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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 19:48

San Cristobal iconografia en Sevilla. I. Museo Bellas Artes de Sevilla.

PETITE ICONOGRAPHIE DE SAINT CHRISTOPHE A SÉVILLE.

Voir :

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I. Le retable de quatre tableaux du couvent de Saint-Benoît de Calatrava (San Benito de Calatrava) (vers 1480). Musée des Beaux-Arts, Salle I. Artiste anonyme de l'école de Séville, cercle de Juan Sanchez de Castro, XVe siècle.

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1°) L'Ordre Militaire de Calatrava. (Wikipédia)

"Au milieu du XIIe siècle, la plaine du Campo de Calatrava est le théâtre de luttes incessantes entre chrétiens et musulmans. Suite à la Bataille de Las Navas de Tolosa où ils prirent part les moines guerriers firent construire Calatrava la Nueva entre 1213 et 1217 par des prisonniers de guerre . En 1147, le roi de Castille, Alphonse VII l'empereur conquiert la forteresse musulmane de Qal’at Rabah (en espagnol : Calatrava), bâtie au bord du fleuve Guadiana, et la confie aux Templiers. Dix ans plus tard, incapables de la défendre face à l'offensive des Almohades, les Templiers renoncent et la remettent à son successeur Sanche III.

Face à une situation critique, en particulier pour la ville de Tolède, ce dernier réunit ses conseillers et ses proches et offre la forteresse à celui qui se sentirait capable de la défendre. À la surprise et sous les moqueries des présents, Raymond, abbé du monastère cistercien de Santa María la Real de Fitero, en Navarre, petite-fille de l'abbaye de Morimond, relève le défi. Conseillé par Diego Velázquez, un ancien guerrier devenu moine, il y installe quelques chevaliers le 1er janvier 1158. À eux deux, et avec l'aide de l'abbaye de Fitero, ils arrivent à constituer une armée de 20 000 moines-soldats. Les Musulmans refusent la bataille et se retirent plus au sud.

La communauté mise en place pour la défense de la forteresse est érigée en ordre militaire par une bulle du pape Alexandre III en date du 14 septembre 1164.

Lors de l'offensive almohade de 1195, le roi Alphonse VIII de Castille est battu par Abu Yusuf Yaqub al-Mansur à la bataille d'Alarcos et l'ordre doit abandonner sa forteresse et se retirer à Ciruelos, dans la province de Tolède. Par un audacieux coup de main, quelques chevaliers de l'ordre réussissent à prendre le château de Salvatierra, aux confins de la Sierra Morena, et à le conserver jusqu'en 1211 bien qu'isolé de tout secours extérieur. C'est ainsi que durant ces années, l'ordre prend temporairement le nom d'ordre de Salvatierra.

Comme d'autres ordres militaires, Calatrava participe à la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 et, l'ordre, redevenu maître de la région, décide d'installer son siège dans une nouvelle forteresse bâtie non loin de Salvatierra, et qui prendra le nom de Calatrava la Nouvelle. La forteresse d'origine de l'ordre, désormais désignée comme Calatrava la Vieille, devient une commanderie.

Ayant reçu de larges donations de terres qu’ils organisent en commanderies (en espagnol encomiendas) selon le modèle templier, l'ordre bénéficie vite d'un grand pouvoir politico-militaire. L'ordre règne sur de nombreux châteaux le long de la frontière de Castille et sur des milliers de vassaux ; il est capable d'aligner 2 000 chevaliers sur un champ de bataille, ce qui constitue à l'époque une troupe considérable. Cette force et son autonomie - l'ordre ne reconnaît que l'autorité du pape, ainsi que celle, plus spirituelle, de l'abbé de Morimond - provoqueront quelques heurts avec la monarchie espagnole…

La règle reçue du pape et de Cîteaux par Dom García, le premier Grand Maître de l'ordre, est très stricte. En plus des vœux religieux habituels - obéissance, chasteté et pauvreté -, les chevaliers doivent garder le silence dans le dortoir, le réfectoire et l'oratoire, jeûner quatre jours par semaine, dormir en armure et n'être vêtu que de la robe blanche cistercienne agrémentée de la croix fleur-de-lysée noire (qui deviendra rouge au xvie siècle).

En 1487, le roi Ferdinand le Catholique obtient d'être nommé Grand Maître de l'ordre par une bulle papale, nomination qui sera confirmée pour tous ses successeurs. L'ordre participe en 1492 à la prise de Grenade, dernière étape de la Reconquista. À partir de cette date, l'ordre perd petit à petit son esprit militaire et son âme religieuse, pour ne s'occuper plus que de gérer ses revenus et conserver ses reliques.

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2°) Le Monastère San Benito de Séville.

Au XVIe siècle, les Commanderies de Calatrava sont complétées par des Couvents et Prieurés : San Benito de Jaén , San Benito de Séville, San Benito de Valence, San Benito de Tolède, San Benito de Grenade, San Benito de Zuqueca, San Benito de Zorita.

San Benito de Calatrava de Séville est un prieuré fondé en 1397 ; Séville possède aussi une commanderie. Le Maître de l'Ordre était alors (d'abord en 1395, puis de 1407 à 1443,) Luis Gonzalez de Guzman (d. Almagro , 1443 ), gentilhomme castillan, vassal du roi Juan II de Castille.

Le monastère a été fermé, et seule persiste aujourd'hui l'église San Benito de Calatrava, devenue une dépendance du Collège Nuestra Señora de los Reyes, rue Calatrava à Séville,

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3°) Le Grand Retable du Couvent de San Benito de Calatrava.

Anónimo Escuela Sevillana (Círculo de Juan Sánchez de Castro). Pintura sobre Tabla
168,5 x 117 cm. Procedencia : Convento de San Benito de Calatrava. Sevilla. Museo Bellas Artes de Sevilla, Sala I.

Le Chapitre des Chevaliers des Ordres Militaires du Prieuré était orné d'un grand Retable. Au milieu du XVIIe siècle, il a été remplacé par une œuvre de Juan de Valdés Leal ; l'ancien retable a été offert au Musée des Beaux-Arts de Séville en 1908 par décision du roi, Grand-Maître des Ordres Militaires.

Il s'agit d'un ensemble de quatre tableaux, daté de ca. 1480, intitulé par J. Gestoso Perez "Divers Saints du XVe siècle appartenant au Chapitre de Chevaliers des Ordres Militaires" (ou Tablas del Retablo mayor del Convento de San Benito de Calatrava de Sevilla) par le Musée) et peint sur bois par un peintre anonyme de l'école de Séville, proche de Juan Sánchez de Castro. Cet ensemble a été restauré entre 2003 et 2008, et il est exposé dans la première salle du Musée consacrée à l'art médiéval espagnol.

L'auteur de ce retable de qualité exceptionnelle pourrait être désigné sous le nom de "Maître du Retable de San Benito de Calatrava". On le rapproche de Juan Sanchez de Castro, "le patriarche de la peinture sévillane ", qui était un peintre de style gothique tardif ou hispano-flamand, actif à l' Alcazar de Séville en 1478 : son travail est empreint de tendresse, la grâce et la douceur, avec une influence du style méditerranéen. Voir la Vierge allaitante , au Musée national d'art de Catalogne et de la Vierge de Grâce à la cathédrale de Séville

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Les quatre tableaux représentent huit saints appariés, en pied, sur un fond bleu ciel à motif de grenades de Damas doré. Chaque personnage est isolé dans une niche dessinée par deux arcs en accolade de bois sculpté, dorés, polylobés, s'appuyant au centre sur une colonne cannelée, et dont l'apex se termine en un fleuron trilobé à feuilles d'acanthes. Le fond doré de chaque niche est travaillé par un quadrillage à la roulette, les carreaux recevant des motifs en quinconce de cercles tracés par des poinçons de différents diamètres. Le tiers inférieur du tableau figure le sol, est représenté par un carrelage sans effet de perspective ; ce carrelage est une alternance très simple de carreaux tricolores dans deux cas, et un assemblage de motifs géométriques complexes dans quatre cas. Cette disposition en niches gothiques, fond doré et bande inférieure carrelée rappelle celle des enluminures des livres. Le tableau d'origine a été renforcé lors de la restauration par un support en acajou.

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Les huit saints sont les suivants :

  • Saint Jérôme et saint Antoine de Padoue. (San Geronimo y san Antonio de Padua)

  • Saint André et saint Jean-Baptiste. (San Andres y san Juan Bautista)

  • Saint Antoine et saint Christophe. (San Antonio abad y san Cristobal)

  • Saint Catherine et saint Sébastien. (San Catalina y san Sebastian)

La cohérence du choix de ces saints est difficile à percevoir puisque nous y trouvons un ermite pénitenciel et Père de l'Église du IVe siècle (saint Jérôme), un franciscain portugais du XIIIe siècle luttant contre les hérésie (saint Antoine de Padoue), un apôtre et martyr (saint André), l'ascète Précurseur et Annonciateur du Christ (Jean-Baptiste), un anachorète du III-IVe siècles invoqué dans la cure du Mal des Ardents (saint Antoine), un saint christophore patron de voyageurs (Christophe), un Vierge et Martyre du III-IVe siècle, érudite en théologie, figure du mariage mystique et invoquée par les femmes enceintes (Catherine d'Alexandrie), et enfin un archer martyr du IIIe siècle, patron des soldats et protecteur de la peste (Saint Sébastien). Deux d'entre eux appartiennent aux 14 saints intercesseurs (ou auxiliateurs), Christophe et Catherine, protecteurs de la mort soudaine –sans confession ni sacrement– et trois autres sont thaumaturges (les deux Antoine, et Sébastien). On note, dans le couvent de saint Benoît, l'absence de ce saint, et, dans le prieuré d'un ordre de moines-guerriers, l'absence des saints de la chevalerie Michel et Georges.

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4°) Le troisième tableau : Saint Antoine et saint Christophe.

 

M useo de Bellas Artes de Sevilla, Inv. DO0017P. Antonio Abad y San Cristóbal. 1480[ca] (Siglo XV). Convento de San Benito de Calatrava, Sevilla (Andalucía, España) : Retablo Mayor Tablas del Retablo mayor del Convento de San Benito de Calatrava de Sevilla.

 

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Description.

 Peinture sur bois, sur un support de cinq planches de chêne verticales encadrées de bois de pin, mesurant 168,3 X 116,2 cm. Restauration entre 2003 et 2008. 

Un cartel fixé au dos du tableau porte l'inscription : "Con la autorización de su majestad el rey d. Alfonso XIII, gran maestre de las Órdenes Militares, acordaron los caballeros de las mismas residentes en Sevilla, que estas cuatro tablas de su pertenencia fueran depositadas en este museo conservando siempre su propiedad, lo que verifico el 17 de febrero de 1908".
 

Les saints sont figurés debout, de trois quarts, tournés légèrement vers la gauche.
Dans la niche de gauche est représenté Saint Antoine Abbé, avec ses attributs : la canne en forme de Tau, la cloche, et le cochon (noir comme l'étaient les cochons de l'époque). Ces deux derniers attributs se référent aux Antonins, qui soignaient les malades frappés d'ergotisme causé par l'ingestion de seigle contaminé par un champignon. Leurs soins empiriques consistaient à assurer aux victimes du mal des Ardents ou Feu de Saint-Antoine une nourriture diversifiée et carnée : ils avaient seuls le droit de permettre à leurs porcs de se nourrir des déchets urbains.  Saint Antoine apparaît comme un homme âgé le crâne tonsuré, et la  barbe touffue. Il est vêtu d'un grand manteau de bure brune frappé du Tau noir et d'une tunique blanche ; il  porte dans ses mains un livre ouvert. Sur le nimbe doré se lit, en relief, "SANTO:ANTON:ERMITANO" "Saint Antoine, ermite". Le carrelage, assemblant des éléments géométriques complexes de cinq couleurs, peut évoquer les motifs hispano-mauresques des azulejos.

L'association de saint Antoine abbé à saint Christophe n'est pas fortuite, puisque Dominique Rigaux (1996) en a signalé page 244 la fréquence dans les sanctuaires alpins : la vertu des saints se renforcent mutuellement.


 


 

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http://es.wikipedia.org/wiki/Juan_S%C3%A1nchez_de_Castro#/media/File:San_Antonio_Abad_y_San_Cristobal.jpg

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5°) Le Saint Christophe du Maître du Retable de San Benito de Calatrava.

Je parviens maintenant à l'objet de cet article. J'éprouve une admiration toute particulière pour ce saint Christophe, le plus beau de ceux qu'il m'a été donné d'observer. 

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Nous reconnaissons vite saint Christophe, ce patron des voyageurs que nous identifions par l'Enfant-Jésus qu'il porte pour l'aider à traverser un gué : l'enfant juché sur l'épaule, le bâton, le cours d'eau traversé sont trois indices nécessaires et suffisants pour poser notre diagnostic avec assurance. Souvent, nous ne connaissons de ce saint que les rudiments de sa légende, mais notre plaisir de retrouver un personnage familier et sympathique se passe bien de la nécessité d'en apprendre d'avantage. Pourtant, ici, nous sommes intrigués par des éléments inhabituels. D'une part, nous sommes devant un jeune homme fringant vêtu comme un seigneur , d'autre-part il tient en main un véritable arbre et non une canne, mais encore il a passé une roue de pierre à son bras gauche, et deux sortes de marionnettes s'agitent à sa ceinture. Qu'est-ce que cela veut dire ? Y a-t-il d'autres exemples de ces particularités?  Ces questions vont être l'aiguillon de ma curiosité et la mise en bouche de ma visite.

Auparavant, voici ma propre photo, prise au Musée en juin 2015.

 

Saint Christophe , Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

Saint Christophe , Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

La partie supérieure.
 

Saint Christophe est représenté ici comme un beau gaillard, luxueusement vêtu,  traversant la rivière, en portant l'enfant Jésus sur son épaule gauche. Comme il est de la même taille que son voisin saint Antoine, on ne remarque pas immédiatement qu'il s'agit d'un géant. Le Petit-Jésus est assis, tendrement et étroitement serré contre la tête du saint. Il porte le nimbe , dont l'observation rapprochée révèle la finesse d'exécution avec 10 lignes concentriques dont deux en relief et les autres poinçonnées aux empreintes rehaussées de peinture bleue ; le rouge des trois triangles dessinant le motif crucifère a l'inhomogénéité des facettes de grenats. 

Le bandeau qui ceint la chevelure de Christophe (issu du bandeau des martyrs d'une strate antérieure de la légende)  en laissant échapper trois mèches en coquilles est noué hâtivement sur la tempe droite, mais le brin libre flotte avec légèreté sur le coté ; sa couleur, alors d'un gris clair, prend progressivement une teinte bleutée avec l'ombre qui affecte aussi la joue gauche, ce qui permet une transition très douce et  une continuité presque complice avec le manteau de l'Enfant. Le revers de ce dernier est en effet d'un gris-bleu plombé et soyeux, traversé par des plis d'un bleu profond, alors que l'endroit du tissu est d'or, avec des brocarts en grenade bleu nuit. Deux pans s'envolent avec fantaisie comme des oiseaux, comme si deux danseurs amorçaient des mouvements en symétrie avec leur collègue du bandeau de gauche. Après avoir suivi leurs signes aériens, le regard revient sur le fermail qui unit, devant le manubrium, les deux coins du manteau.

L'orbe, ou globus cruciger,  confère à l'Enfant le titre de Salvator Mundi, de Sauveur du monde. Là encore, une contemplation attentive de l'image est récompensée par la découverte de tous les détails témoignant du travail d'orfèvre du peintre. Les bras de la croix sont fleuronnés, et chaque fleurons reçoit quatre pierres précieuses, mêlant des teintes ponceau et corail avec des roussissures métalliques.

Ce globe est, par cette science des rappels internes, d'un bleu semblable aux précédents, mais il s'éclaire d'une opalescence d'iris. Il est divisé, comme c'est la règle, en trois compartiments qui sont les trois continents indiqués ASIA, EUROPA, et AFRICA. La calligraphie est à la hauteur de la peinture, et les minuscules gothiques sont ornées par le jambage fourchu du f, par les deux-points en Z prolongés d'hameçons, ect.

La main droite de Jésus trace une bénédiction. 

Il faut observer aussi le mouvement charmant des pieds de l'enfant ; ou la bouche entrouverte du saint, les petites touches ivoire des incisives, l'arc de cupidon de la lèvre garance ; les poils adolescents d'une courte barbe taillée en W sous le menton. Mais cette promenade vagabonde de l'attention sera vite interrompue, captée par les regards des deux amis. Christophe tourne les yeux vers la gauche, comme s'il venait de remarquer un je-ne-sais-quoi, mais sans se départir d'une douce et tranquille maîtrise, alors que Jésus, regardant sans regarder vers sa droite, médite. On les sent tous les deux plongés dans le chaud envoûtement d'un moment d'entre-deux, de la traversée d'entre les deux rives, d'un charme à ne pas briser encore, car on le sait éphémère. C'est le regard flottant d' écoute des mouvements intérieurs de l'âme.

Pour ne pas briser ce cercle magique, on pénétrera dans les ondes concentriques du nimbe du saint : le site du Musée prétend y lire "San Cristobal", mais les lettres majuscules et romaines indiquent plutôt ST XCRISTOVbALc, avec la mini-énigme des lettres conjointes Vb, et celle des deux dernières lettres masquées par le nimbe crucifère (Xcristobalo ? cf. Cristobalón ). Le nom espagnol ne dérive pas du grec Christo-ballos et du verbe grec  βαλλειν, ballein "lancer" , mais d'une altération du grec christo-phoros, "porteur du Christ", du verbe  φέρω, ferô (« porter »), d'où φορός, phorós (« porteur »). Je remarque que selon le dictionnaire d'Anatole Bailly, phoros signifie "qui porte en avant, qui pousse, propice, favorable" (ex. : un vent) et au sens figuré "qui porte vers, qui dispose à" ; de même, le latin fero dans son senns de "porter (des fruits) a donné fertilis, "fertile". Il y a donc une notion de croissance (végétale ou vitale) et une valeur dynamique et bienfaisante de cette action de "porter" qui n'a rien de passive.

Le verbe pherein et le latin fero proviennent d'un radical Indo-européen *bʰer- qui a donné de nombreux dérivés en -b, comme le vieil irlandais : berid, le breton : aber, le gaélique  beir, abair, l' anglais : bear, l'allemand : gebären, néerlandais : baren, le suédois : bära, le danois et le norvégien: bære. Le -b du Cristobal espagnol se rapporte peut-être aussi à ce lointain ancêtre.

 

A cette notion de croissance productive, je veux rattacher l'arbre que porte le saint.

L'arbre-canne de saint Christophe.

Cristobal tient en main droite une hampe très longue qui se termine par plusieurs branches à feuillage vert semblable à un vrai chêne. A sa partie inférieure, élargie, qui trempe dans l'eau, on distingue des radicelles, qui sont plutôt deux petits arbustes sans feuille. Cet ensemble n'est donc ni réellement un arbre proportionné, ni une lance ou une canne, pas plus qu'un bourdon (le bâton de pélerin), c'est une chimère végétale. En théorie, c'est-à-dire selon la légende alors en vigueur (l'hagiographie de saint Christophe est passé par plusieurs versions), celle de la Légende Dorée de Jacques de Voragine du XIIIe siècle,  cet arbre se réfère à l'épisode central suivant : 

Un ermite conseille à Christophe, en quête de trouver le Christ, d'utiliser sa force pour servir de passeur. Le géant s'installe donc au bord du fleuve qu'il fait traverser, appuyé sur un bâton. Après bien des jours un petit enfant lui demande à son tour de l'aider à passer la rivière, mais son poids se fait à chaque pas plus pesant si bien que Christophe arrive à grand peine sur l'autre rive. L'enfant lui révèle alors qu'il est le Christ. A l'appui de ses dires, il lui conseille de planter son bâton devant sa maison et, le lendemain, Christophe « trouva que sa perche avait poussé des feuilles et des dattes comme un palmier » . Bousculant le temps de la narration, selon un procédé habituel, l'image médiévale montre le saint dans l'eau appuyé sur le bâton déjà fleuri, signe de l'accomplissement de la promesse divine.

Beaucoup de peintures montrent effectivement dans la main du saint un palmier, ou, du moins, une tige à feuillage à cinq ou six digitations aux allures de palmes ou de digitations. Mais l'image, ici comme ailleurs, n'illustre pas le texte de la légende, mais s'en libère pour montrer ce qui lui est sous-jacent : un personnage moins religieux que surnaturel, issu du monde fée et de croyances pré-chrétiennes. Si le texte était respecté, Christophe tiendrait encore, dans sa traversée du gué, un simple bâton, et ce serait sur une autre image qu'on le verrait, sur l'autre rive, avec son bâton transformé portant des feuilles et des fruits. 

 « Dans sa grande étude sur les origines du culte et de la légende de saint Christophe, Hans Friedrich Rosenfeld [...] constate que l'image est antérieure au texte. Car le succès du culte de Christophe, en Occident du moins, est un succès en image et par l'image. » (D. Rigaux)

Tel qu'il est représenté ici, il figure comme une divinité de la Nature dans sa croissance productive, un géant vert favorable (pherein) au développement végétal. Cela évoque une célèbration du réveil des forces vitales au début du printemps, ce qui m'incite à lire avec intérêt les lignes où D. Rigaux mentionne que  "comme l'a bien montré Jean Haudry, la traversée de l'eau correspond à un scheme littéraire indo-européen connu ... Les versions allemandes de la légende occidentale ajoutent un détail que confirme souvent l'iconographie des XIVe et XVe siècles : la traversée a lieu de nuit et même, dit le texte du milieu du XIVe siècle, une nuit d'hiver, «in einer winternacht». La « traversée de l'eau de la ténèbre hivernale » débouche naturellement sur le retour des beaux jours que figure le miracle du bâton. " Pour Rigaux, la traversée est une « épreuve qualifiante » avant l'épreuve finale du martyre, mais elle est aussi une traversée temporelle dans le cycle annuel affrontant la nuit et l'hiver et assurant la victoire de la lumière et du renouveau. Cette confrontation angoissante de l'humanité à l'arrêt de la production végétale et au déclin du soleil, puis cette reprise annuelle des productions végétales et donc des sources alimentaires, possède, bien-sûr, son équivalent dans le cours de l'existence humaine, avec l'angoisse de la mort et l'espérance en la résurrection.

Le géant porteur de Christ est un héros de l'anti-ascèse : dans la légende, face à l'ermite qui lui propose de se mettre au service du Christ par le jeûne, il déclare que cela lui est absolument impossible. Il porte en lui les valeurs opposées à la privation de nourriture, il est, par essence, floride et fécond. C'est ainsi qu'il rétorque : 

Jeuner est une vie aux chiens

Pour leur faire prendre la rage. […]

mais quant j'ay fain, il fault menger

Et boyre bien a plaine pance

Voyla toute la penitence

De ma vie quotidienne (Mystère de Sainct Christofle, vv 7255-70).

 

Pour D. Rigaux "l'aventure de Christophe montre qu'il existe, parallèlement à l'ascétisme et à la contemplation, une troisième voie vers la sainteté, celle de l'héroïsme" ; mais il me paraît plus vraisemblable que la figure de ce saint permette une expression "religieusement correcte" des forces joviales de la consommation et du dynamisme vital réprimées par les prédications pénitentielles et les pratiques liturgiques de jeûne. Si héroïsme il y a, ce serait dans le sens où la tige fructueuse et féconde arborée par Christophe en font un héros de l'exubérance vitale.

Remarquons aussi comment se déroule la traversée du fleuve : 

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"Christophe leva donc l’enfant sur ses épaules, prit son bâton et entra dans le fleuve pour le traverser. Et voici que l’eau du fleuve se gonflait peu à peu, l’enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avançait, et l’eau gonflait toujours, l’enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et, craignait de périr. Il échappa à grand peine. Quand il eut franchi la rivière, il déposa l’enfant sur la rive et lui dit : Enfant, tu  m’as exposé à un grand danger, et tu  m’as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourd à porter. » L'enfant lui répondit : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, , auquel tu as en cela rendu service; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits, " 

Voir Bnf Fr. 242 folio 149v pour le texte original (transcrit par mes soins):

"Lors Christofle leva l'enfant sur ses espaules et prist son baston, et entra ou fleuve pour passer et l'eau du fleuve s'enfloit petit a petit,et l'enfant pesoit tres guesment comme plon, et de tant comme il aloit plus avant de tant croissoit l'eaue, et l'enfant pesoit plus sur ses espaules si que Christophe avoit mult grant angoisse, & se doutoit forment se noyer ; et quant il fu esschapez a grant peine et il fu passez oultre et mis l'enfant à la rive, il lui dist : enfant, tu mas mis en grant peril et pesoies tant que se jeusse tout le monde sur moy je sentisse a peines gueiguem faius. Et l'enfant respondi Christofle Ne te etonne, car tu nas pas tant seulement eu tout le monde sur toy mais celui qui crea tout le monde as tu porte sur tes espaules. Je suy cist ton roy a qui tu sers en ceste einue et pour ce que tu sasches que je die voir quant tu seras repassez fiche ton baston en terre de lez ta maisonnette et tu verras demain quil portera fleur et fruit et tanstot sesvanoy de ses yeux. Et dont vint Christofle et ficha son baston en terre et quant il se leva au matin il le trouva aussi comme un palmier portant fleur et fruit."

Si on retient souvent que c'est le poids de l'Enfant-roi qui s'oppose à la progression du passeur, on voit aussi que la Légende Dorée témoigne aussi de la puissance d'une crue du fleuve : autre aspect de la pulsion vitale et de la pression des forces fécondatrices qui sont potentiellement destructrices si elles ne sont pas maîtrisées (comme dans les traditions du Réveil de l'Ours le 2 février dans les Pyrénées après l'hibernation). 

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Saint Christophe et l'Enfant, Bnf fr. Ms 242 folio 149r  Légende dorée traduite en français par Jean de Vignay, (Gallica)

Saint Christophe et l'Enfant, Bnf fr. Ms 242 folio 149r Légende dorée traduite en français par Jean de Vignay, (Gallica)

Christophe, figure de la paternité et de la fraternité.

 On ne peut observer le visage du Christophe de San Benito de Calatrava sans remarquer le caractère christique de ses traits : c'est un double du Christ. Or, les représentations du Christ adulte dans sa "Vie Publique" sont rares dans l'iconographie médiévale ou de la Renaissance  si on les compare à celles de son Enfance ou celles de sa Passion, ce qui prive les fidèles d'une image tonique, dynamique, rayonnante et charismatique, et, a fortiori, d'une image virile de leur Rédempteur : Christophe permet par un dédoublement, de combler ce manque, dans le cours d'une action physique (traversée d'un fleuve), et hors de tout contexte de souffrance et de martyr (à la différence de saint Sébastien, dont les traits apolliniens procurent pourtant une image de puissance et de maîtrise). Dans le retable de san Benito, cet aspect est d'autant plus franc que le saint n'est pas représenté laid, vieux ou effrayant avec une longue barbe noire, mais au contraire dans l'éclat de sa jeunesse.

Mais une autre comparaison vient aussi à l'esprit.Le Christo-phoros est la figure masculine de la Vierge à l'Enfant, une figure de substitution puisqu'il ne peut y avoir (en dehors des Trônes de gloire) de représentation dans la religion chrétienne du "Père à l'enfant" comme il en existe de la "Mère à l'enfant". Dieu le Père n'est bien-sûr jamais représenté portant l'Enfant-Jésus, ce qui serait une sorte de contre-sens, et Joseph, dont la paternité est profondément disqualifiée pour ne pas créer de concurrence délicate, reste dans l'ombre et l' arrière-plan.

 

C'est ainsi que le jeune, et radieux Christophe portant l'Enfant sur son épaule offre une image positive de la paternité, sous la justification ou le prétexte d'une traversée de gué et d'une conversion. 

Saint Christophe (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

Saint Christophe (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

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San Cristobal (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

San Cristobal (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

 


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La partie médiane.

Dans ce tiers moyen de la peinture, le manteau damassé or s'écarte largement sous le fermail rouge et donne à voir son revers vert (de la même couleur que le feuillage de l'arbre) ; celui-ci forme ainsi un fond quadrangulaire sur lequel se détache la superbe tunique courte damassée d'or sur fond bleu, dont le revers est rouge, couleur habituelle de la tunique dans l'iconographie du saint. Ce vert qui découpe ses ailes élégantes, cet or pénétré par des arabesques bleues, le rouge des pans et des emmanchures aigües comme des faux sont du plus bel effet, mais ce n'est pas cela qui retient surtout notre attention. Ces somptuosités vestimentaires cèdent la vedette à trois éléments : la posture en contrapposto ; la meule portée en guise de bracelet ; et les deux personnages qui s'agitent dans la ceinture.

Le déhanché est obtenu par une flexion du genou droit sans équin du pied, mais il tient sa grâce de ce qu'il s'associe à une rotation du corps : tandis que l'axe des deux pieds est tourné de 45° vers la droite, et que cette orientation se poursuit encore dans le bassin (la hanche gauche est vue de 3/4), le tronc et les épaules se tournent et le saint nous fait face. Cette torsion, comme celle de la Mona Lisa, confère au personnage une souplesse désinvolte si prisée dans les cours de la Renaissance où une certaine façon retenue de sembler rester à distance des sujets est le comble du chic courtisan , de la sprezzatura, selon Baldassar Castiglione. Même avec de l'eau jusqu'aux mollets, portant le poids du monde à gauche, un chêne déraciné à droite, et, en guise de handicap, une roue de pierre pour corser l'affaire, ce type d'homme conserve un sourire affable et interrompt sa traversée pour vous permettre de le photographier, sans la moindre impatience. En espagnol, c'est la desenvuelto.

La meule de moulin passé nonchalamment au bras gauche m'a fait rechercher sans succès l'épisode ou l'anecdote de légende en qui elle trouve son origine. A défaut, je l'interprète comme une façon d'indiquer ostensiblement que cet homme fait partie des géants et que pour lui, tel Obélix, une pierre meulière n'est qu'une parure portée par caprice. Puisque nous ne disposons pas d'éléments comparatifs qui puissent servir d'échelle pour apprécier la taille de Cristobal, et que les visages respectifs de Jésus, de Christophe et de son voisin saint Antoine sont proportionnés, cette pierre est le meilleur indice attestant le gigantisme du saint, et de son caractère surnaturel, légendaire. Ce Christophe est de la race de Gargantua et des géants populaires — comme ceux de Catalogne—plutôt que des fils de Gaïa et Ouranos de la mythologie grecque. 

Ce qui va être passionnant sera d'utiliser ce détail comme fil conducteur vers des parentés et filiations iconographiques.

La ceinture du saint attire aussi l'attention : en cuir noir, elle est régulièrement cloutée de pièces métalliques en forme de demi-sphères et se termine par un passant doré ; mais, bien-sûr, ce sont  les deux personnages qu'elles retient fermement qui nous intéressent. Ils semblent bien vivants, et, comme la pierre meulière, ils soulignent la taille gigantesque du saint, qui atteint douze coudées dans une légende carolingienne, soit plus de cinq mètres (une coudée = 45 cm). Les commentateurs les désignent habituellement sous le nom de "pèlerins", et je reprends volontiers ce qualificatif, qui supposerait que Christophe les a passé ainsi à sa ceinture pour les protéger ou leur faire profiter de sa foulée digne des bottes de sept lieues des contes de Perrault. Pourtant, ils gesticulent avec impatience : l'un (qui porte le même bandeau que le saint) se penche comme s'il appelait à l'aide, et l'autre, qui repousse la meule d'un bras, tient un récipient de fer blanc ou d'étain qu'il semble agiter. tandis qu'il maintient son chapeau sous le coude. Quel est le sens de cette mascarade de marionnettes ? Il me semble probable que ce détail cocasse n'est pas seulement destiné à souligner le gigantisme de Christophe, où à illustrer combien ce saint protège les pèlerins et autres voyageurs, mais qu'il est relié aux anecdotes d'une légende populaire ; néanmoins, je n'ai pas retrouvé d'éléments en faveur de cette notion.

En conclusion, cet étage médian de l'image est bien différent de l'étage supérieur : aux éléments Renaissance de celui-ci, avec des visages fins, humains, et réalistes, succèdent des caractères hérités des légendes médiévales et d'une iconographie faisant appel à des fonctions primitives voire magiques de la sainteté telles que le pouvoir apotropaïque : c'est ce que la recherche des sources iconographiques va m'apprendre.

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San Cristobal (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

San Cristobal (détail), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

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La partie basse .

On y voit dans une dominance ocre, des rochers, et  l'eau du fleuve animée de vaguelettes et d'ondes  autour des pieds du saint. Une dizaine de petits poissons, dont un poisson plat, sont dessinés à la peinture brune. Enfin, la perche sur laquelle Christophe s'appuie s'évase légèrement dans sa partie inférieure avant de se terminer par une fine image radiculée.

 Cela suscite peu de commentaires, mais les auteurs font mention, dans d'autres tableaux, de représentations d'animaux aquatiques ou de sirènes qui illustreraient le caractère redoutable de l'épreuve initiatique de la traversée.

 

 

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San Cristobal (pieds ), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

San Cristobal (pieds ), Retable de San Benito de Calatrava (1480) Musée des Beaux-Arts de Séville, photo lavieb-aile.

II. La recherche des sources iconographiques.

Nous avons donc au Musée de Séville un saint Christophe nimbé jeune portant une courte barbe et de riches vêtements,  traversant le fleuve, l'Enfant-Jésus en Sauveur du Monde sur son épaule gauche, s'appuyant sur un bâton déjà miraculeusement "fleuri" sous forme d'un arbuste aux allures de chêne, avec une meule de moulin au bras gauche et deux "pèlerins" passés à la ceinture, alors que de petits poissons nagent dans l'eau claire qu'il traverse. C'est une peinture à l'huile sur bois, de taille (168 cm) inférieure à la grandeur nature. Signalons aussi que saint Christophe regarde vers la droite et ne fixe pas le spectateur. Le tableau provient du chapitre du prieuré de l'Ordre militaire de Calatrava.

En effet, nous allons retrouver dans l'iconographie :

  • des peintures murales, le plus souvent de grande ou très grande taille proche de 4 mètres de haut, ou plus,  pour représenter un géant . Ces images sont placées dans un sanctuaire public (cathédrale, église) de telle sorte qu'il soit rapidement visible par les fidèles (protection par la simple vision de l'image) 

  • des exemples où l'image du saint est associée à une inscription dont la lecture assurera au lecteur une protection (protection par le texte).

  • Des exemples où le saint aux yeux dilatés regarde devant lui et fixe donc le spectateur (protection par le regard croisé).

  • des exemples où le saint est âgé, doté d'une longue barbe de couleur sombre, parfois laid, ou effrayant.

  • des exemples où se rencontrent, comme ici, une pierre de meule et/ou des personnages portés à la ceintures.

La recherche  peut s'effectuer par thèmes (tous les exemples à pierre de meule, tous les exemples à regard droit, etc...), par localisation géographique soit à proximité de Séville, soit dans l'Andalousie, dans l'Espagne etc..., soit par époque du XIIe au XVI ou XVIIe siècle, et ce choix n'est pas facile.  Dominique Rigaux a exploré l'iconographie dans la région alpine ; Ester Bergozzi celle de Lombardie autour de Crémone et de Lodi ; en Espagne,  Santiago Manzarbeitia Valle a étudié la peinture de San Cebrian de Muda (Province de Palencia) et l'a comparé à d'autres œuvres, dont celle du Musée de Séville. Le site Consultatodo propose de nombreux San Cristobal hispaniques.  Dégagé de toute contrainte par mon statut de blogeur, j'irai pour ma modeste part par sauts et gambades, par les associations crées par ma curiosité. Je vais déjà constituer ma petite liste de course espagnole :

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1. A Séville, je peux admirer :

  • Au Musée des Beaux-Arts, un San Cristobal de Francisco Varela de 1638. Pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

  • à la Cathédrale de Séville : la monumentale peinture murale. Pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

  •  à la Cathédrale de Séville: un vitrail. Ni pierre ni pèlerins

  • au Monastère de San Isidoro del Campo à Santisponce : un tableau.  Pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

  • au Couvent de Saint-Paul : peinture murale, XVIIe. Pas de regard frontal, pas de pèlerins, mais la pierre de meule

  • à l'église de Saint-Sauveur ( Iglesia del Salvador), un retable sur une image originale de   Juan Martínez Montañés (1597), et/ou une statue dans la chapelle baptismale .

  • à l'église Sainte-Marie de la Oliva à Lebrija : une peinture murale : Pierre de meule ; regard frontal.

  • AncreAncreAncre A Triana, église Sainte-Anne, peinture murale d'Alonso Vasquez, XVIe siècle, pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

  • Un reste de fresque représentant la partie supérieure de saint Christophe portant l'Enfant à la chapelle Sainte-Madeleine du monastère  de Santa María de las Cuevas permet de constater la présence de la pierre de meule. Voir la photographie.

     

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Ancre 2. Au Musée du Prado de Madrid, un retable anonyme du XIVe siècle, je touche le tiercé regard frontal, pierre de meule, et deux pèlerins à la ceinture. Dimensions: 2,66 x 1,84 m.

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3. Ailleurs en Espagne :

— Burgos (Castille-et-Léon)- Cathédrale: peinture murale du XIVe siècle : Regard frontal, Pierre au bras gauche, pèlerins à la ceinture

— Burgos (Castille-et-Léon)- Cathédrale: peinture du XVIIe siècle. Ni regard frontal, ni pierre, ni pèlerins.

— Salamanque (Castille-et-Léon), Cathédrale ancienne. Peinture murale. Meule au bras gauche, pèlerins.

— Salamanque (Castille-et-Léon), Eglise de San Marcos. Peinture murale, 3 mètres de haut, XIVe siècle. Regard frontal, pierre au bras gauche, trois pèlerins à la ceinture. Représenté à coté de saint Jacques.

— Zamora (Castille-et-Léon, 65 km au nord de Salamanque) , Cathédrale, Peinture murale par Blas de Oña. XVIe siècle., grande taille, pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

— Zamora  (Castille-et-Léon) - Église de Sainte-Marie la Neuve. Peinture murale de 3,5 mètres de haut, très détériorée. meule de moulin.

—  León (Castille-et-Léon), cathédrale, chapelle Sainte-Thérèse,  peinture murale de  Nicolás Francés. (1434-1468) restaurée en 2008, 8 mètres de haut, 3 mètres de large,  XVe. Pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.  http://www.diariodeleon.es/noticias/cultura/san-cristobal-llega-otra-orilla_849527.html / http://www.diariodeleon.es/noticias/cultura/catedral-busca-mecenas-salvar-obra-nicolas-frances_388872.html

— León (Castille-et-Léon), cathédrale, haut relief, roue de moulin et trois pèlerins à la ceinture.

— León (Castille-et-Léon), Musée d'Art Sacré de la cathédrale et du diocèse de León, Retable de saint Christophe venant de Nuestra-Señora del Mercado  ancienne paroisse de Santa-Maria del Camino (cité par L. Grau-Lobo) "Tabla protogótica de san Cristóbal, pintada al temple, recientemente descubierta en la Iglesia del Mercado,oculta debajo de un Ecce Horno del siglo XVI.". Roue de moulin, trois pèlerins à la ceinture et deux dans une poche.

— Barcelone, Musée Mares,  statue de saint Christophe venant de San Cristóbal de Entreviñas (province de Zamora, Castille-et-Léon), cité par Grau-Lobo.Meule, trois pèlerins.

— Ségovie (Castille-et-Léon), église San Millán, peinture murale de saint Christophe à tête cinocéphale, quatre pèlerins à la ceinture.

 

— Tolède (Castille-la-Manche) Cathédrale  : Peinture murale de 11 mètres de haut, du XVIIe siècle. Ni regard frontal, ni meule, ni pèlerins. Il y est le patron des portefaix  où sa statue colossale recevait leurs hommages),

—  Cotillo-Anievas (Cantabrie), Eglise de Saint-André , statue en pierre du  XIVe siècle. Position frontale ; meule de moulin ; quatre pèlerins à la ceinture. 

— Valence (Communauté valencienne)- Cathédrale:  Dans la chapelle dédiée à Saint-Graal, peinture murale attribuée à  Gonçal Peris (1380-1451)  Dim. approx.  4 x 1,5 m. Pas de regard frontal, pas de pierre, pas de pèlerins.

 

 

Au total, sur 23 peintures et 2 statues  de Saint Christophe en Espagne du XIV-XVIIe siècle, 14 (plus de 50%) présentent au moins l'un des deux attributs accessoires que sont la pierre de meule et les pèlerins à la ceinture, alors que je n'ai pas encore trouvé d'exemple dans les autres pays (France, Italie, Allemagne, Suisse).

 

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Une brève histoire de l'image de saint Christophe.

Je procède ici à de larges emprunts à la publication de Dominique Rigaux et au compte-rendu par Grumel de la publication de Rosenfeld , mais je recommande la consultation de ces textes.

1. Cette histoire débute en Orient :  D'après les légendes orientales, les plus anciennes,  Christophe, qui se nommait Reprobus avant d'être baptisé, était un monstre cynocéphale. Soucieux de se mettre au service du maître le plus puissant, il met sa force au service de son roi, puis du diable quand il s'aperçoit que le souverain craint le malin, et enfin du Christ vainqueur du mal.. Il se convertit à la foi chrétienne. Arrêté sous l'empereur Dèce, il refusa d'apostasier et subit de nombreux supplices avant d'être décapité. Le culte est attesté en Asie mineure dès le milieu du Ve siècle. Le plus ancien témoignage reste l'inscription connue des environs de Chalcédoine, datée du 22 septembre 452, et mentionnant le début de la construction d'un martyrion de saint Christophe au 3 mai 450. 

 

La Passio Christophori tire manifestement son origine de la légende gnostique des «  actes de Barthélémy, du pays des Ichthyophages, alla chez les Parthes, et les miracles qu'il y accomplit avec André et Christianus le Cynocéphale ». Dans cette légende, Barthélémy et André apparaissent comme des martyrs à la vie indestructible ; Dieu leur envoie en aide un cynocéphale géant, anthropophage, nommé le Maudit, qui, baptisé par un ange, a reçu l'usage de la parole et le nom de Christianus. Or, tel est bien le signalement du Christo- phorus de la Passio. C'est aussi un géant cynocéphale, anthropophage, nommé Reprobus. baptisé par l'intervention céleste, et qui reçoit alors l'usage de la parole humaine et le nom de Christophore. Presque tous les éléments de la Passio Christophori sont tirés de la légende gnostique de saint Barthélémy. L'épisode dû bâton qui verdit et fleurit, qui y manque, a pu être emprunté à une autre légende, celle de Mathieu à Myrne, ou tout simplement à la Bible.

En Orient, la représentation primitive du saint ignore pareillement le thème du porte-Christ. Les plus anciennes peintures connues, celles de Cappadoce, montrent le saint comme un jeune homme imberbe, avec le bâton verdoyant à la main. Il y a tendance en Orient à représenter saint Christophe en guerrier. Ainsi à Saint-Luc en Phocide {XIe siècle), dans un ménologe du XIIIe siècle, sur un reliquaire commandé par Michel Ducas (1067-1078), au Protaton de l'Athos au début du XIVe siècle. Toujours il est représenté comme un jeune homme, avec une figure imberbe, presque féminine, et souvent avec une longtue chevelure bouclée tombant sur les épaules.

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 2.  De l'Orient, le culte est passé en Occident, où il devait connaître une fortune inouïe. Les plus anciens témoignages sont : en Sicile, un monastère mentionné par saint Grégoire le Grand; à Rome, une inscription de 687-688; aux environs de Ravenne, une basilique de saint Christophore mentionné par le Liber Ponticalis en 743 ; en Espagne, la présence de reliques au VIIe siècle à Tolède ; en France, l'existence à Reims d'une chapelle de saint Christophe à la mort de saint Rémi (535). La course triomphale de ce culte se poursuit à travers l'Occident à partir surtout du VIIIe siècle, en Italie, en Allemagne, en France, dans la péninsule ibérique. La fête du saint au 25 juillet, date indiquée dans le calendrier hiéronymien, coïncidant avec celle de saint Jacques le Majeur, si vénéré par les pèlerins à Compostelle, y a certainement contribué et l'a fait considérer, la constatation en est faite dès le XIIe siècle, comme le patron des pèlerins. Le motif de la tête de chien disparaît dans la plupart des formes occidentales de la légende . De « canin » Christophe devient « Cananéen ». Au  IX-XIe siècle, saint Christophe est présenté comme un martyr juvénile et imberbe subissant  le feu, les flèches et finalement la décapitation. Ex: fresques lombardes de l'église de S. Vincenzo à Galliano,  (XIe- XIIe s.). Pour l'instant, il n'est pas question d'un saint portant le Christ, ni d'une traversée de fleuve. L'histoire du Porte-Christ est une pure construction médiévale, la rencontre d'un inextricable tissu de légendes orientales et occidentales, où le nom Christo-phorus (qui qualifie initialement le Chrétien ou Christianus qui porte en lui le Christ) est ensuite pris au pied de la lettre et génère une image de portation.  Dans sa grande étude sur les origines du culte et de la légende de saint Christophe, Hans Friedrich Rosenfeld a établi  deux points essentiels à  partir d'un vaste corpus de peintures murales qui proviennent essentiellement des régions alpines et subalpines dans lesquelles le savant allemand voit un des principaux lieux d'émergence de la légende et le carrefour de la diffusion de son image . D'abord l'historien allemand démontre que la légende du bon géant portant l'Enfant Jésus sur son épaule pour lui faire traverser un cours d'eau est une création littéraire occidentale que l'on ne saurait dater d'avant le XIIe siècle. Ensuite il constate que l'image est antérieure au texte.. Car le succès du culte de Christophe, en Occident du moins, est un succès en image et par l'image.

3. C'est ainsi qu'apparaissent au XIIe  les premières représentations du saint portant le Christ. Mais c'est d'abord le Christ adulte : sur les premiers exemples du XIIe siècle dans le Sud Tyrol, le saint est figuré, immobile sur la terre ferme, portant dans ses bras, et parfois contre sa poitrine, le Christ adulte en train de bénir.   Il s'agit ici de ce que l'on pourrait appeler une image « mystique » qui re-présente, au sens littéral du terme, la présence vivante du Christ dans le martyr. Il porte le bandeau des martyrs, et une courte tunique rouge. Au geste de bénédiction du Christ, qui tient de l'autre main un livre fermé, symbole de la Bonne Nouvelle à laquelle le saint va se convertir, répond la longue diagonale du bâton chargé de feuilles et de fruits .

4. Dans la littérature, c'est à partir du milieu du XIIIe siècle qu'apparaît le motif de  Christophe portant l'Enfant pour lui faire traverser la rivière. Le Speculum Historiale de Vincent de Beauvais l'ignore encore (Vincent de Beauvais, Speculum historiale, livre Xm, chap. 24 et 26 (éd. Douai, 1625, p. 514). Vincent ne parle que de la procerissimae staturae de Christophe. On rencontre cette histoire dans une ancienne version allemande de la légende de Christophe, mais c'est la Legenda aurea de Jacques de Voragine, composée vers 1261-1266, qui assura le succès de cette version en lui donnant une diffusion sans précédent .  La représentation du Christ sous les traits d'un enfant, assis sur l'épaule du saint se diffuse à partir du milieu du XIIIe siècle, et c'est seulement autour de 1300 que les principales composantes de l'image sont désormais fixées : la taille gigantesque du saint, barbu, le bâton fleuri, l'enfant sur l'épaule. Ce dernier ne tient plus le livre, mais un phylactère déroulé qui sert de support à la traditionnelle prière d'invocation justifiant les dimensions colossales données aux représentations de Christophe, dont la vue écarte tout danger. C'est le début  du pouvoir merveilleux qu'on prêtait à l'image du saint capable de protéger de la mort subite   celui qui la regardait ou qui lisait ou prononçait les formulettes inscrites sur les  phylactères . Ces formules, qui accompagnent régulièrement les représentations monumentales de Christophe à partir du début du XIIIe siècle, constituent un sorte de petit vade-mecum de protection contre toutes sortes de maux à commencer par le plus redouté : la mâle mort, sans confession.    Christophorum videas posîea tutus eas ("Vois Christophe, et puis va en sûreté") ,  Chris tofori sancti speciem quicumque tuetur, Mo namque die nullo languore tenetur et surtout, Cristofori collo sedeo qui crimina tollo, ou  Christophori per viam cernit cum quisque figuram/ tutus tune ibit subita nec morte peribit. La position de l'inscription sur une peinture qui occupe toute la hauteur du mur souligne la volonté de mettre l'écrit à la portée du regard des fidèles dans un but prophylactique à l'égard des voyageurs ( images apotropaïques). 

 5.  L'image de Christophe et les dictons qui l'accompagnent s'annoncent efficaces contre tout type de péril, particulièrement contre l'épidémie qui s'impose en ces derniers siècles du Moyen Age : la peste. Le saint martyr qui a subi victorieusement le supplice de flèches devient un des recours les plus fréquemment invoqués contre ce fléau. . De nombreuses confréries de Saint-Christophe se sont multipliées à cette époque en raison des épidémies de peste. Les dictons, destinés à être lus à haute voix ou récités de mémoire en regardant l'image, sont composés sous forme de vers, généralement des hexamètres léonins à rimes riches, pour faciliter la mémorisation et la répétition. Ils sont indissociables de la lecture de l'image à laquelle ils confèrent son efficacité.  

6. La suggestion du regard :

 A l'insistance du regard des fidèles répond le regard des images elles- mêmes. Le traitement des yeux joue un rôle décisif dans la puissance expressive de l'image aussi bien que dans l'exercice de son « pouvoir magique ». Trois critères peuvent permettre d'évaluer l'intensité du regard : la taille de la pupille souvent exacerbée, le dessin des sourcils et la forme des paupières, sans que l'on puisse cependant ordonner géographiquement ou chronologiquement ces diverses possibilités formelles. Naturellement l'efficacité de l'image est renforcée parce que le regard paraît s'adresser au spectateur qu'il interpelle, accompagné de la formule ego sum lux mundi, "Je suis la lumière du monde". Ce sont les larges paupières gonflées qui dessinent le cercle orbital donnant une impression de « gros yeux ». L'image apotropaïque fixe les hommes « droit dans les yeux ».

7. Le patron des voyageurs

Si l'image de Christophe était capable d'apporter un secours aussi autorisé, on comprend bien le succès qu'elle rencontra sur les routes où pèlerins et voyageurs étaient particulièrement exposés à toutes sortes de dangers, sous forme de ces images gigantesques, en parfaite frontalité, placés dans un endroit facilement visible du sanctuaire, notamment dans les chapelles gardant un col périlleux ou une voie de circulation. D'abord peinte à l'intérieur de l'église, généralement près de l'entrée, l'image du saint est ensuite  portées à l'extérieur de l'édifice, dès le XIIIe siècle, sur la façade, sur le campanile ou, lorsque le sanctuaire est isolé, sur le mur le mieux orienté par rapport au village. La place de prédilection accordée aux représentations de Christophe, sur la façade de l'église, en contiguïté avec la porte du bâtiment ecclésial, ne répond pas à un simple souci de visibilité mais participe d'un véritable rite de passage. En écho au mouvement du fidèle qui franchit le seuil du sanctuaire, le géant se charge du poids du Christ que la tradition chrétienne désigne comme la véritable « Porte ». Le motif de la traversée du fleuve enrichit encore l'idée de passage, ce qui renforce le lien avec le thème de la porte et rappelle la dimension rédemptrice de l'épisode. Comme l'a bien montré Jean Haudry, la traversée de l'eau correspond à un schème littéraire indo-européen connu, celui de l' épreuve qualifiante . La « traversée de l'eau de la ténèbre hivernale » débouche naturellement sur le retour des beaux jours que figure le miracle du bâton reverdi, le pécheur purifié par son épreuve renaît au sortir de l'eau et le bâton fleuri illustre sa conversion. Pour le héros chrétien qu'est Christophe, il s'agit bien d'une « épreuve qualifiante » avant l'épreuve finale du martyre. Les images mettent en scène cette épreuve en peuplant les eaux du fleuve de monstres en tout genre, et de sirènes à double queue symboles des forces maléfiques que le saint anéantit en les traversant. L'aventure de Christophe montre qu'il existe, parallèlement à l'ascétisme et à la contemplation, une troisième voie vers la sainteté, celle de l'héroïsme. De plus la « traversée de l'eau de la ténèbre hivernale », image de la traversée de la seconde mort, conduit à l'immortalité c'est-à-dire initialement à la survie physique d'abord, dans la mémoire ensuite.  L'iconographie de la traversée du fleuve transforme le saint lui-même en voyageur. On constate à partir du XIVe siècle que cette attribution affecte son vêtement. En effet, à partir de cette époque on rencontre de plus en plus fréquemment notre saint en tenue de voyage, c'est à dire portant un vêtement court (le plus souvent une tunique), les reins ceints et la cape sur les épaules. Le bâton fleuri du miracle sert aussi à la marche. 

Cette exaltation du thème du voyageur rend l'image propice à l'action de grâce.  Ainsi, parallèlement à l'image apotropaïque, monumentale, qui s'adresse surtout au regard collectif des passants, se diffusent à l'intérieur d'édifices prestigieux, des représentations du saint voyageur qui sont de véritables peintures votives. Aux  grandes œuvres « apotropaïques » figées et frontales succèdent des images où Christophe est représenté  de trois quart en train de marcher dans l'eau avec une vivacité et un souci de mouvement innovateurs.

8. Puis viendra, avec la multiplication des xylographies, celle des effigies de Christophe  cousues dans les vêtements des voyageurs et des pèlerins,  collées dans des coffrets de voyage,  ou sur la page de garde des livres avec  deux vers latins un usage quotidien : Christofori faciem die quacumque tueris / Ma nempe die morte mala non morieris. dont l'usage quotidien est préconisé.

