette version.

- L' Incertaine, Jacques Louis Engramelle, Papillons d'Europe, tome VII p. 10 n° 406 : est-ce notre espèce? Godart  la considère comme sa Noctuelle flatteuse, Noctua Blanda.

- La Phalène ondée, 1825, Latreille et Godart, Encycl. meth. vol. 10 p. 80 n° 29.

- La Mélanthie ondée, 1830, Duponchel in Godart, Hist. Nat. Lépidoptères t. 8 p. 267 n° 835 : " La fluctuata est l'une des phalènes les plus communes : on la rencontre partout, à la ville comme à la campagne, et prsque pendant toute l'année. elle se tient pendant le jour sur les haies, les murs, les palissades, les troncs d'arbres etc..., portant les ailes étalées. "

 

 

 

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   La Rouillée Xanthorhoe ferrugata (Clerck, 1759) the Dark-barred Twin-spot.

 Envergure : 18-22mm

Vole de mai à juin puis en août

PHL : diverses plantes basses

Zoonymie : 

   • Xanthorhoe : cf supra

   • ferrugata : du latin ferrugo, de couleur rouillée, pour qualifier la bande médiane.

   • nom vernaculaire :

- La Rouillée, 1789, Charles de Villers, Entomologie linnéenne tome II p. 359 n° 559.

- l'Eubolie rouillée, 1830, Duponchel in Godart, Hist. nat. Lépid. Fr 8(1) : 181 n° 702.

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La Larentie lavée Hydriomena furcata ( Thunberg, 1784) the July Highflyer.

Envergure : 28-32 mm

Vole de mai à août.

PHL : polyphage : aulne, bouleau, saule, noisetier, prunier, hètre, rosier, myrtille.

Zoonymie :

   • hydriomena Hübner, 1825 : du grec hudria, "vase à eau", et meno, "rester".

   • furcata Thunberg, 1784 : "fourchue", car les marques noires des ailes antèrieures forment par endroit des fourches.

   • Nom vernaculaire :

-Larentie lavée : Jean-Baptiste Godart 1830, hist. Nat. Lépidoptères, vol  p. 426 n° 899 (larentia elutata) pl 200, fig 1, 2. On y lit : "Ce qui caractérise principalement  cette espèce, et sert à la distinguer de l'impluviata, qui en est très voisine,c'est une tache blanche placée au milieu de la bande qui longe le bord terminal".

   Le nom générique Larentie, créé par Godart, dérive du genre Larentia de Treitschke.

   L' adjectif "lavée" est simplement la traduction du latin elutata (si on en retranche la terminaison -ta ou -ata qui ne sert qu'à caractériser  depuis Linné les Géomètres) ; eluta est le participe passè du verbe eluo, et signifie lavé, trempé, délayé, purifié. cet épithète elutata est utilisé par Hübner et par Treitschke, mais j'ignore la raison de ce choix, même si le nom générique et les épithètes elutata et impluviata baignent tous les trois dans les mêmes eaux. La Larentie lavée est une espèce qui affectionne les endroits humides.

 

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La Cidarie roussâtre Chloroclysta truncata (Hufnagel, 1767)  the Common Marbled Carpet.

  Cette espèce ne pouvant être distinguée de C. citrata que par le dessin de l'envers des ailes, jeme contente de présumer l'identification ; mais  Chloroclysta citrata (Linnaeus, 1761) , ou Cidarie de la myrtille, présente en Bretagne, est signalée par R. Robineau comme "observée surtout en montagne" (Delachaux & Niéstlé).

Envergure : 24-30 mm

Vole en mai-juin puis d'août à novembre.

PHL : polyphage, diverses plantes

Zoonymie :

   • Chloroclysta Hübner, 1825 : du grec khloros, vert-jaune, et kluzo, "laver" / κλυστήρ klustêr, "lavement" ( d'où notre "clystère") en raison du fond verdâtre des ailes, qui fluctue selon la lumière.

   • truncata , "tronquée", ce qui qualifie selon A.Emmet la nervure médiane qui se termine brusquement dans la cellule discale.