9. Saint Christophe détracté.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, la Réforme puis le Concile de Trente (1542-1563) condamnent une dévotion jugée aussi excessive que dangereuse, ce qui entraîne de nombreuses destructions d'images et l'arrêt de la réalisation de nouvelles œuvres. Parallèlement, théologiens et humanistes avaient  classé sa dévotion  dans la catégorie des superstitiosus imaginum Cultus. Déjà en 1511, dans son  Encomium Moriae  ou Eloge de la Folie, Erasme de Rotterdam la  jugeait comme une superstition absurde et se moquaient de la naïveté de ceux qui se croient protégés après avoir fait un signe de croix devant ce qu'il  appelle le "Polyphème chrétien". 

Des éléments comme le gigantisme des peintures, la fonction apotropaïque de la représentation frontale du saint et de son regard, la meule de pierre ou les pèlerins à la ceinture, disparaissent alors complètement. 

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En conclusion, si j' écarte les premières images où le saint est à sec (ne traversant pas le fleuve), martyrisé, ne portant pas le Christ, ou portant le Christ adulte — images que je n'ai pas rencontré dans mon petit parcours—,   nous avons plusieurs types qui se différencient par 

  • la taille du support : peinture de plus de 3 mètres de haut, visant la visibilité optimale, ou tableau d'autel, ou tableau à usage privé.

  • La taille apparente du saint : gigantisme mis en évidence, ou non.

  • L'emplacement de l'image, soit extérieure, soit intérieur sur un point clef de passage (portail, porte, entrée, escalier), soit dans le chœur ou en retable d'autel.

  • La présence de la pierre de meule au bras gauche, et/ou la présence de pèlerins passés à la ceinture, soulignant le gigantisme du saint.

  • La frontalité et représentation figée du saint immobile, ou, au contraire, vue de 3/4, contraposto, et saint figuré en train de marcher.

  • La frontalité du regard, qui fixe le spectateur, à fonction atropopaïque, ou regard et visage dirigé sur le coté, vers le haut ou plus rarement vers le bas.

  • La présence d'inscription dans des cartouches, des phylactères ou un cadre, et parmi ces inscriptions, celles qui correspondent à des prières en latin ou en langue vernaculaire ou à des vers léonins promettant la protection du saint au lecteur qui les prononce.

  • La figuration du bâton reverdi comme un feuillu, ou comme un palmier.

  • L'apparence du saint, soit laid, ou vieux, avec une barbe sombre et fournie, soit beau, juvénile, imberbe ou avec une courte barbe.

  • L'existence ou l'absence d'un nimbe.

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Selon ces critères, nous pouvons déduire quelle est la fonction de l'image :

 

  • Christianisation d'un ancien culte ou de légendes païennes du Géant.

  • Protection des voyageurs (col, route) ou des pèlerins en association éventuelle avec saint Jacques.

  • Protection contre la mort soudaine sans confession.

  • Protection contre les épidémies (globalement nommées "pestes") à coté ou à la place de saint Sébastien et de saint Roch (qui est aussi un saint des pèlerins).

  • Dévotion collective (Tolède qui en détient les reliques), professionnelle (portefaix de Tolède), ou privée.

  • Dévotion par un personnage prénommé Christophe, Cristobal, Cristoforo, Christopher, etc... : San Cristobal de Séville près du tombeau de Christophe Colomb.

  • Dévotion christique et imitation christique.

  • incitation pénitentielle et de conversion (Christophe peinant à traverser le fleuve car l'Enfant porte le monde, et ses péchés).

  • etc...

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ANNEXE à ce chapitre : extrait de l'aricle de V. Grumel présentant les travaux de Rosenfeld :

 

"Puisque le motif de saint Christophe porte-Christ se trouve dans l'iconographie bien avant de paraître dans la littérature, on rencontre en effet cette représentation déjà vers 1150, — Rosenfeld estime avec raison que c'est de ce côté qu'il faut diriger la recherche avant de se perdre en hypothèses. Rien de plus instructif en effet que cet examen.

Antérieurement au motif du porte-Christ, on trouve une représentation de notre saint,, et c'est la plus ancienne que l'on connaisse, à Sainte-Marie l'Antique à Rome. On la fait remonter communément au Xe siècle. Le nom dont il est désigné est CRISTOFARUS. Dans l'image, malgré le mauvais état de conservation, se reconnaît un reste de bâton verdoyant stylisé, qui rappelle manifestement le miracle de la Passio ; la taille gigantesque n'est pas marquée. Elle n'est pas marquée non plus dans plusieurs images postérieures, comme la miniature du Corveyer Fraternitätsbuch, où, tenant à la main une palme comme un sceptre, le saint ne se distingue aucunement des autres martyrs, et un vitrail de Chartres, où, tenant un livre de la main gauche, il esquisse de la main droite un geste d'enseignement ou de bénédiction. Pour la première fois, en 1007 ou peu après, à S. Vincenzo di Galliani près de Corne, est marquée la stature de géant, et cela, doublement : d'abord à côté de l'image centrale, où le saint est représenté jeune, avec le bâton stylisé à la main, se lit une inscription indiquant 12 coudées; puis, dans les scènes environnantes qui concernent les épisodes de la Passio, où la taille du héros est plus grande, quoique de peu, que celle des autres personnages. Dans les miniatures du monac. lot. 13074 {vers 1170-1180), copiées sans nul doute sur quelque modèle, car elles ne correspondent pas toujours à la Prose qu'elles illustrent, le saint est représenté barbu, sans bâton, en géant. Sur le reliquaire d'Arbe en Dalmatie, il apparaît jeune, en habit de qualité, le bâton stylisé à la main. Dans ces cas, et dans plusieurs autres qu'on rencontre jusqu'au XIIIe siècle, le thème du porte-Christ est absent. Le profil de la tête de chien apparaît isolément dans une miniature allemande du XIIIe siècle.

[...] Ainsi donc, l'iconographie occidentale et l'orientale concordent dans les origines à caractériser le saint par le bâton verdissant. Ensuite, au début du XIIe siècle, il s'y ajoute la haute stature. Vers 1150 enfin, en deux points très éloignés l'un de l'autre, à Hocheppan dans le Tyrol sud, et à Rio Mau en Portugal, apparaît le motif du porte-Christ. Est-ce un reflet 'du récit de la Légende dorée ? Non, car, dans le premier cas, le saint, qui est géant, se présente de front, sur la terre ferme, et porte le Sauveur dont le visage est détruit, sur un bras, tandis que de l'autre main, il tient d'une touche légère le bâton verdoyant ; dans l'autre cas, le saint, dans une attitude paisible, sur la terre ferme également, tient le Sauveur dans ses deux bras, et celui-ci n'est pas un enfant mais un homme adulte, portant la barbe. La caractéristique du Sauveur barbu porté par saint Christophe n'est pas chose isolée. L'auteur en cite plusieurs exemples jusqu'au début du quatorzième siècle. On trouve aussi le Sauveur porté sans barbe, non pas enfant, mais adulte, jusqu'au début du XIIIe siècle.

C'est donc un fait significatif : les plus anciennes représentations de saint Christophe porte-Christ ignorent absolument le thème du porte-Christ tel qu'il apparaît dans la Légende dorée : elles en sont complètement indépendantes. C'est donc ailleurs qu'elles s'originent. Et ici intervient l'explication de Rosenfeld.

Selon lui, nous avons simplement affaire à un de ces cas d'explication du mot ou du texte par l'image si fréquents au moyen âge. On s'en servait particulièrement pour montrer l'étymologie du mot. Sainte Agnès était représentée avec un agneau, sainte Lucie avec une lampe, etc. Il est tout naturel de penser qu'il en fut de même pour notre saint, et c'est sans doute pourquoi le Christ porté est représenté à sa manière ordinaire, c'est-à-dire comme adulte, non comme enfant. La signification du nom de Christophore avait déjà été exploitée dans des poésies. Les plus anciennes images du porte-Christ semblent avoir voulu réaliser l'idée exprimée dans ce vers en faisant porter le Christ du côté gauche, sur le coœur ou près du cœur. Peu à peu, dans la suite, le Christ gagne de la hauteur et monte sur l'épaule.

De la région du sud des Alpes où il semble bien avoir pris naissance, le type du porte-Christ se répand rapidement le long de la route des Alpes, dans la vallée du Rhin, dans la péninsule italique, en Angleterre, dans les pays Scandinaves, en France. Il s'étend aussi en Orient,, et influence l'art serbe et bulgare.

La raison d'une telle expansion est dans la croyance à la vertu de préservation attachée à la vue de l'image du saint. Cette croyance est à rapprocher de la Passio, où le martyr demande à Dieu de préserver de diverses calamités la terre qui conservera son corps, et surtout d'une recension du XIIe siècle, où une voix céleste promet au saint cette vertu de préservation sans limitation de lieu : vbi est corpus tuum et vibi non est, mais on peut se demander si cette Recension n'est pas un écho d'une confiance déjà établie. Elle n'explique pas en tout cas la vertu attachée à la vue de l'image. Le plus ancien témoignage d'une telle croyance est une inscription de l'église de Biasca (vers 1220), vers hexamètre où le nom du saint est brisé : XKIS(T)O VISA FORI MANV E. INIMICA DOLORI. Ici, c'est le mal en général qui est censé écarté par la vue de l'image; mais ailleurs, on trouve des précisions : c'est la faim,, c'est la peste, et, le plus souvent, la mort subite.

La croyance en l'efficacité de la vue de l'image est toujours liée à la préférence pour la représentation colossale du saint. La grandeur de l'image s'explique par la Passio mais ceux qui ne connaissaient pas cette source, croyaient qu'on ne faisait le saint si grand qu'afin qu'il fût mieux vu, cette vue devant leur être avantageuse. Comment cela ? Ici, notre auteur fait intervenir en guise d'explication un sentiment mystique du moyen âge, le désir de voir l'hostie. Au XIIe siècle se répand la conviction que la vue de l'hostie non seulement remplace la communion, mais préserve le même jour de la mort subite. Il circule en outre de nombreux récits de miracles eucharistiques où Jésus apparaît sous la forme d'un enfant. Il y avait une ressemblance pour les fidèles entre le prêtre qui montre le Sauveur dans l'hostie et saint Christophe portant et montrant le Christ. La vue de l'hostie préservait de la mort : la vue du Christ porté par saint Christophe ou de saint Christophe portant le Christ devait opérer la même protection. Notre auteur remarque que c'est la même contrée, la région du sud des Alpes, qui est à la fois la patrie de la représentation du géant porte-Christ et de la croyance à l'efficacité de la vue de son image.

Comme le contraste était grand entre le géant porteur et le Christ porté, la tentation était proche, quand celui-ci était représenté sans barbe, de le considérer comme un enfant, puisque des historiens modernes de l'art s'y sont trompés. De là, l'occasion d'une nouvelle légende. En ne reconnaissant plus dans l'image une illustration du nom, en y voyant un épisode épique, on a dû se poser la question : pourquoi le saint porte-t-il le Sauveur ? Un esprit inventif, familier avec les légendes et la culture du temps y répondit.

Que le Christ soit porté, c'est qu'il a besoin d'être porté. Au moyen âge, le besogneux,, mendiant ou pèlerin, tient la place du Christ. Des vies de saints montrent le Sauveur apparaissant sous la figure du pauvre ou du pèlerin. La légende de saint Julien l'Hospitalier transportant un enfant et reconnaissant ensuite en lui le Sauveur, légende déjà bien établie dès le XIIe siècle, et connue de Jacques de Voragine, a certainement fourni une idée et des traits à la légende du passeur porte-Christ. Quant au phénomène de la pesanteur surnaturelle qui intervient dans cette dernière, il était déjà connu par diverses vies de saints, v. g., celle de sainte Lucie.

La préhistoire de saint Christophe, elle aussi, a son antécédent hagiographique. La légende de saint Cyprien martyr rapporte que celui-ci, d'abord serviteur du démon, s'était converti et livré au Christ quand il eut reconnu que le Christ était le plus fort. De même, le géant païen ne veut servir que le maître le plus puissant.

On le voit, les divers éléments existent pour la légende du passeur porte-Christ. Il n'a suffi pour les assembler que d'une imagination un peu vive excitée et intriguée par la représentation iconographique du saint arrivée au dernier stade de l'évolution ci-dessus expliquée. La patrie de la légende est la région du sud des Alpes et le Nord de l'Italie où saint Julien jouissait d'une culte populaire, où la dévotion à saint Christophe comme patron des pèlerins était la plus vive et devait favoriser l'éclosion d'un récit où ce saint passait pour avoir exercé de son vivant la charité envers eux, où enfin la liturgie ambrosienne parlait d'une apparition admirable de Jésus-Christ au saint martyr, allusion à la Passio, mais que l'iconographie invitait à comprendre autrement. L'époque de la création de la légende est le premier quart du ΧΙΙΓ siècle. La plus ancienne expression iconographique s'en trouve dans une miniature de peu postérieure à 1230 (Psautier de Hildesheimer). La plus ancienne composition littéraire qui l'expose est une poésie allemande d'entre 1230 et 1239. " V. Grumel.

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COLLECTE SUR LA TOILE DE QUELQUES EXEMPLES ICONOGRAPHIQUES ESPAGNOLS.

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Musée des Beaux-Arts de Séville. Saint Christophe par Francisco Varela, 1638.

Inv. CE0944P .100 cm x 52 cm Provenance : Retable de Saint Jean l'Evangéliste, monastère de  las Monjas de la Pasión à Séville.

http://ceres.mcu.es/pages/Viewer?accion=4&AMuseo=MBASE&Ninv=CE0944P

http://ceres.mcu.es/pages/Main

GESTOSO; PÉREZ, José. Catálogo de Pinturas y Esculturas del Museo Provincial de Sevilla. 1912. p. 76; Madrid. Nº Cat. 181 

 http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/catalogo/consulta/registro.cmd?id=1040246

 

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 Valence


http://www.consultatodo.com/sanCristobal/sanCristobal1.htm#incunable 

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 Musée du Prado à Madrid 

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http://www.mozarabia.es/retablo-de-san-cristobal-ascetica-y-mistica/

  

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  Séville Monastère de Saint-Paul.
XVIIe siècle. Quoique manifestement inspiré de la peinture de la cathédrale de Séville, elle s'en distingue ar la roue de moulin du bras gauche.

 

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Santiponce (près de Séville),  Monastère de San Isidoro del Campo (Saint-Isidore-des-Champs)

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Sevilla - Triana. église de Sainte Anne,

 peinture murale de San Cristobal de Alonso Vazquez XVIe siècle.

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Seville, eglise de Santa Maria de la Oliva à Lebrija. XVe

http://www.pueblos-espana.org/andalucia/sevilla/lebrija/39799/




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Séville, Eglise Saint-Sauveur 


pas de photo 

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Tolède, cathédrale. XVIIe.

 

Église de San Millan, Ségovie 

cliquez ici .... ou ici 

http://manuelblastres.blogspot.fr/2014/08/iglesia-de-san-millan-en-segovia.html

http://laluzdelmedievo-mercedesyzquierdo.blogspot.fr/2014_01_01_archive.html

Église de San Martin (Soria). Peinture murale.

http://romanicodemiguel.blogspot.fr/2012/01/san-gines-y-san-martin-de-rejas-de-san.html

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Zamora, cathédrale.

http://es.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_de_Licia

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Zamora   - Église de Sainte-Marie-la-Nouvelle.

 3,5 x 2 m.

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 Burgos - Cathedrale: porte sud.

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Burgos, cathédrale, porte sud.

 

 

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Eglise Saint-André de  Cotillo-Anievas (Cantabria)

statue du  XIVe siècle. Trois pélerins à la ceinture

 

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Saragosse, église San-Esteban 

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Salamanque : vieille cathédrale1330.

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Salamanque Eglise de San Marcos, 1398. Dimensions approximatives: 3 x 1,5 m.

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Tordesillas, Monastère de Sainte-Claire (El real monasterio  de Santa Clara). XIVe, 3 x 2 m .

http://www.consultatodo.com/sanCristobal/sanCristobal1.htm#salamancaMonteMayor

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 San Cebrian de Muda, église : peinture murale. 1480-1495. 4 mètres de haut.
 

http://www.romaniconorte.org/es/contenido/?idsec=5039

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 León - Catedral: XVIIe siècle ; 8 x 3 m.

http://www.consultatodo.com/imagenes/sanCristobal/sanCristobalCatLeonPW.jpg

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Musée des Beaux-Arts de Séville .Saint Christophe par Francisco Varela, 1638.

Inv. CE0944P .100 cm x 52 cm Provenance : Retable de Saint Jean l'Evangéliste, monastère de  las Monjas de la Pasión à Séville.

http://ceres.mcu.es/pages/Viewer?accion=4&AMuseo=MBASE&Ninv=CE0944P

http://ceres.mcu.es/pages/Main

GESTOSO; PÉREZ, José. Catálogo de Pinturas y Esculturas del Museo Provincial de Sevilla. 1912. p. 76; Madrid. Nº Cat. 181 

 http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/catalogo/consulta/registro.cmd?id=1040246

 

RÉCOLTE D'EXEMPLES ICONOGRAPHIQUES extra-hispaniques sur la toile (Wikipédia et autre)

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  • Hans Memling, Triptyque Moreel (vers 1484), Groeningemuseum, Bruges. 

  • Hans Memling, Saint Estève et saint Christophe (vers 1480), musée d'art de Cincinnati, Ohio. 

  • Dirk Bouts (vers 1470), Alte Pinakothek, Munich.

 

  • Jérôme Bosch (1496-1505), musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam . 

  • Konrad Witz (1435), Kunstmuseum, Bâle. 

  • Maître de Saint Christophe (1500-1520), Alte Pinakothek, Munich. 

  • Joachim Patinir (1520-1524), Monasterio de San Lorenzo, Escurial. 

  • Lucas Cranach l'Ancien (1518-1520), Detroit Institute of Arts, Détroit.

  • Leonhard Beck (1510-1515), musée d'histoire de l'art, Vienne. 

  • Jan Wellens de Cock (attribution) (1495-1528), lieu inconnu.

Renaissance, baroque et rococo

  • Jacopo Bassano, date inconnue, musée national des beaux-arts de Cuba. 

  • Claude Bassot (1607), église de Jésonville. 

  • Giovanni Bellini (1464-1468), Polyptyque de San Vincenzo Ferreri, basilique de San Zanipolo, Venise.

  • Bernardo Strozzi, début xviie siècle, lieu inconnu. 

Cranach l'ancien

 

Giovanni Bellini 

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Domenico Ghirlandaio. XVe.

 

 

 

 

Dirk Bouts

 

Konrad Witz

Tommaso del Mazza. XVe.

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SOURCE ET LIENS.

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http://leyendasdesevilla.blogspot.fr/2011/08/el-museo-de-bellas-artes-de-sevilla-ii.html

http://www.amigosmuseobbaasevilla.com/PDF_estables/Datos%20tecnicos%20restauracion.pdf

 http://www.amigosmuseobbaasevilla.com/restauraciones.html

—Site Consuta Todo : 

http://www.consultatodo.com/sanCristobal/sanCristobal1.htm

— 17 exemples d'iconographie sur le site : http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2008/07/25/25-juillet-saint-christophe-ou-christophore-martyr-en-lycie.html

— Peintures du couvent San Benito : http://www.laquintaangustia.org/pinturas.swf

— Le Mystère de Saint Christophe http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/christof/Chri_int.htm#intro3

— http://symposium.over-blog.fr/article-vie-et-martyre-de-saint-christophe-en-latin-manuscrit-de-fulda-53717234.html

Bibliographie: Museo del Prado municipal nª 46: Le Retable de San Cristobal "de Fernando Gutierrez Bains.professeur Javier Morales Vallejo à la Faculté de Théologie de San Damaso de Madrid.

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Bibliographie 

— BERTOZZI (Ester) s.d, Iconografia di S. Cristoforo nel territorio locale. Trace della devozione al Santo che sconfisse il drago del Gerundo, 

http://www.comune.crema.cr.it/sites/default/files/web/File/FDMuseo/Insula_Fulcheria/35/ESTER_BERTOZZI_-_Iconografia_di_S._Cristoforo_nel_territorio_locale._Tracce_della_devozione_al_Santo_che_sconfisse_il_drago_del_Gerundo.pdf

 

— CAMÓN AZNAR, J.. Summa Artis. 1961. P.658.; Ed. Espasa-Calpe. Madrid. (citée par le Musée des Beaux-Arts) 

— GESTOSO; PÉREZ, José. Catálogo de Pinturas y Esculturas del Museo Provincial de Sevilla. 1912. pág.106, Nº291; San Jerónimo, San Antonio de Padua, SanAntón, San Cristóbal, San Andrés, San Juan Bautista, Santa Catalina y SanSebastián. Lienzo 
"Proceden de la extinguida Iglesia de San Benito de Calatrava, de esta ciudad, y son anteriores a 1492. Pertenecen al capítulo de Caballeros de las Órdenes Militares, y fueron depositadas en este lugar al año 1908 por disposición de S.M. el rey, testimoniando así nuestro Augusto Monarca su exquisita cultura y su celo en pro de los intereses artísticos; Madrid. "

http://www.bibliotecavirtualdeandalucia.es/catalogo/consulta/registro.cmd?id=1040246

— GRAU LOBO, Luis (1994-1995): “San Cristóbal, Homo Viator en los caminos bajomedievales: avance hacia el catálogo de una iconografía particular”, a Brigecio, 4-5, p. 167-184. http://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=1402347

 GRUMEL (V.) 1938, "Rosenfeld (Hans-Friedrich). Der hl. Christophorus, Seine Verehrung uns seine Legende. Eine Untersuchung zur Kultgeographie und Legendenbildung des Mittelalters"  Échos d'Orient Volume 37 Numéro   191-192pp. 464-470

 

  http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1938_num_37_191_3006_t1_0464_0000_2#

— GUDIOL RICART, J.. Historia General del Arte Hispánico. Pintura Gótica. 1955. P.389.Il.334.; Ars Hispanie. T.IX. Ed. Plus Ultra. Madrid. (citée par le Musée des Beaux-Arts) 

— IZQUIERDO, Rocío; MUÑOZ, Valme. Museo de Bellas Artes. Inventario de Pinturas. 1990. p. 19. (citée par le Musée des Beaux-Arts).

 IZQUIERDO (Francisco Fernández)  La orden militar de Calatrava en el siglo XVI: infraestructura institucional .

— GUENEBAULT Louis Jean 1850,  Dictionnaire iconographique des figures, légendes et actes des saints ... https://books.google.fr/books?id=tRAGAAAAQAAJ&pg=RA2-PT42&dq=%22saint+christophe%22+meule&hl=fr&sa=X&ei=EAh2VdPfC8yvU_2RgqgK&ved=0CCgQ6AEwAg#v=onepage&q=%22saint%20christophe%22%20meule&f=false

— MANZARBEITIA VALLE (Santiago), Universidad Complutense de Madrid, 2010,  "El mural de San Cristobalón en la iglesia de San Cebrián de Muda. Pintura medieval y devoción popular: del mítico Cinocéfalo al Polifemo cristiano"  Anales de Historia del Arte 293 2010, Volumen Extraordinario 293-309.   

http://revistas.ucm.es/index.php/ANHA/article/viewFile/ANHA1010010293A/30823


— MAYER, A.. La Pintura Española. 1926. P.75.; Col. Labor. Ed. Labor. Barcelona-Buenos Aires. (citée par le Musée des Beaux-Arts) 

— PARAVENTI, Marta, 1997, San Cristoforo, protettore dei viandanti e dei viaggiatori : l'iconografia in Europa, in Italia e nelle Marche con particolare riferimento al sec. XVI, <8> p. de pl.; 13 ill. (11 col.) , ISBN 8839204334   non consulté.
— RIGAUX (Dominique)1996,  "Une image pour la route. L'iconographie de saint Christophe dans les régions alpines {XIIe-XVe siècle)"  Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public Volume 26  pp. 235-266 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_1996_act_26_1_1681 

 

— VALDIVIESO GONZÁLEZ (Enrique), 1993. La pintura en el Museo de Bellas Artes de Sevilla. 1993. p. 24 - 27.; (citée par le Musée des Beaux-Arts) 

— VORAGINE (Jacques de) 1261, ou IACOPO DA VARAZZE, Legenda aurea, traduite en français par JEAN DE VIGNAY sous le titre de Légende des Sains au plus tard en 1348.

Bnf Fr. 242 folio 149r Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8426005j/f313.image

Bnf fr. 244-245 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8442920n/f1.image

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
30 mai 2015 6 30 /05 /mai /2015 20:59

Où je retrouve les remorqueurs, les bateaux-pilotes et les grues du port de commerce de Brest : Exposition "Frères du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest.

Voir :

LES PORTS de Brest :

3. Les navires du port militaire de Brest sur la Penfeld,vus de la Tour Tanguy.

4. Onomastique navale et zoonymie : Machaon et Phaéton, les "caudataires" de Brest et Toulon.

5. Les remorqueurs du port de commerce de Brest. L'Attentif, le St-Denis et le Piriac, et l'Iroise, remorqueurs ("tugboats") portuaires du Port de Brest.

6. L'escalier du Cours Dajot à Brest : "l'escalier Gabin".

7. Histoire des pilotes maritimes du port de Brest.

8. La Vandrée et la Luronne, bateaux pilotes du Port de Brest.

9. La grue portuaire Paindavoine n°4 à Brest : un monument historique !

10. Au chantier du Guip à Brest : Le canot Patron François Morin, canot SNSM à Ouessant de 1960 à 1995.

11. Au chantier du Guip à Brest, Notre-Dame-de-Rumengol

12. La Belle-Poule, goélette à huniers.

13. Le Pourquoi-Pas à Brest .

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Hier, j'ai lu que la Médiathèque Bellevue de Brest proposait une nouvelle exposition. Il était écrit :

Exposition Damien Roudeau "Frère du port" à partir du 12 mai "Depuis 2013, le dessinateur explore les quais de Brest, du port de commerce au port militaire en passant par l’Arsenal et les activités de plaisance. La médiathèque de Bellevue avait présenté les premiers dessins de cette résidence artistique au long cours en juin 2013. Elle continue la traversée avec l’artiste en exposant une sélection de dessins (portraits, paysages, ateliers) réalisés lors des différents séjours de Damien Roudeau à Brest depuis juin 2013, dont certains présentés aux Brestois pour la première fois."

A coté de ce chapeau, il y avait une illustration, sur laquelle j'ai bien reconnu le Piriac et l'Attentif, les deux remorqueurs du port de commerce dont j'avais fait le sujet de mon article Les remorqueurs du port de commerce de Brest. L'Attentif, le St-Denis et le Piriac, et l'Iroise, remorqueurs ("tugboats") portuaires du Port de Brest.

Bon. J'ai couru, et j'ai découvert, suspendus par des pinces à linges à des treillis metalliques parmi les lecteurs de la Bibliothèque Bellevue, les images des quais et des bassins que j'avais parcouru en avril 2013 pour prendre mes photos.

Ce qui est drôle, c'est que c'est précisément en avril 2013 que Damien Roudeau a pu embarquer sur les remorqueurs. Plus chanceux, moins timide, mieux introduit et plus professionnel que moi, il a rencontré les marins, les "Frères du port". 

Grâce au charme incomparable du dessin aquarellé ou peint et rapidement annoté, les navires de service du port, les matelots et les patrons, les mécaniciens et les pilotes, les lamaneurs et les grutiers acquéraient l' auréole mythique de héros de bande dessinée, et le statut glorifié qu'ils méritent. 

Si les "travailleurs de la mer" sont frères, une réelle et chaleureuse fraternité se crée aussi entre les badauds qui viennent et reviennent sur le quai Malbert et les autres quais accessibles du Port de Brest, et les navires qui s'y amarrent, y travaillent ou y font escale.

Voilà quelques exemples des photos prises, dans les reflets de néon et les ombres de la Médiathèque.

(Un ouvrage Frères du Port avec un texte de Nicolas Le Roy est en préparation et sortira en 2016 aux éditions La Boîte à Bulles (Saint-Avertin) : jordane@la-boite-a-bulles.com  )

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L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013.Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013.Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013.Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013.Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Je découvre ainsi "Jean-Mi, Bosco sur l'Attentif et le Saint-Denis". J'apprendrais aussi que le moteur de l'Attentif est un Crépelle. Détail qui ne m'est pas indifférent puisqu'il me rappelle les 224 cv du chalutier CM2909 "Tante-Yvonne", qui achève sa vie au pied de la falaise de Postolonnec à Crozon :

http://www.lavieb-aile.com/article-le-moteur-de-la-tante-yvonne-plage-de-postollonec-a-crozon-112582549.html

 

 

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

"Jean-Mi" est d'Argenton (petit port du chenal du Four). J'éprouve un plaisir gourmand à admirer avec quelle sûreté sont rendus la posture de travail et le regard des travailleurs.

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

L'Attentif et le VB Piriac le 12 avril 2013. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Je me souviens du moment où, en janvier 2013, le "Pourquoi-Pas" avait fait escale à Brest. J'avais photographié sa "ligne de Plimsoll". 

http://www.lavieb-aile.com/article-la-ligne-de-plimsoll-du-pourquoi-pas-117067859.html

J'avais philosophé à son propos :

http://www.lavieb-aile.com/article-mon-voeu-pour-2013-n-ajoutez-plus-rien-114113489.html

Damien Roudeau était là aussi, puisqu'il a rencontré "H.J.", l'Agent de sécurité du bord : 

 Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Il y avait aussi le VELLEDA, en réparation de moteur ; et puis le MOLENEZ ; et surtout beaucoup de visages, qui vont parler d'eux-mêmes.

 Le VELLEDA. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Le VELLEDA. Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Il y avait Noël Uguen, marin-pêcheur patron du coquiller Vénus II. 

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Et puis les quais et les grues, c'est-à-dire le "tout-Brest".

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

Exposition "Frère du port" de Damien Roudeau à la Médiathèque de Bellevue à Brest. 12 Mai au 31 juillet 2015

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Published by jean-yves cordier - dans Brest
30 mai 2015 6 30 /05 /mai /2015 09:19

La caisse d'instrument de musique de Hans-Jacob Fugger. La musique à Munich en 1570.

Suite des articles sur la musique à la cour de Bavière d'après les enluminures de Hans Mielich :

La "Chapelle de cour" du duc Albert V et les musiciens de Roland de Lassus, dans le Mus. Ms. A. "Hofkapelle" et Orlando de Lassus. Deuxième partie : la Hofkapelle ou Musique de cour de Roland de Lassus, instrumentistes et instruments.

La chapelle de cour du duc Albert V, dans le Mus. Ms. A. Première partie: la Salle St-Georges et la Chapelle.

Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

Autoportrait de Hans Mielich et portrait de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II.

..

Sur la gravure de Nicolas Solis des Noces de Guillaume de Bavière et de Renée de Lorraine à Munich en 1568, déjà examinée ici pour la comparer à l'enluminure de la Salle Saint-Georges de la Résidence de Munich par Hans Mielich, on remarque derrière les musiciens et le meuble portant un orgue (Positif) une caisse d'instruments de musique. Des trombones et d'autres instruments y sont posés.

Nicolas Solis, Le Banquet de Noces de Guillaume de Bavière et de Renée de Lorraine (détail).

Nicolas Solis, Le Banquet de Noces de Guillaume de Bavière et de Renée de Lorraine (détail).

Barra Boydell (1978) a fait le rapprochement entre cette caisse, et celle qui est décrite dans un manuscrit du banquier d'Augsbourg Hans-Jacob Fugger rapporté par Bertha Antonia Wallner, “Ein Instrumentenverzeichnis aus dem 16. Jahrhundert,” in Festschrift zum 50. Geburtstag Adolf Sandberger (Munich: Hof-Musik-Verlag von Ferdinand Zierfluss, 1918), 275–85.

 

 

Cet Inventaire  est rédigé de la main de Johann (Hans) Jakob Fugger, alors conseiller et directeur artistique de la musique à la Cour de Bavière à Munich. Il est accompagné par une lettre datée du 26 Mars 1571, adressée par Wilhelmo Olivo à Anvers Johan de Porta à Bruxelles, et offrant les instruments à la vente. B. Wallner fait valoir que l'inventaire et la lettre sont tous les deux traduites de l'italien.

 

V[er]Zaichnus d[er] Instrument Truhen: VerZaichnis der Instrument Truhen, so der Bassani brueder gemacht haben, mit gar schönen vnd guetten Instrumenten, so für einen yeden großen Herrn vnd Potentaten tauglich wern vnd ist gemelte Truhen Inwendig durchaus mit rottem Tuch gefuetert, vnd die Instrument volgender gestalt darein geordnet. Erstlich zwen große Baß von vier Clauibus, seind am Poden der Truhen angemacht, vnd so lang als die gantz Truhen. Item zwen andere Baß von gar guetter Harmonie, welche gegen den obgemeldten Zwen großen Baß gleich wie Tenor seind, vnd an der Seitten der Truhen angemacht werden. Item Zwen Discant, die seind aber gleich mitten in der Truhen angemacht, vnd schöner als khain diaspro Item 4 Tenor von großen Pfeiffen, seind zu obrist mitten an der Truhen angemacht. Item zwen klaine Baß von ainem Claue seind mitten an der Truhen. Item noch ein klainer Baß mit zwen Clauibus auch mitten an der Truhen angemacht. Item am Boden Hinden an der Truhen ist ein großer Halber Baß von einem khrummen Zinggen, gar einer großen resonantz angemacht. Deßgleichen seind vnden ob diesem yetzt gemeldten noch Zwen Baß von khrummen Zinggen mit clauibus. Item oben am luckh ist ein Teütsche Schwegl von Helffenpain angemacht, vnd mit gold geZiert, vnd gar schön zu sehen. Deßgleichen seind auch oben an dem Lueckh vier khrumme Zinggen mit Ihren Claubius, vnd noch drey die kheine Claues haben, alle von gar großer resonanz, angemacht. Item an gemeltem luckh seind noch 12 khrump Hörner, nemblich Discant, Tenor, Baß, ContraBaß, vnd halbe Baß, alles gar schöne herrliche und guette Instrument, mit Ihren clauibus. Und letzlich seind Zuuorderist am Poden vnd an den seitten gemeldter Truhen 9 Fletten mit geraden löchern, außgenommen die Baß, welche dann gar schön und guett sind. Alle dise Instrument khan mann in gemeldter Truhen allenthaben Hintragen, wo mann will, so wol seind sy Zusamen gericht. vnd zum vndrist am Boden der Truhen ein klaines Trühel 37 hineingemacht, in welchem die Rörlein ligen, so zu gemeldten Instrumenten gehören, und khan von disen 45 Instrumenten neunerley Musikh gemacht, vnd volgendts alle miteinander auf dem gemeinem Tonum der Orgel accordirt und zusamen gericht werdern.

 

" [Inventaire de la caisse d' instruments, que les frères Bassano ont fait, avec de très beaux et de bons instruments, tels qu'ils conviendraient à chaque grand Seigneur et potentat, et ladite caisse est doublée à l'intérieur tout au long de tissu rouge, et les instruments y sont répartis de la manière suivante: 

Tout d'abord, deux grandes basses (probablement de chalémie) avec quatre clefs, qui sont fixés à la partie inférieure de la caisse, et qui sont aussi longs que la caisse. Item, deux autres basses (de chalémie) de très bonne sonorité, qui sont comme des ténors aux deux grandes basses mentionnées ci-dessus, et sont mis sur les côtés de la caisse.

 Item, deux discants (de chalémie), qui sont mis au milieu de la caisse, et plus belle que tout le jaspe. Item, quatre ténors de grands tuyaux (probablement des chalemies également), qui sont mis dans la moitié supérieure de la caisse.

De même, deux petites basses avec une clé, qui sont au milieu de la caisse. Item, un autre petit basse avec deux clés, également mis au milieu de la caisse.

 De-même, sur le fond à l'arrière de la caisse est fixée un grand cornet courbe demi-basse d'une très grande résonance. De même, ci-dessous, sur le mentionné ci-dessus sont encore deux cornets courbes basse avec des clés. 

Item, ci-dessus en haut (ou dans le couvercle) un tuyau (ou une flûte) d'ivoire est disposé, et décoré avec de l'or, et très beau à voir. De même, également au-dessus en haut (ou dans le couvercle) sont mis quatre cornets courbes avec leurs clefs, et trois autres qui ont pas de clé, tous de grande résonance.

 De-même, dans l'intervalle mentionné ci-dessus sont également douze cromornes, à savoir discant, ténor, basse, contrebasse, et  demi-basse, tous instruments, très beaux, magnifiques, et  bons, avec leurs clefs.

 Et enfin à l'avant sur le fond et sur les côtés de la caisse il y a neuf flûtes à bec avec trous en ligne droite (ou peut-être: avec perçages droits), à l'exception de la basse, et qui sont très beaux et bons. 

On peut transporter tous ces instruments partout dans ladite caisse, comme on le souhaîte, car ils sont très bien disposés ensemble. Et en dessous de la caisse est intégré un petit étui, dans laquelle se trouvent les accessoires qui appartiennent à ces instruments, et à partir de ces quarante-cinq instruments, neuf genres de musique peuvent être faits, et ils sont donc tous classés ensemble"

Traduction d'après la traduction anglaise du site

http://www.instantharmony.net/Music/inventoriesto1630.pdf

provenant de David Lasocki et Roger Prior, The Bassanos: Venetian Musicians and Instrument Makers in England, 1531–1665 (Aldershot: Scolar Press; Brookfield, VT: Ashgate, 1995), 213. 

Les constructeurs de ces instruments sont les cinq frères Bassano, Vénitiens (plus exactement de Bassano dal Grappa) émigrés en Angleterre dans les années 1540 à la cour de Henri VIII. Avec leurs cousins, les Laniers, ils appartiennent aux deux familles qui dominèrent la musique de cour en Angleterre de 1530 à 1665. Ce sont les fils  de Jeronimo Bassano (Antonio, Jacomo, Alvise, Jasper, Giovanni et Battista).

Ce document est intéressant pour l'interprétation de l'enluminure de Hans Mielich montrant la formation musicale de Roland de Lassus en 1570, puisque d'une part le banquier Hans-Jacob Fugger, grand mécène des arts et notamment de musique, est alors le directeur musical du duc Albert V, et que d'autre part son bibliothécaire le médecin Samuel Quickelberg est étroitement impliqué dans la réalisation des manuscrits musicaux des Motets de Cipriano de Rore et des Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus : il est permis de penser que la collection d'instruments de H.J. Fugger est très proche de celle de la cour de Bavière. La même année où Fugger proposait à la vente sa caisse d'instruments, en 1571, sa faramineuse bibliothèque —  contenant la bibliothèque de Hartmann Schedel—, fut rachetée par le duc Albert V et constitua  (avec la bibliothèque de Johann Albrecht Widmannstetter en 1558) le fond de la bibliothèque de cour des Wittelsbach, avant dêtre celui de la Bayerische Staatsbibliothek : peut-être Albert V a-t-il acheté aussi la caisse de musique ?

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Hans-Jacob Fugger mécène des musiciens.

Hans-jacob Fugger ( 23. Dezember 1516; † 14. Juli 1575 à Munich), fut, avec son frère Ulrich, un prodigieux mécène des arts. 

 Quelques faits :

 – Sigmund Salminger lui dédicacea dès 1545 un recueil de motets.

en 1533, Senfl envoya à Luther sa messe Nisi Dominus, qu'il avait composée peu de temps auparavant pour Hans Jakob Fugger.

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Les Fugger, collectionneurs d'instruments de musique : la collection de Raymond Fugger.

Hans-Jacob et Ulrich sont les fils de Raymond  Fugger von der Lilie (1489–1535). On dispose de l'inventaire des instruments de musique qu'il possédait: 

 

Volgen hernach die Pfeiffen. Fletten. Schalmeyen. Corneti. Kromhörner. vnd d[er]gleichen. Erstlich, ain groß Fueter darin 27 Fletten. groß vnd klain Im Engelandt gemacht worden. ... 8 Zwerch Pfeiffen in Irem Fueteral. ... Mer 8 Flettenn auch in ainem Fueter. ... 2 Zwerch Pfeiffen. vnd 5 Fletten von helffenbein In seinen Fuettern. ... 1 Fueteral von 10 Fletten von Oliuen Paum. 1 Fueteral von 8 Zwerch Pfeiffen d[er]gleichen. ... 1 Fueteral von 5 Zwerch Pfeiffen von Ebano Holtz. ... 1 Fueteral von 4 Zwerch Pfeiffen. von schwartzem Holtz. ... 1 Muda mit 9 Fletten Columnen in einem schwartzen Trüchle mit Leder vberzogen. 1 Fueter von 5 Fletten von Ebano. 1 Fueter mit 5 Pfeiffen mit Silber beschlagen so eines veldt Pfeiffers gewesen. ... 1 Fueter mit 7 gueten Fletten. 1 Fueter mit 8 gueten Zwerchpfeiffen.

Richard Schaal, “Das Musikinstrumentensammlung von Raimund Fugger d. J,” Archiv für Musikwissenschaft 21 (1964): 212–16,  et  Douglas Alton Smith, “The Musical Instrument Inventory of Raymund Fugger,” Galpin Society Journal 33 (1980): 36–44.

"Là suivent les flûtes, flûtes à bec, cornets, chalémies, et assimilés. D'abord une grande caisse, dans laquelle se trouvent 27 flûtes à bec, grandes et petites, faites en Angleterre. 8 flûtes traversières dans leur boîte.  En outre, 8 flûtes à bec également dans leur boîte. 2 flûtes traversières  et 5 flûtes de Helssenbein dans leurs étuis. Une boîte de 10 flûtes en bois d'olivier. Une boîte de 8 flûtes traversière de même (bois?). Une boîte de 5 flûtes traversières en ébène. Une boîte de 4 flûtes traversières de bois noir. Un set de 9 flûtes-colonnes ? dans une boîte noire recouverte de cuir. Une boîte avec 5 flûtes à bec d'ébène. Un étui avec 5 fifres décorés d'argent, possédé auparavant par un fifre de l'armée. Une boîte avec 5 bonnes flûtes à bec. Une boîte avec 7 bonnes flûtes. Une boîte avec 8 bonnes flûtes traversières. "

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D'autres inventaires d'instruments :

sur le site http://www.instantharmony.net/Music/inventoriesto1630.pdf

 

Hans Jakob Fugger, to whom Sigmund Salminger dedicated a collection of motets as early as 1545

en 1533, Senfl envoya à Luther sa messe Nisi Dominus, qu'il avait composée peu de temps auparavant pour le banquier Hans Jakob Fugger d'Augsbourg.

La Bayerische Staatsbibliothek a été fondée avec l'achat de la bibliothèque de Johann Albrecht Widmannstetter en tant que bibliothèque de la cour desWittelsbach en 1558 par le duc Albrecht V. En 1571, la collection de Johann Jakob Fugger, contenant la bibliothèque de Hartmann Schedel, y a été ajoutée.

Le livre secret d'honneur de la famille fugger http://www.wdl.org/fr/item/8920/

histoire de la famille Fugger est souvent perçue comme la plus prestigieuse de la Renaissance allemande. À ses débuts, durant la seconde moitié du XIVe siècle, elle était constituée de tisserands, puis elle évolua rapidement en famille de marchands, banquiers et membres de la noblesse prospères, culminant avec Jakob Fugger dit le Riche (1459–1525) et Anton Fugger (1493–1560). Elle est considérée comme la famille la plus riche de son époque, bien que les prêts qu'elle accorda aux Habsbourg dans les années 1560 provoquèrent pratiquement sa faillite. La dynastie des Fugger existe encore aujourd'hui comme famille de la noblesse allemande. En 1545 environ, Johann Jakob Fugger (1516–1575) commanda ce manuscrit détaillant la généalogie de sa famille jusqu'à son époque. La recherche généalogique et la compilation des textes ont été réalisées par l'appariteur, archiviste et entrepreneur Clemens Jäger (1500–1560 env.). L'enluminure du manuscrit, notamment les portraits somptueux des membres de la famille, les emblèmes héraldiques et les motifs ludiques et détaillés des bordures, fut réalisée dans le grand atelier d'Augsbourg de Jörg Breu le Jeune (1510–1547 env.) et achevée vers 1548. Contrairement au reste de la bibliothèque de Johann Jakob Fugger, qui fut vendu au duc Albert IV de Bavière en 1571, ce manuscrit resta en possession de la famille pendant plusieurs siècles et fut même mis à jour au cours du XVIII e siècle. Ce n'est qu'en 2009 que la famille Fugger le vendit à la Bibliothèque d'État de Bavière. Cette acquisition fut possible grâce au concours financier généreux de la Fondation Ernst von Siemens pour l'art.

http://www.wdl.org/fr/item/8914/ : les portraits de la famille Fugger

En 1593, les membres de la célèbre famille Fugger demandèrent au graveur Dominicus Custos (1550–1612 env.) d'Augsbourg de réaliser cette ambitieuse collection de portraits de famille. En utilisant des portraits existants comme modèles, Custos termina la première édition des portraits en 1593. Après sa mort, ses gendres Lukas Kilian (1579–1637) et Wolfgang Kilian (1581–1662) agrandirent la collection et la mirent à jour, remplaçant les portraits de certains membres de la famille par de nouvelles gravures où ils apparaissaient avançant en âge. Cette nouvelle édition fut publiée en 1618. La copie présentée ici fut achetée auprès de la famille Fugger par la Bibliothèque d’État de Bavière en 2009 et fait désormais partie de ses biens. L'ouvrage contient 138 gravures, représentant les éditions complètes de 1593 et 1618, ainsi que deux addenda issus de l'édition de 1620. Toutes les gravures furent coloriées à la main par un artiste inconnu. Les Fugger étaient une dynastie de marchands et de banquiers allemands dont les origines remontent à Hans (Johannes) Fugger (1348–1409), un tisserand d'Augsbourg. Cette famille domina les affaires européennes aux XVe et XVIe siècles, et exerça une grande influence politique grâce aux prêts qu'elle accorda aux rois et empereurs, d'Henri VIII en Angleterre à la Maison de Habsbourg.

SOURCES ET LIENS :

 

 

— BERGQUIST (Peter), éditeur, 19901,The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis Par Orlando di Lassus

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=Seghkein&source=bl&ots=OMXz8sby0r&sig=eTNBm7zMdg3I8N5AQTwYOIREJqg&hl=fr&sa=X&ei=eRJSVcCcJ4KBU9fxgdgN&ved=0CEIQ6AEwBw#v=onepage&q=Seghkein&f=false

 

— BOYDELL (Barra) 1978, "The Instruments in Mielich's Miniature of the Munich "Hofkapelle" under Orlando di Lasso. A Revised Identification," Tijdschrift van de Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis Deel 28, No. 1 , pp. 14-18 in  Koninklijke Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis
Article Stable URL:http://www.jstor.org/stable/938948

 

 ERAS (Rudolf), 1963, Zur Deutung von Mielichs Bild der bayerischen Hofkapelle, in: 

Die Musikforschung 16 (1963)  page 363-367, http://www.jstor.org/stable/41115586

 

— FREI (Walter) 1962, "Die bayerische Hofkapelle unter Orlando di Lasso: Ergänzungen und Berichtigungen zur Deutung von Mielichs Bild" in Die Musikforschung, 15. Jahrg., H. 4 (octobre-décembre 1962), pp. 359-364 http://www.jstor.org/stable/41115442 

 

 

— SCHALL (Richard) 1964,     "Die Musikinstrumenten-Sammlung von Raimund Fugger d. J". Archiv für Musikwissenschaft 21. Jahrg., H. 3/4 (1964), pp. 212-216 , Franz Steiner Verlag

 URL:http://www.jstor.org/stable/930328

 

— SCHERPEREEL (Joseph) 2006 "Compte-rendu de Musikinstrumentenverzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655. Faksimile, Transkription und Kommentar by Bettina Wackernagel",   Revue de Musicologie T. 92, No. 2 (2006), pp. 414-416 Société Française de Musicologie http://www.jstor.org/stable/20141683

 

 SCHÜTZ (Lieselotte) 1966 Hans Mielichs Illustrationen zu den Busspsalmen des Orlando di Lasso

Munich., 1966 - 147 pages. Thèse soutenue en 1967. Non consulté.

— SCHWINDT (Nicole) 1996, "Hans Mielichs bildliche Darstellung der Münchner Hofkapelle von 1570"

Acta Musicologica Vol. 68, Fasc. 1 (Jan. - Jun., 1996), pp. 48-85  International Musicological Society
URL: http://www.jstor.org/stable/932680

 

 SMITH (Douglas Alton) 1980, "The Musical Instrument Inventory of Raymund Fugger" The Galpin Society Journal Vol. 33, (Mar., 1980), pp. 36-44 Galpin Society

 URL:http://www.jstor.org/stable/841827

 

— TROIANO ( Massimo Troiano), 1569,  Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello Venise, Bolognino Zaltieri, page 42-47, 

 https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1569 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/?c=viewer&bandnummer=bsb00024645&pimage=00001&v=100&einzelsegmentsuche=&mehrsegmentsuche=&l=it

 

 —  WACKERNAGE(Bettina), 2003, Musikinstrumentum-Verzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655, Faksimile, Transkription und Kommentar, Tutzing, Hans Schneider, 2003.

WALLNER ( Bertha Antonia) , “Ein Instrumentenverzeichnis aus dem 16. Jahrhundert,” in Festschrift zum 50. Geburtstag Adolf Sandberger (Munich: Hof-Musik-Verlag von Ferdinand Zierfluss, 1918), 275–85.


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Published by jean-yves cordier - dans Mielich
22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 21:20

La "Chapelle de cour" du duc Albert V et les musiciens de Roland de Lassus, dans le Mus. Ms. A. "Hofkapelle" et Orlando de Lassus. Deuxième partie : la Hofkapelle ou Musique de cour de Roland de Lassus, instrumentistes et instruments.

Suite de :

La chapelle de cour du duc Albert V, dans le Mus. Ms. A. Première partie: la Salle St-Georges et la Chapelle.

Cet article poursuit la série suivante :

Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

Autoportrait de Hans Mielich et portrait de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II.

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SOURCE DES IMAGES :

Par copie d'écran de :

Roland de Lassus / Orlando di Lasso, Les sept psaumes pénitentiels de David avec le motet Laudes Domini :

Livre de chœur volume I Mus.ms. A I(1), Bibliothèque Nationale de Bavière Bayerrische Staat Bibliothek BBS , Munich, 1565

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035322074

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035007/images/

— Couleur (une sélection d' enluminures) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html

– en pdf (déroulant, plus rapide) :

http://burrito.whatbox.ca:15263/imglnks/usimg/1/1d/IMSLP368393-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_1.pdf

Livre de chœur II (Mus. Ms. AII) :

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035009/images/ (conseillé pour zoom 200%)

En pdf déroulant : http://javanese.imslp.info/files/imglnks/usimg/6/66/IMSLP368394-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2pb.pdf

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=188&v=150&nav=&l=de

http://imslp.org/wiki/Choirbook,_D-Mbs_Mus._MS_A_%28Lassus,_Orlande_de%29

— en couleur avec une moins bonne définition en pdf (déroulant) :

http://petrucci.mus.auth.gr/imglnks/usimg/8/85/IMSLP368403-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2.pdf

.

— Volume de commentaire (Erläuterungen) de Samuel Quickelberg (1569) : Mus. Ms AI(2) Cim 207 et Mus. Ms AII(2)

Vol. I : http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00035012&pimage=00001&suchbegriff=&l=de

Vol. II : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035013/images/index.html?id=00035013&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=1&seite=3

N.B. Les couleurs ont été parfois fortement ravivées et la netteté rehaussée, le but étant ici la lisibilité des documents et non la fidélité de reproduction.

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Introduction : rappel de la première partie.

J'emprunte cette introduction à Florian Wieninger (2012) : "Un tableau illustre mis en musique sous la direction de Roland de Lassus (1532– 1594)" :

"La chapelle de la cour de Munich fut l’une des institutions musicales les plus significatives de son époque. Des chanteurs triés sur le volet venus de toute l’Europe et les meilleurs instrumentistes virtuoses italiens constituaient la chapelle du duc Albrecht V de Bavière féru d’art (1528–1579) de la maison des Wittelsbach. C’est pour cet ensemble d’élite que Roland de Lassus écrivit vers 1560 ses célèbres Psalmi Davidis Poenitentiales. Les compositions des psaumes de pénitence furent consignées dans un manuscrit de luxe orné de merveilleuses enluminures du peintre de cour munichois Hans Mielich. Samuel Quickelberg, humaniste travaillant à la cour de Munich livra le programme philosophique et le duc ordonna à son excellent musicien Roland de Lassus de composer ces psaumes à 5 voix. théologique de cette œuvre d’art intégrale de la Renaissance. Albrecht V interdit à Lassus de publier ces compositions et conserva le précieux livre de chœur comme Musica Reservata dans son cabinet de curiosités où seule une poignée d’élus avait le droit de l’admirer. Néanmoins, ce codex de musique « secrète » réservée au prince contribua à étendre la notoriété de Lassus de son vivant déjà. Ce n’est que 25 ans après leur composition que les psaumes de pénitence furent imprimés chez Adam Berg en 1584. La musique de ces éditions de luxe ne fut pas utilisée à des fins liturgiques dans l’église mais surtout comme musique de chambre dotée d’une instrumentation riche et diversifiée, ce que dévoile la célèbre illustration de Mielich de la chapelle de cour au grand complet dans la salle Saint-Georges du Neuveste [château] munichois à la page 187 du codex."

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La miniature de la page 187 du second volume du manuscrit enluminé par Hans Mielich à la demande du duc Albert V est très connue, car elle illustre de nombreux ouvrages et pochettes de disques ou de CD. Montrant la formation de Musique de Cour de Roland de Lassus (connue sous le nom de "Hofkapelle") en 1570, elle fournit un témoignage irremplaçable sur les instruments, les techniques de jeu et la pratique musicale à la cour du duc de Bavière, d'autant qu'elle peut être étudiée à la lumière du témoignage scripturaire d'un des altistes de l'orchestre, Massimo Troiano, du volume 2 du Syntagma musicum de Michael Praetorius, le De Organographia de 1619 qui présente tous les instruments de l'époque, ou encore des archives de la comptabilité du duché.

Arnold Schering a consacré à cette image une première étude en 1931, puis son travail fut suivi de celui de Walter Frei en 1962, de Rudolf Eras en 1963, de Barra Boydell en 1978, de Nicole Schwindt en 1996, et de Bernhard Rainer en 2012 ! Notamment, ces travaux ont permis à l'ensemble Dolce risonanza dirigé par Florian Wieninger de reconstituer des instruments et d'approcher au mieux cette Musica secreta.

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On voit donc qu'à la différence de ma première partie, la difficulté ne tiendra pas au manque d'informations, mais à la nécessité, pour un parfait profane, de traduire des textes de musicologie et d'organologie écrits en anglais et en allemand, très techniques, sachant que la simple traduction du nom des instruments ne va pas de soi. Autant dire que je vais vite trouver mes limites et m'arrêter au seuil de mon sujet, pour reprendre mon rôle d'observateur de l'image et de curieux d'anecdote. Si j'identifie quelques instruments, ce ne sera déjà pas si mal.

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Ce que je vois.

Au centre, une table est recouverte d'un drap rouge. Quatre partitions y sont posées, ainsi qu'un long instrument. Trois musiciens sont assis sur des tabourets entre le spectateur et la table, je reconnais deux violons et un luth. Assis également, un joueur de viole de gambe nous fait face. A sa droite, quatre hommes debout dont deux tendent la main vers les musiciens. Derrière eux, sept spectateurs. Derrière et autour de la table, dix musiciens, dont l'un est assis, et trois jeunes chanteurs. A l'arrière-plan, neuf spectateurs, mais certains pourraient être des chanteurs ou tenir un instrument à mon insu. Au total, 44 personnages sur l'image, dont 15 instrumentistes et trois jeunes chanteurs, avec un effectif probable de la Hofkapelle de 35 membres. Parmi les instruments, six instruments à cordes, un luth, un instrument à corde à clavier et sept instruments à vent.

Je n'ai plus qu'à reprendre cela tranquillement. Pour me repérer, je vais attribuer à chaque personnage un numéro.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187, droits réservés MDZ, BSB.

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Le groupe de quatre personnages importants à gauche.

 

Selon Nicole Schwindt, il s'agit du duc Albert V en personne (1)  au geste majestueux, cachant partiellement  le maître de chapelle adjoint Johann à Fossa (caché par Albrecht, et non numéroté), de l’intendant de la musique Hans Jakob Fugger (3) et tout à gauche de Roland de Lassus (2).

– Albert V (1528-1579) est reconnu pour ses compétences musicales et pour le soin généreux avec lequel il entretient à sa cour sa Hofkapelle.  Par rapport à ses portraits de 1565 et 1570 du Mus. Ms. A, sa barbe est taillée plus courte. Il porte deux colliers dont, l'un avec une chaîne en or —sans-doute, la Toison d'Or— , et l'autre au bout d'un ruban noir, avec une médaille. Cette même médaille est portée par sept  musiciens (2 ; 4 ; 5 ; 10; 12 ; 13 ; 15).

– Roland de Lassus a été le maître de chapelle de la cour de Bavière de 1568 à sa mort en 1594. Je m'étonne que le peintre ne le mette pas mieux en évidence, et qu'il ressemble peu au portrait imposant de la page 188 du manuscrit.

 Johannes de Fossa ou à Fossa (1540-1603) est un compositeur  flamand et ténor qui est entré à la cour de Bavière en 1569, a secondé Roland de Lassus comme sous-maître de chapelle, puis lui a succédé en 1594. Il a été l'élève de Castileti, soit lorsque celui-ci était Maître de la Chapelle Impériale à Vienne en 1563-1564, soit plus vraisemblablement à Liège avant 1569.

– Le banquier, bibliophile  et passionné d'art Hans Jakob Fugger (1516-1575) est devenu directeur musical à la cour de Bavière (Musikintendant des herzoglichen Hofes in München) en 1565, après avoir été ruiné à la fois par l'énorme emprunt consenti à Philippe II et non remboursé, et à la fois par ses folles dépenses comme mécène et comme collectionneur. En 1557, il avait engagé le médecin Samuel Quickelberg comme conservateur de sa bibliothèque et de ses collections, et ce dernier est ainsi passé au service du duc Albert V jusqu'à son décès en 1567 (ce qui explique qu'il ne figure pas sur cette peinture).

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Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 partie gauche, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 partie gauche, droits réservés MDZ, BSB.

LES CADRES

Selon le comptable-chef, entre 1569 et 1572, l'ensemble musical  est désigné sous le nom de Cantorei. Le Maître de Chapelle (Capellmaister) est Orlando de Lassus. Ludwig Daser est encore rémunéré comme ancien Capellmaister. Le Maître de chapelle en second est Johannes de Fossa (remplacé transitoirement par Richard von Genua en 1571). Johannes de Fossa ou Richard de Gênes dirigent 12 enfants de chœur désignés sous le nom général de CantoreiKnaben.

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LES CHANTEURS ET INSTRUMENTISTES.

 

 En 1570, les comptes de la Trésorerie ducale  relevés par Nicole Schwindt d'après la publication de Sandberger (Beiträge...) permettent à celle-ci d'établir une liste de 32 membres de la Cantoreii, désignation officielle de la formation musicale. Il faut bien-sûr y ajouter le Maître de Chapelle Orlando de Lassus et son second Joan de Fossa. La formation comporte 19 musiciens (7 instrumentistes à cordes, 8 instrumentistes à vents, 3 organistes, 1 luthiste,) et 23 chanteurs (7 altistes, 7 ténors et 9 basses). Les salaires versés vont de 144 à 180 florins par an.

Voir BMLO, Dictionnaire de musiciens bavarois

 

Les instruments joués par les musiciens sont connus par la rare iconographie, par les documents comptables, par le témoignage de Maccimo Troiano en 1569, et, indirectement, par l'inventaire des instruments de la cour de Bavière. Ceux-ci étaient conservés dans un Cabinet de musique au sein de la Residenz, et leur catalogue de 1655 a été publié par Bettina Wackernagel. Cet inventaire, qui inclut bien-sûr les instruments de 1570, renseigne sur ces derniers. 

 

L'inventaire des Instruments de cour à Munich en 1655.

Avec ses 164 entrées énumérant 289 instruments, l'inventaire des instruments de musique de la Cour de Bavière de 1655 n'est surpassé que par les collections de Henri VIII d'Angleterre à Westminster (1547) et de Raymond Fugger à Augsbourg (1566) et du duc de Wurtemberg Louis le Pieux à Stuttgart (1589). Cet inventaire révèle la nette prédominance des 197 instruments à vent. Les instruments étaient entreposés dans un local à part. 24 instruments à clavier (dont 7 orgues positifs, 4 régales et 13 à cordes pincées, frottées ou frappées — clavecins, virginal, épinettes et peut-être clavicorde) auxquels il convient d'ajouter un xylophone, 34 instruments à cordes frottées (incluant violons, violes da braccio et da gamba, basses), et 30 instruments à cordes pincées (cithares, lyres, guitares, pandore, luths, théorbes et harpes). Les instruments à vent se présentant souvent en jeux complets de chaque famille, comme dans les consorts britanniques, typiques de la conception polyphonique Renaissance de l'instrumentation. Ainsi trouve-t-on , de toutes tailles, des chalémies, des bassons, des cervelas, des flûtes droites et traversières, des cornets et des serpents, des trombones et des cromones. On ne s'étonnera pas de l'absence de trompettes qui font l'objet d'un petit chapitre expliquant que leur conservation dans un local à sécurité renforcée, du fait de leur utilisation guerrière et d'apparat, cela s'appliquant également aux timbales et grosse caisse. […] Les positifs et régales venaient généralement d'Allemagne du Sud ou d'Autriche, et les instruments à cordes et à clavier de Venise, sauf naturellement, le fameux Geigenwerk (espèce de clavecin à roues colophanes actionnées par une pédale) venu de Nuremberg, qui s'avère être le premier d'une série de 23 construits par son inventeur Hans Haiden et pour lequel Praetorius témoigne planche à l'appui. Dans le groupe des instruments à cordes frottées, on est sûr qu'au moins trois violons ont été achetés au fameux luthier tyrolien Jacob Stainer d'Innsbruck et beaucoup d'autres à des luthiers non spécifiés de Crémone et de Brescia. D'autre part, comme ailleurs sauf en France, on observe à partir de 1585 environ, que la famille du violon prend peu à peu la prééminence sur celle de la viole. […] Leur cabinet de musique ou Cabinet instrumental est défini comme une collection d'usage (servant à la Chapelle, à la Chambre et à la Table), mais n'excluant pas un certain raffinement (luths, flûtes traversières et cervelas d'ivoire, régales en ébène avec garnitures dorées, autres instruments à clavier aux bois sculptés, trombones d'argent), utilisés par des virtuosi parfois très distingués. ( d'après le Compte-rendu par Scherpereel en du catalogue publié par B. Walckernagel)

 

 

I. INSTRUMENTS A CORDES FROTTÉES.

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Le document iconographique montre cinq joueurs de violons (dont une basse de violon et un alto) et un joueur de grande basse de viole. 

 

 

La Cantorei de Munich compte, en 1570,  7 instrumentistes à cordes (Streicher : Geiger ou violonistes). Même effectif en 1571 et 1572.

  • Antonio Morari (ou Merari), membre depuis au moins 1561 jusqu'à 1583. Il est mort à Munich au début de 1597.

  • Giovanni Battista Morari. mentionné depuis au moins 1561 à 1577, date de son décès. 

  • Hannibale Morari  mentionné depuis au moins 1561 à 1592, date de son décès.

  • Cerbonio Besutio

  • Mattia Besutio Martino Besutio, (Matio Pussingen) mentionné dès 1555 ; décédé en 1604. neveu du précédent.

  • Lucio Tertio (mentionné depuis 1561 ; décédé en 1577). Violoniste et chanteur.

  • Cristoforo Pocis (Christoff Paris) originaire de Crémone, mentionné de 1568 à 1579.

On peut citer aussi le violoniste génois Giovanni Battista Romano, pour le meurtre duquel Troiano aurait été impliqué en 1570.

On remarque la présence de trois familles, les Morari, les Besutio, et les Tertio (Hercule Tertio apparaîtra avec les Vents).

Les trois frères Morari sont originaires de Bergame. Antonio Morari était le plus réputé, et il eut la responsabilité du groupe musical (Konzertmeister), touchant 270 florins alors que les autres musiciens percevaient entre 150 et 180 florins, puis 450 florins en 1581. .Il est l'auteur du  II Primo Libro de Madrigali a Quattro Voci (Guardano, Venice, 1587), et de diverses pièces insérées dans des recueils collectifs.  A partir de 1573, il a effectué plusieurs voyages en Italie, pour embaucher des musiciens (et faire construire des instruments ?). En 1577, son autre frère Achille a été brièvement engagé à Munich. Comme la plupart de ses collègues et comme ses frères,, il savait joué de divers instruments, comme la trompette et  la viole de gambe; ou du cornet. «Antonio Morari suona il soprano, e tanto dolci, netti e politi fa udire li vaghi passaggi e fioretti, e tanto dolci fa esprimer li concenti, che da tutti gli vien dato meritevolmente il primo vanto e onore di quello strumento» (Troiano p. 71).

Les Besutio appartiennent (sans-doute) à la famille italienne des  Besozzi, dont le fief se situe dans le Tessin. Cerbonio Besutio/Besozzi a un homonyme, musicien également et originaire de Bergame, dont la vie est étudiée dans Die Chronik des Cerbonio Besozzi..

On constate donc que tous les violonistes sont italiens, d'Italie du Nord, comme les luthiers Amati de Crémone..

 

Au XVIe siècle, on distingue les viola-da-braccio, "violes à bras" qui correspondent à nos violons, et les viola-da-gamba ou "violes de gambes". 

Massimo Troiano (Discorsi p. 71) présente les virtuosi ainsi :

"Vi sono anco sette virtuosi di viola da braccio, quali solo in camera fanno Musica : e suonano contanta suavita, che quando colli Archi tocchano le corde, par che la sonora simphonia del Cielo ivi udir si faccia. Messere Antonio Morari suona il soprano, e tanto dolci, netti e politi fa udire li vaghi, passaggi, e fioretti : e tanto dolci fa esprimer li concenti, che da tutti gli vien dato meritevolmente, il primo vanto, e honore, qi quello strumento, e non solo di questo si diletta ma di Cornetto, di Viola, di Gamba : e miracolosamente di Cithara.

Messer Battista [Morari] su fratello [...] li suona il contralto, e vi assicuro, che egli è un gran virtuoso, e suona il canto della Viola di gamba , molto delicatamente, e si diletta di Lauto, e di altri strumenti. Vi e anco Hannibale loro fratello, tuttavia in questi giovenili anni, Va salendo il Monte della Musica.

Vi é Cerbonio Besutio, e Mattio Besutio, suo nepote, l'uno il Tenore, e laltro il Basso, assai suavemente toccano e ambiduo, suonano di tutti strumenti di fiato, vi è Lucio terzo, che di piu suona la Lira assai suavemente, tutti questi sono da Bergamo : vi e anco nella loro compagnia Christofaro [Pocis], da Cremona, non meno virtuoso, che affabile." 

 

Vi sono anco sette virtuosi di viola da braccio, i quali fanno Musica nella Mensa ; Antonio Morari suona il soprano, e tanto dolci e netti fa udire li vaghi passaggi, che quanti lo ascoltano li danno il vanto di quello strumento, e suona anco miracolosamente di Cithera. Battista Morari e non solo della viola di braccio molto esperto, ma anco della viola de gamba. Anniballi lorari fratello delli due sudetti , Cerbonio Besutio, Mathio Besutio. Lucio Terzo, e Christoforo da Cremona. Vi sono cinque che suonano di strumenti di fiato, liquali tutti sonio degni di Corona, Domenico Venetiano, Francesco da Lucca Fileno Cornazzano, Sebastiano da Treviso, e Simone Gatto, & tutti questi rarissimi virtuosi suonano d'ogni sorte di strumenti, e non accade ch'io vi dica quanto alcuni di loro sono studiosi e prattici nell'arte delli numeri della Musica, che l'opere prodotte da loro belli ingegni, li fa conoscere al mondo. 

 

Troiano page 128 : Mariano : — Non vi è Meßer Battista suo fratello ? Fortuno — Li suono il contralto, e vi assicuro, che egli è un gran virtuoso, e suona il canto della Viola, di Gamba, molto delicatamente, e si diletta di Lauto, e di altri strumenti."

 

Les musiciens semblent destinés aussi à animer les repas : 

Mar. Non posso se non creder che tutti siano gran virtuosi ; ma ditemi in che tempo si serve sua eccelenza, di questi virtuosi ?

[For. I cantori ogni mattina alla Messa grande, & il Sabbato, e le Vigilie, delle feste commandate al Vespro. Gli strumenti di fiato suonano le Domeniche del Signore, e li giorni festivi alla Messa, & al vespro in compagnia, delli cantori.]

Mar. E le viola da Brazzo, a che se ne serve ?

For. Nel tempo ch'io vi fui non li vidi servire, si non in tavola, ma sono informato, che spesse volte alhora del sonno di mezo giorno, hanno fatte, hora con viola de brazzo, & hora con viola di gamba, & hora con clavicordo, fiffaro e cithara, & altri variati concerti, che quelli di viola di braccio, con quelli stromentisti di fiato, giunti insieme far sogliono, con le voci di Camera, che certo, sonore & artiste ve ne sono.

 

Mar. Ditemi in che modo fanno le loro Musica nella Mensa ?

 

For. Dopo portato le prime vivande e sentati tutti a tavola, quietato il primo tumulto, che col sentare si suole. li strumenti di fiato, hor con corna muse, hora con flauti, hora con fifferi, & hora con tromboni, e cornetti insino alle seconde : con canzoni Franceze, & altre allegre opere, fanno il loro ufficio. Dopo Antonio Morari, e suoi compagni, con le viola di Braccio (ben che alcuna volta, con viole di gamba, e con altri vari strumenti) hor con canzoni Franceze, hor con artificiosi Motteti, & hor con vaghi Madrigali, con celeste harmonia, suonano infino a l'ultimo servitio. Venuti che sono li frutti, Messere orlando di Lasso, con li suoi cantori, a tutti lassa il freno, che suave e piana voce, facciano udir le compositioni, che ciascun giorno di nuovo li presenta. Et al spesso, (non senza gran sodisfattione del Duca), fa cantare alcuni belli quarti, & artificiosi terzi, da prattici e scelti cantori : che posso giurare hauer visto sua Eccelenza lassare il Prandio per udir la harmonia.

 

A. Les cinq  joueurs de violon (4) (6) (7) (16) (17).

 

 

Prateorius Pl. XXI : https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n295/mode/2up

 Ils sont placés sur les coté droit et gauche autour de la "table" (le clavicorde), et trois jouent assis alors que deux jouent debouts   .

Il s'agit de trois violons, d'un alto (n°16)  et d'un instrument joué en travers (6) qui pourrait être un violon ténor ou basse, dissimulé en partie par le dernier instrument, la grande basse de viole (5). Ces six instruments  sont complétés de deux « instruments d'accompagnement » jouant en accords, un virginal et un luth avec chœur de cordes.

Nicole Schwindt propose judicieusement de reconnaître dans le violoniste n° 17 Lucio Tertio, car celui-ci paraît fort âgé ; or, il est qualifié sur les registres comptables, en 1575 (Standberger page 83) de "Lucio geiger dem altem", et en 1577 on indique la mention "mit todt abganngen".

 

 De même, le joueur de basse de violon serait l'oncle de Mattia Besutio, Cerbonio Besutio et ce serait le musicien n° 7.  En effet, elle se base sur cette phrase de Troiano (p. 71) : "Vi è Cerbonio Besutio, e Mattio Besutio, suo nepote, l'uno Tenore, l'altro il Baßo, aßai suavemente toccano e ambidue, sono di tutti strumenti di fiato". 

Le violoniste n°7 qui est vu de dos au premier plan, semble assez jeune, ce qui incite N. Schwindt à suggérer qu'il s'agit d'Hannibal Morari, car Troiano écrit  "Vi e anco Hannibale loro fratello, tuttavia in questi giovenili anni, Va salendo il Monte della Musica", "Il y avait aussi Hannibal leur frère toutefois, en ses jeunes années, il était encore en train de monter le Mont de la Musique".

La tenue des violons ou Viola da bracchio.

 Les quatre violonistes n° 4, 7, 16 et 17 tiennent leur instrument de la même façon, dans une technique "sans menton". Je constate que le sujet est épineux, puisqu'il risque d'induire une confusion avec la redécouverte des violoncelles alla spalla,  "à l'épaule" ou viola da spalla et que je suis bien incapable de fixer des repères.Néanmoins il semble que la tenue alla spalla désigne un appui sur l'épaule droite. Toujours est-il que les quatre "geiger" de la Hofkapelle de Munich posent leur violon sur leur épaule gauche , ou plus exactement sur la poitrine, en région pectorale sous claviculaire,  ou il est peut-être fixé  à un bouton ou un lacet de leur habit, alors que le bras se repose contre le thorax, que le  coude est fléchi positionnant le violon presque verticalement dans un angle de 30° vers l'avant et vers l'extérieur de leur axe corporel (ou de 50° pour l'alto, qui est moins vertical). L'archet, qui n'est visible que chez notre jeune numéro 4, est tenu bien-entendu en pronation. Dans un document mis en ligne sur Academia, Cyril Lacheze décrit et teste 11 tenues différentes du violon, accompagnées de photo évitant toute ambiguïté : aucune ne correspond à celle des musiciens munichois. Dans la position n°7 dite "tenue d'épaule", l'appui est presque sur la clavicule ; dans la tenue de poitrine n°8, elle se fait sur le sein ; soit, plus haut et plus bas que celle peinte par Mielich. De plus, et surtout, dans les deux cas de figure 7 et 8, le bras gauche est en abduction-élévation antérieure de 30-60°, et le violon est ainsi horizontal. Par contre, Cyril Lacheze recense et propose 341 documents iconographiques, parmi lesquels l'association appui poitrine / inclinaison plongeante s'avère rarement rencontrée. L'inclinaison plongeante avec appui plus haut (épaule, clavicule, cou) est par contre très fréquente, mais évoque une musique festive, de séduction ou même servile alors que la tenue horizontale voire ascendante confère plus de dignité. L'impression de servilité s'accentue lorsque le joueur  penche lui-même le tronc  et incline la tête, comme le n°17. 

L'un des musiciens de l'ensemble Dolce risonanza, Szabolcs Illés, s'est précisément formé à la  technique "sans menton".

 

 

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 droite, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 droite, droits réservés MDZ, BSB.

4. Violon (ou Alto ??)

5. Grande basse de viole ou Violone en sol.

6. basse de violon.

7. Violon

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 droite, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 droite, droits réservés MDZ, BSB.

16. Alto.

17. Violon.

18.  Luth. 

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Le joueur de la BASSE DE VIOLON n°6.

Cet  instrument, "ancêtre" du violoncelle tout en s'en distinguant, dispose d'une iconographie rare au XVIe siècle. Il est apparu dans les années 1530, il a atteint son apogée à l'époque baroque pour disparaître vers 1730. La plupart des instruments anciens ont alors été raccourcis et adaptés en violoncelles. Les trois premiers instruments intacts, deux de 1594 conservés dans la chapelle des anges de la cathédrale de Freiberg,  de petite taille et qui n'ont survécus qu'en tant qu'objet d'art, et  celui, plus grand, construit en 1590 par Dorigo Spilmann, ne sont pas jouables.  et on doit renoncer à l'espoir de connaître le son de ces instruments disparus. C'est dire l'intérêt documentaire de l'enluminure de Mielich. Cet instrument a fait l'objet de la thèse de G.I. Erodi en 2009. Il est connu sous les noms de basse de violon en français,  de Bassgeige en allemand  ou  de basso de viola da braccio, en italien.

Les instruments fabriqués par Andrea Amati, de Crémone, Gasparo da Salo, de Brescia et Francesco de Macchetti Linarol, de  Venise, les premiers luthiers de renom du XVIe siècle, n'ont pas été conservés ou ont été réduits.

 La basse de violon à quatre cordes possède une caisse d'environ 85 cm (soit 10 cm de plus qu'un violoncelle). Elle est accordée un ton au-dessous du violoncelle (sib, fa, do, sol). Dans le dernier tiers du XVIe siècle, le modèle de base a été  utilisé dans les ensembles de violon dans toute l'Europe. Ce modèle se caractérise par ses quatre cordes accordées en quintes, ses ouïes en forme de F,ses épaules supérieures et inférieures   arrondies, par une touche courte et sans frettes. (les ouïes en forme de C et les frettes caractérisent les violes). L' archet de  basse de violon a été joué soit par  pronation ou par supination. La basse de violon existait en deux tailles différentes qui partageaient les mêmes caractéristiques de construction, une plus petite et une plus grande, correspondant à deux réglages différents.

Les chercheurs ont éprouvé des difficultés à la définir clairement par rapport à la viole de gambe, la contrebasse , le violoncelle et le violon ténor. Ainsi, l'instrument joué par notre musicien n°6 , posé sur le coin de la table, et dont la taille  est inférieure à la basse de viole volumineux, mais plus grand que les violon  ou que l'alto, a été identifiée de plusieurs manières différentes. Barra Boydell l'étiquette (page 14) comme un violon ténor (ténor Geige) ou d'une viola da spallaNicole Schwindt l'identifie page 56 soit comme un grand violon  ténor  (grosse Tenorgeige),  ou comme une petite basse de violon (kleine Bassgeige), tandis que Herbert W. Myers plaide pour sa classification comme viola da brazzo.

Les violes de gambe  sont mieux représentées dans l'iconographie et elles ont été conservées en grand nombre car elles étaient jouées par les aristocrate et éatient soigneusement décorées, alors que les violons étaient des instruments de travail qui étaient joués parfois quotidiennement, sans égard pour leur valeur esthétique.

Il est temps de citer  le fameux Jambe de fer, dont l'Epitome est la documentation la plus précoce (1556) sur le sujet :

 Page 63 : "Pour quoy appellez-vous Violes les vnes, & les autres Violons ? Nous appellons violes c'elles desquelles les gentilz hommes, marchantz, & autres gens de vertuz passent leur temps. Les Italiens les appellent viole da gambe par ce qu'elles se tiennnent en bas, les vns entre les iambes, les autres sur quelque siege, ou escabeau, autres sus les genoux mesme lesditctz Italiens, Les Français ont bien en vsage ceste facon. L'autre sorte s'appelle violon & c'est celuy duquel lon vse en dancerie communement, & à bonne cause ; car il est plus facile d'accorder, pour ce que la quinte est plus douce à ouyr que n'est la quarte. Il est aussi plus facile à porter, qu'est chose fort necessaire, mesme en conduisant quelques noces ou mommerie.

L'Italien l'appelle Violon da braccia ou violone, parce qu'il se soustient sus les bras, les vns avec escharpe, cordons, ou autre chose, le Bas à cause de sa pesanteur est port malaysé à porter, pour autant il est soutenu avec un petit crochet dans vn anneau de fer, ou d'autre chose, lequel est attaché au doz dudict instrument bien proprement : a celle fin qu'il n'empesche celuy qui en joue." http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007136d/f66.image 

L'ensemble Dolce Risonanza a fait construire spécialement, pour se rapprocher de l'instrumantation originale de Roland de Lassus,  une basse de violon  "reconstituée à l’aide des rapports de taille très précis des instruments à cordes entre eux dans l’illustration et à l’appui d’exemplaires conservés de la même époque  – comme ceux de l’ensemble de violons de la chapelle des anges de la cathédrale de Freiberg." (B. Rainer)

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La position de jeu de la basse de violon.

L'enluminure est précieuse aussi comme témoignage d'un style de jeu. Les basses de violon ont été jouées soit en position statique (et alors le plus souvent tenues entre les jambes ou les cuisses), soit en ambulatoire lors de processions ou de fêtes, et alors tenu en travers, un peu comme une guitare, l'instrument étant suspendu autour du cou et des épaules par une sangle fixé à l'arrière.

Sur la miniature de Mielich, bien que le musicien soit assis plutôt qu'en déplacement dans une salle de banquet, il a adopté la position de travers. Quoique la basse de violon soit représentée derrière le joueur de basse de viole et qu'elle ne peut être vue entièrement, pourtant il est clair  qu'elle prend appui par la partie haute du corps alors que la main gauche soutient le manche. On ne peut préciser si l'autre moitié de l'instrument est tenue sur la jambe de l'interprète pour l'équilibrer, ou si elle est soutenue par une sangle, que je crois deviner mais que je peux confondre avec un pli du manteau.

Dans un tableau conservé au Prado, Noce de Village, Jan Brueghel l'Ancien a peint vers 1600 trois violonistes ambulants : le premier tient sur la clavicule un soprano à trois cordes, le second entre l'épaule et l'oreille un violon, et le troisième tient une basse de violon suspendue autour du cou dans une posture très semblable à celle du musicien n°6.

 

 

Jan Brueghel l'Ancien, Noce de village, détail, Ca 1600, Prado (Madrid) in G. I. Erodi.

Jan Brueghel l'Ancien, Noce de village, détail, Ca 1600, Prado (Madrid) in G. I. Erodi.

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L' image suivante permet une meilleure étude de l'instrument, et la recherche d'une éventuelle sangle :

Hans Mielich Mus. Ms. A.II page 187, détail.

Hans Mielich Mus. Ms. A.II page 187, détail.

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Le joueur de viole de gambe (5) : Mattia Besutio (?).

Le musicien assis à droite  joue d'une grande basse de viole ou violone en sol identifiée grâce à ses six cordes.

"La viole de gambe (qui veut dire la « viole de jambe ») ou viole est un instrument de musique à cordes et à frettes joué à l'aide d'un archet. Le terme italien viola da gamba le distingue de la viola da braccio par la différence de la tenue de l'instrument (la basse de viole est tenue entre les jambes, d'où son nom, et l'archet est également tenu de façon différente).

 La famille des violes compte sept instruments (pardessus de viole, dessus de viole, viole de gambe alto, viole de gambe ténor, basse de viole de gambe, grande basse de viole de gambe ou violone en sol , contre basse de viole de gambe ou violone en ré ). Toutes les tailles sont tenues entre les jambes, sauf la contrebasse :

Des centres de fabrication de l'instrument en Italie, sont nés des instruments magnifiques. D'importantes « dynasties » de luthiers comme Amati, Stradivari, Guarneri et Ruggieri contribuèrent à élever le nom de Crémone au plus haut niveau. La ville de Brescia comporte aussi deux noms, Gasparo da Salò (1549 – 1609), et Giovanni Paolo Maggini (1580 - 1630) dont les instruments sont considérés comme des instruments de premier choix par les solistes actuels. De Crémone, Brescia, mais aussi Milan, Venise, Mantoue, Bologne, Florence, Rome et Naples sont sortis, de 1540 à 1780, des viola da gamba et viola da braccio (« viole de bras » : c'est ainsi que l'on nommait les instruments de la famille du violon) dont la qualité reste inégalée jusqu'à nos jours. De l'Italie et de l'Espagne, la viole de gambe s'est alors diffusée dans toute l'Europe." (Wikipédia)

Nicole Schwindt identifie le joueur de violon basse n° 6 avec Mattia Besutio (Matteo Besucio, Matteus Besozzi), en raison du texte de  Troiano (p. 71) : "Vi è Cerbonio Besutio, e Mattio Besutio, suo nepote, l'uno Tenore, l'altro il Baßo, aßai suavemente toccano e ambidue, sono di tutti strumenti di fiato", mais aussi des archives de comptabilité, qui indiquent qu'en  1568, a été payé à "Matheisn geiger umb großse Sayttn 2 fl[orins]". ( Sandberger p. 33). 

Praetorius page 44 Pl. VI fig.4 : Groß Viol-de-Gamba-baß :

 

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Comme sur la figure de Praetorius, les ouïes de l'instrument représentées par Mielich sont en S (ou f). Je compte six frettes. La tête  volumineuse et longue (jusqu'au menton du flûtiste)  est dotée d' une copieuse crosse . L'archet est tenu en supination. C'est effectivement la tradition dont témoigne Boccherini, qui écrit dans ses Mémoires qu'au XVIIIe, "tous les violoncellistes avaient conservé la tenue de l'archet utilisé pour la viole de gambe, c'est-à-dire la main vers l'extérieur". Le pouce croise la mêche avant de prendre appui sur la baguette, alors que l'index et le majeur maintiennent cette baguette et que l'annulaire s'appuie sur la mêche pour en régler la tension. Comparer avec les photos ici. La jambe droite est écartée, en abduction rotation externe, la joue basse de l'instrument se calant contre la jambe. Le manche n'est pas appuyé sur l'épaule gauche, mais tenu loin de la tête. L'axe du tronc est légèrement incliné vers la droite.

Les auteurs citent en général  Il Libro del Cortegiano de Baldassare Castiglione (1528) pour  opposer, comme le fera Philibert Jambe de Fer, la viole,  instrument aristocratique dont l'étude faisait partie de l'éducation artistique, tout comme le luth, le clavecin et le chant...ou l'italien, avec le violon, qui n'était employé à ses débuts que par des musiciens professionnels lors des "danceries, noces et mommeries" :  «La musique n'est pas simplement un amusement, mais une obligation pour un courtisan. Elle devrait être pratiquée en présence de dames, parce qu'elle prédispose l'individu à toutes sortes de pensées... Et la musique à quatre violes est particulièrement enchanteresse, parce qu'elle est particulièrement délicate douce et ingénieuse.» 

 

 

 

  

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187  : Grande viole de basse. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 : Grande viole de basse. droits réservés MDZ, BSB.

 

II. INSTRUMENTS A CORDES PINCÉES.

 

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I. Le joueur de luth (18) .

L'instrument est selon Nicole Schwindt celui qui est désigné par Praetorius comme "Reche Chorist-oder AltLaute  parmi les sept sortes de "Testudo" (du latin signifiant "tortue", en raison de la forme évoquant une carapace) ou "Laut". Il correspond à la figure 3 "Chorlaute" et comporte 8 chœurs de deux cordes.

. Praetorius, Sciagraphia Pl. XVI,  Testudo oder Laut. 

 

Le luthiste (Lautenist) : Hans Kolman.

Le luthiste de l'ensemble se nomme, en 1570, Hans Kolman ou Kolmac,  membre de la Hofkapelle de 1561 à 1571.  Il joue lors de noces du prince Guillaume et de Renée de Lorraine en février 1568 :  Massimo Troiano page 66  écrit de lui : "virtuoso certo, molto pratico di quello strumento". Il apparaît dans les comptes in Sandberger page 48 dans le réglement de ses prestations de Quottember de Reminiscere, Pfüngsten, et pour Michaelis, (soit les Quatre-Temps du Second Dimanche de Carème et de Pentecôte et pour la Saint-Michel) : il reçoit alors 63 florins. 

Plus tard, en 1573, le poste de luthiste reviendra au très recherché  Cosimo Botegari  (Florence, 1554-Florence,1620) , ou Cosman Bottegeri . Il est l'auteur d'un ''Il Libro di cento e liuto'' qui est une source importante pour les compositions de cette époque. Voir la comptabilité ducale page 100 et 109 in Sandberger.

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7 instrumentistes à cordes (Streicher : Geiger ou violonistes).

  • Antonio Morari (ou Merari), mentionné de avant 1561 à 1597.

  • Giov. Battista Morari. mentionné de avant 1561 à 1577. Voir Troiano page 43

  • Cerbonio Morari

  • Mattia Besutio (Matio Pussingen) mentionné dès 1555 ; décédé en 1604.

  • Lucio Tertio (mentionné depuis 1561 ; décédé en 1577). Violoniste et chanteur

  • Cristoforo Pocis (Christoff Paris) originaire de Crémone, mentionné de 1568 à 1579.

  • Hannibale Morari  mentionné de avant 1561 à 1595.

On peut citer aussi le violoniste génois Giovanni Battista Romano, pour le meurtre duquel Troiano a été impliqué en 1570.

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IV . Le joueur au clavier (12) et le virginal (12a) .

Le virginal est un instrument de musique à « vergettes » (sautereaux), de la famille des instruments à clavier et à cordes pincées qui comprend également le clavecin et l'épinette. L'apparition la plus ancienne du terme se situerait en 1460 dans le Tractatus de Musica de Paulus Paulinirus. Sa forme est celle d'un coffre, avec un clavier rentrant dans une niche appelée boîte à clavier. (Wikipédia)

 

http://de.wikipedia.org/wiki/Virginal : virginal du XVIe siècle.

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Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187  : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

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 — Instruments à cordes pincées par des sautereaux :

Praetorius Pl. XIV : n° 1-2 Spinetten : Virginal (in gemein Instrument genant) so recht Chor-Thon. N°3 OctavInstrumentlin

Praetorius Pl. XV : Clavicytherium  n° 1 en haut à droite, à caisse verticale / Clavichordium n°2 et 3 / Octav Clavichordium n°4 :

Clavicymbei pl. VI n°1

 

 

Iconographie des instruments à clavier (virginal) peints par Hans Mielich dans le manuscrit des psaumes pénitentiels Mus. ms. A : 

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Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AI page 89  : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AI page 89 : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 67  : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 67 : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 180  : le virginal. Droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 180 : le virginal. Droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 180  : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 180 : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 183  : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Psaumes pénitentiels, Mus. Ms. AII page 183 : le virginal. droits réservés MDZ, BSB.

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III. LES INSTRUMENTS A VENT.

 

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On voit sept instruments à vent : de  gauche à droite, nous reconnaissons un instrument à anche double (Cornemuse ?), une flûte à bec basse, une flûte traversière, un trombone basse, un cornet muet jaune,  un ranquette, et un cornet à bouquin recourbé noir. Troiano signale aussi l'usage du fiffre (fiffaro).

 

La Cantorei compte alors 8 instrumentistes à vent (Bläser ; Zinckenplaser ; Pusauner. Strumenti a fiato):

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  •  Vileno  Carnazano ou  Phileno  Agostino Cornazzani , tromboniste. Aussi altiste, directeur musical, professeur de musique. 

  • Francisco Mosto (de 1550 à son déces en 1590), tromboniste

  • Simon Gatto (à Venise en 1545 ; décédé en 1590 à Graz) tromboniste, trompettiste,, compositeur, chef d'orchestre, collecteur de musique, ténor, Parolier

  • Francesco Guami ou Francesco de Luca, né à Lucques en 1543, décédé à Lucques en 1602, tromboniste, puis maître de chapelle dans diverses villes d'Italie dont Lucques, compositeur de 3 livres de madrigaux de 1588 à 1598. Membre de la Hofkapelle de 1568 à 1580. Frère de Giuseppe (cf. organiste)

  • Sebastiano di Alberto (de Trévise)

  • Jacopo Aldigeri

  • Hercule Tertio (fils de Lucio), tromboniste, mais également violoniste et trompettiste. Présent depuis 1569, décédé en 1613. 

  • Dominico Aldigeri. tromboniste (membre 1563-1570) = Domenico Veneziano ?

En 1572, on voit les noms de Francisco, Niclas, Johann et Marco Laudis.

— Massimo Troiano les présente ainsi  (Discorsi, page 70-71) :

 

[...] page 71 "Vi sono in quel servitio cinque strumenti di fiato, quali tutti sono degni di Corona, Dominico Venetiano suona il Cornetto, con gran dolcezza e gagliardia di petto : suona anco di trombone. Francesco da Lucca, adopra il Tenore, oltra di questo nella compositione delli numeri Musicali, è molto sofficiente. Sebastiano di Alberto, scrittor molto Prattico, e delli buoni costumi molto observatore : questo da fiato alla quinta parte. Fileno Cornazzano giovene assai dedito alla della Armonia, lui da spirito al contralto. Simone Gatto, da vigore et anima al Basso : Ed oltra che di questo se li puo dare il vanto. Puote anco nel numero delli artisti Musici, havere il locote suona anco di cornetto."

 [...] .Gli strumenti di fiato suonano le Domeniche del Signore, e li giorni festivi alla Messa, & al vespro in compagnia, delli cantori.

 

Fileno Agostino Cornazzano , est le fils unique de Baldassare Cornazzano (ca.1520- ca 1601), qui fut trompettiste à la cour impériale de Vienne et à la cour de l'archiduc à Graz. puis Leiter der Instrumentenstube à la cour du duc Albert V. Il  est né entre 1543 et 1545. Initié par son père à l'étude du trombone,  il est comme tromboniste  à Munich en 1559-1560, où il se consacre à l'étude de la composition; il a certainement été l'un des élèves d' Orlando di Lasso . En Juillet 1567, il épousa Regina, demoiselle de compagnie de la duchesse; de ce mariage lui vient un fils, Albert, et trois filles. En juin de l'année suivante, il est nommé "Istrumentist und Zinckplaser" de la chapelle du duc Albrecht V, avec le salaire de départ élevé de 180 florins par an. Cette charge lui donnait la responsabilité , en plus des fonctions de gestion des musiciens, de commander, de contrôler, de payer et de faire venir à Munich de précieux instruments  commandés à Venise et Nuremberg auprès des plus célèbres spécialistes de cette époque. En 1586, il se rendit à Nuremberg pour y acheter deux trompettes ; en 1587 il acheta un Cornet basse à Venise et en 1588 un Fagotto (un basson),  également à Venise, pour 19 florins et 30 couronnes.

A l'occasion des processions et fêtes  somptueuses de Munich,. il a joué le rôle important de "régisseur", qui était une sorte d'organisateur et de directeur général, ainsi que de directeur d'orchestre aux côté de Lasso. Selon les documents des Archives de Munich, où il est mentionné en tant que «Zinckplaser" avec le nom de Vilenno en 1568, puis en tant que tromboniste avec son nom complet en 1569, nous apprenons qu' en 1587, son salaire a été augmenté à 400 florins à 472 florins par an en 1592. Ce revenu lui a permis d'acheter deux maisons, dans lesquelles il était en mesure d'organiser une véritable école  de trombone  et de la composition, de recevoir des étudiants, et d'acquérir de nouveaux revenus . Son élève le plus célèbre était Jacob Paumann, qui deviendra  "recteur und inspector der Instrumentisten» au chapitre de la cathédrale d'Augusta en 1596. A partir de 1589 Fileno a enseigné au collège des Jésuites de Bamberg ; le 15 mars 1591, il a reçu une rente de deux cents florins par an. M. Praetorius , dans Syntagma Musicum , le cite comme «le plus célèbre maître de Munich", et sans doute a-t-il été  reconnu comme un tromboniste, mais aussi comme un compositeur d'une certaine importance, bien que son style soit très similaire à celui de Orlando de Lasso.

De ses compositions nous  sont venus nous quelques chansons incluses dans des recueils de musique polyphonique publiés entre 1569 et 1624. Il a composé la musique profane, comme en témoigne le madrigal "da nave scorta da celeste lume», qui fait partie de Musica dei virtuosi della florida Capella dell'Illº. S. Ducca di Baviera a cinque voci, , publié à Venise en 1569 par G. Scotto et édité par M. Troiano . Fileno Cornazzani a composé aussi de la musique sacrée ; iil semble qu'il  pas composé  pour le trombone, ce qui est très surprenant  de la part d'un virtuose de son niveau. Il mourut à Munich en Juillet 1628.

 

De gauche à droite :

 

I. La Cornemuse (Musicien n°8)...ou le Tournebout voire le Cromorne.

Selon Bernhard Rainer, "L’instrument à vent qui est caché en partie par les joueurs violon ténor et de la grande basse de viole a été clairement identifié dans un article musicologique comme un instrument à anche avec capsule en registre de ténor, et représente à mon avis une cornemuse ; dans son rapport sur les noces, Troiano en confirme l’usage fréquent dans des distributions d’ensemble similaires."

L'article musicologique est celui de Barra Boydell qui reconnaît ici un instrument à anche double (windcap), et qui évoque la possibilité qu'il s'agisse d'un tournebout (Crumhorn), représenté par Praetorius Pl. XIII n°2 sous le nom de Krumbhorner. 

Praetorius Pl. XI n° 6-9 : Grosser Bock -Schaper Pfeiff -Hümmelchen - Duden

https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n285/mode/2up

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II. La Flûte à bec basse (Musicien n°9).

Baßblockflöte (de)

Praetorius Pl. IX n°1

https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n283/mode/2up

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III. La Flûte traversière (Musicien n° 10).

Traverseflöte (de)

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IV. Le Trombone basse (Musicien n° 11).

(qui se distingue clairement du trombone ténor par la manette sur la coulisse).

Baßposaune, que Praetorius nomme Quartposaune Pl. VIII n°1-2

 

Praetorius Pl. VIII :https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n283/mode/2up

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Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

8 : Instrument à anche double : Cornemuse, ou Tournebout, ou Cromone.

9. Flûte à bec basse

10. Flûte traversière.

11. Trombone basse.

12 et 12a : Virginal.

A & B : organistes ? 

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V. Le Cornet muet jaune (Musicien n° 13).

Mute Cornett (en) ; Stille Zinken (de) ; Cornetto muto (it.)

Proche du Cornet droit (Gerader Zink), et comme lui taillé dans le buis qui lui donne sa couleur jaune, et de contour cylindrique (et non octogonal) , il s'en distingue par son embouchure non détachable.

Praetorius Pl. VIII n°9 : https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n283/mode/2up

ou Pl. XIII n° 3 https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n287/mode/2up

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VI. Le Cervelas. (Musicien n°14).

Cervelas (fr.) = Rackett (en.) = Rankett (de.)

Praetorius Pl. X n°8-9

https://archive.org/stream/imslp-musicum-praetorius-michael/PMLP138176-PraetoriusSyntagmaMusicumB2#page/n285/mode/2up

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VII. Le Cornet à bouquin recourbé noir (15).

 

Cornetto ou krummer Zink, schwarzer Zink (de) ; The curved cornett (en) ;   cornetto curvo, cornetto alto (it.) : c'est le type le plus habituel, long de 60 cm et taillé dans un seul bloc de bois (prunier, poirier, pommier). Le son est produit  par la vibration des lèvres dans une embouchure.  Lointain cousin des cornes d’animaux percées de trous, le cornet de forme incurvé vers la droite est taillé à 8 pans, sans pavillon marqué. Une peau recouvre le corps fait de deux moitiés de bois gougées et collées. Le corps est percé de 6  trous, et d'un trou pour le pouce près de l'embouchure. L’embouchure (le « bouquin »)  est en corne, bois, os ou ivoire, démontable. (Wikipédia)

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Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

13 : Cornet muet jaune

14 : Cervelas

15 : Cornet à bouquin courbe noir.

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IV LES CHORISTES.

1. Les trois jeunes choristes.

Ils appartiennent au groupe des 6 ou 12 enfants confiés à la direction du Précepteur. 

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, la Hofkapelle de Munich, Mus. Ms. AII page 187 . droits réservés MDZ, BSB.

 

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2. Les choristes adultes.

N. Schwindt décrit dans l'image "15 chanteurs adultes tête nue, (onze à gauche, quatre à droite)". A l'époque, en 1570, la Cantorei comportes 23 chanteurs : 7 altistes, 7 ténors et 9 basses, originaire soit des Pays-Bas, soit d'Italie. J'ai décrit le Choeur de Chapelle de Munich dans la première partie de cet article, dans la description de la page 186 où Mielich le montre chantant a capella un office dans la Chapelle Saint-Georges.

 

 

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LES ORGUES ET LES ORGANISTES.

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On ne voit pas d'orgue, sur cette enluminure, mais on voit peut-être les organistes, si on admet avec N. Schwindt  que ce sont eux qui sont représentés parmi les spectateurs, mais qui s'en distinguent en  portant un couvre-chef, debout. Peut importe : cette hypothèse permettra de les présenter. 

La Cantorei comporte 3 Organistes (Organisten)

  •  Guiseppe Guami, (Joseph de Luca,), frère de Francesco, mais de plus grande renommée. Premier organiste à Munich en 1568, puis organiste à Lucques de 1570 à 1582, chef de chœur de Gênes en 1585, puis premier organiste de la basilique San Marco à Venise en 1588. Compositeur prolifique de madrigaux et de musique instrumentale,  et l'un des plus grands organistes de l'italien de la fin du XVIe siècle,  Il fut également un professeur de musique réputé l'un des principaux enseignants d'Adriano Banchieri  .

  •  Giov. Battista Morselino ou Morsolino, Morsellino, né à Crémone, chanteur puis organiste engagé à Munich en 1568, brièvement à Landshut en 1569, à Munich de 1569 à 1573 puis de 1586 à 1590, il décède en 1591. Compositeur de deux madrigaux (Scotto, 1569) et de motets. Voir Troiano page 43. Il est désigné comme Johann Babtista Cremona par le comptable.

  • Ivo de Vento, né à Anvers vers 1543, il est engagé comme choriste par Roland de Lassus à l'automne 1556 à Munich. Sa voix s'étant brisée en 1560, Il  a été envoyé à Venise  pour y étudier l'orgue avec Claudio Merulo ou Annibale Padovano. Le jeune musicien a été très influencé par le style italien, qui a été reflétée dans ses compositions. A son retour à Munich de Vento a été nommé en 1563 troisième organiste de l'orchestre de cour. Après le mariage du duc Wilhelm V en 1568 il l'a suivi à Landshut , où il a servi pendant un an comme chef de choeur. Puis il est retourné à son poste à Munich et y est resté comme organiste de la cour jusqu'à sa mort en 1575 . Ivo de Ventos a  composé des œuvres sacrées, messes, motets, madrigaux et de la musique de divertissement profane. 

     

 Le facteur d'orgue se nomme Caspar Sturm (auteur du premier orgue de Regensburg, 1584). Des sommes sont versées  aussi au souffleur, nommés kalkant ou Calcant (ainsi, Lienhart Cramer reçoit 18 florins en 1569). Un Capelldiener est aussi mentionné dans les comptes, après les organistes et le manieur de soufflet, comme un employé necessaire au fonctionnement de l'orgue.

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Massimo Troiano écrit à leur propos :

"MAR. Chi vi è per organista ? FOR. Messer Gioseppe da Lucca, giovanne degno di molta laude perle sue infinite virtu, et honorati costuma. MAR. Il conosco, in Venetia quando che sotto la disciplina di Messere Adriano ivi era. FOR. Vi è anco Messer Giovan Battista Morsolino da Cremona, virtuoso certo tanto qualificato di honorati intertenimenti, che s'io vi volesse dire, come compartite tiene l'hore del giorno, vi faresti maraviglia.  Vi è anco Messer Ivo de Vento, nell'arte della Musica molto essercitato. MAR. — Dunque vi sono tre Organiste. FOR. Tre sono e vanno a vicenda ogni settimana al servitio."

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Praetorius Syntagmata Pl. II : Positif

Iconographie de l'orgue dans le Mus. Ms. A de Mielich :

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Hans Mielich, David ; harpe, Luth et orgue Mus. Ms. AII page 76 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, David ; harpe, Luth et orgue Mus. Ms. AII page 76 . droits réservés MDZ, BSB.

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Quel est le morceau joué par les musiciens ?

 

"À la recherche de la composition dont le tableau de Mielich illustre la représentation, l’idée s’impose qu’il pourrait s’agir des sept Psaumes de pénitence et des deux psaumes Laudate de Roland de Lassus. Ces pièces ont finalement été transcrites dans le manuscrit de luxe en deux parties de Munich. Toutefois, les Psaumes de pénitence de Lassus ne sont composés qu’à cinq voix pour l’essentiel. Des œuvres à cinq voix et six instruments à cordes, sept instruments à vent, deux instruments fondamentaux plus un groupe de chanteurs – comment cela va-t-il ensemble ? La solution de l’énigme se trouve dans le dernier demi-vers de la doxologie qui constitue chaque fois la fin des Psaumes de pénitence respectifs : à partir de Sicut erat in principio, Lassus ajoute une sixième voix à la composition. Il ne s’agissait plus maintenant que de trouver l’attribution logique des instruments aux voix dans le Sicut erat. Dans les instruments à vent, les deux cornets suivent le Cantus I et II, la flûte traversière l’alto, la cornemuse et la flûte à bec basse le ténor I et II, et le trombone basse la basse. Dans les instruments à cordes, deux violons accompagnent le Cantus I et II, l’alto ténor et basse le ténor I et II, et la grande basse de viole la voix de basse. La présence tout d’abord énigmatique du troisième violon s’explique par la flûte traversière qui double aussi l’alto : équivalent à la flûte traversière sonnant une octave plus haut, le violon joue la voix d’alto transposée une octave plus haut. Et enfin, grâce à la transposition au cas par cas de la grande basse de viole une octave plus bas, nous obtenons une extension à la fois simple et géniale de l’éventail sonore de la composition par l’instrumentation sans modifier celle-ci. Les instruments de fondement ranquette, virginal et luth soutiennent tout l’ensemble en partant de la basse. Les distributions des vers de deux à cinq voix suivent les indications de Troiano à l’aide des instruments représentés par Mielich. Dans les vers à cinq voix, les chanteurs sont ainsi accompagnés soit par les cordes soit par les instruments à vent. Tandis que les cinq instruments à cordes soutiennent chacun une voix, les instruments à vent forment un ensemble mixte «  muet  » avec cornet muet, flûte traversière, cornemuse, flûte à bec basse et trombone basse, comme cela est aussi documenté pour le mariage princier de 1568. Les instruments à vent « forts » cornet à bouquin recourbé et ranquette n’interviennent qu’au Sicut erat tout comme le troisième violon. Les exécutants de ces trois instruments forment donc sur le tableau un groupe à part qui ne fait son entrée qu’au début de la doxologie. Les vers de seulement deux à quatre voix sont confiés aux chanteurs solistes avec soutien au cas par cas du luth ou du virginal – Troiano parle des scelte voci (« voix choisies ») dans l’exécution de ces passages. L’ensemble complet du tableau de Mielich reste ainsi réservé au demi-vers Sicut erat. Il en naît un incroyable effet de conclusion à la fin de chaque Psaume de pénitence. Cette splendide musique de la Renaissance nous fait appréhender dans tous nos sens ce que pouvait signifier une œuvre d’art intégrale pour les gens de cette époque." Bernhard Rainer.

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QUELQUES INSTRUMENTS PEINTS PAR MIELICH DANS LES PARTITIONS (1565-1570).

 

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Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. AII page 179 . droits réservés MDZ, BSB.

 

 

 

La caisse à musique de Hans Jakob Fugger.

...à venir..

 

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Hans Mielich, Mus. Ms. A.II folio 187, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich, Mus. Ms. A.II folio 187, droits réservés MDZ, BSB.

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Hans Mielich, Mus. Ms. A.II folio 187, droits réservés MDZ, BSB.

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Comparaison avec le frontispice du Patrocinium musices de Roland de Lassus, 1573.

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Dans une pièce carrelée assez semblable à la Salle Saint-Georges du Neuvestes,, mais délimitée par des ttentures, un groupe de 14 personnes sont réunis  autour d'une table. Sur celle-ci, des partitions sont posées, ainsi qu'un virginal. On dénombre 9 musiciens (dont 4 assis), deux jeunes chanteurs en avant, trois chanteurs en arrière. 

Les instruments ont étté étudiés par Rudolf Eras qui identifie:

  • un virginal,
  • un groupe d'alti (altagruppe) constitué de  deux trombones, deux Cornetto curvo. 
  •  un groupe de basses (Baßagruppe) : Violine, Flûte traversière, Luth, Viole de Gambe.