   • nom vernaculaire :

- La Cidarie roussâtre, 1830, Duponchel in Godart, Hist. Nat. Lépidoptères 8(1) : 324 n° 357.

 

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   L' Eupithécie couronnée Chloroclystis v-ata (Haworth, 1809)  the V-Plug.

Envergure : 14-19 mm

Vole en deux générations d"avril à septembre. puis hiverne à l'état nymphal dans le sol.

PHL : sureau, groseilliers, diverses herbacées.

Zoonymie :

  • Chloroclystis, Hübner, 1825. Du grec khloros, "vert pâle", et kluzo, "laver" : en raison de la coloration verte fugace de certaines espèces du genre. Voir supra Chloroclysta.

   • v-ata associe la lettre v que portent, en marques noires, les ailes antérieures, à la terminaison -ata de ce groupe de Géomètres.

   • nom vernaculaire :

- l'Eupithécie couronnée, Eupithecia coronata : 1842, Duponchel in Godart, Hist. nat. Lépidoptères 4ème supplément, p. 103 n° 302. les auteurs français semblent plus avertis des auteurs allemands que des anglosaxons, et c'est au Geometra coronata de Hübner que Duponchel se réfère. Hûbner a décrit son genre Chloroclystis en prenant cette espèce comme espèce type, après l'avoir décrit en 1813 dans Samml. eur. Schmett. [5] : pl 72, f. 372-373 sous le nom de Geometra coronata, méconnaissant la description antérieure de Haworth sous le protonyme de Phalaena v-ata.

   Duponchel ne donne pas de justification au qualificatif de "couronnée".

 

  Crozon, 14 juillet 2011

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La Corythée du cyprès Thera cupressata  (Geyer, 1831)  the Cypress Carpet.

Envergure : 28-32 mm

Vole de mai à juin et de septembre à novembre.

PHL : Cyprès Cupressus leylandii et Cupressus macrocarpa

Zoonymie :

  • Thera : Stephens, 1831

  • cupressata : de cupressus, bien-sûr

 • nom vernaculaire :

- La Chésias du cyprès, Chesias cupressata 1830, Duponchel in Godart, Hist. nat. lépidoptères volume 8(1) p. 511. Duponchel donne l'origine du genre qu'il crée chez Treischke, genus Chesias. C'est sous ce nom qu' Emile Souvestre en signale la présence dans le Finistère (Voyage dans le Finistère, 1835).

- La Corythée du cyprès, 1844, Duponchel, Catal. meth. lépidopt. Europe p. 257. Plus exactement, Duponchel dans ce catalogue crée le genre Corythea (avec, en note de bas de page : "surnom de Ceres" ) puis en donne les espèces, dont C. cupressata. Corythea n'est le surnom de Ceres que  dans "un temple situé près d'Argos, sur le chemin de Régée", où elle devait être représentée portant un casque, puisque le mot grec corythé signifie "casque". Si Duponchel a choisi sciemment ce nom, on peut croire que c'est par allusion à la tête forte et presque globuleuse" des chenilles de ce genre. Mais je pense plutôt que, dans ce Catalogue, Duponchel a donné cours à un désir de renouer avec la tradition consistant à donner des noms mythologiques à de nouveaux genres, tradition que son prédecesseur Godart avait fortement réprimée. Son Catalogue est émaillé de genres tels que Acasis, Phaesyle, Eusebia, Anaîtis, Egea, Pellonia, Gléogène, Ligia, Melanthia, Melanippe, Venilia, Corycia, Ephyra, avec les notes "noms mythologiques",quand ce n'est pas Numeria "déesse de l'Arithmétique", Halia "nom d'uen Néreïde", ou Phasiane, "surnom de Cybéle". Ces attributions sont vraisemblablement sans lien avec le genre qu'elles baptisent.

Crozon, 18 octobre 2011

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Epirrita sp. 

  Les sites d'identification indiquent que face à un épirrite, on ne peut trancher avec certitude entre E.dilutata (November Moth) l'Épirrite diluée, E. autumnata ( Autumnal Moth) l'Épirrite automnale "plus foncée avec des lignes transversales plus marquées" et E christyi ( Pale November Moth) l'Épirrite de Christy, "plus petit avec des dessins plus flous". Seuls l'examen des sternites abdominaux ou des genitalia permettrait d'être formel.