 

http://www.zeno.org/Kunstwerke/B/Meister+I+N%3A+Titelblatt+von+Orlando+di+Lassos+%C2%BBPatrocinium+Musices,+Prima+Pars%C2%AB,+1573+M%C3%BCnchen

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SOURCES ET LIENS :

— Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, Volume 7 :page 191

https://books.google.fr/books?id=624TAAAAQAAJ&pg=PA192&dq=%22In+corde+prudentis+requiescit+sapientia%22+lassus&hl=fr&sa=X&ei=aBFRVf2lGe3fsATc1oDABg&ved=0CCUQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false

 

— BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

— BERGQUIST (Peter), éditeur, 19901,The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis Par Orlando di Lassus

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=Seghkein&source=bl&ots=OMXz8sby0r&sig=eTNBm7zMdg3I8N5AQTwYOIREJqg&hl=fr&sa=X&ei=eRJSVcCcJ4KBU9fxgdgN&ved=0CEIQ6AEwBw#v=onepage&q=Seghkein&f=false

— BERGQUIST (Peter), éditeur, The Complete Motets 9: Patrocinium musices, prima pars (Munich, 1573) Par Orlande de Lassus   :https://books.google.fr/books?id=TJrSKKuGV6kC&printsec=frontcover&dq=Patrocinium+musices&hl=fr&sa=X&ei=L_VRVZ3eOsfwUOufgKgB&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=Patrocinium%20musices&f=false

— BOYDELL (Barra) 1978, "The Instruments in Mielich's Miniature of the Munich "Hofkapelle" under Orlando di Lasso. A Revised Identification," Tijdschrift van de Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis Deel 28, No. 1 , pp. 14-18 in  Koninklijke Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis
Article Stable URL:http://www.jstor.org/stable/938948

 BRADLEY ( John William) , 1888 A Dictionary of Miniaturists, Illuminators, Calligraphers and Copyists,... https://archive.org/stream/adictionarymini02bradgoog#page/n342/mode/2up/search/lindelius

—  BOSSUYT (Ignace) « The copyist Jan Pollet and the theft in 1563 of Orlandus Lassus « Sercret »  Penitential Psalms » From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders Par Albert Clement,Eric Jas page 262

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA262&lpg=PA262&dq=lindel+mielich&source=bl&ots=xyuNPQpN8x&sig=2lfFoBPITIPcndpKiCuNqF0AC3I&hl=fr&sa=X&ei=_MdPVYmTM8zvUo3agLgK&ved=0CEYQ6AEwBQ#v=onepage&q=lindel%20mielich&f=false

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https://archive.org/stream/rolanddelassus00clos#page/n7/mode/2up

 DECLÉVE, (Jules) 1894, Roland de Lassus, Sa vie, son œuvre, Mons.

https://archive.org/stream/rolanddeslassuss00decl#page/n5/mode/2up

— DELMOTTE (Henri Florent), 1836, Notice biographique sur Roland Delattre: connu sous le nom d'Orlando de Lassus, A. Prignet, 176 pages. pages 132-139.

https://books.google.fr/books?id=XmVDAAAAcAAJ

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http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007136d

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— SANDBERGER (Adolf), 1864-1943 Ausgewählte Aufsätze zur Musikgeschichte,

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— SCHERPEREEL (Joseph) 2006 "Compte-rendu de Musikinstrumentenverzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655. Faksimile, Transkription und Kommentar by Bettina Wackernagel",   Revue de Musicologie T. 92, No. 2 (2006), pp. 414-416 Société Française de Musicologie http://www.jstor.org/stable/20141683

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 SCHÜTZ (Lieselotte) 1966 Hans Mielichs Illustrationen zu den Busspsalmen des Orlando di Lasso

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 SMITH (Charlotte) 1983, "Orlando di Lasso 7 penitential Psalms with 2 laudate Psalms : An Edition of Munich, bayerische Staatsbibliothek Mus. MS. A, I and II

https://books.google.fr/books?id=qSu6r2byCTkC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 SMITH (Douglas Alton) 1980, "The Musical Instrument Inventory of Raymund Fugger" The Galpin Society Journal Vol. 33, (Mar., 1980), pp. 36-44 Galpin Society

 URL:http://www.jstor.org/stable/841827

— TRICOIRE (Damien), 2011 A la recherche de l’universel : constructions étatiques et patronages mariaux en France et en Bavière (de 1600 à 1660 environ) ,Paris-Sorbonne, Des Saints d'Etats PUPS, pages 73-88,

  https://www.academia.edu/2519774/A_la_recherche_de_l_universel_constructions_%C3%A9tatiques_et_patronages_mariaux_en_France_et_en_Bavi%C3%A8re_de_1600_%C3%A0_1660_environ_

— TROIANO ( Massimo Troiano), 1569,  Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello Venise, Bolognino Zaltieri, page 42-47, 

 https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1569 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/?c=viewer&bandnummer=bsb00024645&pimage=00001&v=100&einzelsegmentsuche=&mehrsegmentsuche=&l=it

 

 —  WACKERNAGE(Bettina), 2003, Musikinstrumentum-Verzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655, Faksimile, Transkription und Kommentar, Tutzing, Hans Schneider, 2003.

— WEININGER (Florian), 2012, Un tableau illustre mis en musique, in commentaires du disque "Musica reservata, Secret music for Albert V" par Profetti della Quinta, Dolce risonanza :

file:///C:/Users/jean-yves/Pictures/H,ans%20Mielich/Orlando%20de%20Lassus/PN+0323.pdf

— ZIMMERMANN (Max Georg),1895, Die bildenden künste am hof herzog Albrecht's V. von Bayern J. H. E. Heitz,  - 132 pages page 98-99 et page 108:

https://archive.org/stream/diebildendenknst00zimm#page/98/mode/2up

 — Sur la musique baroque et ses instruments : http://classic-intro.net/introductionalamusique/baroque3.html

Sur la musique à Munich :

http://www.musiklexikon.ac.at/ml/musik_M/Muenchen.xml

Sur la Résidence de Munich :

http://www.residenz-muenchen.de/deutsch/service/publik.htm

 
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Published by jean-yves cordier - dans Hans Mielich
15 mai 2015 5 15 /05 /mai /2015 10:23

La "Chapelle de cour" du duc Albert V et les musiciens de Roland de Lassus, dans le Mus. Ms. A. "Hofkapelle" et Orlando de Lassus. Première partie : la Salle St-Georges et la Chapelle.

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Cet article poursuit la série suivante :

Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

Autoportrait de Hans Mielich et portrait de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II.

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Source des images :

Par copie d'écran de :

Roland de Lassus / Orlando di Lasso , Les sept psaumes pénitentiels de David avec le motet Laudes Domini :

Livre de chœur volume I Mus.ms. A I(1), Bibliothèque Nationale de Bavière Bayerrische Staat Bibliothek BBS , Munich, 1565

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035322074

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035007/images/

— Couleur (une sélection d' enluminures) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html

– en pdf (déroulant, plus rapide) :

http://burrito.whatbox.ca:15263/imglnks/usimg/1/1d/IMSLP368393-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_1.pdf

Livre de chœur II (Mus. Ms. AII) :

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=188&v=150&nav=&l=de

http://imslp.org/wiki/Choirbook,_D-Mbs_Mus._MS_A_%28Lassus,_Orlande_de%29

Ou mieux, en pdf déroulant : http://javanese.imslp.info/files/imglnks/usimg/6/66/IMSLP368394-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2pb.pdf

— en couleur (sélection) en pdf (déroulant) mais avec une résolution moins fine des image :

http://petrucci.mus.auth.gr/imglnks/usimg/8/85/IMSLP368403-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2.pdf

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— Volume de commentaire (Erläuterungen) de Samuel Quickelberg (1569) : Mus. Ms AI(2) Cim 207 et Mus. Ms AII(2)

Vol. I : http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00035012&pimage=00001&suchbegriff=&l=de

Vol. II : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035013/images/index.html?id=00035013&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=1&seite=3

N.B. Les couleurs ont été parfois fortement ravivées et la netteté rehaussée, le but étant ici la lisibilité des documents et non la fidélité de reproduction.

Cet article est une enquête menée par un ignorant qui n'y comprend rien. Qu'appelle-t-on "Hofkapelle" à Munich ? Une formation musicale ? Une chapelle? Les deux en réalité, ce qui complique les recherches.

Je comprends vite en effet que le terme désigne plus souvent l'institution musicale, et je découvre que cette dernière a été formée par  Ludwig Senfl, qui avait été membre du chœur de la Hofkapelle de Maximilien Ier du Saint-Empire à Augsbourg avant de venir à Munich au service du duc Guillaume IV. Ludwig Senfl est mort vers 1543, et le duc Albert V, intronisé en 1550, fit appel à Orlando de Lassus en 1556 pour prendre la suite de L. Senfl.

Pourtant, la Résidence de Munich, ancien château médiéval aménagé dès Guillaume IV, puis par Albert V et par Guillaume V en luxueuse résidence de style italien puis maniériste, comporte aujourd'hui une chapelle qui porte le nom de Hofkapelle. Je la découvre sur le site http://www.residenz-muenchen.de/englisch/museum/hofkapel.htm qui m'apprend (je traduis) que :

"La Hofkapelle a été érigée dans le cadre de la rénovation à grande échelle et de l'expansion de la "Residenz" entreprises par le duc Maximilien Ier dans les premières années du 17ème siècle. Le choeur ne fut achevée qu'en 1630.

Maximilian assistait à la messe tous les jours. Les membres du tribunal assistait au culte dans la chapelle, tandis que le duc et sa famille étaient assis dans la galerie, qu' ils pouvaient atteindre facilement de leurs appartements.

La Hofkapelle est dédiée à la Vierge de l'Immaculée Conception. Ce fut probablement le propre choix de Maximilien, parce qu'il avait déjà fait de la Vierge Marie la sainte patronne de la dynastie des Wittelsbach et de la Bavière. Le magnifique maître-autel, probablement conçu par Hans Krumper, se concentre également sur ​​la Vierge Marie. La peinture principale a été créé par Hans Werl en 1600 et montre la Vierge trônant en gloire sur les nuages ​​entourés par les anges. La peinture au sommet représente la Trinité."

Or, l'examen des enluminures de Hans Mielich pour le luxueux manuscrit Mus. Ms. A, qui appartenait au trésor privé du duc Albert V et qui contenait les partitions des sept Psaumes pénitentiels de son Hofkapellmeister, Roland de Lassus, montre l'existence d'une chapelle, organisée pareillement avec une galerie princière privée, et manifestement dédiée aussi, déjà, à la Vierge de l'Immaculée Conception. 

En scrutant les images, je me propose le double but de découvrir la chapelle de Cour pré-existant à celle de Maximilien Ier , et, dans une vraie archéologie iconographique, de découvrir aussi la formation musicale de Cour de Roland de Lassus. Bref, de rendre visite à Albert et Anne pour voir comment c'est arrangé chez eux.

Auparavant, dressons un panorama des deux volumes du manuscrit, pour y situer les planches qui m'intéressent, à la fin du volume II. Ce sont les pages 185 à 187 du volume II, mais l'examen des pages 2 et 4 du premier volume, et des pages 3, 4 et 10 du second volume permettent d'entrer dans le Palais ducal et d'y rencontrer du beau monde.

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Table des matières des deux volumes du Mus. Ms. A.

I. Manuscrit Mus. MS. AI

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/ausgaben/thumbnailseite.html?id=00089635&seite=1&fip=193.174.98.30

Page 1 : page de titre « Septem Psalmi Poenitentiales auspicis illustris : principis Alberti com pal  : Rheni utriusq : Bavariae ducis sacris imaginibus cum textu congruentibus : Copiosissime exornati et in duos tomos divisi. :Anno MDLXV"

Page 2 : Portrait du duc Albert V.

Page 3 Armoiries de la Bavière entourées de celles de 86 monastères, Abbés, Chapitres, et de 35 comtés, de 34 cités grandes ou petites, de 79 contrées et villages.

Page 4 : La Salle d'Audience. 

 Page 5 : Index

Page 6 Psaume 31 Domine ne in furore...miserere, pour 5 voix, en 12 parties

page 10 ? Laboravi in gemitu me

page 42 Psaume 31 Beati quorum remissae sunt, pour 5 voix, en 16 parties

Page 98, Psaume 37, Domine ne in furore ...quoniam, pour 5 voix, en 25 parties

Page 172, Psaume 50, Miserere mei Domine Deus, pour 5 voix, en 22 parties

page 222 : portraits de Roland de Lassus et de Hans Mielich

page 223 Janus bifrons. Uno ego finem libri monstro / Alterius ego initium praenuncio.

 

II. Manuscrit MUS. Ms. A.II :

Page 1 :Janus bifrons : Janus bifrons uti primi tomi finem monstravi sic secundi tomi totius huius operis initium praenuncio. Inceptus est autem hic secundus tomus die lunae post Jacobi, Anno MDLXV.

page 2 Page de titre Secundus Tomus Septem Psalmorum Poenitentialium etc..

Page 3 Albert V  recevant les remerciements des artistes

Page 4 : la duchesse recevant les remerciements des artistes.

Page 5 : armoiries de Bavière et celles de 16 cités du Palatinat.

Page 6 à 9 : 499 armoiries de familles de la noblesse bavaroise.

Page 10 index , avec la date de 1565 (lD'un coté, le Pape, plusieurs cardinaux et évêques sont agenouillés avec les mots « Tu supplex ora ». De l'autre, l'Empereur et plusieurs chevaliers, rois et princes avec la légende « Tu protèges ». Au dessous, un laboureur avec les mots « Tu quoque labora ».

Page 11 : début des partitions (pages 15 Rêve du roi ?? page 18 ; page 21 ect)

page 11 Psaume 101 Domine exaude orationem...et clamor, pour 5 voix, en 31 parties.

Page 81 Psaume 129 De profundis clamavi, pour 5 voix, en 10 parties.

Page 103, Psaume 142, Domine exaudi orationem...auribus, pour 5 voix, en 16 parties.

Page 159, Psaume 148, Laudate Dominum de cœlis, et psaume 150 Laudate Dominum in Sanctis, pour 5 voix, en 4 parties.

Page 185 : Choeur de cour dans la chapelle « durant un sermon » (Bardley) ou 1 seul chanteur au pupitre

page 186 : Chapelle de Cour durant un office.

page 187 : Choeur et instrumentistes

page 188 : Portrait de Roland de Lassus en pied

Page 189 : Portrait de Hans Mielich.

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DÉCOUVERTE DE LA COUR BAVAROISE ENTRE 1565 ET 1570.

1) Mus Ms AI page 2 : le duc Albert V.

 Portrait du duc Albert V en manteau rouge doublé intérieurement de satin blanc (rouge et blanc = couleur de la Bavière), portant le collier de la Toison d'or*, devant une tenture damassée bleue, entouré des statues emblématiques de la Sagesse, de la Tempérance, de la Justice et de la Pitié. Un lion et une lionne à ses pieds. Dieu le Père tenant un enfant ; Saint Michel ; Archange Gabriel (?). La partie haute est encadrée du Soleil et de la lune, se référant selon Quickelberg à la citation du psaume 135 Solem in potestatem Diei [...] Lunam et Stellas in potestatem noctis; sous le soleil est suspendu un trophée d'armes alors que sous la lune se trouvent des armes de vénerie, symbole de la force héroïque. Un cœur couronné est présenté par Intelligentia,  Constantia et Ratione.  ;On trouve aussi Veritatem, Prudentiam, Devotionem; Clementiam, Fidem, Spem, Charitatem, Desiderium, Pacem, Longanimitatem, Victoriam, Iustitiam, Temperentiam.

*L'Ordre de chevalerie de la Toison d'or, fondé à Bruges en 1430 par Philippe le Bon, est, à l'époque concernée, sous la maîtrise de Philippe II, roi d'Espagne. L'ordre comporte, depuis Charles Quint, le nombre fixe de 51 chevaliers, censés se réunir le 30 novembre de chaque année, jour de la Saint-AndréPar les statuts, les chevaliers étaient obligés de porter en toutes circonstances et en particulier en public un collier d'or, composé d'une alternance de fusils et de pierres à feu ("briquet") auquel était suspendue la toison d'un bélier.  

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html?id=00089635&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=7&seite=3

2) Mus. Ms AI Page 4 : la Salle d'Audience.

 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html?id=00089635&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=8&seite=5

La photographie semble être inversée puisque les textes et la pagination y sont à l'envers : j'ai corrigé l'image venant de la Staatsbibliothek.

Débutons par la partie supérieure : dans le dais d'un voile, une figure allégorique ailée portant une couronne crénelée, ouvre les bras. Plutôt que Minerve, ou que la Ville, je propose d'y voir la Victoire. Deux putti et deux grotesques faunesques et ailés décorent l'entablement encadré par  deux paires d'angelots et par les armes à losanges bleus et blancs des Wittelsbach.  

Dans un cartouche à coquilles et volutes, l'inscription

ROM. XIII .

OMNIS ANIMA POTESTATIBUS

SVBLIMIORIBVS SVBDITA SIT

NVM EST ENIM POTESTAS NISI

A DEO

C'est une citation de l'épître aux Romains de saint Paul Rom. 13:1  omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit non est enim potestas nisi a Deo quae autem sunt a Deo ordinatae sunt  

"Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui."

L'entablement, qui ouvre sur un beau plafond à caissons, est soutenu par deux piliers symétriques formant ainsi une entrée monumentale. 

— Pilier de gauche. De bas en haut.

  • Le piédestal porte un trophée d'armes entre deux hommes accroupis.
  • Puis le pilier  comporte quatre niches : celle qui nous fait face contient un guerrier (torse nu,casque, hallebarde, épée, blason à trois couronnes [Landshut?]
  • Un médaillon avec le duc de profil tenant l'épée et les mots  ALBERTVS UTRVSQ. BAVARIAE DVX SOLVS
  • entre des colonnes de marbre brun-rose, quatre panneaux dédiés aux ancêtres du duc, avec les mentions difficiles à décrypter : ENRESTVS MONACI –H—RICVS IANOSISH LVDOVIC --- / ALBERTVS –VS---LVDOVICVS EXVI LANO LVDO---/ ALBERTVS PRVDENS ---ACHI --- / WILLHELMVS SVE ---BAVARIAE SEV MINACH LVDOVICVS

 

— Pilier de droite :

  • piédestal presque identique
  • dans la niche, un guerrier en armure, blason à identifier.
  • Médaillon : chef en armure tenant l'épée avec les mots : OTHO SOLVS BAVARIAE DUX. Othon Ier , duc de Bavière de 1180 à 1183, est l'ancêtre des ducs de Bavière 
  • Entre les colonnes, les quatre panneaux dont je ne déchiffre que le premier  XI LVDOVICVS MONACHII HEINRICVS STRAVBINGAE ET IN NORICO.

​Quickelberg donne la liste des dix tableaux et médaillons de gauche à droite:

  • Otho
  • Wilhelmus duc de Haute-Bavière ou Bavière-Munich, et Louis, duc de Basse-Bavière ou Bavière-Landshut.
  • Albertus prudens Monachii, et Georgius pour Landshut.
  • Albertus pius pour Munich, Ludovicus Dives pour Landshut
  • Ernesto Monachii, Henricus de Landshut, Ludovicus barbartus pour Ingostadt
  • Johan de Munich, Fidericus de Landshut, Stephanus d'Ingostadt, et Wilhelmus pour la Hollande et autres lieux.
  • Stephanus de Munich, Albertus de Hollande, et Otto en Brandebourg
  • Ludovicus empereur à Munich, Rudolphus électeur Palatin, Otho Ungariae rex, Stephanus Straubingae
  • Ludovicus Monachii, Heinricus Straubingae, et in Norico
  • Otho solus Bavariae dux (médaillon)

​La Salle d'Audience est éclairée par trois fenêtres hautes de chaque coté. Une porte monumentale y donne accès à gauche. La pièce est tendue à mi-hauteur d'une tenture dorée damassée, alors qu'un dais d'or monte jusqu'au haut plafond et s'avance largement. Ce dais porte les armoiries des Wittelsbach et le blason rouge et blanc de la Bavière. Au-dessous, un cartouche porte la date, mais malheureusement je ne parviens pas à affirmer s'il s'agit de 1565 ou de 1564 ou 1567. Le premier volume ayant été terminé en 1565, c'est cette date que l'on s'attend à trouver ici. 

Le mur principal est entièrement peint d'une scène de bataille. Des cavaliers armés de lance se dirigent depuis un littoral (navires en arrière-plan) vers une plaine surmontée d'un château, en suivant leurs chefs situés à droite.

Deux médaillons séparent à droite comme à gauche les voûtes des fenêtres. Le médaillon visible à gauche montre un paysage avec un cheval blanc ; le médaillon de droite montre des personnages devant des arbres et un temple. Il s'agit peut-être de Pégase à gauche, et de Minerve et les Muses à droite.

 

 

Mus. Ms AI Page 4  Droits réservés MDZ BSB

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L'accès de la Salle est gardée par seize nobles, vénérables et barbus personnages qui portent des hallebardes. Il est vraisemblable que Hans Mielich a dépeint ici les portraits de membres de la cour.

Mus. Ms AI Page 4  Droits réservés MDZ BSN

Mus. Ms AI Page 4 Droits réservés MDZ BSN

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Plusieurs centaines d'hommes, tous en habit noir, tous barbus, portant tous la fraise, assistent à la cérémonie. Deux chiens sont tenus en laisse, mais le petit chien personnel du duc (celui qui apparaît dans Le duc jouant aux échecs, Mielich, 1552) a le droit d'être sur le plus haut degré de l'estrade où Albert V est assis sur un trône, épée à la main. Un personnage, un pied sur la deuxième marche, un autre sur la troisième, se penche révérencieusement tout en présentant un objet qui me semblait être le manuscrit lui-même. Les enluminures où un auteur présente à son commanditaire son ouvrage relève d'une tradition bien établie, par exemple à la cour de Bourgogne. Juste devant le duc, se tiennent trois hommes en costume de drap bleu. Ce serait, alors, logique d'y voir Roland de Lassus en avant, en manteau bordé d'hermine, et derrière lui Hans Mielich d'un coté, et Jean Pollet le copiste de l'autre, ceint d'une ceinture blanche. Mais dans tout le manuscrit, le peintre et le musicien sont placés sur un pied d'égalité. Dans les portraits de Lassus et de Mielich, ils sont toujours vêtus de noir, jamais de bleu. D'autre-part, un détail me gêne, car je crois voir que la nuque des trois hommes est rasée, comme s'ils étaient les officiers ou les clercs d'un ordre particulier.

Mais Samuel Quichelberg écrit :

Princeps tribunali sedens, sub aureo conopeo, ubi audit orationem peregrinorum legatorum, ac responsionem dirigit Cancellario edicendam, proceres undique circumstant : tum et alii ministri, et stipatores a la bardigeri suo ordine dispositi. Haec a pictore exhibita ut gubernationis huius principis, qui vere dignus Bavariae monocrator esset, dum solus regiminis clavo cum summa iusticia praesidet memoria relinqueretur, utque per banc omnibus pariter summa animi lenitate et mansuetudine (tam suis, quam alienis suscipiendis) placabilis fuisse ostenteretur, quique nullo divitiarum aut potentiae fastigio exultarit, sed summae humanitatis illustre et solenne exemplum perpetuo extiterit. Imagines autem etiam adjunt, tam hoc tempore viventium personarum, quam novae arcis structurarum, pleraeque, satis evidentes et significantes. 

"Le duc est assis sur l'estrade sous le dais (conopeo, "tente, pavillon"), où il écoute les sollicitations des ambassadeurs étrangers, et édictant les réponses, que l'Huissier (Cancellarius) proclame à haute voix aux nobles rassemblés sur le coté, avec les minstres et autres préposés, disposés [selon l'ordre protocolaire] par les gardes Suisses (alabardigeri, "hallebardier", de l'italien alabarda ). "

 Ce serait donc, en bleu avec leur coupe de cheveu inhabituelle, des ambassadeurs étrangers.

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Je note encore le motif du carrelage noir et blanc ; dans mon enquête, je ne veux négliger aucun détail. Je retrouverai ce motif dans les images suivantes, ce qui montre que nous allons rester dans cette pièce, ou dans le voisinage. 

N.B Je ne trouve aucun renseignement sur un problème aussi important que celui de savoir à quelles races appartiennent les chiens du duc et de la duchesse. Je suis intéressé par toute information qualifiée. Un griffon ? 

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Mus. Ms AI Page 4  Droits réservés MDZ BSB

Mus. Ms AI Page 4 Droits réservés MDZ BSB

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Mon enquête.

Le premier indice que je vais découvrir (Schwindt, 1996) va être le nom de cette salle : St Georgs-Saal der Neuveste.

Le "Neuveste" est, malgré son nom évoquant un édifice neuf, le vieux château ducal gothique construit en 1385 au nord-est de Munich par le duc Etienne III. Le duc Albert, qui a succédé à son père en 1550, a fait bâtir la St. Georgs-Saal en 1560-1562 par Wilhelm Egckl (1520-1588), alors officier de l'armurerie ducale architecte : en même temps, il fut chargé de la construction du premier collège des Jésuites à l'Augustinergarten. Albert V fit construire, par Egckl ou par Bernhard Zwitzel  de 1563 à 1567 les Ecuries et le cabinet de curiosité (Marstall- et Kunterkammerbau), puis par Jacopo Starda l'Antiquarium de 1569 à 1571, pour la période qui concerne ce manuscrit (1565-1570). Dans ces différents ensembles, l'omniprésence des arcades, des colonnades et des frontons de porte Renaissance témoigne de l'influence italienne, notamment celle du Palais du Té de Mantoue.

Un autre résultat de mon travail est de découvrir la date de la destruction de cette salle, le 7 mars 1750 (in D. Sadgorski, page 39). Par la même occasion, j'apprends qu'on y donna l'Arpa festante de Jean-Baptiste Maccioni en 1653 ; en 1740, la salle aurait été aménagée en théâtre avec des loges.

Les informations sur cette St. Georgs-Saal sont rares ; l'article Wikipédia sur Egckl dit que la miniature de Mielich en est le seul témoin avant sa destruction. Elle est qualifiée de "salle de bal". Je découvre néanmoins un autre document, la représentation sur une gravure du pentre Nicolas Solis (ca 1542-1584) des noces du prince Guillaume avec Reine de Lorraine, noces dont les festivités durèrent trois semaines avec la création d'œuvres musicales que j'ai déjà étudiées mais qui donnèrent lieu à un banquet le soir du 22 février 1568 dans la salle St-Georges. 

 Source: Staatliche Graphische Sammlung München , numéro d'inventaire 1910 226-35 D.

 

Nikolaus Solis (ca. 1542–1584), Die Münchner Fürstenhochzeit von 1568 (Hochzeitsbankett), Stahlstich, Source: Staatliche Graphische Sammlung München, Inventarnummer 1910:226-35 D. En ligne grâce à :

 

 

http://ieg-ego.eu/de/mediainfo/die-muenchener-fuerstenhochzeit-von-1568-hochzeitsbankett

Le premier intérêt de cette gravure est de corroborer la miniature de Mielich et d'affirmer la valeur dcocumentaire du manuscrit enluminé, puisque les détails des deux illustrations se rejoignent. L'autre intérêt est de fournir un angle de vue orthogonal avec celui de Mielich :  la St-Georgs-Saal est éclairée par 5 baies cintrées dont la régularité est interrompue par une cheminée monumentale. Un intérêt supplémentaire vient de la présence, au premier plan à gauche, d'un effectif réduit de l'orchestre de cour, avec deux violes, un violon, un orgue portatif, et une caisse où sont posés des instruments à vent. Cette caisse a attiré l'attention des musicologues (Schwindt, 1996), mais nous y reviendrons sans-doute. Lors de ce souper fut jouée, selon Massimo Troiano (P.58) une "Bataille à huit voix"  : Battaglia a otto, di Messere Annibale Organista con tromboni, e cornetti alti et altre opere altre di otto. Poscia al sono di gagliarde e alte trombe, e tintinnanti baccini, dalla cucina usirono li quattro scali ..."

Par contre, je ne retrouve pas la porte latérale qui figure chez Mielich, soit qu'elle soient masquée par les tentures, soit, plutôt, qu'elles soit ouverte dans le mur opposé à celui qui est visible ici.

Dans cette salle de bal fut organisé, une semaine après le banquet de noce pour Guillaume et Reine, un tournoi, le soir du 28 février 1568.

 

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Je vais trouver ensuite un second document iconographique sur le site http://stadt-muenchen.net/lexikon/lex.php?fw=Neuveste ; mais on ne peut agrandir l'image, ni en connaître l'auteur et la date. Elle est si proche de la peinture de Mielich qu'elle pourrait n'en être une copie, et on retrouve  la porte cintrée de gauche, la peinture murale du fond, le motif de carrelage,  mais, ici, on voit à droite la cheminée dessinée par Nicolas Solis. Lorsqu'on revient au folio 4 du manuscrit, on voit que la cheminèe, masquée par le pilier factice du cadre, est, indirectement, présente,...car elle se signale par un demi-cercle vide, inoccupé en raison de la chaleur du foyer. 

 

 

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La Chapelle Saint-Georges.

Il semble que la chapelle de cour que nous allons découvrir ait été nommée St-Georg-Kapelle et qu'elle ait été adjacente à la St-Georgs-Saal.  

Le nom de "St-Georgs" donné à cette Salle d'Honneur et à sa chapelle indique l'importance de ce saint pour le duc. Son fils Guillaume voua à saint Michel, autre saint chevalier terrasseur de dragon, un véritable culte, et nomma de ce nom l'église qui'il fit construire à Munich, tout en faisant réaliser des peintures et des statues par ses artistes de cour ; mais c'est qu'il était né le 29 septembre (1548). Saint Georges est le saint patron des chavaliers et des ordres de chevalerie, dont les Chevaliers Teutoniques, et, au château de Trausnitz à Landshut, la salle d'Honneur équivalente de celle de Munich se nomme la salle des Chevaliers, Rittersaal.

Si je quitte provisoirement ce premier volume et que je vais ouvrir le volume II du manuscrit, je trouve, en page 5, au bas des armoiries ducales, une représentation de saint Georges repoussant les ennemis de la Bavière, laquelle est figurée par l'Ysar, le fleuve qui s'écoule en ses rives paisibles.

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Hans Mielich (1570), Saint Georges, Mus. Ms. A.II folio 5, droits réservés MDZ, BSB.

Hans Mielich (1570), Saint Georges, Mus. Ms. A.II folio 5, droits réservés MDZ, BSB.

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Il me reste à situer la chapelle et la St-Georgs-Saal par rapport au plan actuel de la résidence de Munich, diffusé sur les dépliants touristiques. Entreprise hasardeuse, mais je vais partir du principe que la chapelle, si elle a été restaurée, n'a pas changé de place. La Grottenhof, jardin créé par Guillaume V, est  postérieur à notre manuscrit. L'emplacement de la St-Georgs-Saal, dont les fenêtres donnaient sur l'extérieur, peut correspondre aux n° 100 à 103, ou à la Chapell Courtyard et la Max-Joseph Saal,  mais j'attends qu'un lecteur éventuel corrige cette hypothèse. Le site schlosser.bayern donne les deux plans correspondant au rez-de-chaussée et à l'étage (lien infra), mais la chapelle, avec sa galerie que nous allons découvrir, et la Salle de bal avec ses hautes fenêtres, prennent les deux étages.

Ma source : http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/mu-residenz_engl.pdf

Plan de la Résidence de Munich, Rez-de-chaussée : la chapelle surlignée en jaune.

Plan de la Résidence de Munich, Rez-de-chaussée : la chapelle surlignée en jaune.

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Mon enquête se poursuit.

Après une quinzaine de jours de recherches, je m'aperçois que Bettina Walckernagel, conservatrice du Musée National de Munich, a publié en 2003, dans le facsimilé du catalogue de 1655 des instruments de musique de la cour ducale de Munich ( Musikinstrumentenverzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655. Faksimile, Transkription und Kommentar, Ed. Schneider : Tutzing, les plans d'époque de la Salle St-Georges ainsi que deux vues et  une maquette. Gr...

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3) Mus. Ms. AII page 3.

 Familiarisé avec la Salle Saint-Georges, nous la reconnaitrions ici facilement (même dais damassé or, mêmes armoiries, mêmes hautes fenêtres) mais cela pourrait être une autre pièce, moins large, puisque le dais s'étend sur toute sa largeur ; la porte par laquelle nous observons la scène (si ce n'est pas un simple encadrement de l'image) est située latéralement. On a dressé une large estrade où un fauteuil plus confortable que le précédent accueille le duc Albert. Il porte le collier de la Toison d'Or. A sa gauche se trouvent ses trois fils les princes Guillaume (futur duc Guillaume V), Ferdinand, né en 1550, et Ernest, né en 1554 et qui deviendra Archevêque et Prince-électeur de Cologne. A sa gauche, son neveu le marquis de Baden, Philippe de Bade (1559-1588), le fils de sa sœur Mathilde de Bavière. Son père Philibert I de Bade étant mort  à la bataille de Moncontour en 1569 en défendant les Huguenots, il fut recueilli à la cour d'Albert V et reçut une éducation catholique.

Au pied du duc, son petit chien, bien identifiable désormais, et un lion couché ; la présence de plusieurs lions, lionnes et loinceaux est attestée à la cour de Bavière. 

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La partie basse de l'enluminure est encadrée par deux Allégories ailées en train d'écrire sur une tablette  le texte du cartouche: elles portent leur nom en collier : Constantia et Experimentia. Un atlante et deux femmes assisent tiennent le cartouche central dont l'inscription décrit la scène supérieure.

GRATVLAMVR ET SCRIPTIS NOSTRIS ATTESTAMVR ASPICIENTES ILLVSTRISSIMI PRINCIPIS ALBERTI  COMITIS PALATINI RHENI VTRVSQ BAVARIAE DVCIS &C. DEI GRATIA CATHOLICAE FIDEI ADHVC STVDIOSISSIMI SVAEQVE CELS : DILECTISSIMORVM FILIORVM DVCVM GVILIELMI , FERDINANDI ET ERNESTI : AC ETIAM PHILIBERTI MARCHIONIS IN BADEN EX SOREORE NEPOTIS ET CONSILIARIORVM PRVDENTISSIMORVM  ADSTANTIVM IMAGINES AD AETERNAM GLORIAM INCLYTAE DOMVS BAVARIAE APPICTAS.

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La partie haute est centée par le Christ de résurrection bénissant  et tenant le globe du Monde, avec l'inscription  DIGNITAS FOR---- TIO GRAVITAS. Il est entouré par les Allégories ailées RATIO

et SAPIENTIA, la Raison et la Sagesse. Enfin, en arc sur la voûte, nous lisons :

BEATUS VIR QUI TIMET DOMINVS IN MANDATIS VOLET NIMIS

POTENS IN TERA ERIT SEMEN EIVS GENERATIO RECTORVM BENEDICETVR

il s'agit du début du psaume 111 : "Heureux l’homme qui craint l’Éternel, qui trouve un grand plaisir à ses commandements. Sa postérité sera puissante sur la terre, la génération des hommes droits sera bénie." 

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Les huit statues masculines latérales correspondent à des vertus, dont le nom est indiqué, comme, en haut à gauche, celui de RELIGIOSO 

 

Mus. Ms. AII page 3.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 3. Droits réservés MDZ BSB.

4) Mus. Ms. A. II page 4

 Passons maintenant dans le gynécée ducal. L'image est strictement identique à la précédente, mais inversée dans son orientation, comme si nous accédions au coin opposé de la même pièce. En réalité, les deux pages 3 et 4 sont disposées pour former lorsque le livre est ouvert une seule image en double page, et d'ailleurs Quickelberg les décrit ensemble. C'est une seule scène avec deux visiteurs se présentant au duc, et deux autres se présentant en même temps à la duchesse. Nous sommes donc, toujours, dans St-Goerg'-Saal.

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Une lionne remplace le lion, mais la même estrade, le même dais damassé d'or les mêmes rinceaux latéraux sur une étoffe ou un marbre vert, les mêmes fenêtres, le même motif de carrelage montre que nous sommes en tout cas au même étage du même palais. L'estrade accueille huit femmes dont trois sont assises. Débutons par elles. Il s'agit :

  • de la duchesse Marie Jacobée, marquise de Bade-Sponheim (1507-1580), épouse du Guillaume IV et mère du duc Albert V,
  • de la duchesse Anne d'Autriche (1528-1590), fille de l'empereur Ferdinand Ier.
  • et de Renée de Lorraine, (Renata von Lothringen), épouse du prince Guillaume.

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Les armoiries de l'archiduché d'Autriche (de gueules à la fasce d'argent), du margraviat de Bade (écartelé de Bade et de Sponheim) à gauche, et de Lorraine (d'or, à la bande de gueules, chargé de trois alérions d'argent) à droite, dominent les trois femmes.

 

Les jeunes-filles sont les filles d'Albert V et d'Anne d'Autriche :

  • Marie-Anne (1551-1608) qui a donc 19 ans en 1570.
  • Marie-Maximilienne (1552-11614), qui a donc 18 ans. 

​Les fillettes sont sauf erreur les nièces d'Anne d'Autriche, les sœurs du jeune Philippe de Bade de la page 3

  • Jacqueline de Bade (1558-1597), 12 ans
  • Anne-Marie de Bade (1562-1583), 8 ans

  • Marie de Bade (1563-1600), 7 ans, entre les genoux de sa tante.

Dans l'assistance, Samuel Quickelberg signale la présence de :

  •  Otton Henri Comte de Schwarzenberg (portrait au British Museum),
  •  praefectus et Magcj nobilissimique viri Dominus Simon Thaddaeus Ecckius I.V. Doctor suae cels. cancellarius,
  • Guiliel Lesebius
  • et Conradus Zeller camerae ducalis magister,
  • aliique consiliarii prudentissimi et aulici intimi ad immortalem memoriam appictii

Les deux personnages qui se présentent ici, et que je supposais être les deux artistes de la page 3, ne ressemblent pas à ces derniers.

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La partie basse comporte les deux allégories ailées Veritas et Aequitas sont en train d'écrire  sur des tablettes le texte qui suit . 

Le cartouche porte en effet l'inscription : 

GRATVLAMVR EQVIDEM ET NOS CONSIDERANTES DEI GRATIA EIVSDEM ILLUSTRISSIMI PRINCIPIS ALBERTI &c MATRIS PIISIMAE IACOBAE MARCHIONISSAE IN BADEN ET DVCISSAE BAVARIAE ET SVAE CELSITUD. CONIVGIS SVAVISSIMAE ANNAE COMITISSAE PALATINI RHENI  ET ARCHIDVCISSAE  AVSTRIAE AC ETIAM DILECTISSIMA NVRVS RENATAE DVCISSAE LOTHARINGIAE CONIVGIS DVLCISS. ILLVSTRISSIMI PRINCIPIS  GVILLIELMI FILII NEC NON ET DILECTISSIMARVM FILIARVM . MARIAE ET MARIAE MAXIMILIANAE : ET SVAE CELS. EX SORORE DVARVM NEPTVM MARCHIONISARVM IN BADEN ALIARVSQVE HONESTARVM MATRONARVM PRAESANTIVM IMAGINE AD LAVDABILEM ET PERPETVAM ILLUSTRISSIMAE FAMILIAE BAVARIAE MEMORIAM ASCRIPTAS.

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La partie haute accueille cette fois-ci dans les nuées Dieu le Père, bénissant et tenant le globe, comme son Fils en page 3. Les mots SPES --- CONSOLATIO , FIDES ET CARITAS, PACIFICIA et ALACRITAS correspondent aux Allégories ailées. 

Dans l'arc de la voûte , on retrouve la suite du psaume 111, avec cette-fois le verset 3 : 

Gloria et divitiae in domo eius et iustitia eius manet in saeculum saeculi

"Il a dans sa maison bien-être et richesse, et sa justice subsiste à jamais."(Louis Segond) 

Les parties latérales accueillent quatre statues des Vertus :  Helena Religios. Elisae Misericors. Sara Clemens. Rachel Temerité . ...Rebecca Providence...

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Mus. Ms. AII page 4.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 4. Droits réservés MDZ BSB.

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5) Mus. Ms. A.II page 185. La chapelle ducale.

a) Le cadre.

L'image est insérée, comme les autres, dans un cadre monumental apparenté à une porte avec ses deux piliers, son entablement couronné d'un fronton, et son soubassement.7

 Dans la partie haute, le Christ Sauveur est peint dans un médaillon sur fond doré, vêtu du manteau de gloire, couronné, tenant le globe et bénissant. Quatre angelots entourent le médaillon. Deus anges ou divinités ailées soutiennent avec grâce et aisance l'entablement, auquel est suspendue uen guirlande, et un médaillon ovale plus petit que le précédent. On peut y lire l'inscription :

EPHES. IV

IPSE DEDIT QVOSDAM APOSTOLOS, QVOSDAM PPH AEDIFICATIONEM CORPORIS XPI

Ephésiens IV :11-12 et ipse dedit quosdam quidem apostolos quosdam autem prophetas alios vero evangelistas alios autem pastores et doctores 12 ad consummationem sanctorum in opus ministerii in aedificationem corporis Christi . "[Celui qui est descendu, c'est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses.] Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs,pour le perfectionnement des saints en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ,.."

Ce texte appartenant au cadre inventé par le peintre, il ne doit pas être vu comme un élément documentaire du décor de la chapelle ducale, mais comme un commentaire théologique de l'image. Le cadre comporte encore trois personnages dans des niches, dont l'un dont la main est posée sur un grand livre.

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b) la chapelle Saint-Georges.  

Ce cadre fonctionne comme une ouverture donnant une vue sur l'intérieur de la chapelle, comme si nous étions l'un de ces personnages qui assistent à un office. L'espace qui s'offre devant nous est assez vaste, et se compose de quatre parties

Devant nous, un vestibule au plafond à caisson et au carrelage à croix noire est doté de stalles latérales, et six hommes se sont installés à gauche. Un garde suisse est assis devant eux, en livrée et casque à plume. Une douzaine de personnes en habit noir restent debout, et l'un, de très petite taille, appartient peut-être à ces nains de cour que nous connaissons, par exemple, à la cour d'Espagne, peints par Vélasquez. Ils discutent entre eux, ou s'observent, comme lors d'un intermède. L'ensemble de la scène possède la force de véracité d'un instantané photographique, ce qui nous porte à croire, cette fois,  à la fiabilité documentaire de la peinture.

Une avancée du mur, se poursuivant par un arcade, sépare ce vestibule d'une salle reservée. Un Christ en croix entouré de la Vierge et de saint Jean d'une facture sommaire est accroché sur ce mur. A gauche, l'espace va se rétrécir, puisque le deuxième mur prolonge l'avancée. A droite, on voit qu'un espace fait retour derrière l'arche.

Sur une base en pierre, sculpté, vient s'adosser une grille doté d'une étroite ouverture. De notre coté de cette grille, un prélat en robe pourpre, tenant son chapeau, est appuyé dans une attitude cavalière sur le piétement du pilier. Quatorze hommes sont debout devant ces grilles, et semblent suivre attentivement quelque chose.

De l'autre coté, les murs portent les signes en croix de la cérémonie de dédicace : l'espace devient consacré. Des boiseries signalent la présence de nouvelles stalles, avec prie-dieu, où sont présents sept à huit personnes. Au centre, devant un pupitre, et faisant face à la foule, se tient un homme qui semble porter une fraise, ce qui excluerait un membre du clergé. Chante-t-il ? Dit-il un sermon ? Donne-t-il lecture d'un texte ?

au dessus du lecteur ou précheur, une mandorle bleue et or est suspendue dans la chapelle ; nous y distinguons la silhouette d'une Vierge de l'Apocalypse sur son croissant lunaire. Nous l'étudierons sur l'image suivante, mais c'est sur elle que porte tout mon intérêt.

Le fond de la chapelle réunit deux autels latéraux à retable et dais de velours rouge et or, et une niche centrale, avec, sans-doute, l'autel principal. Deux portes permettent un accès direct au chœur, la porte de droite étant haute et voûtée, celle de gauche basse et rectangulaire.

 Le mur du fond, peint d'anges en grisaille et de rinceaux sur fond or, est éclairé par une haute fenêtre à trois meneaux, dotée de vitraux.  Les murs latéraux sont peints à fresque. Mais à gauche, on voit à mi-hauteur du mur une ouverture vitrée à petits volets au sein d'une boiserie à fronton, permettant sans-doute d'assister à l'office sans être vu.

Le plus important maintenant, pour comprendre l'image suivante, est d'observer la galerie en bois qui apparaît en hauteur juste au dessus de l'arcature du mur de séparation.

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Mus. Ms. AII page 185.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 185. Droits réservés MDZ BSB.

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5) Mus. Ms. A.II page 186. La chapelle ducale, vue du chœur.

a) La chapelle.

Le peintre s'est placé maintenant au niveau de l'autel principal, et s'est retourné vers le vestibule où il était précédemment situé. Il a repris le même cadre, en représentant seulement Dieu le Père bénissant et tenant le globe à la place du Christ, et en ôtant le médaillon à inscription. 

Nous retrouvons la disposition de la chapelle, en l'inversant. Nous pouvons désormais découvrir la galerie haute, sa balustrade tendue de velours rouge, pour comprendre qu'elle permet aux membres privilégiés de la famille ducale d'y accéder depuis leurs appartements, par un espace voûté. Trois femmes s'y tiennent, dans lesquelles nous pouvons peut-être reconnaître la duchesse Marie Jacobée, et les filles d'Albert V Marie-Anne et Marie-Maximilienne. 

Le plafond voûté d'ogives de la chapelle est peint à fresque, comme nous l'apercevions à peine tout à l'heure : la partie la mieux visible est celle d'un Jugement Dernier, avec les élus en robe blanche à gauche et les damnés avalés par la gueule du Léviathan dans les flammes de l'Enfer, à droite. Les deux autres pans nous échappent d'autant plus que les boiseries de la galerie les recouvrent en partie. Néanmoins, nous  disposons déjà d'informations précieuses sur la décoration de la Hofkapelle avant son réaménagement par Maximilien Ier.

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La Vierge de l'Apocalypse est visible de dos maintenant, mais avec une meilleure précision : dans sa mandorle bleue peut-être décorée de nuées, elle est couronnée par deux anges. Sa chevelure blonde descend en longues boucles sur une longue tunique dorée. On distingue le sceptre qu'elle tient à droite, mais non l'Enfant-Jésus nimbé qui se devine page 185. La Vierge est entouré de rayons d'or, figurant le halo du soleil. Le croissant lunaire est masqué, mais elle répond à la description de l'Apocalypse 12:1  "Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ". Un candélabre de huit cierges allumés est suspendu à cette sculpture.

La présence de cette Vierge de l'Apocalypse est importante car on considère habituellement que son culte a été introduit par Maximilien Ier, qui a déclaré la Vierge "Patronne de la Bavière":

"La plus ancienne affirmation du patronage marial bavarois remonte à l’année 1615, lorsque le duc Maximilien de Bavière décide de placer une statue de la Vierge Immaculée, sous laquelle il fait inscrire «Patrona Boiariae» dans un cartouche, au centre de la façade principale de sa résidence munichoise. La royauté universelle de la Mère de Dieu est ici bien mise en valeur grâce à son sceptre et sa triple couronne (couronne temporelle, couronne de lys et couronne d’étoiles). De part et d’autre, quatre allégories des vertus du bon gouvernement renvoient à la doctrine néo-stoïcienne. La patronne du duché est donc ici clairement associée au règne du prince ; elle se situe encore dans un contexte dynastique.On peut donc dire que le patronage marial bavarois s’est développé à partir du patronage marial personnel du duc, qui était comme son père un membre actif de plusieurs sodalités. Pendant la Guerre de Trente Ans, la  Patrona Bavariae prend une place de plus en plus importante. On place les combats et les victoires sous le signe de la Reine des cieux. En même temps, le culte s’étatise petit à petit. Certes, le terme d’«État» n’est pas encore appliqué à la Bavière, qui est un territoire de l’Empire, donc une entité non souveraine. Le terme employé est plutôt celui de «patrie». Mais on reconnaît une tendance nette à vouloir intégrer l’ensemble des habitants du pays dans la communication du prince avec le ciel, mouvement participant d’une recherche d’unité du territoire, du peuple et du pouvoir.En Bavière, le patronage marial envahit la symbolique politique et même la législation. Bon nombre de fondations religieuses, publications, estampes,blasons, cris de guerre, drapeaux, médailles et pièces de monnaie évoquent et invoquent la Vierge et le patronage spécial dont bénéficie la Bavière ; de plus, de nouvelles fêtes mariales et la possession du rosaire sont rendues obligatoires sous peine d’amende pour tous les sujets."

"Maximilien de Bavière peut être considéré comme l’archétype du prince dévot. Le duc n’a pas été seulement à titre personnel un esclave convaincu de la Mère de Dieu. Sous son règne, les sodalités mariales ont pris un caractère officiel. Sa piété est profondément marquée par la Réforme catholique et tout particulièrement influencée par la Compagnie de Jésus. Elle porte la marque du désangoissement eschatologique : les contemporains remarquent qu’elle n’exprime aucune crainte de Dieu, mais vise simplement à magnifier la gloire du Seigneur. Surtout, la piété princière a des implications qui dépassent de loin sa simple personne. Maximilien a développé un arsenal législatif et judiciaire sans précédent afin de contraindre ses sujets à s’adonner aux œuvres religieuses, comme nous l’avons déjà vu pour le cas de la dévotion mariale, et à mener une vie exemplaire. Sous son règne, le combat contre le péché est devenu une des priorités du duché de Bavière." (D. Tricoire)

La présence de la Vierge de l'Apocalypse dans le volume II du Mus. Ms. A témoigne du culte de l'Immaculée Conception sous Albert V en 1570. Dans le même volume, le portrait du peintre est placé au pied de la représentation de l'Annonciation entourée du verset d'Isaïe 7:14   Ecce Virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen Emanuel. Butrum et mel comedet ut sciat reprobare malum et eligere bonus, un verset étroitement lié au thème de l'Arbre de Jessé, lequel est lui-même, au XVIe siècle, associé à l'Immaculée Conception.

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b) Les personnages.

Devant nous, un chœur d'hommes est rassemblé autour du pupitre central. Celui-ci porte sur le tissu rouge l'inscription “Non impedias musicam” Ne troubles pas la musique" avec la référence ECCLES : XXX 2. Cela renvoie au chapitre 32 du Livre de l'Ecclésiastique (ou Siracide), verset 5 :

Loquere, maior natu: decet enim te
5 primum verbum in diligenti scientia;
et non impedias musicam.

"4. Parle, toi qui es le plus âgé, car c'est à toi qu'il appartient .5. de parler le premier; mais fais-le avec sagesse et avec science, et n'empêche pas la musique."

 

Autour du lutrin, sont rassemblés 

  • un homme de chaque coté,
  • un groupe d'enfants (6 sont visibles)
  • un demi-cercle de 12 adultes
  • un groupe de 6 adultes à gauche
  • cinq chanteurs à droite, en partie dans les stalles.
  • cinq chanteurs à gauche, en partie dans les stalles, et dont trois portent le surplis.

​soit 36 chanteurs...environ.

Deux prêtres disent la messe sur l'autel latéral droit du chœur, celui qui est à gauche de l'image.

 Derrière les grilles, trois personnes sont assises ; plus en arrière, dans ce que j'ai nommé le vestibule ("narthex" ne me semblait pas adapté), quatre hommes personnes assistent à l'office chanté, et, là où le peintre s'était placé pour la page 186, sous le porche voûté, se trouvent encore huit personnes.

Mielich nous donne donc à voir une production polyphonique a capella. Néanmoins, nous savons que les musiciens accompagnaient parfois les chanteurs, car Massimo Troiano indique que les instruments à vent accompagnaient le cœur les Dimanches et jours de grande fête, à la messe et aux Vêpres. La présence de trois organistes permettaient d'assurer un roulement ; un orgue "positif", dont un exemple apparaît dans les marges des partitions enluminées par Mielich, est attesté par l'inventaire des instruments de 1655, scellé dans le mur de la chapelle.

Alexander J. Fisher Music, Piety, and Propaganda: The Soundscape of Counter-Reformation Bavaria, Oxford, 2014, pp.78-79.

La réunion des deux vues permettrait donc de dresser un plan assez précis de la chapelle de cour sous le duc Albert V.

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Mus. Ms. AII page 186.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 186. Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 186. partie supérieure Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 186. partie supérieure Droits réservés MDZ BSB.

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2. Les choristes .

 Les noms et le nombre des chanteurs peuvent être retrouvés soit par la description donnée par Massimo Troiano en 1569 dans ses Dialoghi et ses Discorsi, soit dans les archives de la comptabilité du "bureau du personnel" du duché, dont la partie concernant la musique a été publiée par Sandberger. Enfin, le site BMLO ou Bayerisches Musiker Lexicon Online procure les données numérique des différents musiciens Bavarois. Selon Nicole Schwindt, à  l'époque, en 1570, la Cantorei ducale comportait 23 chanteurs : 7 altistes, 7 ténors et 9 basses. Troiano en cite une trentaine en 1569. Mais il faut ajouter à ce nombre 3 à 6 enfants sous la direction d'un précepteur. Cet effectif des comptables et d'un témoin avoisine le chiffre de 36 membres, et est donc égal ou proche de celui retrouvé sur la page 186 de Mielich. 

Le dénombrement est rendu difficile par le fait que le comptable ne cite souvent que le prénom, associé parfois à la fonction, et que Troiano ajoute au prénom, après une virgule,  un qualificatif (Genua, Veneziano; Ramedello, Romano, Flamenghi) qui est lié aux origines géographiques mais dont on ne sait s'il constitue un nom de famille. Enfin, le même nom se décline sous de nombreuses formes. Le plus intéressant est de constater que les chanteurs proviennent principalement soit des Pays-Bas, soit d'Italie.

 

 7 Altistes (Altisten)

  •  Anton Gosswin (1535-1598) ou Antonio Gossuino, néerlandais. Voir Troiano page 42. Il fut compositeur, chef d'orchestre, organiste, alto, professeur de musique, professeur de chant,  choriste, à Munich , Bonn, Francfort / Main, Freising, Landshut, etc. Le comptable le déclare Kapellmaister de Landshut en 1569 (Sandberger page 42)

  • Caspar Pichler, ou Puchler mentionné à partir de 1562 ; décédé en 1606.

  • Wilhem Niclas, né aux Pays-Bas, membre de 1568 à 1576 ; altiste et ténor.

  • Ludwig Haberstock, membre à partir de 1564 ; décédé après 1597. Altiste et joueur de trompette.

  • Wilbold Mader, membre de 1563 à 1590.

  • Johan de la Huß

Seuls les noms des quatre premiers sont mentionnés par le comptable en 1570-1572 dans ses Cantorei-Personen. 

 

Je n'y trouve pas Massimo Troiano : cf. Sandberger p. 50. Le napolitain Massimo Troiano, altiste, et compositeur de canzoni, était à Munich en 1568 (où il assiste aux noces du prince Guillaume ), séjourne à Venise en 1569, mais est à nouveau à Munich en 1570, jusqu'à Pâques où il est accusé du meurtre de l'un des musiciens, Johann Battista Romano. On perd sa trace à partir de cette date. Il est surtout connu par ses Dialoghi et ses Discorsi de 1569, qui décrivent la vie à la cour de Bavière lors des Noces de février 1568, et que je cite fréquemment ici.

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7 ténors (Tenoristen)

  • Georg , Jörg ou Joris Gattmair, ou Gattermaier, Gattner, etc.Ténor à la cour depuis 1563, décédé en 1591. Il est le frère de Peter et de Lorenz Gattmair.

  • Wolfgang Schönswetter ; chanteur, musicologue, compositeur, professeur de musique, mais serait né en 1570 ?

  •  Simon ou Sigmund Principe, Simon von Rhom "Simon de Rome", membre de 1568 à 1572 (déces), ténor.

  • Joachim, Jocham ou Johan Freithof, mentionné en 1558 et 1592

  • Heinrich Franz de Plau. Le comptable parle d'un Hainrich Franz Niderlender (le néerlandais)

  • Peter Gattmair, membre de 1568 à 1570, également instrumentiste et copiste.

  • Don Carlo Brachogin, membre de 1568 à 1575."Carl Brachogin, von Rhom" pour le comptable. Sans-doute "Don Carlo, Livizzano" de Troiano.

 

 

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 9 Basses (Bassisten)

  • Gallus Rueff, flamand

  • Caspar Kummer ( Khumerer)

  • Hans Vischer ou Fisher, flamand

  • Franz Flori, niderlander (flamand) mentionné en 1569

  • Richard von Genua. Il est précepteur des choristes (Khnaben ou Knaben) en 1569 (Sanderberg p.41)

  • Octaviano de Alberto, flamand. Le comptable mentionne Octaviano Romano.

  • Bartholo. Fanndenfeld

  • Augustino Persi

  • Christoph Nusser

Les trois derniers n'apparaissent pas dans les Cantorei-Personen du comptable (mais leurs noms ont été relevés par N. Schwindt).

 

Massimo Troiano les décrit ainsi dans ses Discorsi entre Mariano et Fortunio page 70 :  5 Basses, 5 Ténors ; 5 ou 6 Alto ; 12 Soprano,  2 autres chanteurs, soit 29 ou 30 membres :

Quelli honorati virtuosi ? Hans Fischer, Franz Flori, Gallo Rueff, Richardo & Ottaviano di Alberti, tra gli altri questi sono cinque Bassi, che ciascuno da se potrebbe fare fondamento e corpo ad ogni gran Capella .

 Don Carlo, Livizzano ; Don Alessandro, Ramedello ; Cornelio, Giorgio, Volffgangus, Henrich, e Gioachin. Questi sono tenoristi, tra gli altri, di molta importanza.

 Gaspar, Piler, Francesco, di Spagna, Talanera, Martino, e Gugliemo Fiamenghi ; Christofaro Haberstoch ; e Vilbaldo ; contralti, certo, e per la voce, e per la virtu veramente degni di quella honorata Capella. Poi vi sono dodeci soprani, discepoli, di Orlando Lasso, e quali siano, lo lasso considerare, a voi, che sapete le virtu del mastro.

Mar. Voi non mi dite nulla di Messere Antonio Gosuino.

For. Donde il conoscete ?

Mar. Ho udito cantare delli suoi Motteti, e Madrigali, e sono informato, che la parte del contralto, con infinitissima gratia, e leggiadria la canta, & anco che è molto prattico della compositione.

For. Egli è vero, e spesse volte in quella capella, si cantano delle sue Messe. Et è ben voluto da quel Prencipe, e Messere Orlando, havendolo in tutte le attioni conosciuto, virtuoso, costumato, e prattico del le cose del mondo ; gli ha dato pensiero, con consenso di sua Eccellenza, ch' impari tutti li soprani della capella. 

Mar. Don Augustino Persii, non è anco in quel servitio ?

For. S'io volesse dirvi tutti quelli che vi sono, io haverei molto da dire, e voi troppo d'ascoltare.

 

 

 

La Cantorei en 1592.

Selon le Taschenbuch für die vaterländische Geschichte, la formation musicale fut réduite  en 1592.  Elle se composait alors de 22 membres +/- 7 :

Quatre Basses : Hans Vischler (450 florins) ; Jacomo 220 fl ; Christianus 201 ; Jonas 200 ;

Quatre Ténors : Fossa 500 fl. ; Wolf Schlender 335 fl. ; Don Sebastian 340 fl.; Ferdinand Lasso 240 fl.;

Quatre Altistes : Horatio  340 fl. ; Hainrich 340 fl. ; Saleno (Galeno) 305 fl. ; Klain Cäspale 200

Quatre Discantisien: Spänisch Münch 200 fl. ; Gabriel 250 fl. ; Peter Anthoni 400 fl. ; Julio Geigle 400 fl.

Six enfants de chœur (Cantorei Knaben) 40 fl/ par tête, majoré hiver et été  52 fl. Par tête

Un Précepteur 300 fl ;

Des sommes ont été versées à six chanteurs (pour leur départ ?)  Georg Gäglmair 140 fl. ; Sebastian Pica (Bica) 220 fl. ; Joachim Freithof 120 fl. ;Octavian 170 fl.; Hans Tele 170 fl.

"et  3 enfants de chœur Cantorei Knaben 276 fl."

 

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La page suivante ( p.187) montre les musiciens de Roland de Lassus entourés de personnages (4 d'un coté, 11 de l'autre) qui ont été considérés (N. Schwindt) comme des chanteurs, mais dont la posture évoque plutôt pour moi celle de courtisans ou de spectateurs. Chacun pourra se faire son avis, mais c'est certainement la page 186 qui permet le mieux de découvrir la Hofcantorei de Munich sous Roland de Lassus.

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Mus. Ms. AII page 186. partie inférieure Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 186. partie inférieure Droits réservés MDZ BSB.

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5) Mus. Ms. A.II page 187 : la formation musicale de Roland de Lassus.

C'est la page la plus célèbre, couramment reproduite dans les livres ou sur les pochettes de disque, et soigneusement analysée par les musicologues. 

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a) Le cadre.

L'encadrement est semblable aux précédents, avec le Père Eternel dans le cartouche, l'entablement soutenu par deux femmes ailées, les guirlandes et un médaillon,  deux colonnes latérales en marbre gris et vert à motif de télamon, et un cartouche inférieur.

Le médaillon porte l'inscription Sicut in fabricatione auri signum est smaragdi, sic numerus musicorum in jucundo et moderato vino . qui est une nouvelle citation de l'Ecclésiastique 32, ici dans les versets 8 . Je donnerai aussi la traduction des versets 7 et 9 :

7. Un concert de musiciens dans un festin où l'on boit du vin est comme un joyau d'escarboucle enchâssé dans l'or.

8. Une symphonie de musiciens pendant qu'on boit du vin avec joie et modération est comme un cachet d'émeraude monté sur or.

9. Ecoute en silence, et ta retenue t'acquerra la faveur.

 

On remarque le mot latin smaragdus, du grec ancien σμάραγδοςsmáragdosdéformation du mot perse zamarat qui veut dire « cœur de pierre ». Il a donné notre mot émeraude, 

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b) Le cartouche inférieur.

Le cartouche inférieur porte le nom d'auteurs et de musiciens célèbres ayant précédé Roland de Lassus et que H.F. Delmotte a transcris en les arrangeant un peu:

 

AVCTORES P[ER] MVSICES P[RAE]CIPVI ET EXCELLENTISSIMI : Compositeurs de musique  les plus excellents.

J'ai utilisé Wikipédia pour les présenter:

– Jacobus Hobrecht.

Jacob Obrecht (Gand, 1457 ou 1458 - Ferrare, juillet 1505) est un compositeur néerlandais de la Renaissance. Il était le plus renommé des compositeurs de messes en Europe à la fin du xve siècle, seulement dépassé par Josquin Des Prés (référence nécessaire) après sa mort, et il composa en outre de nombreux motets et chansons.

–  Jusquinus Pras.

 Josquin des Prés né peut-être à Beaurevoir vers 1450 et mort à Condé-sur-l'Escaut le 27 août 1521, souvent désigné simplement sous le nom de Josquin, est un compositeur franco-flamand de la Renaissance. Il est le compositeur européen le plus célèbre entre Guillaume Dufay et Palestrina et est habituellement considéré comme la figure centrale de l'école franco-flamande.  

–  Johannes Maulton.

Jean Mouton, de son vrai nom Jean de Hollingue, né à Samer vers 1459 et décédé à Saint-Quentin le 30 octobre 1522, est un compositeur français. On trouve aussi les orthographes Jehan de Hollingue ou Houllingue, ou encore Jehan Mouton. Comme Josquin des Prés, dont il est l’ami et le condisciple, Jean Mouton est originaire du nord-est de la Picardie.

Il étudie à la maîtrise de Saint-Quentin avec Josquin, puis y devient magister puerorum (maître des enfants chantant dans le chœur).

Vers 1483, il est maître de chapelle à Nesle et y est ordonné prêtre. En 1499, il dirige la maîtrise de la Cathédrale d'Amiens pour deux ans, sans toutefois être nommé maître de chapelle. Il est ensuite chanoine à la cathédrale de Thérouanne, puis il obtient en 1501 une charge à l'église collégiale Saint-André de Grenoble. Il est par la suite à la chapelle d'Anne de Bretagne (épouse de Louis XII) qui intercède en 1509 pour qu'il obtienne un canonicat à Saint-André de Grenoble. Musicien favori d’Anne de Bretagne, alors reine de France, il effectue avec elle un voyage à Grenoble et devient maître de la chapelle du palais en 1505. En 1510, un de ses motets, Non nobis domine, célèbre la naissance de la fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne. En 1514, à la mort d'Anne de Bretagne (où il écrit un motet Quis dabit), il devient maître de chapelle, d'abord sous Louis XII, puis sous François Ier.

–  Hadrian[us] Willjarzt.

Adrian Willaert, probablement né à Bruges vers 1490 et mort à Venise le 7 décembre 1562, est un compositeur flamand de la Renaissance. Willaert a laissé plus de soixante-dix madrigaux italiens, environ soixante chansons françaises, plus de cent cinquante motets, une cinquantaine d'hymnes et de psaumes ainsi que huit messesoù apparaît l'influence de Josquin des Prés. Il est le créateur de l'école vénitienne (entre 1550-1610) et a formé toute une génération de musiciens : Cyprien de Rore; Costanzo Porta; Francesco Dalla Viola; Gioseffo Zarlino; Andrea Gabrieli. Il marque également de son influence l'œuvre de Roland de Lassus. 

–  Clemens Jannequin.

Clément Janequin est un compositeur, chanteur (chantre), et prêtre français (né à Châtellerault vers 1485 et mort à Paris en 1558). Connu dans l'Europe entière pour ses chansons polyphoniques. En 1525, il devient maître de chapelle et chanoine, d'abord à Saint-Émilion puis dans d'autres églises collégiales du bordelais. En 1530 il se dit « chantre du roi », au moment du séjour de François Ier et de sa cour, à Bordeaux. Il est, depuis 1527, chapelain de la cathédrale d'Angers. En 1533, il devient curé de la paroisse d'Avrillé, à côté d'Angers, et « maître de musique » de la cathédrale d'Angers jusqu'en 1535. 

–  Ciprian Rore.

Cyprien de Rore (en italien : Cipriano da Rore) (né à Renaix en 1515 ou en 1516 – mort à Parme, entre le 11 et le 20 septembre 1565) est un compositeur franco-flamand. C'est un des représentants importants de l'école franco-flamande après Josquin des Prés ; il s'établit en Italie pour y résider et travailler, fait œuvre de pédagogue et participe au développement du dernier style musical de la Renaissance en Italie  ; il est considéré comme l'un des plus importants madrigalistes de son époque.

–  Leo Pa:Aude_CM:Di;

 Pape Léon X Giovanni de Médicis (1475-1521) ?.

 

– Petrus pirton De la Rue.:

 Pierre de La Rue parfois nommé Pierchon, Van Straeten, de Vimté ou Platensis, (né vers 1460, probablement, à Tournai et mort le 20 novembre 1518) est un compositeur franco-flamand dela Renaissance. De la même génération que Josquin Des Prés, il est avec Agricola, Brumel, Compère, Isaac, Obrecht et Weerbeke un des principaux représentants de l'école franco-flamande vers 1500. 

– Certon Werdelot : faut-il voir deux personnages différents?

– Pierre Certon  est un compositeur français de la Renaissance, né  vers 1515 et mort à Paris le 23 février 1572. Éminent musicien de l'école parisienne du xvie siècle, Pierre Certon est célèbre avant tout par ses chansons courtoises polyphoniques. D'abord comme clerc des matines à Notre-Dame (1529), chantre à la Sainte-Chapelle (1532), où il devint maître des jeunes choristes vers 1542; il fut nommé chapelain perpétuel en 1548. En 1560 il obtint une prébende de chanoine à Notre-Dame de Melun.

– Philippe Verdelot ?, parfois appelé Verdelotto en Italie, est un compositeur français de la Renaissance, né entre 1480 et 1485 aux Loges, près de Rebais, et décédé entre 1530 et 1552. 

 

– Christo : Morales.

Cristóbal de Morales, né à Séville vers 1500 et mort à Marchena ou Malaga en 1553, est un compositeur espagnol de musique sacrée, qui vécut à l'époque de la Renaissance. Après des études classiques et musicales, il est en poste à Avila et à Plasencia en 1528. Il chante ensuite comme baryton dans le chœur de la Chapelle Sixtine, à Rome. Il réside alors pendant dix ans à Rome, durant le pontificat du pape Paul III. 

– Nicolas Gombert.

Nicolas Gombert (vers 1495 - vers1556) est un compositeur franco-flamand, maître des enfants de chœur de la chapelle de Charles Quint. 

– Petrus Mancicourt.

Pierre de Manchicourt est un compositeur franco-flamand né à Béthune vers 1510 et mort à Madrid le 5 octobre 1564. Maître de chapelle de la cathédrale de Tournai en 1545, il s'installe ensuite à Arras en 1556 sous la protection de l'évêque Antoine Perrenot de Granvelle, puis à Anvers en 1557, avant d'être nommé maître de la Capilla Flamenca de Philippe II à Madrid de 1559 à sa mort. Disciple de Nicolas Gombert et Thomas Créquillon, ses nombreuses compositions polyphoniques de forme traditionnelle sont surtout caractérisées par une grande clarté harmonique et contrapuntique.

– Joanes. Richafort.

Jean Richafort, né vers 1480 et mort vers 1547, est un compositeur de la Renaissance. Il est sans doute mort à Bruges. D'après Pierre de Ronsard, il aurait étudié auprès de Josquin des Prés, pour lequel Richafort compose un requiem en 1532. Il est maître de chapelle à la cathédrale Saint-Rombaut de Malines de 1507 à 1509, puis à l'église Saint-Gilles à Bruges de 1542 à 1547.

 

– Lupus Lupi.

Johannes Lupi,  (Jean Leleu, dit ; v. 1506 (Cambrai)-1539) . Il fit toute sa carrière à la cathédrale de Cambrai, d'abord enfant de choeur de 1514 à 1521, puis vicaire (1526-1527), et enfin maître des enfants de 1527 à 1539. Malgré la présence de musiciens homonymes (parmi lesquels Didier Lupi Second), on lui attribue généralement trois messes (quelquefois treize), un recueil de quinze motets, une vingtaine d'autres motets publiés dans des recueils collectifs, onze chorals en allemand, et une vingtaine de chansons et de liedekens montrant l'existence d'un lien entre l'école néerlandaise et l'école parisienne. 

– Thomas Crequillon.

Thomas Créquillon (parfois orthographié Crecquillon), né vers 1505, et mort probablement au plus tard en 1557, est un compositeur franco-flamand de la Renaissance. 

– Clemens non papa.

Jacob Clemens non Papa (Jacques Clément ou Jacobus Clemens non Papa), né vers 1510-1515 et mort en 1555 ou en 1556, est un compositeur prolifique, pratiquant différents styles et genres, issu de l'école franco-flamande et surtout célèbre par des harmonisations   polyphoniques des psaumes néerlandais (Souterliedekens).

– Joha[nes] Ocsenheim.

Johannes Ockeghem ou Jean Ockeghem (né v. 1420 à Saint-Ghislain, tout près de Mons, Hainaut - mort le 6 février 1497 à Tours,France) était un compositeur franco-flamand de la seconde moitié du xve siècle, considéré comme le chef de file de la deuxième génération de compositeurs après Guillaume Dufay et avant Josquin Des Prés. 

– Henricus Ysac.

Heinrich Isaac ou Heinrich Isaak est un compositeur germano-flamand (? v. 1450 - Florence, 26 mars 1517), actif dans le Saint Empire et en Italie. Par son style, il se rattache à l'école franco-flamande de la Renaissance. Son principal élève, Ludwig Senfl, devient lui-même un musicien réputé au xvie siècle. 

 

– Claudin.

Claude Le Jeune, né vers 1530 à Valenciennes et mort en 1600 à Paris, est un compositeur de musique originaire du Hainaut, ayant vécu à la Renaissance et appartenant à l'école franco-flamande. Bien que protestant (calviniste), Le Jeune fut rapidement un habitué des cénacles intellectuels parisiens. Protégé par Guillaume d'Orange et le duc d'Anjou, Le Jeune devint « compositeur principal » puis « Maître de la musique » du roi Henri IV. 

– Antonius Brumel.

Antoine Brumel (* ca 1460 - † ca 1520) est un compositeur français des débuts de la Renaissance. Né peut-être à Brunelles près de Nogent-le-Rotrou, Brumel est un des rares compositeurs de l'école franco-flamande nés en France, hors des frontières de l'empire bourguignon. Élève de Johannes Ockeghem, il est chanteur ("chantre", c'est-à-dire choriste) dans le chœur professionnel de la cathédrale Notre-Dame de Chartres en 1483, puis maître de musique (maître du chœur et des enfants, alias maître de psallette, ou encore maître de chapelle comme on dirait aujourd'hui) à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, jusqu'en 1492. Il devient chanoine à Laon en 1497 et maître de musique à la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1498. Il démissionne en 1500, retourne à Chambéry, avant d'être nommé maître de chapelle en 1506 à la cour de Ferrare (Italie) parmi la suite d'Alphonse Ier d'Este.

Compositeur du Nord, il intègre les influences italiennes dans son œuvre. Il compose essentiellement des messes (dont il nous reste une quinzaine, plus quelques extraits). Parmi elles, la Missa Et ecce terrae motus à 12 voix, dite "du tremblement de terre" (sur les 7 premières notes: ré-ré-si-ré-mi-ré-ré de l'antienne pascale chantée à Laudes : "Et ecce terrae motus..."). Le manuscrit qui nous reste est celui que Roland de Lassus fit copier dans le but de donner l'œuvre à la cour de Bavière). Sa dernière production est sa Missa pro defunctis (son Requiem), pour chœur quatre voix. On lui doit aussi des motets (34 dont 3 Magnificat, la Prose - ou Séquence - franciscaine Mater Patris et Filia à trois voix, le Benedictus à huit voix de la messe Et ecce terrae motus, l'antienne mariale Regina Cœli à quatre voix, l'antienne de l'Assomption Sicut lilium inter spinas, à quatre voix) et une quinzaine de chansons profanes.

– Ludovicus Senfl.

Ludwig Senfl, né en 1486, mort entre le 2 décembre 1542 et le 10 août 1543, est un compositeur suisse de la Renaissance, actif en Allemagne. Il fut l'élève le plus célèbre de Heinrich Isaac et eut une influence considérable sur l'essor de la musique polyphonique en Allemagne. 

– Thomas Stolzer.

Thomas Stoltzer (né à Schweidnitz (Silésie) vers 1470, mort en 1526 ou 1544) est un compositeur allemand de la Renaissance. Il a acquis une grande réputation en Europe centrale et dans les pays germaniques. Il travaille en Silésie puis entre au service les rois de Hongrie. Il a composé des œuvres essentiellement polyphoniques à caractère religieux ou profane. Son style s'apparente à Heinrich Finck, son maître, et à Heinrich Isaac.

 

– Joan. Courtois.

Compositeur franco-flamand. - Actif à Cambrai entre 1516 et 1545. - Mort avant 1567 

– Sandrin.

Pierre Sandrin, né Pierre Regnault, est un compositeur français de la Renaissance.

Pierre Sandrin a été un compositeur fameux en son temps. Il a été au service de François Ier, Henri II, et Hippolyte d'Este vers 1550-1560. Il est l'auteur de cinquante chansons à quatre voix, sur des textes galants, parues entre 1538 et 1556. Certaines de ses chansons s'inspirent du style de Claudin de Sermisy, d'autres de la frottola italienne. Il est aussi en 1543 le premier à écrire des chansons strophiques, à l'origine des chansons en forme de voix-de-ville.

 

– Schlaconius Episc.

Georg von Slatkonia ou Jurij Slatkonja (* 21 Mars 1456 à Ljubljana , ( Krain ); † 26 Avril 1522 à Vienne ) a été  évêque de Vienne depuis 1513. Il a étudié à Ljubljana, Ingolstadt et à Vienne, a été ordonné prêtre, et était chantre à l' Orchestre de Musique de Cour de Vienne Cour , qu'il a dirigé à partir de 1498. Grâce à lui, les compositeurs comme Paul Hofhaimer ,Heinrich Isaac et Ludwig Senfl sont venus à Vienne. De son propre travail de compositeur aucun œuvre n'a été conservée.

 

– Erasm[us] Roterod[amus].

Desiderius Erasmus von Rotterdam (1496-1536) n'a jamais composé de musique.

— Orlando di Lasus.

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– Christoph. Morales.

Cristóbal de Morales, né à Séville vers 1500 et mort à Marchena ou Malaga en 1553, est un compositeur espagnol de musique sacrée, qui vécut à l'époque de la Renaissance. Après des études classiques et musicales, il est en poste à Avila et à Plasencia en 1528. Il chante ensuite comme baryton dans le chœur de la Chapelle Sixtine, à Rome. Il réside alors pendant dix ans à Rome, durant le pontificat du pape Paul III. 

Mus. Ms. AII page 187.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 187. Droits réservés MDZ BSB.

c) Les compositeurs cités en référence.

La liste de 27 (ou 28) noms est un témoignage condensé mais précieux pour étudier de quelles influences se réclame Roland de Lassus, ou, plus généralement, la Hofkapelle de Munich à la fin du XVIe siècle. Or, ces influences regroupent ce qui est considéré actuellement comme "l'école franco-flamande" , et parmi celle-ci sa branche italienne (A. Willaert et de Rore). Si on adopte, avec Wikipédia,  la répartition en "générations" de cette école, la première génération n'est pas représentée, la liste débute chronologiquement par la seconde génération (XVe siècle) avec Johannes Ockeghem, mais est surtout consacrée à la troisième génération (début XVIe siècle) avec son leader Josquin des Prés, accompagné de Jacob Obrecht, Antoine Brumel, Pierre de la Rue et Heinrich Isaac (et son élève Ludwig Senfl).

Ces noms sont associés ailleurs que dans ce cartouche du manuscrit munichois. Ainsi, en 1520, est rédigé à Augsbourg un recueil de 24 motets, le Liber selectarum cantionum quas vulgo Mutetas appellant, sex quinque et quatuor vocum, qui associe des œuvres de Ludwig Senfl, Heinrich Isaac, Josquin  des Pres, Pierre de la Rue, Jacob Obrecht. (British Library K.9.a.24.)

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La musique liturgique à Munich.

La musique liturgique de la Chapelle était copiée dans des codex manuscrits, depuis 1523 avec Ludwig Senfl. L' inventaire de cette collection de Livres de chœurs mentionne 75 Livres. Il a été publié par Martin Bente, Marie-Louise Göllner ,Helmut Hell et Bettina Wackernagel : Bayerische Staatsbibliothek, Katalog der Musikhandschriften. I. Chorbücher und Handschriften in chorbuchartiger Notation. KbM vol.5/1  

Cet inventaire avait été précédé en 1879 par :

MAIER(Julius Joseph), 1879 : Die musikalischen Handschriften der K. Hof- und Staatsbibliothek in München, Bd.: 1, Die Handschriften bis zum Ende des XVII. Jahrhunderts, München, 1879 : 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/bsb00008139/images/index.html?fip=193.174.98.30&seite=1&pdfseitex=

.

c) La pièce où se donne le concert.

Cette pièce de la Résidence de Munich appartient au même ensemble que celles que nous avons parcouru sous la conduite de Hans Mielich, et nous sommes d'ailleurs apparemment revenu  dans la St-Georgs-Saal, avec le même carrelage, les mêmes hautes fenêtres à arcade, vitrées en verre en culs-de-bouteille, le même plafond à caisson, la même peinture dorée sur les deux-tiers de la hauteur des murs, et les mêmes médaillons ovales peints dans l'intervalle entre chaque fenêtre. Mais la porte latérale, cintrée à la page 4, est ici rectangulaire ; et les fenêtres ne sont pas interrompues par la cheminée. Nous sommes donc, selon toute vraisemblance, placé à un angle de vue opposé, correspondant, sur l'enluminure de la page 3, à la porte latérale cintrée. Nous découvrons donc le mur opposé à celui qui supportait le dais et la grande scène de bataille. Ce mur reçoit lui aussi une fresque représentant un roi recevant des courtisans ou présidant à une séance devant des notables assis dans une stalle. On y voit aussi une tour commandant l'accès à un pont.

Les médaillons suspendus à l'angle du mur et du plafond portent, pour un sur deux, les armes blanche et rouge de l'archiduché d'Autriche, comme sur la gravure de N. Solis. Entre ceux-ci, les autres médaillons semblent ornés d'un profil.

Mus. Ms. AII page 187, partie supérieure.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 187, partie supérieure. Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 187, milieu  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 187, milieu Droits réservés MDZ BSB.

La partie principale de l'enluminure, c'est-à-dire celle qui représente les musiciens et trois jeunes enfants de chœur, fera l'objet de la deuxième partie de cet article.

Mus. Ms. AII page 187.  Droits réservés MDZ BSB.

Mus. Ms. AII page 187. Droits réservés MDZ BSB.

SOURCES ET LIENS :

— Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, Volume 7 :page 191

https://books.google.fr/books?id=624TAAAAQAAJ&pg=PA192&dq=%22In+corde+prudentis+requiescit+sapientia%22+lassus&hl=fr&sa=X&ei=aBFRVf2lGe3fsATc1oDABg&ved=0CCUQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false

 

— BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

— BERGQUIST (Peter), éditeur, 19901,The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis Par Orlando di Lassus

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=Seghkein&source=bl&ots=OMXz8sby0r&sig=eTNBm7zMdg3I8N5AQTwYOIREJqg&hl=fr&sa=X&ei=eRJSVcCcJ4KBU9fxgdgN&ved=0CEIQ6AEwBw#v=onepage&q=Seghkein&f=false

BERGQUIST (Peter), éditeur, The Complete Motets 9: Patrocinium musices, prima pars (Munich, 1573) Par Orlande de Lassus   :https://books.google.fr/books?id=TJrSKKuGV6kC&printsec=frontcover&dq=Patrocinium+musices&hl=fr&sa=X&ei=L_VRVZ3eOsfwUOufgKgB&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=Patrocinium%20musices&f=false

— BOYDELL (Barra) 1978, "The Instruments in Mielich's Miniature of the Munich "Hofkapelle" under Orlando di Lasso. A Revised Identification," Tijdschrift van de Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis Deel 28, No. 1 , pp. 14-18 in  Koninklijke Vereniging voor Nederlandse Muziekgeschiedenis
Article Stable URL:http://www.jstor.org/stable/938948

 BRADLEY ( John William) , 1888 A Dictionary of Miniaturists, Illuminators, Calligraphers and Copyists,... https://archive.org/stream/adictionarymini02bradgoog#page/n342/mode/2up/search/lindelius

—  BOSSUYT (Ignace) « The copyist Jan Pollet and the theft in 1563 of Orlandus Lassus « Sercret »  Penitential Psalms » From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders Par Albert Clement,Eric Jas page 262

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA262&lpg=PA262&dq=lindel+mielich&source=bl&ots=xyuNPQpN8x&sig=2lfFoBPITIPcndpKiCuNqF0AC3I&hl=fr&sa=X&ei=_MdPVYmTM8zvUo3agLgK&ved=0CEYQ6AEwBQ#v=onepage&q=lindel%20mielich&f=false

— CLOSSON (Ernest), 1919, Roland de Lassus, Burnhout, Ets Brépols, Serié Les Grands Belges,  36 pages. Ernest Closson (1870_1950) est un musicologue belge. 

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 DECLÉVE, (Jules) 1894, Roland de Lassus, Sa vie, son œuvre, Mons.

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— DELMOTTE (Henri Florent), 1836, Notice biographique sur Roland Delattre: connu sous le nom d'Orlando de Lassus, A. Prignet, 176 pages. pages 132-139.

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—  EICHNER (Barbara), 2012, Protecting the Muses, promoting the Church: Lassus’ "Patrocinium musices" reconsidered. (Oxford Brookes University)

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— FOURNIÉ ( Eléonore), LEPAPE (  Séverine), 2012, Dévotions et représentations de l’Immaculée Conception dans les cours royales et princières du Nord de l’Europe (1380-1420) http://acrh.revues.org/4259

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 https://www.academia.edu/2519774/A_la_recherche_de_l_universel_constructions_%C3%A9tatiques_et_patronages_mariaux_en_France_et_en_Bavi%C3%A8re_de_1600_%C3%A0_1660_environ_

WALCKERNAGEL (Bettina)  2003 Musikinstrumentenverzeichnis der Bayerischen Hofkapelle von 1655. Faksimile, Transkription und Kommentar Ed. Schneider

— ZIMMERMANN (Max Georg),1895, Die bildenden künste am hof herzog Albrecht's V. von Bayern J. H. E. Heitz,  - 132 pages page 98-99 et page 108:

https://archive.org/stream/diebildendenknst00zimm#page/98/mode/2up

 — Taschenbuch für die vaterländische Geschichte. Hrsg. v. Hormayr ..., Volume 33

 Par Joseph Freiherr von Hormayr, Alois Freiherr von Mednyanszky page 280

https://books.google.fr/books?id=Pn9UAAAAcAAJ&pg=PA280&lpg=PA280&dq=Joachim+Freithof&source=bl&ots=QcSa9JyJn6&sig=ae0tzAl5BamQWwLs1wK79tZV_kY&hl=fr&sa=X&ei=I9xmVfjEFsv1UJr7gLAL&ved=0CCYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Joachim%20Freithof&f=false

Sur la musique baroque et ses instruments : http://classic-intro.net/introductionalamusique/baroque3.html

Sur la musique à Munich :

http://www.musiklexikon.ac.at/ml/musik_M/Muenchen.xml

Sur la Résidence de Munich :

http://www.residenz-muenchen.de/deutsch/service/publik.htm

 

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Published by jean-yves cordier - dans Mielich
10 mai 2015 7 10 /05 /mai /2015 20:53

Autoportrait de Hans Mielich et portrait de Roland de Lassus : le Mus. Ms. A. I et II.

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Source des images :

Par copie d'écran de :

Roland de Lassus / Orlando di Lasso , Les sept psaumes pénitentiels de David avec le motet Laudes Domini : Livre de chœur volume I Mus.ms. A I(1), Bibliothèque Nationale de Bavière Bayerrische Staat Bibliothek BBS , Munich, 1565

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035322074

— Microformes (noir et blanc, tout le manuscrit) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035007/images/

— Couleur (une sélection d' enluminures) dernière page (p. 222) :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html

— Volume de commentaire (Erläuterungen) de Samuel Quickelberg (1569) : Mus. Ms AI(2) Cim 207

Vol. I : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=294

Vol. II : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035013/images/index.html?id=00035013&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=1&seite=3

— Portrait du Livre de chœur II (Mus. Ms. AII) dernière page :

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=188&v=150&nav=&l=de

http://imslp.org/wiki/Choirbook,_D-Mbs_Mus._MS_A_%28Lassus,_Orlande_de%29

http://petrucci.mus.auth.gr/imglnks/usimg/8/85/IMSLP368403-PMLP594987-d-mbs_mus._ms_a_2.pdf

N.B. Les couleurs ont été parfois fortement ravivées et la netteté rehaussée, le but étant ici la lisibilité des documents et non la fidélité de reproduction.

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Dans un premier article, j'ai présenté l'autoportrait de Hans Mielich figurant à la fin du manuscrit Mus. Ms. B des Motets de Cipriano de Rore, accompagné d'une inscription et d'une devise Ne Sutor Ultram Crepidam. Ce manuscrit enluminé par le peintre munichois Mielich datait de 1559.

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

Voir aussi : 

Mirabar solito dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich.

 

Présentation.

Le duc Albert V de Bavière dut être satisfait de ce précieux volume de partitions musicales, puisqu'il fit réaliser un recueil identique par le même copiste Jean Pollet et par le même miniaturiste, cette-fois pour les Psaumes pénitentiels de son Maître des chœurs de sa cour, Roland de Lassus. Il fallut ici le partager en deux volumes, intitulés aujourd'hui Mus. Ms A.I et Mus. Ms. A.II, contenant respectivement 222 et 189 folios sur vélin, de 60 cm sur 40 cm.. Le premier volume se conclue, page 222 donc, par les portraits du peintre et du compositeur, en deux médaillons placés autour d'une inscription dédicatoire. En outre, chaque volume est accompagné par les commentaires descriptifs du médecin et bibliothécaire Samuel Quickelberg, ce qui fait du Mus. Ms. A un ensemble de quatre volumes, chacun assemblé dans une reliure de maroquin rouge enrichie de coins, d'armoiries et de serrures d'orfèvrerie.

 

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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I. L'inscription à la postérité.

La partie principale de cette page est occupée par une longue inscription centrale, imitant une épigraphie romaine, et que l'on n'a pas très envie de lire, d'une part parce qu'elle est longue, d'autre part parce qu'elle est en latin. J'ai pris la peine pourtant de la recopier. 

D.O.M.S
AETERNEQVE MEMORIAE ILLVSTISS : PRIN/CIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS. QVI DVM A GVBERNANDA  AMPLISSIMA REGIONE SVA , ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRARET QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA , TVm VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENIGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIEBATQVE , CELEBERRIMVS PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVS DE LASSVS,  MVLTORUM IBI CANTIONVS ET HORUM QUOQUE PSALMORVM COMPOSITOREM. ET IOHANNIS MVELICHII MONACHIENSIS PICTORIS BIBLICARVM IMAGVM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTOR  IS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIIS , TV[-] HIS, TU[S] ALIIS OMNIBVS, ILLVSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITVS VACABAT .
TOMVS PRIMVS HOC LOCO ABSLOVITVR.

Soit :

Deo Optimo Maximo Sacrum, Aeternaeque memoriae illustrissimi principis Alberti Bavariae ducis, qui dum a gubernanda amplissima regione sua, et sacro imperio consiliis indefesse iuvando interdum respiraret, quo erat erga omnia liberalissima studia tum vero maxime erga musicam et picturam animo, benigne admodum apud se fovebat audiebatque, celeberrimum per Europam musicum Orlandum de Lassus, multorum ibi cantionum et horum quoque psalmorum compositorem. Et Iohannis Muelchichi Monachiensis pictoris biblicarum imaginum praesentium unici collectoris architecti et inventor operibus contemplandis, memorandisque sacris historiis, tum his, tum aliis omnibus, illustrissimo exemplo divine penitus vacabat. Tomus primus hoc loco absolvitur.

Fut-elle jamais traduite entièrement ? Un auteur aussi consciencieux  que Zimmermann, qui donne les mesure des médaillons au demi-centimètre près (10,5 cm x 8,5) fait l'impasse sur cette version latine, et Bradley, qui dépasse son collègue en matière de description pointilleuse, se contente de dire qu'il s'agit de vers (?) faisant la louange du duc et de son amour des arts. Henri Florent Delmotte y remarque ce passage : "Quoique le duc soit un grand protecteur de tous les arts et de toutes les sciences en général, cependant la peinture et la musique lui doivent un hommage particulier". Ma traduction est très hasardeuse :

"A la mémoire éternelle  du très illustre prince le duc Albert de Bavière, qui, tout en (pour se délasser de ) gouvernant sa vaste région, et en aidant par ses conseils inlassables  , a soutenu très généreusement tous les arts et les sciences mais tout particulierement la musique et la peinture , écoutant et favorisant  Orlando de Lassus, célèbrissime dans l'Europe de la Musique comme compositeur de nombreux  chants,  parmi lesquels ces psaumes . Et Hans Muelich de Munich, peintre et architecte et inventeur des images bibliques présentées à la contemplation dans ce livre  ...

Ce premier volume se termine ici."

Les commentaires de Quickelberg vont-ils nous aider ? Les voici :

Inscriptio est ad posteritatem, in qua quicquid hic est artis, atque imaginum, totum Deo optimo maximo aeternaque memoriae Alberti principis sacrum esse iubetur indicanturque simul sub hoc principe, qui praeter ipsum summum autorem ac liberalissimum libri patronum artifices reliqui accesserunt aliquii enim ipsi nusquam in tam ingenti volumine nominantur. Sed hic utriusque tam Orlandi de Lassus musici, quam Ioannis Müelichii pictoris effigies adiiciuntur, ut iam erit infra de iisdem statim dicendum.

L'inscription s'adresse à la postérité ...

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A défaut de comprendre les inscriptions, nous pouvons observer l'image, avec les deux statues en grisaille bleutée, deux femmes sans attribut d'identification mais que l'on peut considérer comme représentant la Musique et la Peinture. Le montant du cadre du coté du musicien présente des instruments de musique (trombone, cornemuse et violon ?).

 

D.O.M.S
AETERNEQVE MEMORIAE ILLVSTISS : PRIN/CIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS. QVI DVM A GVBERNANDA  AMPLISSIMA REGIONE SVA , ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRARET QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA , Tvus VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENIGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIEBATQVE , CELEBERRIMVS PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVS DE LASSVS,  MVLTORUM IBI CANTIONVS ET HORUM QUOQUE PSALMORVM COMPOSITOREM . ET IOHANNIS MVELICHII MONACHIENSIS PICTORIS BIBLICARVM IMAGVM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTOR  IS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIIS , TV[-] HIS, TU[S] ALIIS OMNIBVS, ILLVSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITVS VACABAT .
TOMVS PRIMVS HOC LOCO ABSLOVITVR 

A la mémoire éternelle  du très illustre prince le duc Albert de Bavière, qui, tout en gouvernant sa vaste région, et en aidant inlassablement par ses conseils inlassables  le Saint-Empire et  parfois toutes les  très libérales études  en particulier vers la musique et la peinture de votre esprit, très généreux avec son oncle écoutait, très souvent en Europe Musique Orlando de Lassus, de beaucoup de ces chants, et, là aussi, des psaumes de choses composites. Et Hans Muelich de Munich peintre des images du livre  un architecte collecteur unique et inventeur est l'opéra observation, mémoires et l'histoire sacrée, Tus ces Tus autres choses, l'exemple le plus illustre de la divine est complètement vide. Ce premier volume se termine ici.

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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II. Le portrait de Roland de Lassus.

 

a) Roland de Lassus et les Psaumes pénitentiels ( Psalmi poenitentiales).

Les sept  Bußpsaum  ou psaumes de la pénitence (lat. de poenitentiales Psalmi ) sont une série de psaumes qui ont  comme thème l'aveu de culpabilité, et la tristesse du péché.

Ce sont les psaumes suivants (dans la numérotation gréco-latine, celle de la Vulgate) :

Dans le Volume I :

  • Psaume 6  : Domine, ne in furore...miserere ; 5 voix, en 12 parties.

  • Psaume 31  : Beati quorum remissae sunt ;  Page 42, pour 5 voix, 16 parties.

  • Psaume 37  : Domine, ne in furore...quoniam ; Page 98,  5 voix, en 25 parties.

  • Psaume 50 : Miserere mei, Deus ; (le Miserere est, dans la tradition de l'Église, le psaume pénitentiel par excellence). Page 172, pour 5 voix, en 22 parties.

Dans le Volume II :

  • Psaume 101  : Domine, exaudi, orationem meam et clamor; en 31 parties

  • Psaume 129  : De Profundis clamavit ; en 10 parties

  • Psaume 142 : Domine, exaudi orationem meam auribus; en 16 parties

La compilation du groupe remonte  à Augustin d'Hippone, au début du Ve siècle . Ils ont été mis en musique par Roland de Lassus pour l'usage privé du duc Albert V et de sa cour, le musicien de cour ayant interdiction de copier et de diffuser la musique qu'il composait. 

​A ces sept psaumes s'ajoutent, dans le volume II, le psaume-motet Laudate Dominum de caelis, en quatre parties, tiré des psaumes 148 (trois parties) et 150 (une partie) . Très différents, ils sont aussi jubilatoires que les premiers sont sombres. Ils appartiennent néanmoins intégralement au cycle conçu par le musicien, car chacun des sept psaumes pénitentiels prenant son "mode musical" (ou tonalité) à partir de l'un des huit modes ecclésiastiques, le huitième mode trouve ainsi son attribution.

 

Les  Psalmi poenitentiales Davidis ne seront publiés qu'en 1584, à Munich, chez Adam Berg. Dans la préface que de Lassus rédige alors, il écrit Anni sunt, plus minus, viginti quinque, cum septem Psalmos Poenitentiales Musicis modis redidi, " Il y a 25 ans, plus ou moins, que j'ai écrit les sept Psaumes Pénitentiels dans les modes musicaux". Peter Berquist estime donc que cette composition date de 1559 et suit celle des Prophetiae Sibyllarum et des Lectiones (dont la copie par Jean Pollet compose le manuscrit Vienna Mus. Hs. 18744). Le musicien a donc composé la musique en 1559, date à laquelle le copiste Iohannes Pollet et le peintre Hans Mielich venaient de copier et d' illustrer les 26 Motets de Cipriano de Rore du Mus. Ms. A. Ce manuscrit de 304 pages et 82 enluminures leur avait demandé deux ans environ. Les 222 pages du premier volume du Mus. Ms. A.I, dont presque chaque page est enluminée, débutèrent en 1563 (P. Berquist) et furent terminées en 1565. Le volume A.II ayant été achevé en 1570, on voit qu'il fallut environ 7 ans pour réaliser ce qui fut l'un des plus coûteux manuscrits jamais commandé.. 

La version de Roland de Lassus des Psaumes de pénitence de David  est l'une des plus célèbres de toute la Renaissance. Le contrepoint est libre, en évitant l'imitation généralisée des franco-flamands. Comme ailleurs, Lassus s'efforce de mettre en valeur l'impact émotionnel. L'avant-dernière pièce, De profundis (Psaume 130, ici sixième Psaume), est considérée par de nombreux spécialistes comme l'un des sommets de la polyphonie de la Renaissance, à l'égal de Josquin des Prés.

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b) la Musica reservata.

Cette œuvre relève par excellence de la musica reservata, (ou musica secreta) style ou pratique musicale maniériste propre à la musique vocale de la seconde moitié du 16ème siècle, principalement en Italie et le sud de l'Allemagne , impliquant le raffinement (recherche de performance ornementale), l'exclusivité (elle est conçue pour être réalisée et appréciée par des groupes très restreints  de connaisseurs), l'expression émotionnelle (musique émotive traduisant les états d'âme), la littéralité ( "peinture musicale des mots"  par des figures musicales spécifiques et reconnaissables pour éclairer des mots spécifiques dans le texte) et l'usage de  progressions chromatiques.  

C'est à l'époque une notion suffisament importante pour que Samuel Quickelberg en fasse état dès l'introduction de ses Commentaires du manuscrit, aux pages 4-5:

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=12

Ad imaginum inspectores et explicationum lectores.

[...] Mandavit itaque princeps illustrissimus (Albertus) excellentissimo suo Orlando de Lassus musico, quo praestantiorem ac suaviorem nullum nostra saecula tulere, hoc psalmos quinque potissimum vocibus componendos, qui quidem adeo apposito lamentabili et querula voce, ubi opus fuit, ad res et verba accomodando, singulorum affectuum vim exprimendo rem quasi actam ante oculos ponendo, expressit, ut ignorari possit : suavitasne affectuum, lamentabiles voces, suavitatem affectuum plus decorarint. Hoc quidem musicae genus MUSICAM RESERVATAM vocant : in qua ipse Orlandus mirifice, ut quidem in aliis carminibus, quae sunt fere innumerabilia, sic etiam in his ingenii sui praestabilitatem posteris declaravit. Erläuterungen Vol.I folio 4

" Le très illustre duc Albert a expressement demandé à son excellent Roland de Lassus, musicien inégalé de ce siècle pour la suavité expressive de sa musique, de composer ces psaumes principalement pour cinq voix, pour offrir le cas échéant en effet une telle palette de voix plaintives et de lamentations, en s'adaptant aux mots et aux choses,  en exprimant la force des sentiments comme si elle était exposée devant les yeux (quasi actam ante oculos ponendo),  l'embellissant de voix suaves et de lamentations, d'affections tristes et douces. Ce type de musique se nomme MUSIQUE RESERVÉE ; Roland de Lassus lui-même y excelle, ici comme d'ailleurs dans ses autres motets, qui sont presque innombrables."

— Ou encore par Florian Weininger : "Le duc ordonna à son excellent musicien Roland de Lassus de composer ces psaumes à 5 voix. Celui-ci adapta sa composition là où cela était nécessaire au sujet et aux paroles, lui donna une expression si plaintive et touchante, rendit la chose elle-même á ce point concrète pour l‘auditeur par la belle peinture des sentiments qu‘il n‘est pas facile de démêler si la beauté de l‘expression musicale confère un plus grand charme aux mots touchants ou l‘inverse. Dans ce genre de musique appelée MUSICA RESERVATA, Roland a donné la preuve de son talent sublime à la postérité. Samuel van Quickelberg : tome de commentaire au codex (d‘après la traduction de Siegfried Wilhelm Dehn, 1837)" 

 

-- traduction en anglais par Albert Dunning, in « Musica reservata » : 

"Lasso expressed these psalms so appropriately in accomadating, according to necessity, thoughts and words with lamenting and plaintive tones, in expressing the force of the individual affections, and in placing the object almost alive before the eyes, that one is at loss to say whether the sweetness of the affections enhanced the lamenting tones more greatly, or whether the lamenting tones brought greater ornement to the sweetness of the affections. This genre of music they call musica reservata. In it, whether in other songs, which are virtually innumerable, or in these, orlando has wonderfully demonstrated to posterity the outstanding quality of his genius."

"Lasso a exprimé ces psaumes de manière si appropriée dans leur arrangement , en accordant, selon le cas, des pensées et des mots avec des sons gémissants et plaintifs, en exprimant  la force des sentiments individuels, et en placer l'objet presque vivant sous les yeux, que l'on est en peine de dire si la douceur des affections rend le ton de lamentations plus grand encore, , ou si les tons de lamentations apportent un ornement supplémentaire à la douceur des affections. Ils appellent ce genre de musique la musica reservata . Dans celle-ci, soit dans d'autres chants, qui sont pratiquement innombrables, soit dans ceux-ci, Orlando a merveilleusement démontré à la postérité la qualité exceptionnelle de son génie.".

En bref, cette musique relève de l'illustration musicale : c'est ce qui donne du sens à la mise en parallèle des portraits du musicien et du peintre et à leur association dans l'inscription dédicatoire. E. Closson dit de Lassus : "Il suit le texte pas à pas. Dans un même morceau, il est tour à tour menaçant, courroucé, implorant, miséricordieux, tendre. Cette qualité dans le sentiment religieux est la qualité qui signale les célèbres Psaumes de la Pénitence". De la peinture avec des sons, pour peindre les états d'âme.

 

 

 

 

 

c) Portrait de Roland de Lassus.

Son portrait porte les inscriptions suivantes :

ORLANDVS DE LASSO

IN CORDE PRVDENTIS REQVIESCIT SAPIENTA ET INDOCTOS QVOQVE ERVDIET.

Prov. XIV. D

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=20&seite=296

La citation In corde prudentis requiescit sapienta et indoctos quoque erudiet est tirée du Livre des Proverbes Prov,14:33 . La Bible du Semeur donne comme traduction : "La sagesse repose dans un esprit intelligent : elle sera reconnue même parmi les sots [Selon le texte hébreu traditionnel. L'ancienne version grecque et la version syriaque ont: mais le cœur des sots ne la connaît pas.]"

L'interprétation du sens de ce proverbe dépend donc de sa traduction. Amputée de sa chute, l'imprese In corde prudentis requiescit sapienta  a servi de marque d'imprimeur à Galliot et à Gilles Corrozet, mais sa finale peut donner à la citation un sens élitiste parfaitement en accord avec l'esprit de la musica reservata, et parfaitement en accord aussi avec la devise Ne Sutor Ultra Crepidam du peintre Mielich : l'affirmation de l'exigence de l'art (expression ultime de la Sagesse, puisque les Muses sont conduites ici par Minerve) : seuls les esprits les plus élevés et les mieux éduqués peuvent pénétrer les arcanes d'une composition musicale très élaborée, ou d'une peinture remplie de références religieuses, mais surtout philosophique voire ésotérique.

Roland de Lassus est né à Mons en 1532 : en 1565, il est donc âgé de 33 ans. Il est représenté en buste, de 3/4. Son front est dégarni, il porte un collier de barbe, et une médaille au bout d'un ruban noir.

 



 

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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II. Portrait de Hans Mielich.

Ce médaillon porte l'inscription :

E. IOANNIS MVELICHI PICTORIS.

SOLI DEO HONOR, GLORIA, CVIVS BONITATI HAEC QVAE RECTA A ME INVENTA SVNT ADSCRIBO OMNIA. SI QVID ERRATVM INVENITVR, ERROR MEVS FIT NON ALIORVM. JVDICIVM SALVVM MANEAT ECCLESIAE.

Hans Mielich peintre.

Soli Deo honor, gloria cuius bonitati haec quae recta a me inventa sunt adscribo omnia si quid erratum invenitur, error meus fit non aliorum judicium salvum maneat Ecclesiae

En 1565,  Mielich a 49 ans ; par rapport au portrait de 1559, sa calvitie s'est accentuée mais surtout sa barbe a pris une taille considérable et fait concurrence avec celle du duc. Comme Roland de Lassus, il porte attaché à un ruban une médaille en or. Comme dans tout autoportrait, son corps est tourné devant son chevalet mais son visage fait face au spectateur qu'il fixe dans les yeux. 

Les rémunérations.

Mielich reçut 10 florins pour chacune des 414 pages enluminées, soit 4140 florins en plus de ses honoraires de 3800 florins. (Son successeur Hoefnagel recevait, au service de l'archiduc Ferdinand de Tyrol, 800 florins par an, et son Missale Romanum fut payé 2000 couronnes d'or, plus une chaine en or de même valeur).

[Florin = Gulden ; Couronne = Kreutzer.  1 Florin = 60 Couronnes ???]

 Roland de Lassus acheta à Munich une maison de 1535 florins, et à cette fin Albert V lui fit remettre 1000 florins. En 1571, l'empereur Maximilien II lui paya une Messe 150 florins. En 1574, il percevait 400 florins/an. Ses fils furent engagés comme chanteur de chœur et comme organiste pour 200 florins/an (et, en 1614, Anton Holzner, également chanteur de cour fut engagé à 200 florins/an, puis perçut 400 florins comme organiste). Les archives bavaroises  BayHStA HZA révèlent que les dépenses effectuées pour la Cantorei s'élèvaient à 4150 florins  y compris les salaires du Kapellmeister et des chanteurs, puis chûtèrent à 2024 florins en 1594, année du décès de Roland de Lassus.

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Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Portraits d' Orlando di Lasso et de Hans Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

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IV. Le cartouche inférieur : Le peintre Apelle et la devise "Ne Sutor apud Crepidam".

Comme dans son autoportrait du Mus. Ms. B des Motets de Ciriano de Rore, Hans Mielich fait figurer une illustration de l'anecdote rapportée par Pline au sujet du peintre grec Apelle, selon laquelle il s'en prend à un cordonnier qui, examinant l'une de ses peintures, commence par critiquer un détail d'une sandale (crepida), puis exerce son esprit critique sur les autres parties du tableau : Apelle s'écrit alors Ne Sutor Ultram Crepidam, "Pas au dessus de la sandale, cordonnier". La façon de Mielich pour traiter ce sujet est presque la même que dans le Mus. Ms. A, mais le sujet du tableau peint par Apelle n'est plus Hercule et le Lion (allusion au duc Albert). On ne reconnaît que cinq personnes autour d'une table à nappe blanche, le premier d'entre eux étendant la jambe. C'est cette jambe vers laquelle se penche le cordonnier (identifiable à son tablier de cuir), devant une réunion de six personnes qu'il prend à témoin. Mais parmi eux, un homme barbu et imposant, qui n'est pas sans ressembler au duc Albert, semble dubitatif. Apelle semble bondir de derrière la toile pour protester et lancer sa célèbre sentence.

Voici le commentaire de Samuel Quickelberg :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=18&seite=296

Apellis quandam tabulam, a se palam propositam, contemplantur homines diversae et aetatis et conditionis : ubi inter religuos valde criticus adest sutor : qui cum ulterius insolenter, quam de calceis vellet indicare, ab Apelle admonetur bis verbis : Ne sutor ultra crepidam. Ita quidem pictor quoque noster Muelichius quosdam salutatos voluit, (qui praeter eos, quorum erit sacras indicare historias, quibus se quantum ad accomodationem singulorum libenter subiicit) de subtiliore ambigent imaginum illustratione : ut prius intelligant, quanto temporis spacio iussu Illustrissimi principis primi autoris et fundatoris fuerint haec absoluenda : quantisque iterum annis opus fuisset ad eiusmodi volumen, per se laboriosissimum, et amplissimum pluribus minutiis exornandum, et ad finem usque perducendum.