Pour développer une zoonymie, je présenterai mon spécimen comme un Épirrite automnal, mais snas engagement :

L'Épirrite automnale Epirrita autumnata ( Borkhausen, 1794)  the November Moth.

Envergure : 40-42 mm

Vole de septembre à novembre.

PHL : Bouleau, aulne.

Zoonymie :

   • Epirrita Hübner, 1822 : 

   • autumnata : d'automne.

   • nom vernaculaire :

Godart et Duponchel semblent l'avoir méconnue et annéxée aux Cheimatobia, Boisduval la décrit ( Hist. nat. ins. 0) comme Oporabia autumnata en reprenant le genre Oporabia ded Stephens 1831 mais ne lui donne pas de nom français

- L'Épirrite automnale me semble être une traduction récente du nom scientifique.

Crozon, 29 octobre 2011

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   Sterrhinae :

 

 L'Impolie  Idaea aversata  (Linnaeus, 1758) Riband Wave

Envergure 23-30mm

Vole d'avril à octobre (plurivoltine)

PHL : Rumex, Taraxacum

 

Zoonymie

Idaea : Treitschke, 1825 du grec Idaios, liè au Mont Ida, en Crète, qui porte lui-même le nom de la nourrice de Zeus ( c'est le sang d'Ida qui a coloré en rouge les framboises, rubus idaeus après qu'elle se soit écorchée aux épines de framboisier).

• aversata : du participe passé du verbe latin aversor, ari, atus sum, "se détourner" : on peut traduire comme "la détournée", " celle qui s'est détournée", ce qui se rapporterait selon Arnold Spuler (1910) à la ligne latérale de l'aile postérieure qui se détourne brusquement de son trajet initial.Je suis plus convaincu par A. M. Emmet qui signale que l'expression latine "in aversa charta" signifie "au dos du papier", "au verso", ce qu'il rapproche de la description de Linné

"punctum in pagina inferiore magis saturatum", le point plus marqué à la face inférieure de la "page", c'est-à-dire de l'aile.

 

• noms vernaculaires :

-c'est Charles Joseph de Villers, ou Devillers ( 1727-1810), collectionneur et entomologiste lyonnais qui a nommé cette espèce l'Impolie en 1796 dans son Entomologie linnéenne, t II p. 344 n°527 ( Carolo de Villers, Caroli Linnaei Entomologia). Parce qu'il est impoli de se détourner ?

-Jean-Baptiste Godart la nomme l'Acidalie détournée dans son Histoire Naturelle des Lépidoptères, Tome 7(2) p. 758 n° 80.

 

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 La Phalène rustique Idaea rusticata ( [Denis & Schiffermûller], 1775)  Least Carpet

Envergure : 19-21 mm

Vole de juin à août

PHL: Clematis vitalba, Hedera, arbres fruitiers,...

 

Zoonymie

Idaea : cf

rusticata : rustique, bien-sûr.

• nom vernaculaire: est-ce la Rustique de de Villers, la Dosithée rustique de Godart ?

 

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  La Fausse-Timandre Scopula imitaria (Hübner, 1799)  Small Blood-vein

 

Envergure : 26-29mm

Vole de juillet à août

PHL : Ligustrum et diverses plantes basses.

 

Zoonymie

 

Scopula Schrank, 1802, Fauna Boica 2(2) : 162.  Ce mot latin désigne à l'origine un petit balai, et Schrank l'a repris pour créer un genre de papillons dont certains mâles se caractérisent par la touffe de soies des tibias postérieurs (Emmet, 1991) .

imitaria Hübner 1799 sous le protonyme geometra imitaria dans Schammlung Eur. Schmett. pl.10 fig.51 : pour la distinguer de Timandra griseata.

 • Nom vernaculaire.

Tout d'abord, qui est la vraie Timandre ? C'est la Timandre aimèe, Timandra griseata.