Ainsi que vous le constatez, Quickelberg semble ne pas faire allusion à un détail, d'ailleurs insignifiant en apparence. Dans le cartouche de Mus. Ms. A, Mielich avait peint Apelle à demi-allongé en dessous de deux petits cadres, dont l'un ressemblait à un blason à trois taches triangulaires blanches sur fond rouge. Or, ici, c'est un atelier de peintre avec divers palettes et pots  qui remplace les deux cadres. Mais, au dessus du cartouche lui-même, inséré dans l'encadrement de l'inscription, on retrouve ce cuir, avec une tête de bovin (ou de daim) couronné de laurier au centre et une tenture rouge ourlée d'or portant, de chaque coté, les trois objets blancs.

Quickelberg décrit in ornamentis ce décor :

Supra Apellis tabulam sunt insignia pictorum, in pelle vitilina infixa, in quo etsi tacite alludere, voluit ad Lucam evangelistam, etiam pictorem, bovi seu iuvenco in sacris literis comparatum, tamen ideo potissimum exhibuit, quod gesfite adhuc et exilire vitulorum instat non desinant pictores, opere aligno gravi absoluto. Sed et floribus et frondibus triumphalibus ornatae sunt reliquae partes ; ut voti usque, et usque non videatur immemor fuisse pictor, quo homines quam plurimos, eosque maximos cupiat, tanquam odoratis floribus et suavissimis fructibus harum terum inspectione, cantu, et lectione ac salutari meditatione invari, et ad optimam frugem excitari.

"Au dessus du tableau d'Apelle sont les insignes du peintre, insérés dans une peau de veau (vélin) faisant allusion tacitement  à l'évangéliste Saint Luc, qui traditionnellement était un peintre, comparé dans les Saintes Écritures à un bœuf ou jeune bovin. [... ] Mais les autres parties sont ornées de fleurs, de guirlandes de triomphes, ...

 

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Devise de Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ.

Devise de Mielich, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ.

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V. Le cartouche supérieur : Minerve prenant la Musique et la Peinture sous sa protection.
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 Le cartouche supérieur reprend le thème que le poète Stopio, le peintre Mielich et le musicien Cipriano de Rore avaient traité dans le motet Mirabar solito du Mus. Ms. A et qui s'affirme encore une fois comme central pour le duc de Bavière, en allusion à son statut d'Apollon mécène des Muses. 

C'est un fronton en demi-cercle, couronné par ce qui ressemble à une louve ailée mais qui est le cheval Pégase, celui qui ouvrit de son sabot la source Hippocrène sur le mont Hélicon. Cette source est l'image poétique de l'inspiration créatrice des artistes. Tout ici se réfère au Livre V des Métamorphoses d'Ovide, qui s'est trouvé déjà au cœur de l'interprétation du Mirabar solitoà laquelle je renvoie le lecteur.

Au centre, Minerve, armée de sa lance, casquée, tenant l'égide à tête de Méduse. (Pégase est né du sang de la tête de Méduse, tranchée par Persée).  A l'arrière-plan, un arbe (l'olivier ?) et les sommets de l'Hélicon. De chaque coté, les neuf Muses, dont Uranie, debout, identifiable au globe qu'elle tient (?). Ces dames offrent à la déesse un concert.

Cela offre une occasion de découvrir un témoignage des instruments de musique de la Renaissance, et, a priori, des instruments en usage à la Hofkapelle de Munich. De gauche à droite, nous trouvons :

  • une flûte traversière

  • un triangle

  • un luth (cordes pincées)

  • une viole (cordes frottées) dont on note les ouïes en f très fendu.

  • un fifre

  • deux tambourins

  • un hautbois ou une chalémie.

La muse agenouillée joue peut-être aussi d'un instrument que je ne discerne pas.

Minerve a les pieds posés sur une tête mi-animale et mi-grotesque évoquant peut-être celle d'un bouc. Faisant saillie sur le cadre de l'inscription centrale, elle répond à la tête inférieure (bovine?) selon une intention qui m'échappe.

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Les commentaires de Quickelberg. (je ne traduis pas, car il a recopié ma description).

Pallas, quae et sapientiae et armorus dea est, consistit media inter novem Musas : ad quas venerat, ut fontem caballinum Pegasi ungulis excitatum (tem sane novam). Videret. Circumsident ergo singulae musicis et diversarum artium instrumentis insignitae, quibus earum inventa celebrantur. Imo et aliis quoque rebus artificiosis omnibus idoneae as fenduntur. Servit huic historiae Pegasus equus alatus, in coronide appictus et Caput Medusae in clypeo Minervae efficttus, quia equus ille e sanguine colli Medusa ortus erat. De hoc adventu Palladis ad Mussas, sic est apud Ovidium lib. V Metamorph.

 

Fama novi fontis nostras pervenit ad aures, / Dura Medusaei quem proepetis ungola rupit.

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Ce cartouche est enrichi de volutes typique du style Floris, avec ses C et ses Contre C barrés d'une tige en T. En haut, deux putti y sont installés, tandis que sur le coté ils servent de siège à deux musiciennes et à deux pies. Celles-ci nous indiquent que nous n'en n'avons pas fini avec le thème du Mirabar solito et du livre V des Métamorphoses, puisque les Piérides, filles du roi Pierus, ont été transformées en pies par Minerve après s'être impudemment comparées aux Muses. Dans le siège de gauche, la belle Piéride tient en main une crécelle, instrument déplaisant qui la déprécie immédiatement. Mais à droite, sa consœur joue, si je ne m'abuse, de la cornemuse, l'embouchure au bec, deux bourdons (ténor et basse) sur l'épaule gauche, pressant le sac entre son ventre et son coude, et pianotant sur les trous du chalumeau. Or, quoique cet instrument soit déconsidéré par des connotations diaboliques (corne-muse) ou érotiques, il a néanmoins toute sa place dans la musique de cour , notamment à la hofkapelle de Roland de Lassus. Qu'en dit Quickelberg ? 

 

Superius ad latera inter ornamenta

Duae picae, et duae Musae adulterineae : illa in propria forma : hae quasi numellis inclusae : sed rusticis instrumentis et crepitaculis in signitae : quarum duae hic appictae, reliquum numerum, et fabulam subinditant. Quia cum essent quaedam sorores musicae Pieri ex Evippa uxorre filiae, pulchritudine et clamasitate nimis superbientes, adeo ut cum Musis Castaliis arroganter certare auderent, ob stoliditatem in picas mutatae sunt. De quibus Ovidius lib. V.

Ales erat, numeroque novem sua fata querentes, / Institerant ramis imitantes omnia picae.

"Au-dessus et à  côté du cartouche.  Deux pies, et deux fausses Muses, sous la forme appropriée : enfermées dans une sorte de carcan elles se reconnaissent par leurs instruments rustiques et leurs crécelles , dont deux sont peints ici, les autres étant sous-entendues. Parce que ces sœurs musiciennes,  filles de Pierus et d'Evippe,  trop fières de leur beauté et de leurs clameurs, clamasitate , firent tant et si bien que, lorsque les Muses de Castalie furent lasses de leur  arrogance grossière, elles furent changées en pies. De cela voir Ovide livre V."

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En conclusion, cette page 222 , qui clôt le volume I du deuxième manuscrit de partitions de musique commandé par le duc Albert, est une citation auto-réferentielle au premier manuscrit composé par le même copiste de musique Jean Pollet et par le même peintre. On y retrouve la confrontation des deux portraits du musicien et du peintre, qui est une façon de souligner une caractéristique capitale de la musica reservata, sa volonté de peindre par les notes et les rythmes ce qu'exprime le texte. Inversement, le peintre affirme aussi son statut supérieur d'artiste à part entière, qui revendique le raffinement et la complexité technique propre à la poésie, selon le poncif de l'époque, "ut pictura poesis" inspiré d'Horace.

On y retrouve  la volonté de passer à la postérité en associant leur gloire à celle de leur mécène Albert V, qui, à l'époque, est engagé dans une concurrence acharnée avec les cours des duchés italiens pour réunir autour de lui les meilleurs artistes des différents arts, et les plus belles collections de monnaies, de statues, de peintures, de partitions, et, bien-sûr, de livres.

On y retrouve aussi la devise de Hans Mielich, s'assimilant à Apelle pour affirmer que sa peinture est une invention, qu'elle est cosa mentale, une chose intellectuelle saturée de références littéraires et emblématiques, et qu'elle n'est accessible qu'aux connaisseurs.

Enfin, on retrouve, comme un condensé de tout le Mus. Ms. A, voire même du thème principal de décoration des palais que le duc est en train d'aménager ou de concevoir à Munich et à Landshut, la reprise du thème du Mirabar solito, où Albert V était comparé, avantageusement, à Apollon, patron des Muses.

Dans ce premier volume (1565), la place de l'Antiquité grecque romaine (Minerve, Apelle, Ovide, les grotesques des villa romaines)  est encore prépondérante. Cela pouvait se comprendre pour les Motets de Cipriano de Rore, dont seuls 20 sur 26 étaient de la musique sacrée. C'est plus étonnant pour les Psaumes pénitentiels de David, entièrement voués à l'histoire biblique et, sur la figure de David coupable d'adultère par sa concupiscence envers Bethsabée, et de meurtre de son mari Uri le Hittite, entièrement voué au thème de la faute, de la pénitence (mort de son premier fils), du repentir et du pardon.  

Cela changera dans le volume II. La Contre-Réforme sera plus présente, le rôle des Jésuites plus important.

 

 

 

 

 Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ.

Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ.

Minerve et  les Muses, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés  BBS MDZ

Minerve et les Muses, Mus. Ms. AI, folio 222. Droits réservés BBS MDZ

 

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LES PORTRAITS DU VOLUME II (1570) du Mus. Ms. A. 

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I.  Portrait de Roland de Lassus (1570).

A.II page 188.

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00035009&pimage=187&v=150&nav=&l=de

C'est un portrait en pied, de trois-quart, avec ombre portée (éclairage venant de la droite) sur un fond bleu saphir intense, dont les trois tons évoquent en partie une encoignure. Le musicien, par rapport à son portrait de 1565, a pris de l'importance et de l'embonpoint. Il tient un placet dans la main droite, ses gants chamois et sa coiffe de la main gauche. Sa robe de cérémonie, en velours moiré noir, gaufré aux emmanchures, vient, autour du cou, enserrer une haute fraise. Un ruban retient une médaille d'or (qui se retrouve sur un  portrait fait à 39 ans). Il est entouré latéralement par deux cariatides, puis par deux putti porteurs de guirlandes de fruits.

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés BBS MDZ

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Le cadre aux volutes Renaissance est surmonté d'un cartouche portant les mots

                                LEAL IVSQUE A LA MORT.

soit "Loyal jusqu'à la mort".

Leal est un mot de l'ancien français, leial, dérivé du latin legalis, "relatif aux lois", puis "usuel, courant, normal"et qui a donné loyal.

Roland de Lassus l'utilise couramment dans ses courriers dans la formule "trèshumble et leal seruiteur orlando ": 

On peut s'étonner de trouver cette devise (ou simple proclamation de fidélité) écrite en français ancien. Une lettre transcrite par Ernest Closson montre que Roland de Lassus parlait lui-même une sorte de sabir mêlant l'italien, le français (ou le patois montois) et le latin, y compris pour s'adresser au prince Guillaume.

Lettre de Roland de Lassus au duc Guillaume de Bavère (écrite à Munich le 11 septembre 1573).

Très illustre Prince, mon Souverain Seigneur et Maistre.

Je me retreuve avecq la gracieuse letterine que il placuit à Vr~e. Exce mihy scribere. Après menger opportet bibere, je veux dire, in meo sermonibus, que le rens grosse et grasse grâce à Vr~e bonté et Exce, qui se dègne recorder du moibndre de ses petiz serviteurs, de son retour sano et gagliardo et légier d'argento. Dieu face que le mente, ma pur l'aqua corr' al mare. Enquant à la musique que Vr~e Exce m'escrit qu'elle va petit à petit, cela va fort bien, S[en]or, si perche si dice in italiano, pian piano, si va luntano ; librum mutetarum erit completorium, sed nunquam potuerunt habere nec invenire la impresa di Vrã Extia, quale va stampato sotte la Sua imagine, si che l'Adam Berg se donne au cuisiniers d'enfer, et moi je le donne au diable. Quant à la partita d'Anthonia violista, j'ai parlé ad longum con il signor Jacobo Fucarj, e spero que fara bono uffitio per ipsum, si autem veritatem mihj dixit ; quant aux nouvelles de nre Court, elle ne sont oujes d'un sourt . Monsr le duc Albert se treuve pour adesso à Staremberg, et demourera là jusque qui s'en parte ; il ia beacoup d'autre chose à dire, mais je ne les veux escrire. […]

De Monaco, le 11 de settembre 1573,

De V~re Excse,

Très humble et léal serviteur,

 

Orlando Lasso Col...

On se régalera à en lire l'inégralité truculente ici :

https://archive.org/stream/rolanddelassus00clos#page/26/mode/2up/search/leal.

Ce ton familier et enjoué viendra atténuer l'aspect sévère du portrait.

Un autre portrait gravé l'année de son décès est accompagné de la devise, également en français POVR REPOS, TRAVAIL (Jan Sadeler I, 1594)

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http://www.bibliotecamusica.it/cmbm/scripts/quadri/scheda.asp?id=1847,%201848,%20137,

 

 

Le titulus inférieur contient, sur fond de faux marbre vert, les mots suivants :

IMAGO EXCELLENTISSIMI MVSICI

ORLANDI DI LASSVS .SUAE

AETATIS . 40 ANNO.

"Portrait de l'excellentissime musicien Orlando de Lassus à l'âge de 40 ans."

Si cet âge a été calculée sur l'année de naissance de 1532 que nous connaissons aujourd'hui, cela correspond donc à un portrait de 1572. 

 

 

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Roland de Lassus, Mus. Ms. AII. folio 188. Droits réservés BBS MDZ

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II. Portrait de Hans Mielich.

Ce portrait est plus petit que celui du musicien, il se réduit à un médaillon placé, comme pour un monument funéraire, en bas d'un médaillon principal à thème religieux, lui-même placé sur un piétement portant une longue inscription. 

 

 

a) l'inscription.

D.O.M.S. 

AETERNAEQVE MEMORIAE ILLVSTRISS : PRINCIPIS ALBERTI BAVARIAE DVCIS . QVI DVM A GVBERNANDA AMPLISSIMA REGIONE SVA, ET SACRO IMPERIO CONSILIIS INDEFESSE IVVANDO INTERDVM RESPIRATET . QVO ERAT OMNIA LIBERALISSIMA STVDIA. TVM VERO MAXIME ERGA MVSICAM ET PICTVRAM ANIMO, BENINGNE ADMODVM APVD SE FOVEBAT AVDIBATQUE CELEBERRIMVM PER EVROPAM MVSICVM ORLANDVM DE LASSUS, MVLTORUM IBI CANTORVM ET HORVM MUQVOQVE PSALMORVM COMPOSITORES . ET IOHANNIS MVELICHII MONACHENSIS PICTORIS BIBLIACARVM IMAGINUM PRAESENTIVM VNICI COLLECTORIS ARCHITECTI ET INVENTORIS OPERIBVS CONTEMPLANDIS, MEMORANDISQUE SACRIS HISTORIS, TVM HIS .TVM ALIIS OMNIBVS, ILLUSTRISSIMO EXEMPLO DIVINE PENITUS VACABAT.

TOMVS SECVNDNS HOC LOCO ABSOLVITVR.

C'est la même inscription que pour le premier volume, vouant à la mémoire de la postérité le duc Albert protecteur des arts, son musicien Orlando de Lassus et son peintre Hans Mielich, ... mais qui se termine avec la mention "Ici s'achève le second tome". Je tente une nouvelle traduction : le peintre est décrit comme "Ioannis Muelich de Munich, peintre, collectionneur, architecte et inventeur des images bibliques ainsi que des autres histoires  observées et retenues de l'Histoire Sainte, de ce livre entièrement consacré à l'illustrissime enseignement divin."

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b) les tituli des télamons.

Oui, ce lourd panneau est encadré par deux couples (de face et de profil) de télamons, et j'adore utiliser ce synonyme d'atalante pour placer ces mots savants. Celui de gauche est un bel éphèbe glabre, alors que son ascèle acolyte de droite est barbu, cavalièrement accoudé à son cartel, et comme un garde du corps surpris à abandonner la pose pour un brin de causette avec son stagiaire.

Que disent les pancartes ?

 

La résolution de l'image photographique ne me permet pas de lire autre chose que des bribes incertaines incluant le mot dies. Dommage.

c) Le cartouche.

HVNC QVI TAM VARIA DEPINXIT IMAGINE LIBRVM,

AVTORIS VERAM CONSPICIS EFFIGIEM.

IS . SI OPERE EX TANTO (CEU DIGNUS EST) GLORIA SVRGIT,

LAVDEM NON SIBI VVLT, SED TRIBVISSE DEO.

SI QVIS AB INCANTO COMMISSVS CERNITVR ERROR,

ERROREM PROPRIVM VENDICAT IPSE SIBI.

 

Hunc qui tam varia depinxit imagine librum  autoris veram conspicis effigiem. Is, si opere ex tanto (ceu dignus est) gloria surgit, laudem non sibi vult, sed tribuisse Deo.  Si quis ab incauto* commissus cernitur error, errorem proprium vendicat ipse sibi.

*incanto corrigé en incauto dans la transcription de Quickelberg.

"Voici le portrait véritable de l'auteur qui a peint les images si variées de ce livre. Si cette œuvre mérite (si elle en est digne) quelque gloire, il ne veut pas les louanges pour lui-même, mais pour Dieu. Si quelqu'un trouve une erreur commise par imprudence , il la revendique comme sa propre erreur."

 

 

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII. folio 189. Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII. folio 189. Droits réservés BBS MDZ

d) Le "retable" recevant le portrait de Mielich.

L'ovale centrale est comme adossé à une façade traitée à l'antique, et il est présenté par deux femmes POLYPONIA et EVSEBIA. C'est pour moi une nouvelle énigme. Polyponia tient un piquet et un compas, alrs qu'Eusébia tient contre sa hanche un objet indistinct, un livre peut-être. Elles sont toutes les deux coiffées d'un voile, et portent une longue tunique bandée sous la poitrine par une large ceinture. Elles ont, à leur pieds, les débris de colonnes  grecques et de temples, et, à leur coté, un angelot tenant l'un un chardon, l'autre une ronce, deux plantes à connotation péjorative. 

Mes recherches restent vaines. En 2002, Kurt Léocher écrivait :Die allegorischen Frauengestalten sind als Polyponia - die Polyphonie (Mehrstimmigkeit) - und Eusebia - die Frömmigkeit - ausgewiesen." . "Les Allégories féminines sont Polyponia –la Polyphonie, et Eusebia — la Piété  expulsées."  Je retrouve bien, dans la religion nomme héllenisme, Eusebia définit comme l'allégorie de la Piété, mais je ne trouve aucune Polyponia, hormis sous la forme d'un genre de lépidoptères. En outre, on ne voit pas pourquoi la Polyphonie (donc la musique de de Lassus) serait mise au rebus, et pourquoi elle aurait en main les instruments d'un géomètre. Chez Socrate, polyponia correspond à la pratique de plusieurs exercices athlétiques. Quant à Eusebia (Eusebeia), cette notion de la philosophie grecque du respect des choses sacrées a été reprise dans le Nouveau Testament, et sa disqualification paraît étonnante. 

Quoiqu'il en soit de cette scène, son entablement porte l'inscription SOLI DEO HONOR ET GLORIA, "A Dieu seul (revient) l'Honneur et la Gloire". Un chérubin couronne le tout. 

Les dames de l'Ancienne Grèce entourent un grand médaillon de fond bleu représentant l'Annonciation (Gabriel à gauche, la Vierge prononçant tacitement le Fiat à droite) sous le regard de Dieu le Père, bénissant et tenant le globe terrestre parmi douze angelots, sans oublier la colombe fécondatrice au dessus de la tête de Marie.

Enfin, tout autour, on lit l'inscription :

 ECCE VIRGO CONCIPIET ET PARIET FILIVM ET VOCABITVR NOMEN EMANVEL. BVTRVM ET MEL COMEDET VT SCIAT REPROBARE MALVM ET ELIGERE BONVS. ESAIA VII.

Ecce Virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen Emanuel. Butrum et mel comedet ut sciat reprobare malum et eligere bonusEsaia VII.

La première phrase est bien connue, puisqu'il s'agit d'une citation du verset d'Isaïe 7:14 qui est systématiquement associé au thème de l'Arbre de Jessé puis dans la théologie de l'Immaculée Conception pour témoigner du fait que l'Incarnation a été annoncée dans l'Ancien Testament : "[Aussi bien le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe :]  Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel." 

La seconde phrase, débutant dans sa version exacte par  Butyrum (la lettre I oubliée par le peintre a été suscrite), est le verset suivant Isaïe 7:15, moins souvent cité : "De crème et de miel il se nourrira, sachant rejeter le mal et choisir le bien."

C'est donc une présentation typologique de l'Incarnation et, indirectement, une affirmation de l'Immaculée Conception de Marie, à la dernière page d'un corpus tout entier consacré à l'Ancien Testament, et, dans celui-ci, au thème de la faute commise par David.  Cette faute sexuelle par l'adultère avec Bethsabée, ce crime de sang par le meurtre de Urie, le mari, sont au cœur de la culpabilité du roi David, fils de Jessé, et ces péchés  vont conduire à la punition ( Bethsabée perd son premier enfant), puis au repentir sous la conduite du prophète Nathan, puis au pardon avec la naissance de Salomon. C'est l'origine de la lignée des rois de Juda, et cet élément figure dès les premières lignes de l'évangile de Matthieu énumérant les ancêtres du Christ :Mat. 1:6 "Le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie ; 1:7 Salomon engendra Roboam." . Les tout premiers mots de l'évangile (son Incipit) sont  Liber generationis Iesu Christi filii David "Généalogie de Jésus-Christ, fils de David."

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e) le portrait de Hans Mielich.

Inclus dans cette mandorle sacrée et cette scène originelle du Christianisme, le portrait du peintre prend la place reservée, dans les rétables, aux Donataires : dans l'espace sacré et au contact de la Divinité.

L'inscription indique :

EFFIGIES IOANNIS MIELICHII PICTORIS MONACENSIS AETATIS SUAE ANNO LV -1570-

"Portrait de Hans Mielich peintre de Munich à l'âge de 50 ans ; 1570." . La naissance du peintre est donc placée en 1520, ce qui le rajeunit de 4 ans par rapport à ce que nous considérons aujourd'hui.

Il est richement vêtu d'un manteau d'étoffe noire, au col très haut, recouvrant une autre pièce (veste ? Robe ?) de même couleur, et dont la coupe est la même que sur le portrait précédent. Sa barbe a considérablement blanchi.

f) Discussion.

Si on compare ce portrait du volume II de 1570 avec celui du volume I de 1565, le changement ne tient pas tellement au vieillissement des traits qu'au bouleversement radical de la mise en scène. Toute référence aux Muses, à Minerve, et aux Métamorphoses d'Ovide à disparu, de même que la devise Ne Sutor Ultra Crepidam qui renvoyait au peintre de l'Antiquité Apelle. Le culte humaniste de l'Antiquité grecque et romaine  se trouve aboli au profit du culte chrétien. Marie prend la place de Minerve.  Barbara Eichner (Oxford Brookes University) a  présenté un exposé intitulé Protecting the Muses, promoting the Church: Lassus’ Patrocinium musices reconsidered. Les deux termes placés ici en gras me semblent résumer le basculement entre 1565 et 1570.

Le premier volume rendait hommage au duc Albert V comme Protecteur des Arts (dans l'impulsion du poème de Stopio Mirabar solito mis en musique par Cipriano de Rore dans le manuscrit Mus.MS B). Ce second volume rompt avec cette métaphore et honore Albert V comme Promoteur de l'Église et du catholicisme tridentin. Il s'ouvre par une présentation de la Chapelle de cour où est suspendue la statue grandeur nature de la Vierge de l'Apocalypse, dans le concept théologique du Péché, de l'Incarnation, de l'Immaculée Conception et de la Vierge médiatrice de la Rédemption. 

Je vais donc consacrer mon prochain article à l'analyse des enluminures de Mielich donnant à voir la formation musicale de Roland de Lassus jouant dans cette chapelle et sous cette statue.

 

 

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII . Droits réservés  BBS MDZ

Portrait de Hans Mielich, Mus. Ms. AII . Droits réservés BBS MDZ

Nous disposons donc de trois autoportraits de Mielich, datant de <1559 (Mus. Ms. B), 1565 (Mus. Ms. AI) et 1570 (Mus. Ms. AII). Je replace ici le premier : 

 

 

 

 

Hans Mielich portrait, 1565, Mus. Ms. B, droits reservés MDZ BBS.

Hans Mielich portrait, 1565, Mus. Ms. B, droits reservés MDZ BBS.

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III. L'équipe artistique et rédactionnelle du manuscrit des Psalmi pœnitentialis.
Quickelberg conclue son deuxième volume de commentaires par cette phrase :

Ancre Et sic cum laude dei omnipotentis hic secundus Tomus absolvitur die vigesima mensis Junii Anno Millensimo quingentesimo Septuagesimo.

"Ainsi le second tome se termine par la louange du Dieu Tout-puissant, le vingtième jour du mois de Juin 1570."

Lorsque nous tournons la page, nous trouvons quatre médaillons dont la légende est circonscrite et qu'il nous reste à déchiffrer. Mais, pour que la photo de groupe soit complète, rendons-nous d'abord au premier volume des Commentaires de Quickelberg, celui correspondant au Mus. Ms AI. Avec la formule finale Anno Domini MDLXV Mense septembri absoluta (terminé au mois de septembre de l'année de Dieu 1565) , il nous donne deux portraits, le sien, et celui son associé Frieshamer.

 Portrait de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035012/images/index.html?id=00035012&fip=qrssdaseayaenxdsydyztseneayawfsdr&no=11&seite=301

a) Portrait de Samuel Quickelberg

Inscription : SAMVEL A QVICCHELBERG BELGA HANC PSALMORUM DECLARATIONEM FECIT 

"Samuel Quickelberg, Belge, a fait ces commentaites des Psaumes.'

 

Il porte le manteau à col montant et au revers doublé de soie, un gilet à passement en brandebourg sur le plastron, la fraise blanche et haute , trois tours de chaîne d'or et une médaille d'or (qui, puisque nous l'observons régulièrement ici, semble récompenser les membres de la cour bavaroise). Ici, on y distingue un profil. Enfin, il porte, et c'est aussi une constante, la barbe, aux reflets châtain clair sur les joues roses.

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Né en 1529 à Anvers dans une famille de marchands, Samuel Quickelberg dut émigrer avec son père pour des raisons confessionnelles en 1539 à Gand puis à Nuremberg ; Entre 1548 et 1549 il est inscrit à l'Université de Bâle, puis se déplace à Ingolstadt en 1550, où il est précepteur des enfants de Jacob Fugger. Outre les Arts, il étudie la médecine. En 1553 il entreprend à Nuremberg aupès du pharmacien Georg Öllinger (1487-1557) un vaste Herbier. En 1555, il devient le médecin personnel d'Anton Fugger, avant de rentrer au service de Hans Jacob Fugger qui lui confie la charge de sa bibliothèque et de ses autres collections. En raison des liens de H.J. Fugger avec le duc Albert V, il joue un rôle de plus en plus important à la cour de Bavière, de sorte que ses dernières années sont entièrement occupées à des taches confiées par le duc. La supervision, et la rédaction de ses Commentaires de la luxueuse copie enluminée des 23 Motets de Cipriano de Rore (Mus. Ms. B) s'étend de 1557 à 1559, celle des Psaumes pénitentiels de de Lassus (Mus. Ms. A) de 1563 à 1568, date de son décès, deux ans avant la fin du travail en 1570. 

En 1563, il voyage en Italie, où il visite des collections célèbres, comme celle du médecin Ulysse Aldrovandi à Bologne ou du juriste Marc Mantova Benavides à Padoue, et procède à des achats pour les collections ducales.

En outre Quickelberg avait commencé plus tôt une biographie de Roland de Lassus. Cependant l'œuvre à laquelle Quickelberg doit sa réputation est l' Inscriptiones vel tituli theatri amplissimi (1565), qui conçoit l'organisation d'un musée idéal et de sa bibliothèque, en se basant sur la préparation  de la Kunstkammer de Munich, et qui donne, dans sa dernière partie,  un aperçu des collections existantes qu'il avait examiné en Italie. Bien qu'il ait reçu des suggestions  de Giulio Camillo ou de Conrad Gesner, présente son livre est le premier traité  traité théorique de la pratique des collections, qui fait de lui  le premier muséologue d'Allemagne. Ses Inscriptiones eurent un  impact durable sur la présentation des Musées d'art et Cabinets de curiosités comme celui de le Ferdinand II au château d' Ambras ou de Rodolphe II à Prague.

Outre ce portrait, Quickelber est représenté, de profil, sur une médaille de 1563 :

 

Biographie d'après Dur (Helmut), 2003 "Quicchelberg, Samuel" dans: Nouvelle Biographie allemande 21 , pp 44-45 [version en ligne]; URL: http://www.deutsche-biographie.de/ppn119331535.html

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b) Portrait de Mathias Frieshamer .

MATHIAS FRIESHAMER MONACHIENSIS HAEC OMNIA HUC TRANSCRIPSIT

 

A la mort de Quickelberg, Mathias Frieshamer, de Munich, a poursuivi le travail de rédaction de ces commentaires. Mais puisqu'il figure déjà sur le premier volume de commentaire, il était peut-être déjà le collaborateur de Quickelberg. Emile Naumann (1886) le donne page 389 comme le calligraphiste chargé des lettrines en or et couleurs. Selon J.W. Bradley, c'est le copiste qui écrivit le volume de Commentaires sous la dictée de Quickelberg, ce qui me semble plausible. Je découvrirai plus tard qu'il est secrétaire de chancellerie.

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Portraits de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS AI

Portraits de Samuel Quickelberg et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS AI

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Retour aux Commentaires du Mus. Ms. AII : c'est cette fois-ci quatre médaillons qui nous sont offerts.

 

Portraits, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

Portraits, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

c) Portraits de Caspar Lindel et de Mathias Frieshamer. Erläuterung 1570, folio 158v.

c1) Caspar Lindel 

Inscription : 

 

CASPARVS LINDELIVS  I.V . DOCTOR SVAE CELST  CONCILIIS ET SECRETIS ---

H.F Delmotte lit Casparus Lindelius Jus Utrq. Doctor suae Celsitudinis a conciliis et secretis. Bradley lit Casparus Lindelius Juris Utriusque Doctor suae Celsitudinis a conciliis et secretis

Faut-il traduire Doctor Celstitudinis par "Médecin de son Altesse (le duc) ? L'expression concilii a secretis désigne un secrétaire de Concile (pour des évêques) et, sans-doute, ici, un secrétaire de Conseil, dans les deux cas un poste éminent.

 

Bardley écrit "He was the coadjutor of Hans Mielich in the invention and application of the allegorical designs". Selon H.F. Delmotte, "C'est lui qui a supervisé la réalisation de l'ouvrage tout entier" Il est représenté (comme Frieshamer) avec une médaille d'or, en sautoir, suspendue à un ruban blanc.

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c2) Mathias Frieshamer.

Inscription : MATHIAS FRIESHAMER MONACEN IN MEM-ANIS   HOC OPVS PROPRIA MANV EXSUTESIT

Lecture de H.F. Delmotte et de Bradley : Mathias Frieshamer monacensis in membranis totum hoc opus propria manu exipsit (sans-doute pour exscripsit). Nous verrons qu'il apparaît dans les registres de comptablilité de la cour comme  secrétaire de la chancellerie de cour  :Mathias Frißhamer Hofkanzlei schreiber, ou Matheisen Frißhamer

 

 

 

  

 

Portraits de Casparus Lindelius et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

Portraits de Casparus Lindelius et de Mathias Frieshamer, in Quickelberg, Erläuterungen Mus. MS A II.

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d) Portraits de Georgius Seghkein et Casparus Ritter.

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d1) Georgius Seghkein.

Inscription : GEORGIVS SEGHKEIN VNGARVS AURIFABER CLAVSTRIS EXORNAVIT.

"Georges Seghkein orfèvre a réalisé les fermoirs."

Georgius Seghkein est l'orfèvre hongrois qui a ciselé les garnitures en vermeil et en argent des quatre volumes. Il reçut 1138 florins et 11 kr pour son travail et les matières premières. Il employa 15 livres d'argent, 15 Pfund Silbers  pour les pièces de métal des quatre volumes. 

 Le livre des comptes de la cour mentionne une somme de 983 florins pour l'année 1565 (219 pour la matière première, 764 pour le travail), et 1138 florins en 1572, soit 2121 florins au total.  

d2) Casparus Ritter.

 

Inscription CASPARVS RITTER HOC OPVS ILLIGAVIT.

"Casparus Ritter a relié cette ouvrage."

 

 

Portraits de l'orfèvre Georgius  Seghkein et du relieur Casparus Ritter, in Quickelberg, Erläuterungen folio 158v, Mus. MS A II.

Portraits de l'orfèvre Georgius Seghkein et du relieur Casparus Ritter, in Quickelberg, Erläuterungen folio 158v, Mus. MS A II.

 

 Les volumes sont décrits ainsi : Quatre volumes in-folio, reliés en maroquin rouge et garnis en vermeil ciselé et émaillé ; le poids de la garniture en métal d'un volume équivaut à six livres. Chacun des coins du plat figure une tête de lion ; au milieu du plat se trouvent les anciennes armoiries de Bavière. Chaque volume est fermé par quatre serrures à clef, dont deux en argent et deux en vermeil. Les volumes sont d'inégale grandeur ; les tomes 1 et 2 renferment les psaumes mis en musique ; ils sont hauts de trois palmes et larges de deux palmes et plus (ou 60 x 44 c). Les deux autres, plus petits (39 x 27 c), contiennent les commentaires de Quickelberg.

Le lion est l'animal emblématique du duc (et la lionne, celui de la duchesse).

 

 

 

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur,Armoiries ducale, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

Georges Seghkem, orfèvre et Casparus Ritter, relieur,Armoiries ducale, Reliure du Mus. MS A, MDZ, BBS.

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Les comptes. 

Après avoir passé mon après-midi d'un jeudi de l'Ascension à chercher vainement des informations sur les artisans et artistes figurés en portrait, je trouve dans la publication suivante Taschenbuch für die vaterländische Geschichte. Hrsg. v. Hormayr ..., Volume 33 Par Joseph Freiherr von Hormayr,Alois Freiherr von Mednyanszky, à la page 244, un chapitre V intitulé Orlando di Lasso, oberster Kapellmeister der banerischen Herzog Albrecht V. und Wilhem V., qui me donne des micro-informations, notammentà la page 273 avec l'Aufzüge aus den Hofkammer Rechnungen 1558-1574, c'est-à-dire un relevé des factures de la chambre des comptes du duché, trié pour ne conserver que ce qui intéresse Roland de Lassus et sa musique.

Ainsi :

1564 ;

  •  Hans Mielich pour un livre : 1000 florins.
  • Math. Fritzhamer Hofkanzleyschreiber umb ein Viertl Bigment zu Dr Quichelpergers ....8 florins 1 b 22 dl 1t

1565:

 

  • Samuel Quichelberg .........100 florins

  • Dem hundertpfund Kunzmaister [Georgius Seghkein] umb Silber so er dem Unger Goldschmid wegen Beschlagung eines Buechs geantwort ......219 florins, 6..12...1....

  • Dem Unger Goldschmid  [Georgius Seghkein] um arbeit wegen Beschlagung eines Buechs .......764 florins.

  • Matheisen Fritzhamer kanzleischreiber aus Gnaden, umb das er mit schreiben in sachen fo Quichelpergers under handen, gebraucht worden......32 florins

  • Mielich Malers Gefellen Drinkgelt oder Vererung.........12 florins 

1566

 

  • Auf Sonnderm Befelch eines genedogen Fürften und Herrn ist Hannsen Muelich Malern allhie auf Arbait und zu Malung aines Gefang Buechs vermög übergebener Bekhanntnus auf vorige empfangene 1000 Gulden bezalt worden : …...............800 florins.
  • Wegen der jungen Fûrsten, als mein gnedig Herrn bei dem Orlando und dann bei Sand Peter in Dechantshof geessen …................5 florins.
  • Dem Samuel Quichelberg aus Gnaden …........200 florins

.

1567

1572

  • Nachdem Georg Sockhein, Unnger, Goldschmidt, meinem genedigen fürsten und Herrn drei grosse gefang Büecher mit seinem Silber beschlagen und Geschmelz ; auch solche Buecher Irn fstl Gnaden Anno 66.71. und 72. überanthwort, haben die beschlecht zu gemelten drei Buechern gewogen 41 Mark 12 Lot 2 Quint ; die Mark per 29 fl. Geraitt, thuet an gelkt 1211 fl. 391/2 kr. – daran wirdet abgezogen 73 fl. 281/2 kr. Von wegen 6 Mark 3 quint (?) Silber, se Im aus fstl. Müntz ist geben worden, Rest Roch 1138 fl. 11 kr. Die ich Zallmaister gedachtem Unnger bezalt uundt vermig aines beilingenden underschriebenen Zelt hiemit in ausgab einpring  :1138 Florins 1b 81/2 dl.​Etc...

(On pardonnera mes erreurs de copie et on se rapportera au document indiqué)

 

https://books.google.fr/books?id=Pn9UAAAAcAAJ&pg=PA274&dq=seghkein&hl=fr&sa=X&ei=vANVVdKFOYP8ULS3geAC&ved=0CCUQ6AEwATgK#v=onepage&q=seghkein&f=false

SOURCES ET LIENS :

— Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, Volume 7 :page 191

https://books.google.fr/books?id=624TAAAAQAAJ&pg=PA192&dq=%22In+corde+prudentis+requiescit+sapientia%22+lassus&hl=fr&sa=X&ei=aBFRVf2lGe3fsATc1oDABg&ved=0CCUQ6AEwAQ#v=onepage&q&f=false

— BARNES (Molly),2011,The Notion and Practice of Musica Reservata   and the Motets of Adrian Willaert’s Musica Novahttps://www.academia.edu/5518341/The_Notion_and_Practice_of_Musica_Reservata_and_the_Motets_of_Adrian_Willaerts_Musica_Nova

— BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

BERQUIST (Peter), éditeur, 19901,The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis Par Orlando di Lassus

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&pg=PR19&lpg=PR19&dq=Seghkein&source=bl&ots=OMXz8sby0r&sig=eTNBm7zMdg3I8N5AQTwYOIREJqg&hl=fr&sa=X&ei=eRJSVcCcJ4KBU9fxgdgN&ved=0CEIQ6AEwBw#v=onepage&q=Seghkein&f=false

— BERQUIST (Peter), éditeur, The Complete Motets 9: Patrocinium musices, prima pars (Munich, 1573) Par Orlande de Lassus   :https://books.google.fr/books?id=TJrSKKuGV6kC&printsec=frontcover&dq=Patrocinium+musices&hl=fr&sa=X&ei=L_VRVZ3eOsfwUOufgKgB&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=Patrocinium%20musices&f=false
 BRADLEY ( John William) , 1888 A Dictionary of Miniaturists, Illuminators, Calligraphers and Copyists,...

https://archive.org/stream/adictionarymini02bradgoog#page/n342/mode/2up/search/lindelius

—  BOSSUYT (Ignace) « The copyist Jan Pollet and the theft in 1563 of Orlandus Lassus « Sercret »  Penitential Psalms » From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders Par Albert Clement,Eric Jas page 262

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA262&lpg=PA262&dq=lindel+mielich&source=bl&ots=xyuNPQpN8x&sig=2lfFoBPITIPcndpKiCuNqF0AC3I&hl=fr&sa=X&ei=_MdPVYmTM8zvUo3agLgK&ved=0CEYQ6AEwBQ#v=onepage&q=lindel%20mielich&f=false

CLOSSON (Ernest), 1919, Roland de Lassus, Burnhout, Ets Brépols, Serié Les Grands Belges,  36 pages. Ernest Closson (1870_1950) est un musicologue belge. 

https://archive.org/stream/rolanddelassus00clos#page/n7/mode/2up

DECLÉVE, (Jules) 1894, Roland de Lassus, Sa vie, son œuvre, Mons.

https://archive.org/stream/rolanddeslassuss00decl#page/n5/mode/2up

— DELMOTTE (Henri Florent), 1836, Notice biographique sur Roland Delattre: connu sous le nom d'Orlando de Lassus, A. Prignet, 176 pages. pages 132-139.

https://books.google.fr/books?id=XmVDAAAAcAAJ

—  EICHNER (Barbara), 2012, Protecting the Muses, promoting the Church: Lassus’ "Patrocinium musices" reconsidered. (Oxford Brookes University)

— GUTKNECHT (Dieter), 2009,  Musik als Sammlungsgegenstand Die Kunstkammer Albrechts V (1528-1579) in München Wiener Musikgeschichte: Annäherungen - Analysen - Ausblicke ; Festschrift ... publié par Julia Bungardt,Maria Helfgott,Eike Rathgeber,Nikolaus Urbanek, pages 43-66.

https://books.google.fr/books?id=sh3X7YoDq2wC&pg=PA54&lpg=PA54&dq=%22johannes+milichius%22+mielich&source=bl&ots=vfaECHachT&sig=fN9eHzcVeZzB1AckNDKXukn9sU8&hl=fr&sa=X&ei=pzBPVauZL8bbU9bdgagE&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=%22johannes%20milichius%22%20mielich&f=false

 LÖCHER (Kurt), 2002  Hans Mielich, 1516-1573: Bildnismaler in München Deutscher Kunstverlag,- 279 pages

NAUMANN (Emil), 1886, History of Music I .

https://archive.org/stream/historyofmusic01naum#page/380/mode/2up

— RAINER (Bernhard), 2012, La distribution originale des psaumes de pénitence, in  commentaires du disque "Musica reservata, Secret music for Albert V" par Profetti della Quinta, Dolce risonanza :

file:///C:/Users/jean-yves/Pictures/H,ans%20Mielich/Orlando%20de%20Lassus/PN+0323.pdf

 — SANDBERGER (Adolf), 1864-1943 Ausgewählte Aufsätze zur Musikgeschichte, https://archive.org/details/ausgewhlteaufs00sand

— SMITH (Charlotte) 1983, Orlando di Lasso 7 penitential Psalms with 2 laudate Psalms : An Ddition of Munich, bayerische Staatsbibliothek Mus. MS. A, I and II

https://books.google.fr/books?id=qSu6r2byCTkC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

SCHMIDT-BESTE (Thomas), 2008, "Dedicating music manuscripts"  in "Cui Dono Lepidum Novum Libellum?" Par Ignace Bossuyt , Leuwen University Press page 98-99

https://books.google.fr/books?isbn=9058676692 

SCHÜTZ (Lieselotte) 1966 Hans Mielichs Illustrationen zu den Busspsalmen des Orlando di Lasso

Munich., 1966 - 147 pages. Thèse soutenue en 1967. Non consulté.

— WEININGER (Florian), 2012, Un tableau illustre mis en musique, in commentaires du disque "Musica reservata, Secret music for Albert V" par Profetti della Quinta, Dolce risonanza :

file:///C:/Users/jean-yves/Pictures/H,ans%20Mielich/Orlando%20de%20Lassus/PN+0323.pdf

— ZIMMERMANN (Max Georg),1895, Die bildenden künste am hof herzog Albrecht's V. von Bayern J. H. E. Heitz,  - 132 pages page 98-99 et page 108:

https://archive.org/stream/diebildendenknst00zimm#page/98/mode/2up

— Sur la musique baroque et ses instruments : http://classic-intro.net/introductionalamusique/baroque3.html

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Published by jean-yves cordier - dans Mielich
10 mai 2015 7 10 /05 /mai /2015 11:06

Autoportrait de Hans Mielich : Ne Sutor Ultra Crepidam.

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Source de l'image : Mus. Ms. B folio 303.

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089633/images/index.html?id=00089633&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=9&seite=26

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089633/images/index.html

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Les commentaires de Quickelberg.

En 1564, Samuel Quickelberg médecin bibliophile qui fut le bibliothécaire de Hans Jacob Fugger a rédigé un volume de commentaires descriptifs du Mus. Ms. B. Ces commentaires sont conservés avec le manuscrit, sous la cote Mus. Ms. B(2), Erläuterungsband zum Chorbuch. La page qui nous intéresse est commenté aux pages 90-91 :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=12&seite=185

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Le magnifique manuscrit Mus. Ms. B qui provient de la bibliothèque du duc Albert V de Bavière et qui est conservé à la Bibliothèque Nationale de Bavière se termine par deux portraits : celui du peintre Hans Mielich qui a enluminé 82 de ses 304 pages, et celui du musicien Cipriano de Rore, dont les 26 motets sont copiées pour l'usage privé du duc.

Alors que le portrait du musicien occupe toute la page, celui du peintre, bien plus petit, est placé dans le quart inférieur du folio, en dessous d'une inscription en lettres capitales. On y lit :

GRATAE POSTERITATI SE COMMENDANT :

CYPRIANVS DE RORE MVSICVS

ET IOANNES MILICHIVS MONACH

IEN, PICTOR : HVIVS OPERIS AUTHOR

ES. QVORVM VTERQue SVA INDVS
TRIA ALTERIVS ARTEM CELEBRI

OREM REDDIDIT. PRIOR ENIM

AVRIBVS, POSTERIOR OCVLIS

MIRIFICE SERVIT.

 Cypriano de Rore, musicien,  et Jean Mielich, de Munich, peintre, se recommandent à la gloire de la postérité : ils sont les auteurs de cette œuvre, chacun ayant rendu hommage à l'art de l'autre par son travail. Pour le ravissement de l'oreille d'abord, et des yeux ensuite. (Traduction libre et personnelle).

Enluminure des Motets de Cipriano de Rore, Hans Mielich folio 303, Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

Enluminure des Motets de Cipriano de Rore, Hans Mielich folio 303, Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

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Cette inscription est inscrite dans un cadre rectangulaire grotesque avec volutes, masques, atalantes et têtes de griffons, sur un fond de verdure et de rinceaux de vigne, de fleurs en grappes et en guirlandes, de fruits oblongs avec poires et coings. Deux figures en grisaille bleutée flanquent ce cadre; la plus caractéristique est une sorte de faune moustachu qui sert d'allégorie du dessin puisqu'il tient un compas d'une main et un octoèdre de l'autre. Des objets sont suspendus au dessus, comme une palette et des pinceaux. A droite, c'est une femme gracieuse, à sa toilette peut-être, que les objets pendus au dessus d'elle (un livre) pourraient servir à identifier si je les reconnaissais.

Commentaire de Quickelberg :

Genii et termini frequentes circulos et corpora mathematica, huic rei conuenientes, tractant sustinentque.

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En dessous se trouve le portrait de Hans Mielich, dans un médaillon ovale semblable à celui des portraits du duc Albert V et de la duchesse Anne d'Autriche, qui occupaient les premières pages du volume. Il est entouté de l'inscription PICTOR IOANNES MIELICH.

Mielich  se représente dans la posture du peintre faisant son autoportrait, c'est-à-dire de trois-quart, en buste. Puisqu'il est né en 1516 et que le livre a été achevé en 1559, il est donc âgé de 42 à 43 ans, ce que confirme le début d'une calvitie androgénique des golfes temporaux.

Comme tous les peintres à Munich, comme De Rore, comme le duc Albert V,  il porte la barbe, ici taillée en deux U revenant vers les lèvres et cernant le menton, la concavité du U recevant une virgule de poils venant de la moustache. Il est vêtu d'un pourpoint de soie grise à reflets violets, dont l'étoffe est resserrée en une discrète fronce à l'emmanchure. La couture des épaules semble décorée par un petit ruban. Une fente en avnt permet l'enfilage. Le col, haut et étroit, est doublé de fourrure, et il rehausse la fraise au ras de la tête. 

Commentaire du Quickelberg :


Ioannis Muelich pictoris Monacensis, et inventoris huic operi insectarum imaginum effigies est a se picta cum esset annorum xxxxv.

"Jean Muelich, peintre de Munich, et inventeur de cette œuvre s'est peint à l'âge de 45ans."

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Hans Mielich, autoportrait, folio 303, Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

Hans Mielich, autoportrait, folio 303, Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

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Le cadre portant l'inscription supporte un cartouche supérieur où le style grotesque se donne libre court, avec des animaux dénaturés évoquant ceux des marginalia, ou les inventions de Jérôme Bosch : insectes ou crapauds fantastiques, poule à corps fait d'un tonneau embroché, rébarbatifs volatils plumés et déplumés  s'affontant en des joutes de longs becs criards. Deux de ces bestioles s'en prennent aux cheveux d'un homme sauvage, qui hurle et roule des yeux au sommet de l'image.

Mais le plus significatif de cette page est le tableau que contient ce cartouche. Pour cette peinture dans une peinture, livrons-nous tel un Balzac à une ekphrasis dans l'ekphrasis (j'en jette!). 

Un tableau est posé sur un chevalet, où on discerne Hercule assis sur un lion couché. Chaque membre de la cour d'Albert V sait que la famille des Wittesbach prétend descendre de ce héros, comme il sait que le Lion couché est chez elle emblématique de la maîtrise de la force. Les deux portraits d'Albert V et d'Anne d'Autriche page 3 et 4 sont d'ailleurs des médaillons sur des lions allongés. Chacun devine donc derrière cet Hercule au lion le tableau du duc de Bavière. Or, devant cette toile, huit personnes (des courtisans) adoptent des postures qui sont tout sauf amènes et admiratives : l'un, barbu et imposant, s'approche pour scruter un détail, l'autre  recule avec dédain, les bras se lèvent, on entends les lazzi et les quolibets fuser. L'un d'entre eux (celui qui se recule), porte un tableir de cuir, une courte serpe, et un tranchoir passé à la ceinture : c'est un cordonnier.

Derrière la toile, un homme, auteur à n'en point douter du chef-d'œuvre ("C'est une croûte !"  crie-t-on derrière moi), à demi-allongé sur un canapé, lève l' index pour désigner l'inscription qui couronne le tout : NE SUTOR ULTRA CREPIDAM. Remarquez au dessus de lui le cuir " de gueule à trois meubles d'or" . Mes recherches sur d'eventuelles armoiries de la famille Mielch/Muelich n'ont pas été concluantes.

Cette devise a reçu à notre époque décrépie ses traductions vulgaires et altérées  : "laisse pisser le mérinos", "les chiens aboient, la caravane passe",  "occupez-vous de vos oignons" ou "la bave du crapaud n'atteint pas la fière colombe" .

Le sens exact en latin est  "Que le cordonnier ne juge pas au delà de la chaussure". Pensez à  "A chacun son métier, les vaches seront mieux gardées", ou encore à "De quoi j'me mèle ?". En anglais : "Let the cobbler stick to his last".

La devise, et la peinture, se rapportent à un épisode de la vie du peintre grec du IVe siècle avant notre ère Apelle de Cos (le plus grand peintre ayant jamais existé, mais dont on ne conserve aucune œuvre). On sait que l'œuvre la plus connue de ce dernier était La Calomnie, peinte après avoir été accusé par son concurrent Antiphilos, et mené en prison. Ici, l'anecdote rapportée par Pline l'Ancien veut qu'un cordonnier (sutor en latin) ait trouvé à redire au dessin d'une sandale. De sandale, l'artisan parlait en orfèvre, et Apelle admis la remarque. Mais voici que le sutor suit la ligne de la jambe, quitte le champ de ses compétences et s'aventure dans la prairie du reste de la peinture, critiquant ceci et dénigrant cela. C'est alors que le peintre sentit la moutarde lui monter au nez, et qu'il s'écria cette réplique historique : Sutor, ne supra crepidam : "Cordonnier, pas au delà de la crépide !" . 

N.B La crépide (krepidos, krepis) est à l'homme grec ce qu'est le sandalion à la femme, une sandale ne couvrant que le talon et la plante du pied et attachée par des lanières . Mais dans la koiné des évangélistes, le Christ porte le sandalion : Marc 6:9 et Actes 12:8. Rien à voir avec Crepidula fornicata, dont la forme évoque plutôt un bonnet phrygien qu'une sandale.

 


En anglais, on nomme depuis 1819 ultracrepidarian une personne pédante, généreuse en  avis ou en conseils sur les choses au-delà de sa compétence. – Ah, vous en connaissez aussi ?


— PLINE l'Ancien, Histoire Naturelle Livre XXXV, 36 

" Apelle avait une habitude à laquelle il ne manquait jamais : c'était, quelque occupé qu'il fût, de ne pas laisser passer un seul jour sans s'exercer en traçant quelque trait; cette habitude a donné lieu à un proverbe. Quand il avait fini un tableau, il l'exposait sur un tréteau à la vue des passants, et, se tenant caché derrière, il écoutait les critiques qu'on en faisait, préférant le jugement du public, comme plus exact que le sien. On rapporte qu'il fut repris par un cordonnier, pour avoir mis à la chaussure une anse de moins en-dedans. Le lendemain, le même cordonnier, tout fier de voir le succès de sa remarque de la veille et le défaut corrigé, se mit à critiquer la jambe: Apelle, indigné, se montra, s'écriant qu'un cordonnier n'avait rien à voir au-dessus de la chaussure; ce qui a également passé en proverbe." 

—  VALERE MAXIME, Des faits et des paroles mémorables, 8,12 :3. :

 Mirifice et ille artifex, qui in opere suo moneri se a sutore de crepida et ansulis passus, de crure etiam disputare incipientem supra plantam ascendere uetuit. 3. J'admire encore cet artiste qui, à propos d'une de ses oeuvres, voulut bien écouter les avis d'un cordonnier sur la chaussure et les courroies, mais qui, lorsque celui-ci se mit à critiquer la jambe, lui défendit de s'élever au-dessus du pied. 

Samuel Quickelberg commente ce cartouche ainsi :

Apellis apophthegma, qui permisit quidem ut de suis operibus palam expositis iudicaretur, quo scire posset quid optimi quique emendandum putarent, sed importune tandem garriendi sutori respondit : NE SVTOR VLTRA CREPITAM. Hoc ergo exemplus adducens pictor illud unum in votis habuit ut inspectores in tam immenso labore, tum huic operi, tum aliis quae subin de Illustrissimo Principo Alberto Bavaria duci paraui, impenso sibi parcerent, si singula minus subtiliter essent elaborata et exposita. Maiestatem enim inventionis et dispositionis ipsi laudem perpetuam parituram nullo modo diffidebamus.

.

Si le choix de cette devise, et de la façon dont elle est représentée, a un sens, on comprend mieux que les petits monstres animaux, entourant le cartouche, sont les caricatures des vilains nigauds qui importunent l'artiste. Dès lors, ce thème de l'artiste confronté à la Bêtise et à l'Ignorance, mais réservant son art aux happy few éclairés capables d'en goûter les subtilités, rejoint directement celui du Hibou attaqué par les oiseaux gravé par Dürer, et celui du Hibou au Caducée confronté aux gueules du serpent et d'un oiseau de Hoefnagel, voire même celui du Clou frappé par Bêtise et Malveillance et qui s'en trouve grandi,  du même Hoefnagel, tels que je les ai étudiés ici :

http://www.lavieb-aile.com/2015/03/le-hibou-au-caducee-chez-joris-hoefnagel.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/04/le-hibou-au-caducee-de-joris-hoefnagel-pour-une-allegorie-de-la-paix-l-allegorie-aux-deux-nymphes-avec-les-vues-de-munich-et-de-land

http://www.lavieb-aile.com/2015/04/vue-clou-hoefnagel.html

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POSTERITE DE NE SUTOR ULTRA CREPIDAM.

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1°) Joris Hoefnagel, 1569.

En 1569, alors qu'il séjournait en Angleterre, le peintre Joris Hoefnagel réalisa pour son ami Radermacher un corpus de 58 folios nommé Traité de la Patience et portant en première page la devise Ne Sutor Ultra Crepidam. Bien entendu, il ne pouvait alors deviner qu'il allait être appelé à succéder à Hans Mielich moins de dix ans plus tard.

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2°) Giorgio Vasari, 1572.

En 1572, Giorgio Vasari décora a fresco les murs de sa maison du borgho Santa Croce de Florence, la Casa Vasari, selon le thème des peintres de l'antiquité selon Pline,  et il choisi pour le mur nord de la  Sala Grande (1572) de peindre la vie d' Apelle, et, en bonne place, l'impudend cordonnier .

http://it.wikipedia.org/wiki/Casa_Vasari_(Firenze)#/media/File:Casa_vasari_FI,_salone,_parete_02.JPG

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L'expression est citée dans les Adagiorum chiliades d'Erasme page 198.

 

 

 

 

 

Hans Mielich, autoportrait, folio 303 (détail), Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

Hans Mielich, autoportrait, folio 303 (détail), Mus. Ms. B, droits réservés MDZ, BBS.

SOURCES ET LIENS.

— ZIMMERMAN (Max. G.), 1895, Die bildendenkünste am hof herzog Albrecht's V. von Bayern, Heitz, Strasbourg, pp. 71-108.

https://archive.org/stream/diebildendenknst00zimm#page/72/mode/2up/search/mielich

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Published by jean-yves cordier
8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 10:49

Le motet Mirabar solito de Rore dans le livre de chœur enluminé Mus. Ms B. de Munich (1559). Un travail à quatre mains des flamands Nicolo Stopio, Cipriano de Rore, Johannes Pollet, et du munichois Hans Mielich .

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— Source des images :

a) Par copie d'écran de la Bibliothèque Digitale de Munich MDZ : Mus. Ms. B I

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=41&seite=275

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=39&seite=277

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=24&seite=286

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrsewqxdsydenewq&no=23&seite=287

b) Images en couleur : Bildergalerie de la BSB, Bibliothèque Nationale Bavaroise, en ligne.

https://opacplus.bsb-muenchen.de/metaopac/search?View=default&db=100&id=BV035450724

c) Livre de commentaire par Samuel Quichelberg Munich, 1564

Mus. Ms. B II, CIM 209, Declaratio picturarum imaginum acquorumqumque, ornamentorum, in libro Motetorum celeberrimi musici cypriani de Rore :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=5&seite=7

— Source de documentation :

La source princeps est la thèse de Jessie Ann Owens, résumée dans son article :https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

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Petit préambule.

Cet article fait suite à (ou participe à) l'étude de l'Allégorie aux Nymphes avec vue de Munich et de Landshut de Joris Hoefnagel , Allégorie qui possède de nombreux points de convergence avec l'œuvre étudiée ici : Hoefnagel est, comme miniaturiste à la cour du duc Albert V, le successeur de Hans Mielich ; il cite indirectement Nicolo Stopio en reprenant en emblème du Hibou au Caducée l'Hermathena créée par ce dernier ; il inscrit le nom de de Rore à coté de celui de Orlando Lasso sur des partitions qui renvoient aux manuscrits enluminés Mus.Ms. A et Mus. Ms. B de la bibliothèque ducale ; il peint une vue de Munich et une vue de Landshut au sommet et au pied de son enluminure, semblables à celles que nous allons découvrir ici ; il a enluminé deux livres de calligraphie de Georg Bocksay qui sont les équivalents des manuscrits copiés par Johannes Pollet. Enfin, il appartient aussi au nombre des artistes néerlandais qui, après un séjour en Italie, sont entrés au service des ducs de Bavière.

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579)

 

                                     LE MANUSCRIT MUS. Ms. B.

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Le duc Albert V de Bavière était passionné par les Arts comme mécène et comme collectionneur acharné, fasciné par tout ce qui venait d'Italie. C'était, pour ce que l'on en sait, un bon musicien, et il possédait, comme les autres ducs et empereurs, un chœur ou un orchestre pour la Chapelle de cour, Hofkapelle, dirigé par un maître de choeur. La chapelle de la Résidence ducale datait de 1630 (la chapelle actuelle date essentiellement de Maximilien II). L' Orchestre d'État de Bavière ( Bayerische Staatsorchester), qui est aujourd'hui  l'un des plus prestigieux orchestres du monde entier, est aussi des plus anciens puisque son origine remonte à l'année 1523, lorsque Ludwig Senfl fut placé à la tête du  Münchner Kantorei  . En 1563, Orlando di Lasso fut embauché en tant que chef d' orchestre de la Münchner Hofkapelle. Le répertoire se composait alors principalement de musique d'église.

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.http://www.residenz-muenchen.de/englisch/museum/hofkapel.htm .

.Orlando de Lassus menant sa formation, Hans Mielich, Mus. Ms. A II (1) image 186

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035009/images/index.html?id=00035009&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=3&seite=186

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 Le Maître des chœurs disposait de chanteurs triés sur le volet venus de toute l‘Europe et les meilleurs instrumentistes virtuoses italiens, qui constituaient la chapelle du duc.  Sur l'enluminure de Hans Mielich représentant Orlando de Lasso dirigeant sa formation de chœurs de cour à la Hofkapelle,  Bernhard Rainer, de l'ensemble Profeti della Quinta, Dolce risonanza, a pu constater que la formation se composait de six chanteurs (hommes), de deux instruments bassistes parmi les chanteurs et de 13 instruments mélodiques : 6 instruments à vent et 7 instruments à cordes :  cornemuse, cervelas, flûte et flûte basse, fifre, trombone basse, cornet à bouquin (cornetto muto, cornetto alto), et virginal, luth, violons, viole. Le violon se jouait selon la technique "sans menton", l'instrument tenu seulement de la main gauche. Le cornet à bouquin ( Zink, Cornetto) est, à la Renaissance, l'instrument roi pour l'interprétation de la partie soprano, que seul le violon parvient à en concurrencer la virtuosité ; les instruments sont de plus en plus sinueux et serpentins en allant du  cornet muet (presque droit) au cornet alto puis au cornet ténor. Avec son alter ego la sacqueboute (le trombone) ces instruments étaient considérés comme les plus aptes à imiter la voix humaine. Enfin le cervelas (Rackett), de la famile du basson, est, sous ses aspects comiques, un instrument très intéressant : la grosse anche double y est reliée à un canal replié sur lui-même neuf fois à l'intérieur d'un cylindre percé de trous unis deux à deux : la colonne d'air très longue permet d'obtenir un son grave et bourdonnant 

 

  Parmi les dépenses considérables effectuées par le duc pour sa musique de cour, figurent  trois manuscrits richement reliés et richement enluminés dont deux contiennent des œuvres de Roland de Lassus et un celle de Cipriano de Rore. Ce dernier, l'actuel Mus. Ms B de la Bibliothèque Nationale de Bavière fut le premier à être réalisé (il fut achevé en 1559) et servit de modèle précurseur aux deux volumes du Mus. Ms A (1563-1570) contenant les Psaumes pénitentiels de de Lassus. Ces livres somptueux ne servaient pas aux musiciens, mais étaient considérés à juste titre comme des trésors destinés à l'usage privé du duc, à être montrés à d'illustres visiteurs, et à participer à sa gloire pour la postérité. Le troisième manuscrit  illustré par Mielich et copié par Jean Pollet contient les Lectiones ex Propheta Job et les  Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus  aujourd'hui à la  Bibliothèque Nationale de Vienne, cote Vienna 18.444 

 

Le Mus. Ms B est un livre de chœur contenant 26 motets de 4 à 8 voix de Cipriano de Rore copiés sur vélin par Johannes Pollet ; 82 de ses 304 pages sont enluminées par l'artiste de cour Hans Mielich, soit, outre les armoiries ducales, les portraits d'Albert V et d'Anne d'Autriche, de Hans Mielich et de Cipriano de Rore,  le début des pièces musicales et le début de leurs sections. Au volume principal s'akjoute un volume de commentaires rédigé par Samuel Quickelberg.

Ces motets forment un mélange hétérogène de 20 motets sacrés et 6 motets profanes. La plupart étaient déjà connus, et la bibliothèque de Bavière — reflet de celle du duc,   conserve une premiere édition musicale de de Rore par Gardano, Venise 1544,  ses Stances de Pétrarque de 1548, le Premier livre de madrigal (Venise, 1552) et le Second livre de madrigal (Venise, 1551) ainsi que 15 autres éditions postérieures au manuscrit qui nous intéresse. 

  Parmi ces partitions, le motet à six voix Mirabar solito possède un statut particulier d'une part parce qu'il n'avait pas été connus auparavant, d'autre part parce qu'il a été écrit spécialement pour Albert V comme hommage . Pour J.A. Owens, ce serait un cadeau de nouvel an du compositeur pour le remercier de ses bienfaits. Sa place particulière lui vaut d'être le seul décrit par Massimo Troiano, le chanteur napolitain à la cour de Bavière, dans le compte-rendu qu'il donne de ce manuscrit en 1568.

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I. LE TEXTE DE NICOLAS STOPIO.

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Ce poème se compose de deux parties de huit vers en distiques élégiaques. Il a été composé par Nicolas Stopio, poète et agent d'affaire né à Alost (Aalst en néerlandais) dans les Flandres et rapidement installé à Venise où, proche des imprimeurs vénitiens, il servit les intérêts des frères  Ulrich et Hans Jacob Fugger, puis ceux d'Albert V de Bavière. Il est décédé en, ou vers, 1570. 

Argument : Un narrateur anonyme s'émerveille d'entendre les Muses chanter plus joyeusement que d'habitude, et, s'approchant, il constate que celui qui justifie cette gaieté n'est pas Apollon, mais  le duc Albert V de Bavière, que les Muses acclament. Dans la seconde partie, ce sont les Muses qui prennent la parole pour témoigner de leur admiration pour le duc, et dire combien elles se réjouissent des bienfaits qu'il leur apportera : elles l'acclament à nouveau.

En un mot, le duc Albert est comparé —avantageusement— à Apollon car il favorise les arts, représentés par les neuf Muses.

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Mirabar solito laetas magis esse Camœnas,

Atque agitare novis gaudia tanta modis.

Accede ut videam festive an Phoebus Apollo

Exultans hilares duceret ipse choros.

Ast alium video, longe Phoebo mage gratum

Cui vidi intentas advigilare Deas.

Acclamant concordi, animo, vox omnibus una,

Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae.

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Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo ter maximus ipso

In nos haud similis, ut suus estat amor

Ornamur virtute sua tuum voce canora

Jure choragus erit, noster et ipse Deus.

Indefessem igitur laudes glomeremus ovantes

Vivat in aeternum Dux modo Bavariae


 

"Je me suis étonné de ce que les Muses étaient plus joyeuses que d'habitude

et qu'elles chantaient  avec grande joie de nouvelles chansons

Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même,

exultant d'une humeur festive, conduisait les chœurs joyeux.

Mais je vis quelqu'un d' autre qui m'est plus cher encore que Phoebus,

celui pour qui je voyais les déesses garder une vigilance constante.

Elles clamaient ensemble dans un seul accord et d'une seule voix:

Vive Albert, duc de Bavière.

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Les vertus brillent chez lui plus que chez tout autre,

Il a la splendeur du héros, il est le seul vrai honneur.

Lui, le trois fois plus grand, il nous est plus cher que Phoebus lui-même;

Rien n'égale son amour envers nous.

Nous sommes embellies par sa vertu; et avec sa voix harmonieuse

il va à juste titre diriger notre chœur et être notre dieu.

Par conséquent nous entonnons inlassablement ses louanges et nous l'applaudissons:

Puisse l'actuel duc de Bavière vivre éternellement."


 

Discussion. 

Il est admis que Nicolas Stopio a composé ce poème pour l'accession du duc au titre de duc, en 1550. L'adverbe modo de la formule Dux modo Bavariae a été considéré par Bernhard Meier, auteur des huit volumes de l'Opera Omnia de Cipriano de Rore,  dans son sens de "récemment, tout juste", et la formule a été traduite par "le tout nouveau duc de Bavière". Pourtant (Gaffiot) cet adverbe peut aussi signifier "maintenant" (presently en anglais). La composition de ce poème pourrait être plus tardive, et dater de 1558, année où il aurait été soumis à l'inspiration du musicien. On sait que Cipriano de Rore s'est très certainement arrêté à Munich en mars-avril 1558, où il lui a peut-être été remis ; J.A. Owens suggère qu'il a pu aussi être adressé à de Rore par Hans Jacob Fugger dans un courrier en fin 1558. Le rôle de Fugger comme superviseur et intermédiaire est probable.

Le thème d'Apollon et les Muses est exploité par Stopio depuis l'une de ses principales publications (1555),  celle qui fit sa célébrité (Conrad Gessner la mentionne), le Panegyricum de 60 folios dédié à Jeanne d'Aragon et à son fils Marc-Antoine Colonna. Certaines de ces pièces se termine par la formule Vivat [Vivat in aeternum Felix Ioanna Aragona Quae nunc luce sua fert bona puncta bonis]. On y trouve les hommages rendus à  : "Roma in Caroli V Caesaris 1536" ;   à  Marie d'Autriche (reine de Hongrie et gouverneur des Pays-Bas espagnols de 1531 à 1555) ; à  Franciscum Venerium ; à Cosme de Médicis ; à  Adrian Wyllaert (folio 39v-40r) ; à Lucrèce d'Este, fille du duc de Ferrare Hercule II ; à Ursula von Harrach, première épouse de Hans Jacob Fugger ; à Gaspara Stampae (poétesse latine installée à Venise, 1523-1554), en épicédion ; au Cardinal Petro Bembi, en épicédion*; à Ferdinand d'Autriche ; à Hans Jacob Fugger (folio 45v), au cardinal Christophorum Mardrucium ; au cardinal Ottonem Truxes ; ad amicum absentem ; à Pierre-François Contarini, Patriarche de Venise ; au médecin Julio Alessandrino (1506-1590) ; Ad desidiosos, Vecordes ; In Simulatam Amicitiam ; In Deformem, et Nasutum ; In Eos qui rationis expertes ; Elegiam ad Lauram de Zona ; Ad Detractores et id Genus. Fin folio 60v.

** Épicédion : dans la poésie grecque ou latine, poème d'oraison funèbre.

Ces recueils d'Éloges étaient fréquents et on peut rapprocher celui-ci avec les Orationes duodecim de  Girolamo Falletti, (1558) ; les  Orationes de Cynthius Jean-Baptiste Giraldi (Ferrare, 1554). 

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00002170&pimage=39&v=100&nav=&l=en

 

Il est intéressant de rapprocher l'éloge (ou encomium) d'Albert V avec celui de Stopio pour Adrian Willaert (1490-1562) pour plusieurs raisons. D'une part, cet encomion de 18 distiques élégiaques est construit sur un dialogue entre Apollon et les Muses, et se termine par   Vivat perpetuo felix cum dis ADRIANUS vivat, ut est clarum nomen et usque suum. D'autre part,  ce musicien est un des maîtres de Cipriano de Rore ; d'autre part, ce dernier lui rendit hommage funèbre dans son motet Concordes adhibete publié en 1566, qui débute par Concordes adhibete animos, Musae, inclita turba. (Constatez ensemble, Muses,foule célèbre,) et s'achève par Vive Adriane decus Musarum, Vive Adriane (Vive Adrien, héraut des Muses, vive Adrien). On voit que le parallèle entre tout artiste ou tout amateur d'art (philomusis, pour reprendre une épithète utilisée par Stopio) et Apollon, ou la présentation du récipiendaire de l'éloge comme fêté par les Muses, est un topos répandu.

Ce portrait du duc Albert en nouvel Apollon trouve son prolongement dans la décoration murale des résidences de Munich et de Landshut à la fin du XVIe siècle (Salle d'Apollon de Landshut).

Nicolo Stopio n'est nullement un inconnu à la cour d'Albert V et dans les milieux musicaux. Ce serait plutôt l'homme de plume à qui on fait facilement appel pour les panégyriques, d'autant qu'il semble connaître à-peu-près tout le monde. Il a été l'homme d'affaire de l'imprimeur Daniel Bomberghen, il s'est fait remarquer par Vésale (lettre à Oporinus de septembre 1542), il s'est chargé de l'impression par G. Scoto des œuvres du cardinal Bembo (1550-1553), il est suffisament bien introduit à Venise pour rendre visite à Titien et le conseiller des rectifications de sa Vénus et Adonis (<1553), il a été l'avviso (agent d'information, plus ou moins secret) de la couronne britannique (1562) mais surtout des frères Urich et Hans Jacob Fugger (1561-1563), il compose des poèmes descriptifs pour les cartouches des cartes géographiques des imprimeurs vénitiens comme Ruscelli (1559 ; 1563) ou sert d'intermédiaire à Nicolas Postel dans la vente de ses manuscrits arabes (1555), et, plus tard, il fournira quantités d'antiquités d'Italie au duc Albert et à son fils, et il composera en 1568 les poèmes que Roland de Lassus mettra en musique pour les somptueuses noces de Guillaume de Bavière et de Renée de Lorraine.  En 1565, il écrit le poème d'introduction des Sacrae Lectionnes. La même année, il écrivit un poème de douze lignes pour le mariage le 5 décembre d'Alphonse II de Ferrare avec Barbara d'Autriche (Lux clara exoritur). Pour l' année 1550 ou les années précédentes (puisque B. Meier propose cette date de rédaction), on ne connaît aucun lien entre Stopio et le duché de Bavière. C'est encore vrai d'ailleurs pour l'année 1558 que je suggère. Par contre, entre 1561 et 1570, les liens avec Hans-Jacob Fugger, Roland de Lassus, et Albert V sont étroits.

Stopio semble avoir  rencontré  Hans Mielich lorsque celui-ci  a rendu visite à Titien en Italie, comme il le relate dans une lettre de 1567 à Hans Jacob Fugger : il date cette visite de 1552-1554 (Hope, 1997). Voir, en bibliographie, un extrait de l'article de Jansen 1987 où Stopio apparaît  particulièrement chargé de procurer à la cour de Bavière des instruments de musique et des musiciens italiens (et sans-doute des éditions de musique).

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II. LA MUSIQUE DE CIPRIANO DE RORE.

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La présentation de Samuel Quichelberg :

Cantionus autor. Cantionum autorem esse Cyprianum de Rore, item sumptuosarum pictuarum Illustrissimus Principem Albertum Bavaria ducem extitisse necessario in ipso titulo praemissimus. Sed ex ? haec reliqua admonenda fuere, de ys quorum non poenitendus labor accessit.

Le compositeur franco-flamand Cyprien de Rore (en italien Cipriano de Rore), né à Renaix ou Ronre en 1515 et mort à Parme en 1565, est rentré au service du duc Hercule d'Este à Ferrare en 1547 et jusqu'en 1559 comme maître des chœurs. Il n'a jamais été au service du duc de Bavière.

 

Il appartient, comme Adrian Willaert, à la quatrième génération de  l'école franco-flamande,  Roland de Lassus, appartenant à la cinquième génération.

Mirabar solito est un motet de six voix. Les six voix sont notées DQB et SAT, ce qui correspondrait à Discant, Quintus, Bassus (Basse), Superius (ou soprano ?) , Alto et Tenor (ténor).

 

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III. LES ENLUMINURES DE HANS MIELICH.

 Samuel Quickelberg le présente ainsi :

Imaginus inventor. Imaginum itaque pictor inuentorque fuit Johannes Muelich Monaccesis artifex celeberrimus, qui idem vulgo Vicentz. Maler ab am fui valde usitato nomine dicebatur, cuius opera illustrissimus princeps Albertus in posterus quoque, multis animis in huius generis libris depingendis usus est.

 "Inventor d'image . Les images et les peintures sont du peintre et inventeur  Jean Mielich célèbre artiste de Munic, qui est aussi connu sous le nom courant de peintre de Vicentz [Vincent ; Zentz ] participe à la postérité de l'illustrissime prince Albert par les illustrations qu'il a peint sur ses livres [??].

Voir dans mon blog son autoportrait et sa devise :

http://www.lavieb-aile.com/2015/05/autoportrait-de-hans-mielich-ne-sutor-ultra-crepidam.html

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Hans Mielich (1516-1573) est, comme son père et son grand-père, un peintre munichois ; il se forma à Ratisbonne auprès de Albrecht Altdorfer (Ecole du Danube) ce qui explique la place donné aux paysages (ici, les deux vues de ville) dans sa peinture. Sur l'incitation du duc Guillaume IV, il séjourne à Rome en 1541 (et/ou en 1552-1553 où il rend visite à Titien), et se forme au maniérisme italien. Il s'inscrit à la corporation munichoise des peintres en 1543, et en devient le chef en 1558.  il travailla pour une clientèle privée, mais le duc Albert V lui commanda à partir de 1546 de plus en plus d'œuvres et le prit en amitié.

Le manuscrit Mus. Ms B comporte 82 enluminures de sa main, mais le Mus. Ms A est encore plus riche puisque chacune des pages y est enluminé par Mielich.

Les neuf pages de la partition comportent quatre enluminures, présentées en doubles pages à chaque début des deux sections, pages 257-258 pour Miramar solito voix DQB et voix SAT et pages 267-268 pour Virtutum ante alios voix DQB et SAT.

Le texte des motets, les inscriptions et de toutes les enluminures du manuscrits sont scrupuleusement décrites par Samuel Quickelberg. Sa description de Mirabar solito se trouve, pour les amateurs de latin,  aux pages 167-171 (page 81-84 de sa pagination) de la mise en ligne par MDZ :

— Première partie page 167-171 : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=22&seite=167

— Deuxième partie : page 172-176 : 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=23&seite=172


 

1. Première partie : Mirabar solito.

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1a. Première enluminure de la première partie, les voix DQB.

 

Dans la partie haute, Apollon conduit le char du Soleil. Au milieu, Albert V et son épouse Anna rendent visite aux Muses. En dessous, une vue de Munich.

 

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a) Le registre supérieur.

Apollon conduisant le char du Soleil.

Dans Homère, Apollon est qualifié de l'épithète  φοῖϐος / Phoibos,  littéralement « le brillant », et les Anciens assimilèrent le dieu Apollon avec le Soleil, et le désignèrent sous le nom de Phoebus. Ou bien, ayant foudroyé le dieu Soleil, il fut condamné par Zeus à en conduire le char. Nous le voyons donc mener les rênes du quadrige et stimuler les chevaux de son fouet.

Quickelberg cite Poste[r]a nocturnos Aurora remouerat ignes / Solque, pruinosas radys siccauerat herbas Ovide Metam. IV 80 . Je donne un extrait élargi pour mieux en goûter la poésie charmante : "[4,80] et s'envoyaient des baisers que retenait le mur envieux. Le lendemain, à peine les premiers feux du jour avaient fait pâlir les astres de la nuit; à peine les premiers rayons du soleil avaient séché sur les fleurs les larmes de l'Aurore, ils se rejoignaient au même rendez-vous."

Trois putti volent dans la marge haute en présentant des couronnes de lauriers, deux autres jouent ? avec un jeune homme allongé. Un cheval se cabre dans la marge droite. 

La lettre D sert de cerceau pour un putti qui la traverse.  Un homme athlétique et barbu s'entoure d'un drap vert, sorte de banderole que son homologue retient aussi du coté droit. Quickelberg nous explique qu'il s'agit de Vertumnus, dieu romain du changement des saisons et de la croissance des plantes, capable de changer de forme à volonté (par contagion avec le verbe latin vertere "tourner") : il y voit un emblème du peintre, capable de donner forme à des quantités d'objets divers.

La partie musicale est délimitée par une chaîne en or renforcée aux angles par des ferrures. La lettre capitale M de Mirabar est peinte à la feuille d'or. La lettre I est enjolivée. La portée a cinq lignes, un nombre qui n'est fixé que depuis la Renaissance. Quels sont les signes en début de portée ? Outre le bémol, je conclue à une clef d'ut puis une clef de fa, en toute incompétence. 

http://dictionnaire.metronimo.com/index.php?a=term&d=1&t=2060

 

The letter, addressed to Duke Albrecht and sent from Ferrara on 5 January 1559, contains important information about de Rore’s connections with Albrecht and the Munich court (fol. 31r ) Illustrissime princeps, et clementissime domine. Cum superioribus diebus ex flandria in Italia mad meos rediissem, inveniliteras a Viro Magnifico Joanne Jacobo fuggero ad me scriptas ex quibus intellexi, redditam fuisse celsitudini tuae Missam illamquam in discessu meo pollicitus eram, Necredditam solum, sed et gratam, et ea, quaquidem sperabam, gratiosi animi promptitu-dine acceptam fuisse, (fol. 31r "Most illustrious prince, and most merciful lord. When in the last few days Ireturned home to Italy from Flanders, I found a letter from the excellent Hans JakobFugger, from which I understood that the Mass I had promised at my departure had been delivered to Your Highness, and not only had it been delivered, but had pleased you and been received with that readiness oa gracious spirit that I had hoped for."

Magna hercle, ea me res laetitia affecit,cum quia valde cupio, in hac arte istius liberali professione, in qua hactenus non sinelabore atque industria versatus sum, ostenderecelsitudini tuae quanti faciam multa ipsius acpraeclara in me singularis benevolentiae signa:

"Truly that caused me great pleasure, both because I very much desire, in the free profession of this art, in which up to now I have been engaged with no want of effort and hard work, to show Your Highness how much I value your many outstanding "

Cipriano de Rore’s New Year’s Gift for Albrecht V of Bavaria

2(Je vous envoie ces versets fixés à l'harmonie avec leurs rythmes ou mètre poétique). Toutefois, dans sa lettre 1559, clausus »apparaît comme partie d'un ensemble de phrase -" suisque numeris absolutum "-qui signifie "complète à tous égards" . Holford-Strevens suggère que les termes ne sont pas utilisés de manière technique, mais dans un sens littéraire plus générale. Je suis d'accord avec son interprétation et pense qu'il est prudent de cesser d'essayer d'extraire l'identité de la composition de cette sentence en essayant de donner, le module ', clausus », et, le ratio harmonicae' significations techniques et d'accepter que de Rore peut tout simplement VHA e été disant en très écouler langue Ery:«Je ai mis ce texte en musique ".Une lecture attentive du reste de la lettre 1559 ainsi que d'une meilleure compréhension de certaines des caractéristiques de Mus.ms. B permet d'offrir une autre suggestion concernant l'identité de de'Rore cadeau sainsi qu'un nouvelle interprétation de son accompagne le g illuminations. Comme deviendra claire, la musique et le texte se combinent avec représentation visuelle de transmettre importants des messages sur Albrecht comme patron. Le manuscrit doit donc être considéré non seulement comme une source pour la musique de de Rore, mais dans le cadre de l'auto-façonnage de Albrecht comme un souverain

.La composition en question est le motet à six voix Mirabar solito. Ce ne est pas par hasard que cette pièce très a été distinguée par Massimo TRoiano dans sa description de la, "cose notabili" de Munich: "Une Carte 257, vi è un fatto Mottetto en lode di esso Alberto, et une Carte 267, la séconda parte "

Troiano, qui a été probablement travaillé à partir du commentaire de Quickelberg, pro-FOURNIS le texte et identifié le poète et compositeur; malheureusement, il n'a rien dit sur les illuminations de ces pages.Le poème, qui se compose de deux huit strophes en ligne distique élégiaque, a été composée par le poète flamand et l'art revendeur Nicolaus Stopius pour 'Albrecht adhésion s en 1550

.Mirabar solito laetas magis esse

Camoenas Atque agitare Novis gaudia Tanta modis.

Accedo ut videam, fête un Phoebus Apollo Exultans hilares duceret ipse Choros.

Ast alium vidéo longe Phoebo mage [Mub: magis] gratum,intentas Cui de vidi advigilare DEAS.Acclamant Concordi animo, vox omnibus una:. Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae

(2.) pars

Virtutum ante dans aliosquo genre omne relucet

Splendor ut Heroum is veruset unus honos.

Gratior hic nobis Phoebo ter maxime ipso

,Dans nos haud similis, utsuus extat Amor.Ornamur virtutesua, tum voce Canora,Iure choragus erit noster et ipse Deus.Indefesse igiturlaudes Glomeremus ovantes:. Vivat in aeternum dux modo Bavariae

"je me émerveillais que les Muses étaient plus joyeux que d'habitude et ont chanté d'une si grande joie avecde nouvelles chansons. Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même, exultant dans festif humeur, a conduit les chœurs joyeux. Mais je ai vu une autre beaucoup plus cher pour moi que Phoebus, une pour qui je ai vu les déesses me maintien d'une surveillance constante. Ils ont crié ensemble dans un accord et d'une seule voix: Vive Albert de Bavière.En lui toutes sortes de vertubrille, ci-dessus tous les autres, voyant qu'il est la splendeur de héros et le seul vrai honneur. Lui, le trois fois plus grand, est plus cher pour nous que Phoebus de soi-même; il n'y a rien comme son amour envers nous. Nous sommes embelli par sa vertu; puis avec voix harmonieuse, il sera à juste titre diriger notre chœur et être notre dieu. Par conséquent nous entassons inlassablement ses louanges comme nous l'applaudissons: Que le nouveau duc de Bavière vivre éternellement ".

Le narrateur anonyme décrit à la première personne une scène qui semble incompréhensible pour lui:les Muses sont plus heureuses que d'habitude. Son explication: quelqu'un plus cher encore que Apollo les dirige. Vive Albrecht! Les quarts de seconde strophe de la première par. fils singulier au pluriel Cette voix collective est maintenant que des Muses eux-mêmes: Albrecht nous est plus cher que Apollo, il dirigera notre chœur, nous allons chanter ses louanges. Albrecht Vive t! De Rore reçu ce texte au cours de la préparation de Mus.ms. B, probablement en 1558. Le datant de 1550, l'année de l'adhésion de Albrecht, proposé par Bernhard Meier sur la base du texte ("dux modo Bavariae"), semble peu probable, étant donné la preuve codicologique discuté ci-dessous

Si de Rore avait composé un hommage à Duke Albrecht en 1550, sûrement la composition aurait été disponible à Munich et une partie des plans depuis le début; à la place, le cadre est l'une des pièces ajoutées à la fin du manuscrit. Il semble probable que Hans Jakob Fugger envoyé le poème dans la lettre que de Rore reçu quand il est retourné en Italie à la fin de 1558 ("quand, dans les derniers jours je suis rentré à l'Italie de la Flandre, je ai trouvé une lettre de l'excellent Hans Jakob Fugger, à partir de laquelle je ai compris que la messe que j'avais promise à mon départ avait été livrée à Votre Altesse [...] »). Il aurait également pu être donné à lui quand il était à Munich en 1558.

L'illuminateur, Hans Mielich, comme de Rore, face à la tâche de répondre au texte. Il a choisi de mettre en évidence les trois personnes ou groupes mentionnés dans le poème: Albrecht, Apollon et les Muses. Il a dû faire face à deux contraintes: la nécessité d'adapter les illuminations dans les vides espaces autour de six parties vocales et à intégrer les initiales qui ont identifié les voix (DQB sur la gauche, sur la droite SAT) pour les pages 257 à 258 et la lettre de capital V ("Virtutum") pour chaque voix aux pages 267 à 268. Il a choisi comme sujet principal pour la première ouverture (pages 257-258) Albrecht et les Muses. (Voir Plaques 1et 2.) Le bloc principal la gauche le montre avec Anna surrounde d parles Muses, chacun identifié par son nom. Un putto dans le Q initiale se maintient deux couronnes avec des phrases du texte: "VIVAT HIC ALBERT» et «DVX MODO Bavari". Sur l'option page composite, Albrecht se assied couronné, tandis que les Muses danser autour de lui; couronnes annoncent ses vertus: "FORTITV [DO] clementia PRVDENTIA Ivstitia LIBERALITAS BONITAS VERITAS VICTORIA MANSVETO Temperantia ". Au sommet de la page sur la gauche, est Apollon et le char du soleil, face à droite, Diana et le char de la lune. Au bas de la page, sur le territoire de Albrecht: une vue de Munich (à gauche) et l'Isar de la rivière et Landshut (À droite).la seconde ouverture (pages 267-268) présente une série de scènes mythologiques. (Voir Plaques 3 et 4.) À première vue, la liste des scènes peut sembler étrange parce que pas tous d'entre eux semblent être liées aux Muses. page 2671. Minerva visite les Muses. Les Muses lui montrer la fontaine sacrée; Pegasus3. Pegasus montres Apollo faire de la musique de l'eau se écoulant à travers un ensemble de tuyaux4. (En bas) Les géants sont vaincus par les dieux5. (Marge de gauche) Vénus et Cupidon 6. (Marge droite) Amalthée Page 2681. La bataille des dieux et des géants2. Les Muses chanteret changer le Piérides en pies3. Ceres semble agriculteurs semer leurs champs4. (En bas) Proserpina cueille les fleurs; Le Rapt de Proserpine; Ceres change le garçon qui l'avait raillé en lézard5. (Marge droite) HéphaïstosT o cette listeon pourrait ajouter une scène mythologique de la page 257: (Au milieu) Pyrenaeus chasse Muses. Mielich, et ​​peut-être un collaborateur, se il avait aider à la conception du plan pour les illuminations,conçu une structure ingénieuse pour cette ouverture qui a échappé à même le commentateur, Samuel Quickelberg. Quickelberg cite une ligne de Porphyre pour la première image, une d'Ovide pour la deuxième, celle de Virgile pour la troisième, comme se il cherchait autorité compétente. Il peut avoir été consulte un ouvrage de référence, comme à son habitude gest cette interprétation; ils comprennent Thomas 1587 ", une chanson ou à Dieu: un Psalme chanté le luth, ou une chanson chantée par à la voix "; Coote 1596 "chanson heauenlie"; Florio 1598 "un Psalme, une chanson de remerciement-giuing et de louange à Dieu, un Psalme chanté à l'psalterie, ou une chanson chantée par la voix "Mais il n'a pas reconnu que toutes les histoires se insèrent dans la grande histoire cyclique de Minerva de la visite à l'Muses, du Livre cinquième du Ovide Métamorphoses (Ll. 250-678). (Voir Figure 1.) La nécessité de s'adapter à tant d'histoires dans des espaces contraints par les exigences de notam- musicaletion signifiait que Mielich ne pouvait pas (ou choisi de ne pas) représentent la commande d'Ovide du récit par des moyens spatiaux. Mais un spectateur familier avec la structure narrative du métamorphoses d'Ovide trouverait tout ce qu'il faut pour suivre l'histoire 'Minerva visite à l'Muses s Fontaine de Pegasus Histoire de Pyrenaeus d'arrivée o - f Magpies: histoire des Sœurs Pierian - concours de chant - Sœurs Pierian: histoire de la bataille des Go ds et Giants - Muses : Histoire de Ceres viol de Propserpina la colère de Ceres aux Taunting Boyautres histoires - Les Muses gagner le contest - Les Pierian Sœurs sont transformés en pies - Minerva lea ves la Muses

Figure 1: Structure de «Minerva Visitez s àles Muses

Merci aux illuminations pour les deux ouvertures de

Mirabar solito

, Le manuscrit célébre Albrecht, avec Apollon et les Muses, des images ainsi que des mots et de la musique. Dans cette lumière, deux passages de la lettre de de 'Rore lettre semblent particulièrement saillant:1) la référence aux Muses ("ayant convoqué les Muses à mon aide") 2) l'invocation d'Apollon pour aider à l'inspiration créatrice («Pour parmi les autres œuvres que j'ai écrites à divers moments, je me permets de déclarer Votre Altesse que pendant une longue période. rien n'a sortiront de l'atelier de mon esprit qui plaît et me satisfait plus Il est donc évident que la règle de l'art, Apollo, était là pour me aider comme je réfléchissais alors; l'aide de que Dieu, comme vous le savez, ne est pas le cas généralement à un homme ou à tout moment. Si je me suis trompé dans cette affaire, et peut-être trop bien penser de moi-même,ou il est absolument vrai que je pense, Votre Altesse, quand vous avez entendu le travail, sera en mesure de juger de la bonne volonté. Car je apprécie votre jugement vif et précis, surtout dans cette forme de l'activité intellectuelle ").

Il peut être pas un hasard si de Rore invoque Apollon son inspiration et appelle les Muses tout en invitant Albrecht de juger son œuvre. Cette lettre doit sûrement être considérée comme une corroboration de Mirabar solito comme un don de de Rore. Sa déclaration "Car en effet, je ai jugé digne pour de nombreuses raisons d'être offert à la fois à vos oreilles et à vos yeux "est plus difficile à interpréter. Il est en effet prometteur Albrecht qui il aimer ce qu'il voit ainsi que ce qu'il entend. Veut-il dire qu'il a composé la pièce en utilisant "la peinture de mot"? Doit-on conclure qu'il connaissait l'illumination spécifique qui ont été prévus ou simplement qu'il était conscient de la prepartion d'un illuminé manuscrit de sa musique? Pourrait-il être décrit le plaisir de la musique Albrecht de voir venir à la vie à travers illuminations tout entendre PERFORmed

Mirabar solito est un bon candidat pour d'autres raisons aussi. Ce est la seule composition dans le manuscrit associée spécifiquement avec Albrecht. Un de seulement cinq unica en Mus.ms. B, il satisfaisantEPE la condition d'être réservé exclusivement à l'usage de Albrecht . La seule autre motet de ce type est Donec gratus eram tibi .preuves codicologique fournit un dernier argument. Mus.ms. B, à la différence du projet plus tard,impliquant la modale de Lasso commandé psaumes de la pénitence dans Mus.ms. Un ou contemporaine projet impliquant ses Leçons du Travail et de la Prophetiae Sibyllarum (Vienne, Mus.ms. 18,744), n'a pas été composé comme un ensemble. Les motets sont hétérogènes en date de composition, le nombre de voix, et le type de texte (laïque, de consécration, de dévotion, liturgique). Le contenu et la possibilitérale l'ordre des motets a connu des changements au cours de la période de création du manuscrit tion . Une composition a été enlevé:, une pièce de cinq voix non identifiée fin "et dans saecula. saeculorum Amen "Deux ont été ajoutés - Donec gratus eram tibi et Mirabar solito. Ce est clair à partir de discontinuités dans la foliation et la présence de pages blanches; Une fois qu'une page a été illusion résilié, il ne était plus possible d'ajouter de la musique de l'autre côté sans endommager la peinture.Les deux sont également écrits sous la forme plus tard, de la main de Pollet, sensiblement différente du début du formulaire utilisé ailleurs dans le manuscrit. Surtout parce que les deux sont également unica, je argue que de Rore aurait contribué deux compositions au projet de Albrecht. L'argument le plus fort contre l'identification des Mirabar solito que de nouvelle année de Rore dedon est la description de la pièce comme «psalmum modèle ISTUM", qui Lowinsky considérée comme cruciale pour identifier Beati omnes Qui timent Dominum., Psalmus »se réfère généralement à les Psaumes de David Je ai expliqué pourquoi Beati omnes Qui timent Dominum, le seul psaume en ce sens dans le manuscrit, ne semble pas un candidat probable. Pour le don d'être Mirabar solito ,, Psalmus 'doit avoir des interprétations supplémentaires. En fait, il est prouvé que cela pourrait signifier une chanson, soit sacrée ou profane. L'indication la plus claire de cette utilisation vient de l'un des principaux latinistes du XVIe siècle, Baptiste Spagnoli (Spagnoli). Dans son Apologeticon, Il écrit: «Sed quid de vocabulis is concertatio, cum eandemrem esse constat quam Graeci, psalmum 'et, Hymnum' dicunt, nos, 'appellamus et carmen, contre '? "(Mais pourquoi litige sur les termes lorsque il est de notoriété publique que ce que les Grecs nom de «psaume» et «hymne» est la même chose que nous appelons «chanson» et «versets»?) . Plusieurs des définitions trouvées dans le précoce Moderne base dictionnaires anglais (EMEDD) sug- aussi . Un exemple plus récent est la première définition donnée dans l'Oxford AngleterreDictionnaire çais:1. Dans un sens général: Toute chant sacré qui est ou peut être chanté en culte religieux; un hymne:esp. l'utilisation biblique. (En quot. C 1175 appliquée à l'Creed.) Par ailleurs, plus généralement, toute chanson ouode d'un caractère sacré ou graves .Il est également peut citer plusieurs cas précis où s, Psalmus »se réfère à un texte autre que le Livre biblique de psaumes. Par exemple, Augustin a écrit la Psalmus contra partem Donati ,décrit par Schaff comme "une chanson populaire sans polémique mètres régulière, destinée à compenser les chansons des donatistes ", Psalmus » a également été utilisé pour désigner Quicunque vult , Athanase croyance, dans les documents conciliaires en 1240 et 1255, et à des cantiques évangéliques. Ducange aussi in-inclut comme une catégorie des psaumes, des textes composés par des poètes autres que David.tions qui ont été prévus ou simplement qu'il était conscient de la prepartion d'un illuminé manuscrit de sa musique? Pourrait-il être décrit le plaisir de la musique Albrecht de voir venir à la vie à travers illuminations tout entendre PERFORmed?

https://www.academia.edu/8021841/THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE?login=jycordier@gmail.com&email_was_taken=true

https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

Music Printing in Renaissance Venice: The Scotto Press (1539-1572)

Par Jane A. Bernstein

https://books.google.fr/books?id=oAxcodFDXDAC&pg=PA206&lpg=PA206&dq=lasso+scotto&source=bl&ots=PRb0GjOCbb&sig=rYcnMAHFyd8YJDITPBLRS6fSZXs&hl=fr&sa=X&ei=AAA-VbHUHoLKaJ2ygagM&ved=0CCQQ6AEwAA#v=onepage&q=stoppio&f=false

ttps://books.google.fr/books?id=zsuFLfxg_bwC&pg=PA4&dq="ioannes+pollet"&hl=fr&sa=X&ei=XiVCVbPeAobkUb23gbgH&ved=0CFYQ6AEwBw#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

¬Orlandi ¬Lassi sacrae cantiones (vulgo motecta appellatae) quinque vocum ...

Par Orlando di Lasso

https://books.google.fr/books?id=2i77ZJwDIQwC&pg=PT2&dq=%22ioannes+pollet%22&hl=fr&sa=X&ei=widCVZPJOYOAU42bgcgF&ved=0CCYQ6AEwATgK#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

...

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

Mirabar solito laetas magis esse Camaenas,

Atque agitare novis gaudia tanta modis.

Accede ut videam festive an Phoebus Apollo

Exultans hilares duceret ipse choros.

Ast alium video, longe Phoebo mage gratum

Cui vidi intentas advigilare Deas.

Acclamant concordi, animo, xox omnibus una,

Vivat hic Albertus Dux modo Bavariae.

Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo ter maximus ipso

In nos haud similis, ut suus estat amor

Ornamur virtute sua tuum voce canora

Jure choragus erit, noster et ipse Deus.

Indefessem igitur laudes glomeremus ovantes

Vivat in aeternum Dux modo Bavariae

I marveled that the Muses were more cheerful than usual
and sang of such great joy with new songs
I approached to see whether Phoebus Apollo himself,
exultant in festive mood, led the merry choruses.
But I saw another much dearer to me than Phoebus,
one for whom I saw the goddesses maintaining a constant vigil.
They shouted together in one accord and with one voice:
Long live Albrecht, Duke of Bavaria.

In him every kind of virtue shines forth, above all others,
seeing that he is the splendor of heroes and the one true honor.
He, the thrice greatest, is dearer to us than Phoebus himself;
there is nothing like his love towards us.
We are embellished by his virtue; then with harmonious voice
he will rightly lead our chorus and be our god.
Therefore let us unwearyingly pile up his praises as we applaud him:
May the new Duke of Bavaria live forever.

Je me suis émerveillé que les Muses étaient plus joyeux que d'habitude

et a chanté de cette grande joie avec de nouvelles chansons

Je me suis approché pour voir si Phoebus Apollon lui-même,

exultant dans l'humeur festive, conduit les chœurs joyeux.

Mais je vis un autre beaucoup plus cher pour moi que Phoebus,

celui pour qui je vis les déesses le maintien d'une vigilance constante.

Ils ont crié ensemble dans un accord et d'une seule voix:

Vive Albrecht, duc de Bavière.

En lui toutes sortes de la vertu brille, ci-dessus tous les autres,

voyant qu'il est la splendeur du héros et le seul vrai honneur.

Lui, le trois fois plus grand, est plus cher que Phoebus lui-même;

il n'y a rien comme son amour envers nous.

Nous sommes embelli par sa vertu; puis avec voix harmonieuse

il va juste titre diriger notre chœur et être notre dieu.

Par conséquent nous entassons inlassablement ses louanges comme nous l'applaudissons:

Que le nouveau duc de Bavière vivre éternellement.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

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b) le registre moyen.

 

Le duc Albert et la duchesse Anne rendent visite aux Muses. Hans Mielich en a donné le portrait à la page 3 et 4 du recueil, ce qui permet de les reconnaître. Au dessus d'eux, dans la lettre Q de la voix Quintus, un ange tient deux couronnes dans lesquels sont inscrits les mots VIVAT HIC ALBERTvs et   DVX MODO BAVARIae. Face au couple ducal on compte huit Muses, car la neuvième, Terpsichore, (la Danse) est placée dans la marge droite, flottant sur deux cygnes, et tenant  sa lyre. Euterpe (la Musique) est agenouillée et joue de la viole de gambe.  Erato (la Poésie lyrique) , agenouillée également, prend avec un compas des mesures sur un globe terrestre. Derrière elles, debout, Melpomène joue de la trompette, sa voisine (Clio ?) joue de la bombarde (dont la fontanelle est reconnaissable), puis une muse (Polymnie?) joue de la sacqueboute (ou du serpent) . Thalie tient le triangle et Calliope joue de la guitare. Derrière le duc Albert, Uranie tient une sphère armillaire et un octant, alors quelle se sert de la lettre B comme d'une armoire pour y exposer un cube et un polyèdre

Quickelberg y a lu ce distique :

Clio, Thalia, Erato, Polyhynnia, Terpsichorque,

Calliope, Euterpe, Melpomene, Vrania.

Mais attention ! Deux hommes quasi nus rampent entre les deux partitions ! Ces voyeurs concupiscents sont le barbare Pyrenée et l'un des siens, qui projettent d'abuser des jeunes femmes et, comme Ovide nous le racontera dans le Livre V,290 des Métamorphoses, Pyrenée  s'en tirera mal : 

Seque jacit vecors e summae culmine turris ; Et cadit in vultus , discussique ossibus oris : tundit humum moriens scelerato sanguine tinctam

 

    "Quelque route que vous preniez, je la prendrai moi-même". Il dit, et, furieux, s'élance, se précipite, et, brisé dans sa chute, il arrose la terre de son sang odieux."

 

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

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c) le registre inférieur .

Vue de Munich.

Hans Mielich poursuit l'éloge du duc Albert comme mécène en représentant, vue de l'est,  la ville qu'il a contribué à embellir, Munich, dont on reconnaît l'Isar traversée par un pont, et les deux tours rondes jumelles (domes, 1525) de la cathédrale ou Frauenkirche, et le clocher de l'église Saint-Pierre. La ville est entourée de murailles fortifiées par des tours. Le massif bâtiment  de droite est le Neuevest, le vieux château gothique ducal, dans lequel vont être aménagés la Résidence, son Antiquarium (1568) et sa Grottenhof (1581-1586), ainsi que les Jardins ducaux (Hofgarten). Pour Quickelberg, le peintre a choisi ce point de vue précisément pour montrer ces jardins, qui sont déjà ou seront aménagés en parterres selon le style français, lui-même hérité du style italien.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix DQB,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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1b. Deuxième enluminure de la première partie, les voix SAT.

Cette deuxième planche fait face, sur la double page, à la précédente, et elle lui répond par symétrie. Ainsi, face à Apollon et le char du soleil se trouve Diane et le char de la nuit. Au concert donné par les Muses au duc et à la duchesse, debout, succèdent les danses des Muses devant le duc assis. Enfin la ville de Lanshut (la résidence du prince, fils du duc) prend la place de la ville de Munich. On découvre avec une satisfaction gourmande comment, de même que de Rore avait su coller au texte,  l'illuminateur, Hans Mielich a du faire face aux contraintes imposées par la présence de la partition, les vides qui séparent les trois voix, ou l'obligation de placer les lettres S, A, et T ) l'intérieur de l'image. En brillant artiste, Mielich a su dépasser ces contraintes en jouant avec elles. on remarquera avec quel brio il a transformé ces trois lettres en objets de sa peinture, sans qu'elle ne perde leur lisibilité.   

 

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a) vue générale.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

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b) registre supérieur.

Dans le ciel étoile de ce deuxième volet, Diane au front ceint du croissant lunaire mène d'une main sûre le char de la Nuit, attelé d'un cheval noir et d'un autre blanc. Le talent avec lequel la lettre S est utilisée pour former une des roues du char, et un montant en coquille servant d'accoudoir à la déesse chasseresse, fait mon bonheur. Pourtant, le dessin n'a rien d'improvisé, mais répond aux régles établies par Cesare Ripa pour la représentation du Char de la Lune (Carro della Luna), un bige tiré par un cheval noir et un cheval blanc. De même, le voile blanc qui flotte au dessus d'elle est un élément iconographique parfaitement conforme aux conventions. 

C'est sous ce même aspect que la déesse apparaît dans la Chambre de Diane du Palais de la Résidence de Landshut, dans une peinture de 1540 (G. de Tervarent).

 Un Amour lui décoche (en vain, bien-sûr) une flèche, puis, dans la marge supérieure, deux putti tendent des guirlandes portant les mots ORAM VITAS . Le coin supérieur droit est un Olympe où une déesse (Minerve ?) se penche sur le balcon de la partition, accompagnée d'autres divinités, de Mercure au casque ailé tenant le caducée, et de Zeus jouant l'équilibriste sur les ailes de son aigle noir.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre supérieur. Droits MDZ Munich.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre supérieur. Droits MDZ Munich.

b) le registre moyen.

Nouvelle surprise et nouvelle source d'admiration : la lettre A devient ici une pavillon (une tente d'apparat) et la lettre T un portique soutenant un trône de triomphe. Albert V y est assis, sous ses armoiries, encadré par deux hommes sauvages échappés d'un blason et coiffé des caques héraldiques. Il est présenté comme un empereur romain entouré d'enseignes (comme on en voit sur l'arc de Constantin avec l'aigle romain et les lettres SPOR) et ses  couronnes de laurier clament ses vertus : J.A. Owens y a lu  "FORTITV [DO] clementia PRVDENTIA Ivstitia LIBERALITAS BONITAS VERITAS VICTORIA MANSVETO Temperantia ". 

Devant lui, les "Camènes" — formule poétique pour désigner les Muses et éviter de se répéter—  ont posé leurs instruments et leurs accessoires d'astronomie ou de géographie et se livrent, sur la musique de Terpsychore qui a gardé sa lyre, à des  danses lascives en passant si besoin derrière l'écran de la partition. On ne les reconnaît plus individuellement, mais elles sont toutes là, je les ai compté. 

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Mirabar solito Iere partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

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c) Le registe inférieur.

La rivière Isar, dont la couleur verte est caractéristique, prend sa source au nord-ouest de l'Autriche, arrose d'abord Munich, puis Freising, avant d'atteindre Landshut, puis de se jeter dans le  Danube. Landsut, à 70 km au nord-ets de Munich, a été la capitale du duché de Bavière-Landshut, avant que celui-ci ne soit  réuni avec la Bavière-Munich pour ne faire qu'un seul duché.  Landshut devient ainsi la résidence du prince héritier. Albert V et Anne d'Autriche y on vécu de 1546 à 1550, et leur fils, Guillaume y a séjourné avec sa femme Renée de Lorraine jusqu'en 1579. Albert et Guillaume, tous les deux follement passionnés par les Arts, qui conduirent leur duché à la ruine, firent du vieux chateau médiéval de Trausnitz, qui domine sur le Hofberg la ville, un palais de style italien aux murs splendidement décorés de fresque et un jardin somptueux, qui fut le cadre de représentations musicales et théâtrales de goût italien.