A l'origine, Timandra est un prénom grec, porté dans la mythologie par la fille de Tyndare et Léda et la fille de Clytemnestre  puis Timandre est  un nom de personnage de théatre ou de roman du XVII et XVIIIème siècle, parfois féminin, le plus souvent masculin participant au commerce galant. On trouve un Timandre chez Shakespeare; Timandre et Bleuette est un conte du cabinet des Fées de la Baronne d'Aulnoy, et dans la pièce de La Fontaine Galathée, Timandre est un berger amant de Clymène et confident d'Acis. Comma Tircis et Amaryllis, il fait les beaux jours de la poésie pastorale.

   En 1829, Jean-Baptiste Godart crée le genre Timandre après celui d' Acidalie pour continuer à démembrer le genre Ennomos de Trieschke, et y place T. amataria ( La Timandre aimèe), T. imitaria (la fausse) et T. emutaria. Il décrit notre espèce à la page 229 du tome 7 (2) de l'Hist. Nat. des Lépidopt. papillons Fr, sous le n° 638 et le nom de Timandre imitée, reservant le nom de Timandre changée à T. emutaria.

  Qui a préféré le nom de Fausse-Timandre à celui donné par Godart ? Je ne sais pas.

 

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La Frange picotée Scopula marginepunctata (Goeze, 1781) Mullein Wave

Envergure : 25-28mm

Vole de juin à juillet puis d'août à septembre

PHL : Achillea millefolium, Artemisia vulgaris, Thymum, Origanum...

 

Zoonymie :

Scopula : cf

marginepunctata : " à la marge ponctuée", en raison de la ligne de points noirs qui orne la marge; cette espèce nous permet de découvrir Johann August Ephraim Goeze ( 1731-1793) zoologiste allemand, pasteur d'Ascherleben.

• nom vernaculaire : à ne pas confondre avec la Phaléne picotée, Ematurga atomaria.

 

 

 

 

  scopula-marginepunctata 7816cc

 

 

La Phalène sacrée, l' Aspilate Sacrée, la Vestale Rhodometra sacraria  (Linnaeus, 1767)  the vestal Moth

Envergure : 12-14 mm

Vole d'avril à octobre

PHL : polyphage.

Zoonymie :

   • Rhodometra Meyrick, 1892 : du grec rhodon, "rouge", et metron, "mesure", pour se référer à la ligne rouge pourpre qui traverse les ailes antérieures.

   • sacraria : de sacer, "saint, sacré" associé à la terminaison -aria propre aux Géomètres pectinicornes.Ou bien, de sacraria, "gardienne de temple, prêtresse, vestale", peut-être parce que Linné les imaginait portant une robe couleur safran, ou encore parce que la beauté pure et dépouillée des ailes lui évoqait la chasteté des vestales, qui étaient vierges ou hierodules. Les collectionneurs anglais ont opté pour la deuxiéme hypothèse en nommant cette espèce "the Vestal Moth. ( A.E. Emmet, 1991).

   • noms vernaculaires :

-La sacrée, 1789, Charles de Villers, entomol. linn. II p. 309 n° 433.

- L' Aspilate sacrée, 1830, Duponchel in Godart, Hist. Nat. Lépidoptères volume 8 p. 121 n° 777; le genre Aspilate est créé par Duponchel en reprenant celui d' Aspilates de Treitchske, 1825. L' Aspilate ( "sans tache") est une pierre précieuse d'Arabie mentionnée par Pline l'Ancien Livre 37 chapître 10. Démocrite en dit quelle est couleur de feu, que, portée attachée à un poli de chameau, elle est fort bonne aux oppilations de la rate, et qu'on la trouve "es nids de certains oyseaux arabeques" (Le parfaict oailler, par Anselmus de Boodt). Je pense que c'est par le sens "sans tache, immaculée", que ce nom s'applique à cette espèce.

  

     Crozon, 2 octobre 2011

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Crozon, 2 octobre 2011 : pour illustrer la posture caractéristique de repos, les ailes en toit ; et pour montrer ce spécimen aux deux points noirs alaires bien visibles.

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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