Le peintre montre la rivière pointant le grand V de ses rives vers la ville et vers le clocher de l'église Saint-Martin, le plus haut clocher en brique au monde. Pas de bateau sur l'Isar, mais un radeau de bois flottant, le flottage étant alors un élément important de l'économie fluviale menant le bois de Wolfratshausen jusqu'à Munich, Landshut, et le Danube. Ces radeaux sont également visibles sur les deux Vues de ville du Civitates orbis Terrarum d'après les dessins de Hoefnagel. Aujourd'hui encore, les radeaux reconstitués  attirent des quantités de touristes !

 

 

 

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT,  registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, Iere partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

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2. Seconde partie.

La seconde partie s'éloigne de la représentation littérale du texte  et choisi de s'inspirer des Métamorphoses d'Ovide dans l'épisode de Minerve chez les Muses, et du Concours de chant entre les Muses et les Piérides. http://bcs.fltr.ucl.ac.be/METAM/Met05/Met-05-250-437.htm

"Minerve quitte Persée et se rend sur l'Hélicon, où l'attire le renom de la source de Pégase. Les neuf Muses, et singulièrement Uranie, l'accueillent avec admiration. L'une d'elles se met à raconter comment Pyrénée, décrit comme un impie, voulut les violer au cours de leur voyage vers le mont Parnasse, et comment elles s'envolèrent pour lui échapper, en provoquant indirectement la mort de l'hypocrite. (5, 250-293)

Ensuite, une muse, dont le nom n'est pas cité, apprend à Minerve que les pies, dont le bavardage intrigue la déesse, étaient antérieurement les neuf filles de Piérus. Ces Piérides, fières et sûres d'elles, étaient venues défier les Muses en leur proposant un concours de chant arbitré par des nymphes, concours dont l'enjeu était la possession des sources de l'Hélicon et des plaines de l'Émathie. (5, 294-314)

La muse rapporte ensuite la prestation de la porte-parole des Piérides, laquelle chante la mise en fuite des dieux du ciel par le Géant Typhée et leur arrivée en Égypte, où diverses métamorphoses leur avaient permis d'échapper à leur agresseur. (5, 315-331)

Après une brève transition, la narratrice retrace la contribution de Calliope, représentante des Muses. Après un hommage à Cérès, déesse de l'agriculture, Calliope transporte le lecteur en Sicile : l'île écrase sous sa masse le Géant Typhée, dont les soubresauts inquiètent et attirent sur terre le roi des enfers. (5, 332-361)" (Résumé par Bibliotheca Classica Selecta).

 

Nous allons retrouver ces différents épisodes dans les deux enluminures.

 

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2a. Première enluminure de la Seconde Partie, les voix DQB.

a) Vue générale.

 

 

Hans Mielich, Mirabar solito, II. ème partie, voix DQB. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, II. ème partie, voix DQB. Droits réservés MDZ Munich.

b) registre supérieur.

Ce registre est occupé par la lettre D de la voix de Discantus, et par la partition de cette voix, limitée à Virtutum Gratior hic nobis Phebo. Minerve apparaît ici à dans la lettre D, à travers laquelle elle se penche pour s'observer elle-même à l'étage du dessous. Elle tient une lance de tournoi. Par convention, nous nous trouvons ici sur les hauteurs du mont Hélicon (en Béotie, près de Thébes), décrit par Hésiode dans sa Théogonie comme le lieu de villégiature des Muses :« Pour commencer, chantons les Muses héliconiennes, reines de l'Hélicon, la grande et divine montagne. Souvent, autour de la source aux eaux sombres et de l'autel du très puissant fils de Cronos, elles dansent de leurs pieds délicats. Souvent aussi, après avoir lavé leur tendre corps à l'eau du Permesse ou de l'Hippocrène ou de l'Olmée divin, elles ont, au sommet de l'Hélicon, formé des chœurs beaux et charmants, où ont voltigé leurs pas. »

 L'Hippocrène (du grec hippos, « cheval » et krêné, « source ») vient de jaillir sous l'effet d'un coup de sabot de Pégase, le cheval ailé de Persée, né du sang de la Méduse. Minerve, qui vient de l'apprendre, saute de la lettre D pour en savoir plus.

Elle descend prestement, puisque la voilà qui arrive dans le cadre entre les deux partitions, où elle est accueillie par le chœur des neuf Muses.  

Ovide, Les Métamorphoses V, 250-268

 

"Elle s'arrête sur ce mont, et tient ce langage aux doctes sueurs : «La Renommée a porté jusqu'à mes oreilles la nouvelle de cette fontaine que Pégase aux ailes rapides a fait jaillir de terre sous ses pieds vigoureux ; elle est l'objet de mon voyage : j'ai voulu voir cette merveille opérée par le coursier qui naquit sous mes yeux du sang de sa mère».

Uranie lui répond :

uera tamen fama est: est Pegasus huius origo  fontis' et ad latices deduxit Pallada sacros. 

«Quel que soit le motif qui te fait visiter nos demeures, ô déesse ! ta présence remplit nos âmes de joie ; la renommée dit vrai : c'est à Pégase que nous devons cette source». A ces mots, elle conduit Pallas vers l'onde sacrée. La déesse admire longtemps ces eaux que le pied de Pégase a fait sortir de la terre, et, promenant ses regards autour des bois sacrés et des antiques forêts, des grottes et des prairies émaillées de fleurs, elle trouve les filles de Mnémosyne également heureuses de ce séjour et de leurs études. "

Uranie l'emmène voir la fontaine (dans le texte d'Ovide) ou désigne (dans l'image) de la main Pégase qui cabriole —il a le sabot vif— dans la lettre Q de Quintus. Mais en même temps, on remarque la présence de pies qui jacassent derrière Minerve, ce qui n'a pas échappé à cette sagace déesse.

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Hans Mielich, Mirabar solito, II ème partie, voix DQB, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, II ème partie, voix DQB, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

c) registre moyen.

C'est l'étage de la partition Q, qui comporte le texte complet : Johannes Pollet le débute par une lettrine V de l'initiale dorée de Virtutum, suivi d'une lettre i ornementée , puis d'un texte qui fait largement usage d'abréviations: tilde abrégeant Virtutum en Virtut~u ou Spelndor en spl~edor , apostrophe abrégeant ante en ant', terminaison -us remplacé par le signe ressemblant à un 9 (gen9 pour genus, ver9 pour verus, un9 pour unus). Ces partitions n'étaient pas destinées aux chanteurs, mais j'ignore si les partitions "réelles" comportaaient l'usage de ces abréviations, qui compliquaient la lecture des chanteurs.

Virtutum ante alios in quo genus omne relucet,

Splendor et Heroum est, verus et unus honos.

Gratior hic nobis, Phebo 

Les marges latérales accueillent les armoiries de Bavière, une niche où s'abritent Vénus et son diablotin farceur de fils, et, de l'autre coté, la prude Diane (ou plutôt, selon Quickelberg, Amalthée).

Dans le cadre entre les deux voix D et B, on trouve un garçon tenant une flûte de pan, ainsi que Pégase. Ce garçon serait-il Chrysaor, le frère de Pégase (Ovide, IV, 786), ou bien Persée lui-même ? A ses pieds se voient une couronne de laurier et un livre ouvert. Jessie Ann Owens résoud l'énigme en expliquant qu'il s'agit de Pégase apprenant à Apollon à faire de la musique avec de l'eau s'écoulant à travers un ensemble de tuyaux. C'est en effet ce que signale Quickelberg, rappelant qu'Apollon est l'inventeur de la musique et du chant, et qu'il est le maître des Muses  et citant lui-même "Virgile" ...bien que ce Pseudo-Virgile soit de nos jours identifié comme étant Ausone. Vous me suivez ?

Le texte de Quickelberg est :

Apollinis fistula carminus flumina emittunt : ob id Pegasus attonitus obstupescit. Notum enim Apollinem carminus et musices inventore fuisse, et musis in Helicone praefuisse, et ad canendus excitasse. Ut apud Virg. :

 

mentis Apollineae vis has mouet undique Musas 

Le texte d'Ausonius dans son Idylle XX signifie :

"L'âme et la verve d'Apollon inspirent toutes ces Muses :[assis au milieu d'elles, il réunit en lui-seul tous leurs mérites]"

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Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

d) registre inférieur.

C'est celui de la voix B ou Bassus, bien lourde puisque la partition, comme l'île de Sicile du texte d'Ovide, écrase de tout son poids le géant Typhée.

 En marge, un double  entrelacs en nœud de carrick.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix DQB, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

2b. Deuxième enluminure de la Seconde Partie, les voix SAT.

Cette enluminure est consacrée au Chant des Muses et à celui des Piérides. 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT. Droits réservés MDZ Munich.

a) registre supérieur.

Le cadre du bref texte de la voix de Soprano (même texte que pour le Discantus) est entouré d'un mélange hétéroclite rassemblant  un aigle-dragon, une vache  ou un taureau, et une chèvre. A gauche, on assiste à une scène de combat .

Tout s'éclaire si on lit le texte d'Ovide. Minerve s'étant étonnée d'entendre des oiseaux qui chantaient avec une voix humaine, les Muses lui expliquent que les neuf filles du roi Pierus les ont défié dans un concours de chant, réclamant les sources d'Hippocrène et d'Aganippe en cas de victoire.  

huc quoque terrigenam uenisse Typhoea narrat 
et se mentitis superos celasse figuris; 
"duxque gregis" dixit "fit Iuppiter: unde recuruis 
nunc quoque formatus Libys est cum cornibus Ammon; 
Delius in coruo, proles Semeleia capro,  
Ovide, Metam. V, 320-330

"Alors, se levant la première sans avoir été désignée par le sort, celle des Piérides qui proposa le défi chante la guerre des dieux, exalte injustement la gloire des géants, et rabaisse celle des immortels ; elle raconte comment Typhée, sorti des entrailles de la terre, fit trembler les habitants du céleste séjour, les mit tous en fuite, et les força de chercher un asile jusque dans les plaines de l'Egypte et sur les bords du Nil aux sept embouchures ; elle ajoute que, toujours poursuivis par ce monstrueux enfant de la Terre, les dieux revêtirent, pour se cacher, des formes mensongères. «Jupiter, dit-elle, était le chef de ce troupeau, et c'est depuis ce temps que la Lybie, lui donnant des cornes recourbées, l'adore sous le nom d'Ammon ; le dieu de Délos se changea en corbeau, le fils de Sémélé en bouc, la soeur de Phébus en chatte ; la fille de Saturne devint une blanche génisse, Vénus se cacha sous l'écaille d'un poisson, et Mercure sous les ailes d'un ibis».

Ainsi chanta la fille de Piérus en s'accompagnant de la lyre."


C'est donc le combat du géant Typhée et de ses compères contre les dieux , puis les métamorphoses de Jupiter en taureau, de Vénus en poisson, d'Apollon en corbeau (ici aux allures d'aigle), de Bacchus en bouc, qui sont ici représentés.
 

 

En dessous, un arbre anthropomorphe peut correspondre à la métamorphose de Daphné transformé en laurier.

Nous retrouvons ensuite  les Muses, réunient en chœur autour d'un pupitre dont le lutrin n'est autre que la lettre A de la voix d'Alto, décrivant à Minerve (qui me semble absente) comment les Piérides ont été transformées en pies : et le peintre les montre dans les différents aspects de leur métamorphose, les unes nues, les bras devenus des ailes ; les autres en robe longue, mais à tête d'oiseau ; ou inversement à tête humaine et à corps de pie ; ou entièrement pies tentant maladroitement de voler entre deux portées ; ou enfin à droite, en corps nu et féminin affublé d'une tête d'oiseau.

 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre supérieur. Droits réservés MDZ Munich.

c) registre moyen.

 

 

Les Muses racontent aussi comment le barbare Pyrène les a attiré dans son palais et comment il a tenté de les abuser ; comment, poursuivies au somet d'une tour,  elles s'envolèrent, et comment le forcené, entrainé par sa fureur, se jeta dans le vide et tomba tête la première sur le sol ou il se tua.

Tandis que Minerve "s'assied  à l'ombre, sous le feuillage qu'agite un léger souffle", elles expliquent comment ce fut Calliope qui releva le défi lancé par les Piérides,au son des cordes de sa lyre plaintive, en rendant hommage à Céres : Cérès a, la première, ouvert le sein de la terre avec le fer recourbé de la charrue ; l'homme lui doit ses premiers fruits, des aliments plus doux, et ses premières lois ; toute chose est un bienfait de Cérès " : c'est la scène représentée dans la marge gauche et l'encart entre les deux partitions.

—  Calliope transporte le lecteur en Sicile : l'île écrase sous sa masse le Géant Typhée, dont les soubresauts inquiètent et attirent sur terre le roi des enfers. (5, 332-361) : c'est la scène représentée en bas de l'enluminure précédente. 

— Pluton, dieu forgeron des enfers (marge de droite)  enlève Proserpine, fille de Céres, malgré Cyané, métamorphosée en source  (5, 362-437).

— Pluton, le souverain des enfers, s'attardant en Sicile, éveille l'attention de Vénus, car ce dieu est resté célibataire. Dès lors, elle charge Cupidon de rendre Pluton amoureux de Proserpine, deux êtres qui jusque là avaient échappé à la domination de la déesse de l'amour. Cupidon aussitôt perce d'une de ses flèches le coeur de Pluton. (5, 362-384). C'est le sens de la présence de Vénus et de Cupidon dans la marge du registre moyen de l'enluminure précédente. Dès lors, sa vis-à-vis devait être Proserpine.

 

 

 


 

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre moyen. Droits réservés MDZ Munich.

d) registre inférieur.

— Près de la ville de Henna, Pluton enleva la candide Proserpine, qui cueillait des fleurs dans un cadre idyllique. Malgré les appels désespérés de l'enfant à sa mère Cérès, le dieu l'emporta à travers la Sicile jusqu'à Syracuse. (5, 385-408).  La nymphe Cyané, qui a reconnu Proserpine, veut barrer la route au ravisseur, lui reprochant non sa passion, mais sa manière d'agir ; furieux, le dieu fend la terre avec son sceptre, et, se frayant un passage vers le Tartare, s'y engouffre avec son char. Cyané, inconsolable, ne tarit pas ses larmes, et progressivement est métamorphosée en fontaine. (5, 409-437). 

Hans Mielich a représenté à droite le tableau champêtre de la cueillette des fleurs par la fille de Céres, puis, à gauche, la scène où on voit Pluton saisir à bras-le-corps Proserpine et l'installe sur son char, tandis que Cyané, le corps à demi métamorphosé, tend vainement les bras.

 "Non loin des remparts d'Enna est un lac profond qu'on appelle Pergus ; jamais le Caystre, dans son cours, n'entendit chanter plus de cygnes sur son rivage : des arbres touffus couronnent ses eaux et les enveloppent au loin d'un rideau de verdure, qui ferme tout accès aux traits de Phébus, et répand une agréable fraîcheur ; la terre que baigne cette onde est émaillée de fleurs aussi brillantes que la pourpre de Tyr. Là règne un éternel printemps : c'est dans ce bocage que Proserpine cueille, en se jouant, la violette et le lis éclatant de blancheur ; avec toute la vivacité de son âge, elle en remplit sa corbeille et son sein ; elle se hâte, à l'envi de ses compagnes, de moissonner les plus belles fleurs. Un seul instant suffit au roi des Enfers pour la voir, l'aimer et l'enlever, tant l'Amour a de hâte ! La déesse tremblante appelle d'une voix plaintive sa mère et ses compagnes, mais plus souvent sa mère. Elle déchire les long plis de sa robe, d'où tombent les fleurs qu'elle a cueillies ; tant la simplicité accompagne sa jeunesse ! Dans son malheur même la jeune fille s'afflige de la perte de ses fleurs. Le ravisseur pousse son char, excite chacun des coursiers par son nom, et secoue les sombres rênes sur leur cou et sur leur crinière. Il franchit dans sa course les lacs profonds, les étangs de Palice, dont les eaux exhalent l'odeur du soufre, et bouillonnent au sein de la terre entr'ouverte ; il traverse les campagnes où les Bacchiades, originaires de Corinthe, que baigne une double mer, fondèrent une ville entre deux portes d'inégale grandeur."

A droite, Quickelberg interprête la présence d'une femme et d'un enfant comme la description de la colère de Céres transformant un garçon éffronté en lézard  :

Tandis que Cérès boit à longs traits, un enfant au cœur dur la regarde avec audace, s'arrête devant elle, et rit de son avidité. Cérès ne peut souffrir cette insulte et jette sur l'enfant, qui parle encore, le reste de son breuvage. Au même instant, son visage se couvre de taches légères. Ses bras amincis descendent vers la terre. Une queue termine son corps, qui se rétrécit, pour qu'il ne puisse nuire. Il est changé en lézard. La vieille en pleurs s'étonne de ce prodige; elle veut le toucher; mais il rampe, il fuit, il se cache dans des trous obscurs; et les taches sur sa peau, semées comme autant d'étoiles, lui ont fait donner le nom de Stellion.  (Ovide, Métam. V:450-460)

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

Hans Mielich, Mirabar solito, IIème partie, voix SAT, registre inférieur. Droits réservés MDZ Munich.

IV. LE COPISTE JOHANNES POLLET.

a) Selon Samuel Quichelberg, 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035317/images/index.html?id=00035317&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsqrseayawxdsyd&no=7&seite=9,

Notarum exarator : Notarum et textus exarator nigrossatorue fuit Johannes Pollet, poeta ex Flandria ortus, inter musicos Illustrissimi principis sustentatus

"Copie de musique  : la graphie des notes de musique et des textes [à l'encre noire ??] fut faite par Jean Pollet, poète né en Flandres, soutien des musiciens de l'Illustre Prince."

Noter l'emploi d'exarator (verbe exaro, [ex-aro] "labourer profondément, creuser un sillon", et, chez Cicéron, "graver sur la cire", d'où "écrire"). le terme exarator est d'emploi rare, depuis le XIe siècle, pour désigner le rédacteur d'actes, à coté de scriptor et de notarius. Il sera repris par Linné pour un hyménoptère parasite ou ichneumon, Spathius exarator Linnaeus, 1758. Les femelles de ces Braconidae sont dotées d'une longue tarière ou ovopositeur qui a peut-être suscitée la comparaison de l'insecte avec un secrétaire de chancellerie portant sa plume. La poésie éclate avec d'autant plus de vivacité lorsqu'elle surgit à l'improviste de la collision entre la Nature, et l'imagination d'un naturaliste, à son insu.

 

Il signe ses copies ( sous 18 distiques latins de dédicace du Livre de motets ou Sacrae Cantiones de Roland de Lassus publiés à Nuremberg en 1562, puis à Venise par Gardano 1565, et du Premier livre de Motet de Lassus  publié chez Gardano à Venise en 1569) du nom de Johannes Pollet insulensis. En 1571, il est à Anvers, et signe Jean Pollet, Lillois comme l'indique sa copie des Chansons de Jean de Castro : "Chansons à quatre parties, composées et mises en musique par M. Jean de Castro ; escriptes en Anvers, par Jean Pollet, lillois, demourant audict Anvers, anno 1571 » (Gallica : http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9063641w/f4.item )

 

  Selon Bossuyt, sa femme Sara était née à Delft, et, à sa mort prématurée, Castro a composé une élégie à trois voix,  "Uxor Joannis Pollet Sara", qui fut publiée en 1574. Ignace Bossuyt a suggéré en 1997 que le motet de Lasso Praesidium Sara puisse être un épithalame pour le mariage des époux Pollet.

I. Bossuyt distingue ce Johannes Pollet insulensis de ses homonymes, le prètre Jean Pollet de Bruges, qui était zangmeester de l'église Saint-Jacques en juin 1555. Deux ans plus tard, il fut muté à l'église San-Salvador ou Saint-Sauveur, où il devint chapelain en 1558 et chanteur (hoogcanter) en 1559. Entre janvier et avril 1559, il signe comme magister cantus. Le 17 avril, il est accusé de négliger ses responsabilités envers les garçons de chœur et d'être souvent absent des offices.

 

Ignace Bossuyt signale aussi le juriste François Pollet (Douai, c.1519/20-1548 et Raphael Pollet (Courtrai 1509?-c.1563) et Jan Pollet (Courtrai c;1500 ?-Lille 1556), frère de Raphael, chanoine de la collégiale Saint-Pierre de Lille et conseiller de Philippe II.

Dans une lettre du 23 août 1563 adressée au cardinal Granvelle, Hans Jakob Fugger, alors au service du duc, demande que des sanctions soeint prises envers " certo Jhan Pollet" qui a enfreint l'interdiction de copier la musique de Roland de Lassus, propriété privée du duc. [ Cela repose pour moi la question des homonymies : si Pollet était laïc, et marié, pourquoi les sanctions passeraient-elles par un cardinal ?] Antoine Perrenot de Granvelle était archevêque d'Arras jusqu'en 1561 et archevêque de Malines de 1561 à 1584, date où il fut nommé archevêque de Besançon. L'archevêché de Malines venait d' être créé en 1561 au dépens des diocèses de Cambrai et de Liège. 

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V. ULRICH SCHNIEP.

Dans sa présentation des auteurs du manuscrit Mus. Ms. B, Samuel Quichelberg mentionne, après le musicien, le peintre et le copiste, un dernier intervenant :

Libri compacturem exornator. Librum auratis claustris (si quis hoc forte etiam quaerat) es munimentis suis artificiosis ornavit Ulricus Schniep, eiusdem principis solariorum es oricalci faber peritissimus, Monaci eo tempore civis.

Tentative de traduction :" Reliure et ornementattion extérieure du livre. Les fermoirs en or du livre sont dues à l'artiste Ulrich Schniep, le réputé fabriquant de cadran solaire en métal doré, alors bourgeois de Munich."

Le fabriquant d'instruments astronomiques Ulrich Schniep est né dans le  Wiesensteig (près d' Ulm) et fut actif à partir de 1545. Son savoir-faire a été remarqué par de riches clients comme le duc Albrecht et l'empereur Maximilien . Dès 1551, l'empereur Charles V lui a accordé le privilège d'un blason comportant un cadran solaire polyédrique Schniep et le slogan "Asteranimos und Kundtpassmacher"'. En 1554, Ulrich Schniep est venu  à Munich où il a formé des apprentis comme son fils Alexis Schniep et Markus Purmann. Plus de cinquante instruments (principalement des cadrans solaires et des instruments de  visée, mais aussi des horloges et pendules) sont connus, le premier datant de 1553 et le dernière de 1588. Pour le duc Albert V, il a fait plusieurs cadrans solaires, ainsi que des instruments de musique et des accessoires. Ses œuvres ont eu  largement  accès au  Kunstkammer du du, et dans l'inventaire de 1598 on cite un compas, une planispère, („Ain Meßing verguldt Instrument auf einer runden fläche, zu aller meßerey, auf dem Boden ein Compas, darunder ein Planispherium, oben auf mit einem Windtleuffl in form eines delphins, von Ulrich Schnieppen in München gemacht“) :http://www.kunstkammer.com/de_seiten/frameobjekt.php?idnr=102

 Ulrich Schniep est mort dans le début de l'été 1588.

Effectivement, la reliure actuelle est décrite comme la reliure d'origine, seulement restaurée en 1963 : elle est  de cuir doré estampillé rouge sur des planches de bois, renforcée de coins, décorée d' agrafes, de 5 armoiries de' Albert V, duc de Bavière, et de ses  initiales «AH» [= Albrecht Herzog] en laiton doré. Cette reliure a été faite par Kaspar Ritter, mais les ornements métalliques sont d' Ulrich Schniep. (Source : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225)

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Reliure du Mus. Ms. B, Kaspar Ritter et Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B, Kaspar Ritter et Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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Le détail de la serrure montre (l'image a été renversée pour mieux la décrypter) une femme nue à demi-assise — sans doute une figure de déesse (Vénus ; Diane observée par Actéon ?) sous l'arceau du voile qui forme dais—, un masque sous un dais identique, peut-être deux autres visages en haut et en bas, et en pilastre, deux pommes de pin dont l'une manquante.

Reliure du Mus. Ms. B, : serrure (image inversée), Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B, : serrure (image inversée), Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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Le coin inférieur de la reliure est renforcé par une plaque métallique ornée d'un réseau d'entrelacs centré par une étoile de David, rappel peut-être du titre d'Asteranimos qui figure dans la devise de Schniep.

Reliure du Mus. Ms. B. Coin en métal doré, Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

Reliure du Mus. Ms. B. Coin en métal doré, Ulrich Schniep ; Droits réservés MDZ Munich.

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ANNEXE I . 

 Le poème d'éloge funèbre composé par Nicolo Stopio pour Adrian Wyllaert (1555).

Ad Musas Vos, Heliconiades, dulcissima turba, sorores, unanimes melicum condecorate chorum. Respondent Musae Calliope, Polyhymnia, Terpsichore, Urania « adsum », Melpomene, Euterpe, Clio, Thalia, Erato. Ad Musas, ut unaquaeque suofungatur officio  Gesta canens Clio, quid erat die Musica quondam ; maestà licet tua sint, die quoque, Melpomene ; lascivis parcas numeris, facunda Thalia ; hue ades, Euterpe, flatibus ede sonos ; Terpsichore, adde modos, Geticus quos repperit Orpheus ;  quidque, Erato, sit amor gestibus ede sacris ; Calliope, tua maiestas heroa nee absit ; harmoniam caeli proferet Urania ; da manibus placidos et voce, Polymnia, gestus ; Tu fer ovans Paean, Thrax citharoede, novum ;  Ut Charitesque hilari suaves dent pectore voces convoca eas Ciaria, Phoebe canore, lyra. Phoebus Vos, Heliconiades, gratíssima turba, sorores, hue properate prius quam venit atra dies. Heu nimis atra dies erit et lacrimabile fatum,  odeon linquet cum pater ipse chori.

Perpetuis vivus celebretur laudibus a quo omne decus vobis, gloria perpes adest. Spiritus et cum se carnis mole exuet ista, ducite ad Elysios muñera grata choros.  Musica iam longos varie lacerata per annos dulcis adest veris enucleata modis ; praeceptis veteres hanc involvunt tenebrosis verbaque pro factis sola relieta iacent. Iuppiter at nostri sortisque misertus acerbae  caelitus emisit dona petita suis. Randria ter felix hoc almo muñere digna sola reperta fuit quae patefecit iter. Divini sitiens puro de fonte Adriani mellifluo ardentem nectare pelle sitim. Musarum chorus concors  Vivat perpetuo felix cum dis ADRIANUS vivat, ut est clarum nomen et usque suum.

ANNEXE II. 

Mirabar solito, un cadeau de Nouvel-An pour Albert V ?

Cipriano de Rore a adressé le 9 janvier 1559 une lettre en latin au duc Albert, lui présentant ses vœux tout en lui offrant une pièce musicale de sa composition, qu'il décrit mais ne nomme pas. La lettre, en latin, a été traduite en anglais par Leofranc Holford-Strevens pour  J.A. Owens dans l'article qu'elle consacre à l'hypothèse que le cadeau en question correspond à Mirabar solito.

 "Most illustrious prince, and most merciful lord. When in the last few days I returned home to Italy from Flanders, I found a letter from the excellent Hans Jakob Fugger, from which I understood that the Mass I had promised at my departure had been delivered to Your Highness, and not only had it been delivered, but had pleased  you and been received with that readiness o a gracious spirit that I had hoped for. Truly that caused me great pleasure, both because I very much desire, in the free profession of this art, in which up to now I have been engaged with no want of effort and hard work, to show Your Highness how much I value your many outstanding manifestations of singular kindness towards me, and also because I ascertained from most certain evidence when I was still in Germany that, amongst the other mathematical disciplines, Your Highness both by nature and by choice embraced music with marvelous zeal, as being superior to the rest, and bestowed peculiar favor on its adepts. And this caused me, as soon as I had returned, to decide that I must work hardto preserve and confirm this favorable inclination of Your Highness towards the renewers of musical art by some new service. As I think, I have been successful enough in the task I undertook. For, having summoned the Muses to my aid, I have reduced this psalm to these melodies that you see, and have composed it not unpleasingly, fully complete, on the contrapuntal principle [or ‚in accordance with the laws of music’]. I send it to Your Highness, begging you over and over again to deign to think well of it, and receive it as a happy omen of this new year. For indeed I have judged it worthy for many reasons of being offered both to your ears and to your eyes. [fol. 31 v] For amongst the other works I have written at various times, I venture to declare to Your Highness that for a long time nothing has come forth from the workshop of my mind that pleases and satisfies me more. It is thus readily apparent that the ruler of the art, Apollo,was there to help me as I pondered then ; assistance from that god, as you yourself know, does not generally happen to any man or at any time. Whether I am deceived in that matter, and perhaps think too well of myself, or it is as absolutely true as I think, Your Highness, when you have heard the work, will be able to judge with good will. For I value your keen and precise judgement above all in this form of intellectual endeavor..Mean while I humbly commend myself to Your Highness, praying with all my heart to Christ Best and Greatest that he may allow you to live unscathed to as great an age as Nestor, and rule over your peoples in peace. Farewell. At Ferrara, on the Nones of January in the year of our salvation One thousand Five hundred and fifty-nine."

Your Illustrious Highness’ Most devoted Cipriano de Rore

Traduction médiocre tentée par mes soins :

"Très Illustre Prince, et seigneur très miséricordieux. Lorsque, dans les derniers jours, je rentrai chez moi des Flandres en Italie , j'ai trouvé une lettre de l'excellent Hans Jakob Fugger, à partir de laquelle j'ai compris que la messe que j'avais promise à mon départ avait été remise à Votre Altesse, et que non seulement  elle avait été livrée, mais qu'elle vous avait plu et avait été reçue avec autant d'empressssement et de grâce que je l'avais espéré. Nouvelles qui m'ont  causées beaucoup de plaisir, à la fois parce que je désire beaucoup m'engager, dans la libre profession  dans laquelle je suis jusqu'à maintenant  sans épargner les efforts et le travail acharné, pour montrer à Votre Altesse combien j'apprécie les nombreuses manifestations  de sa la bonté singulière envers moi, et aussi parce que, ayant  constaté de  preuves certaines alors je séjournais  en Allemagne, parmi les autres disciplines mathématiques, Votre Altesse a embrassé à la fois par la nature et par choix  la musique avec un zèle admirable, comme étant supérieure à tout le reste, et accordait ses faveurs particulières à ses adeptes. Et cela m'a convaincu, sitôt revenu, de me décider à travailler durement à préserver et à confirmer cette inclination favorable de Votre Altesse vers les rénovateurs de l'art musical par quelque  nouvelle production. J'ai eu, si je ne me trompe pas, assez de succès dans la tâche  que je me suis fixée. Car, avoir convoqué les Muses à mon aide, j' ai réduit ce psaume de ces mélodies que vous avez vu et j'ai composé ceci, qui n'est pas déplaisant, et est entièrement bâti  sur le principe du contrepoint [ou, dans le respect des lois  de la Musique]. Je l'envoie à Votre Altesse, vous priant, encore et encore de daigner  le considérer avec bienveillance, et le recevoir comme un heureux présage de cette nouvelle année. Car en effet je l'ai jugé digne pour de nombreuses raisons d'être offerts à la fois à vos oreilles et à vos yeux.  Parmi les autres œuvres que j' ai écrit pour vous à plusieurs reprises, je me permets de déclarer à Votre Altesse que rien n'est sorti de l' atelier de mon esprit depuis longtemps qui ne me plaît et me satisfait d'avantage. Il est donc  évident que le maître des régles  de l'art, Apollon, était là pour m' assister au moment où j'y réflechissais; une aide que ce dieu ne procure, comme vous le savez vous-même, ni à chaque homme ni en tout temps. Même si je me suis trompé dans cette affaire, et si j'ai peut-être pensé trop bien sur mon propre compte, je reste  absolument convaincu que, Votre Altesse, lorsque vous aurez entendu le morceau, sera en mesure de la juger davec bienveillance. Car j' apprécie votre jugement vif et précis, surtout dans cette forme de démarche intellectuelle Je me recommande humblement à Votre Altesse, priant  avec tout mon cœur le Christ Bon et Juste Qu'il veuille vous permettre d'atteindre indemne un âge aussi grand que celui de Nestor, et de régner sur vos peuples dans la paix. Adieu. A Ferrare, sur le neuvième jour de Janvier de l'année de notre salut et en mille cinq cent cinquante-neuf. Le plus dévoué à votre Illustre Altesse,  Cipriano de Rore"

Quelle est l'œuvre qui accompagnait cette lettre ? Puisque le compositeur parle d'un psaume, Edward Lowinski a proposé en 1989 le Beati omnes qui tement Dominum, motet du Mus. Ms. B qui reprend le psaume 128.  La phrase latine qu'il semble important de comprendre est celle-ci : 

Convocatis enim in auxilium Musis, psalmum istum in hos quos vides modulos redegi, suisque numeris absolutum, ad harmonicae  non iniucunde rationem composui.

J. A. Owens la traduisit d'abord dans sa thèse  par "For, the Muses having been assembled for assistance, I rendered this psalm in these modulos which you see, and I composed it complete with its  numeris  according to a not-unpleasing system of harmonics.", et E. Lowinski par "Having called the Muses to my aid, I have rendered that psalm into the form of these motets that you see, and when it was thematically completed, I set it to a not unpleasant harmonic idiom“. Mais numeris peut aussi être compris comme décrivant soit un rythme musical, soit un mètre poètique

 J.A. Owens écarte l'hypothèse de voir dans le "psaume" en question le Beati omnes, qui n'a rien d'extraordinaire, qui circulait déjà parmi les amateurs, dont le style ne relève pas de celui des œuvres "tardives" de de Rore, et dont l'enluminure ne fait nullement allusion au duc. Elle se penche donc sur les deux seules pièces composées seulement pour le duc Albert, l'Ode d'Horace Donec gratus eram, et l' éloge de Scopio Mirabar solito

L'un des arguments les plus convaincants est d'ordre codicoligique : l'étude de la foliation, d'une modification d'un motet qui est incomplet, et de l'insertion de pages blanches révèle que le recueil a été modifié peut avant la fin de sa réalisation, alors que les enluminures avaient déjà débutées, pour insérer ces deux dernières pièces. De même, le style graphologique du copiste diffère : une première manière est caractéristique de tous les motets du Mus. Ms. B sauf Donec gratus eram et Mirabar solito ; une seconde manière est propre d'une part à ces deux derniers motets; d'autre mart aux deux manuscrits de Roland de Lassus, Mus. Ms. A et Vienna 18.444. 

 

SOURCES ET BOITE A LIENS.

BERGQUIST (Peter) 2006,   Orlando Di Lasso Studies page 165   Google

— BOSSUYT (Ignace) 1994, "The copist Jan Pollet and the theft in 1563 of orlandus Lassus « secret »  Penitential Psalms " From Ciconia to Sweelinck: Donum Natalicium Willem Elders, ed. Albert Clement, Eric Jas (Amsterdam and Atlanta ; Rodopi) pages 261-7

https://books.google.fr/books?id=OW0ktdIxMoIC&pg=PA261&lpg=PA261&dq=Ignace+Bossuyt,+Copyist+Jan+Pollet&source=bl&ots=xyuNNQsM9B&sig=zX7FWHMqClbGVgRO2QRx7um0zmY&hl=fr&sa=X&ei=HsZMVf7TNYPjUZG0gcgI&ved=0CCYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Ignace%20Bossuyt%2C%20Copyist%20Jan%20Pollet&f=false

— GUTKNECHT (Dieter), 2009,  Musik als Sammlungsgegenstand Die Kunstkammer Albrechts V (1528-1579) in München Wiener Musikgeschichte: Annäherungen - Analysen - Ausblicke ; Festschrift ... publié par Julia Bungardt,Maria Helfgott,Eike Rathgeber,Nikolaus Urbanek, pages 43-66.

https://books.google.fr/books?id=sh3X7YoDq2wC&pg=PA54&lpg=PA54&dq=%22johannes+milichius%22+mielich&source=bl&ots=vfaECHachT&sig=fN9eHzcVeZzB1AckNDKXukn9sU8&hl=fr&sa=X&ei=pzBPVauZL8bbU9bdgagE&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=%22johannes%20milichius%22%20mielich&f=false

— JANSEN (Dirk Jacob), 1987, "Jacopo Strada et le commerce d'art" Revue de l'Art Volume   77 pp. 11-21, traduit par Jérôme Coignard

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1987_num_77_1_347647

 "La recherche des objets merveilleux. était pour un erudii contemporain du grand antiquarius amateur et négociant du XVIe siècle la raison être de la collection la mémoire Ulrich Middeldorf. Au cours de année 1567 Titien commen peindre le portrait de l'antiquaire Jacobo Strada  Celui-ci appartenait la maison de empereur Maximilien II mais il était alors employé à acquérir une célèbre collection de sculptures antiques appartenant au pratricien vénitien Andréa Loredan pour le compte du beau-frère de empereur le duc Albrecht de Bavière . C'est principalement ce portrait avec quelques documents qui s'y rapportent publiés par Crowe et Cavalcasene qui ont amené à faire de Jacopo Strada le prototype du marchand art professionnel aussi représentatif du commerce de son temps qu'un Duveen ou un Wildenstein dans la première moitié de ce siècle. C' est le même portrait et la même idée reçue qui inspiré Sir John Pope- Hennessy un jugement extrêmement négatif sur le caractère de Strada. Ce tableau montre Strada obséquieusement penché au-dessus une table tenant une statuette de marbre et il présente avec déférence quelque mécène sur la droite ... les traits contrastent avec la splendeur du vêtement ils sont mesquins et marqués par la fourberie et par un empressement un genre particulièrement déplaisant. Ce jugement sévère explicitement attribué artiste lui-même semble se limiter au caractère de Strada mais en fait reflète plutôt le dédain de intellectuel pour qui tire profit des œuvres d' art dont la profonde valeur spirituelle ne peut et ne doit s'exprimer en termes d'argent .Toutefois on se gardera de fonder sa conception de la fonction et de importance du commerce de art au xvic siècle sur les pratiques courantes de nos jours. Une reconsidération du cas Strada pourra apporter une meilleure compréhension de ces phénomènes, reconsidération qui hélas restera incomplète puisque ses activités comme marchand art où plutôtd' agent confidentiel nous sont presque uniquement connues travers les commissions il reçut du duc Albrecht vers la fin des années 1560 c'est-à-dire sur une période ne couvrant guère que quatre ou cinq années de sa vie.

Bien on puisse formuler de séduisantes hypothèses sur importance de Strada dans la vie artistique la Cour Impériale et plus généralement au sein des Erblände des Habsbourg de telles hypothèses ne sont que des déductions tirées du rôle qu' il joua à Munich. 

I. Stoppio rival manqué de Strada.

L'empereur avait prêté pour la première fois son antiquaire au duc de Bavière en 1566 lorsque Strada fut envoyé Rome l'année suivante il allait faire plusieurs voyages à Venise. Sa principale mission était de procéder à l' acquisition de vastes quantités d'antiquités principalement des sculptures. Fortement influencé par exemple et les idées de Hans Jacob Fugger, son Hofkammerpräsident et le premier mécène important de Strada, et par des membres de l'entourage de Fugger, Albrecht réunissait à Munich un ensemble de collections qui présentait déjà un caractère institutionnel plutôt que privé Cet ensemble consistait en un Kunstkammer encyclopédique, une grande bibliothèque et une collection d'antiquités dont l' ampleur et la qualité étaient sans égal au nord des Alpes. L'installation du Kunstkammer venait de achever tandis que la bibliothèque et Antiquarium devaient être abrités dans un second bâtiment spécialement conçu à  cet effet et dont la conception revient probablement Strada.

 La source la plus importante sur ces collections consiste en plusieurs dossiers conservés au Bayerischen Hauptstaatsarchiv de Munich. Ces Libri Antiquitatum qui contiennent des correspondances des comptes et des documents variés sont connus et consultés au moins depuis la fin du xvine siècle et quelques longs extraits en ont été publiés parfois sans grande précision Les documents se rapportant directement aux commissions reçues par Strada se trouvent dans les trois premiers volumes de ses lettres au duc et à Fugger des brouillons de leurs réponses quelques comptes des listes objets disponibles etc.

L.A = Libri Antiquitatum Munich Haupststaatsarchiv Kurbayern usseres Archiv 4851-4856

 Le deuxième volume des Libri Antiquatum  contient des lettres écrites de Venise par un autre agent employé par Fugger pour le compte du duc, le poète et érudit Niccolo Stoppio, un Flamand italianisé.  Les rapports réguliers de Stoppio fournissent un écho très vivant quoique partial des occupations de Strada durant ses séjours  à Venise. Stoppio natif d'Aelst dans la Flandre mais résidant depuis longtemps à Venise envoyait Fugger des nouvelles sous forme de bulletins hebdomadaires dans esprit des Fuggerzeitungen et faisait suivre la correspondance de Fugger à Bologne, Florence, et Rome. En outre il lui fournissait des livres et des manuscrits en particulier des manuscrits de Grèce relativement faciles trouver à Venise ainsi que divers produits de luxe tels que des gants des savons et même des médecines composées après ses propres recettes. Sa véritable spécialité semble avoir été la musique.  Non seulement  il envoyait des instruments mais encore il engageait des musiciens et des facteurs instruments pour la Cour de Bavière. Bien que manifestement il ne fût pas riche ni même aisé ni par ticulièrement illustre il semble avoir été un homme de lettres respecté et avoir connu la plupart des princi paux artistes et literati vénitiens Cependant Stoppio devait profondément ressentir le contraste entre sa position et celle de Strada lequel était une vieille connaissance. Strada n'était pas un erudii comme Stoppio si même il avait pu fréquenter peut-être une université dans sa jeunesse.

Bien que sa formation principale était celle un orfèvre Strada était un aristocrate fort riche avec une position favorable et officielle reconnue la première cour séculière de la chrétienté et il était considéré du moins par certains comme le Titien Portrait de Jacopo Strada Vienne Kunsthistorisches Museum premier antiquaire Europe. On ne saurait s'étonner que Strada à cause de son caractère impérieux et de son attitude parfois arrogante ne gagna pas la sympathie de Stoppio qui en outre avait nourri quelque illusion d'obtenir pour lui-même la commission très lucrative dont Strada fut chargée. Mais l'antipathie de Stoppio se mua bientôt en une jalousie haineuse eu égard de la réussite de Strada dans ses rapports presque hebdomadaires avec Fugger. Stoppio ne taisait rien qui pût selon lui discréditer Strada aux yeux de son protecteur et ainsi indirectement à ceux du duc Albrecht Il l'accusa de payer des prix exorbitants pour les antiquités qu'il acquérait pour le compte du duc, de se conduire sans tact avec les nobles vénitiens auprès de qui il faisait ses achats et de manquer de jugement professionnel et érudition Il alla reprocher Strada une prétendue faute orthographe. Insistant enfin sur le peu estime que selon lui les Vénitiens avaient pour Strada il opposait sa réputation auprès des Allemands qui plus confiants et honorables reale di natura que les Italiens étaient par là même plus facilement bernés est ces appréciations négatives de Strada connues seulement travers les extraits de correspondance de Stoppio que font écho des condamnations comme celles de Pope-Hennessy .Cette confiance est déplacée comme le démontre le ton vindicatif de cette correspondance dans son ensemble et surtout le fait que Fugger un des mécènes les plus intelligents et les plus judicieux du siècle ait ignoré presque complètement les institutions de Stoppio. Dans une lettre du 30 mars 1569 ( L.A 4852 ff 228 et suiv.) Fugger qui séjournait alors dans la maison de Strada à Vienne réfute les accusations de Stoppio puis cesse écrire à Stoppio jusqu'à la mort soudaine de celui-ci quelques mois plus tard.

— Sur Stoppio voir  Von Busch Renate Von Busch Studien zur deutschen Antiken- Sammlungen des 16 Jahrunderts thèse Tübingen 1973 Vienne Kunsthistorisches Museum  page 116 n°48.

 

— La Biblioteca Ambrosiana de Milan conserve quelques poèmes de Stoppio (voir Paul Oskar Kristeller Iter Italicum I, Londres et Leyde 1965, pp 287 302 et 307). 

— HOPE, (Charles) 1997, " Hans Mielich at Titian's studio",  Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1997, 60. Dans la littérature concernant Hans Mielich, la notion que le peintre s'est rendu à Rome en 1541 est en grande partie considérée comme un fait établi. C. Hope cite la transcription d'une partie d'une lettre du marchand d'art Nicolò Stoppio à Hans Jacob Fugger (14 décembre 1567) qui établit que Mielich visité l'atelier du Titien à Venise entre 1552 et 1554. Cela semble également la date la plus probable pour la visite de Mielich à Rome. Dans sa lettre, Stopio signale qu'il avait vu  le  tableau Vénus et Adonis maintenant au Prado, et qu'il avait fait deux suggestions pour l'amélioration de la peinture, que Titien avait suivi. Vénus et Adonis est daté c.1553.

 

MEIER (Berhard), 1975, Cipriani Rore Opera Omnia , vol. 6: Motets , American Institute of Musicology (=CMM  14/6).

— MIELICH (Hans) 1559, Mus. Ms. B, Bayerische Staatbibliothek : motets de Cipriano de Rore Oeuvre en ligne (en noir et blanc) ici : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=ewqeayaewqfsdrxdsydxdsydenw&no=32&seite=1

— OWENS (Jessie Ann), 1978, The signifiance of Mus. Ms. B as a source for the motets of Cipriano de Rore 

https://www.academia.edu/8021841/THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE

— OWENS (Jessie Ann), 2004, Cipriano de Rore's New Year's Gift for Albrecht V of Bavaria:a new interpretation : d'après sa thése de 1979 in : Die Münchner Hofkapelle des 16. Jahrhunderts im europäischen Kontext. Bericht über das internationale Symposium der Musikhistorischen Kommission der Bayerischen Akademie der Wissenschaften in Verbindung mit der Gesellschaft für Bayerische Musikg ..., 2004, 30 p. (2004, August 2-4)

https://www.academia.edu/8145200/Cipriano_de_Rores_New_Years_Gift_for_Albrecht_V_of_Bavaria_A_New_Interpretation

— OWENS, (Jessie Ann) 1979 : An Illuminated Manuscript of Motets of Cipriano De Rore (München, Baierische Statsbibliothek, Mus. Ms. B) - Phil. D. diss. Princeton University Press, 1979 (non consulté)

— PAJUR (Astrid), 2012, Spectacular Marriages: Early Modern Festival Books and the 1568 Wedding of Wilhelm V of Bavaria and Renata of Lorraine,  History Dissertation, University of Edinburgh 

https://www.academia.edu/5774753/Spectacular_Marriages_Early_Modern_Festival_Books_and_the_1568_Wedding_of_Wilhelm_V_of_Bavaria_and_Renata_of_Lorraine

— SCHILTZ (Katelijne et N. Meeùs), 2003, "Giunto Adrian fra l'anime beate : Une quintuple déploration sur la mort d'Adrien Willaert" Musurgia, Vol. 10, No. 1 (2003), pp. 7-33.

https://www.academia.edu/7926001/Giunto_Adrian_fra_l_anime_beate_Une_quintuple_d%C3%A9ploration_sur_la_mort_d_Adrien_Willaert

— SCHILTZ (Katelijne)  2005, "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus": Cipriano de Rores Motette Concordes adhibete animos Archiv für Musikwissenschaft, 62. Jahrg., H. 2. (2005), pp. 111-136

https://www.academia.edu/6714368/_Harmonicos_magis_ac_suaves_nemo_edidit_unquam_cantus_Cipriano_de_Rores_Concordes_adhibete_animos

 

— SCHILTZ (Katelijne), 2014, "Cipriano de Rore's a voci pari Motets: Sources, Context, Style", in Cipriano de Rore  at the Crossroads, Munich, 20-21 mars 2014 (non consulté).

http://www.uni-regensburg.de/philosophie-kunst-geschichte-gesellschaft/musikwissenschaft/medien/rore-tagung/flyer_cdr.pdf

— SCHILTZ (Katelijne), 2005 "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus“: Cipriano de Rores Concordes adhibete animos,  Archiv für Musikwissenschaft 62 (2005), 111–136

https://uni-regensburg.academia.edu/KatelijneSchiltz/Articles-and-book-chapters

 

— STOPIO (Nicolo) 1556 "Nicolai Stopii In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion" in : Petri Bembi patritii Veneti, scriptoris omnium politissimi disertissimique, quaecunque usquam prodierunt, opera : in unum corpus collecta, & ad postremam autoris recognitionem diligentissime elaborata, quorum catalogum versa pagina monstrabit : Cum rerum & vocum memorabilium Indice, in operis calcem reiectoBasileae : [Michael Isengrin] 1556

http://www.e-rara.ch/bau_1/content/pageview/62975

— STOPIO (Nicolo) ou STOOP, (Nicolaas de),1555, Panegyricvm Nicolai Stopii Alostensis Flandri Carmen De laudibus diuae Ioannae Aragonae ad Illustriss. & excellentiss. eius filium Marcum Antonium Columnam Marsiae Ducem inuictiss. Florence.

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00002170&pimage=00001&suchbegriff=&l=en

—  TROIANO ( Massimo Troiano) Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— DIAMM, Digital Image Archive of Medieval Music : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225

— VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

— Editions de Cipriano de Rore à la Bibliothèque Nationanle Bavaroise  :

http://www.digitale-sammlungen.de/index.html?c=autoren_index&l=de&ab=Rore%2C+Cipriano+de

A propos de Johannes  Pollet :  

 — Orlando di Lasso, Orlandi Lassi sacrae cantiones (vulgo motecta appellatae) quinque vocum ..  https://books.google.fr/books?id=2i77ZJwDIQwC&pg=PT2&dq=%22ioannes+pollet%22&hl=fr&sa=X&ei=widCVZPJOYOAU42bgcgF&ved=0CCYQ6AEwATgK#v=onepage&q=%22ioannes%20pollet%22&f=false

Pour m'initier à la musique franco-flamande :

http://classic-intro.net/introductionalamusique/Renaissance12.html

—  Profeti della Quinta, dolce risonanza, dir : Florian Wieninger

You tube : https://www.youtube.com/watch?v=uJO0NVH0D60

 

http://www.dolcerisonanza.at/cd-projekte/musica_reservata/index_fr.htm :

— The Seven Penitential Psalms and Laudate Dominum de caelis  Par Orlando di Lasso 

https://books.google.fr/books?id=NWPdOJWL0CMC&printsec=frontcover&dq=Lasso,+Orlando+di+-+Musica+Reservata&hl=fr&sa=X&ei=QndMVc68FYGAU7iygYAJ&ved=0CCgQ6AEwAQ#v=onepage&q=Lasso%2C%20Orlando%20di%20-%20Musica%20Reservata&f=false

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 22:39

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au caducée: L' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) .

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Sur Joris Hoefnagel, voir dans ce blog :

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Dans un article précédent, Le Hibou au Caducée chez Joris Hoefnagel, je présentais

cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:

  • Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.

  • Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590

  • Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598

  • Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2 cm, sans date

  • Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593.

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J'ai découvert un nouvel exemple, plus précoce, sur cette Allégorie aux deux Nymphes, et je l'ai étudié  dans un article séparé :

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) . 

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J'étudie maintenant l'enluminure dans sa globalité.

Il s'agit de l' Allégorie aux deux Nymphes, avec les vues de Munich et de Landshut datée de 1579. Elle est conservée au Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, sous le n° d'inventaire KdZ 4804 , et sous le titre de Ansicht von München und Landshut in reicher allegorischer Umrahmung .

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On peut l'examiner en ligne sur le site de NKD :

https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

Mais Théa Vignau-Wilberg en a donné une reproduction de bonne qualité dans son livre de 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, et c'est la photographie de ce document que j'exploite ici.

Je suis aussi redevable des 455 pages de texte de cet ouvrage dans lequel j'ai largement puisé.

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Je la décrirai en trois registres, le registre supérieur où s'affiche la Vue de Munich ; le registre médian principal avec la scène allégorique encadrée de bordures emblématiques ; et le registre inférieur avec la Vue de Landshut. Je présenterai ensuite, en guise de fiches documentaires, la cour ducale de la Maison de Wittelsbach, et les données historiques, celles concernant les partitions de musique, etc.... Joris Hoefnagel a peint cette miniature pour le cabinet d'art (Kunstkammer) du duc de Bavière Albert V, mais celui-ci décéda le 24 octobre 1579. 


 

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

                                        DESCRIPTION.

Aquarelle et gouache sur vélin  de 235 x 180 mm (423 cm2) ; feuille d'or, ligne d'encadrement noire. 

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I. REGISTRE SUPERIEUR : Vue de Munich.

   Le cadre. La vue de Munich apparaît dans un cadre certes formé de branches mortes, mais dont l'examen révèle la complexité. Tout en donnant l'illusion d'un encadrement  vraisemblable, il est irréaliste puisque les branches traversent, en haut, les volutes d'un élément de bois ou de métal doré tandis qu'elles se métamorphosent, de chaque coté, en une chimère . En bas, elles se terminent autour de la couronne ducale.

La vue de Munich permet de voir l'Isar au premier plan, traversée à gauche par un pont : c'est grâce à ce pont et au commerce du sel, que la ville doit son développement. Parmi les nombreux clochers, on reconnaît facilement les deux tours de la Frauenkirche, la cathédrale ; les autres sont identifiables grâce à la légende de la gravure du Civitates, qui en a été tirée. 

Blasons et devises.

Le panorama de la ville est encadré à gauche par le blason de la Maison des Wittelsbach fuselées en bande d'azur et d'argent. A proximité, dans l'entrecroisement en trophée d'une lance et d'une croix, un cartouche montre un lion allongé près d'un agneau avec les mots "parcere suiectis". A ce décor répond, du coté droit, les armoiries de Munich sous la forme d'un moine  en robe noire et chaussures rouges tenant un livre dans sa main gauche et bénissant de la main droite : au IXe siècle, le village de « Munichen » (bei munichen,"chez les moines" en vieil-allemand) a vu  le jour  près d'une abbaye bénédictine du VIIIe siècle. Le médaillon contient voisin une représentation d' Hercule terrassant le lion de Némée, et porte les mots et debellare superbos. Il est placé au sein d'un trophée inspiré des cartouches de Hans Floris avec un casque de style grotesque, des armes enrubannées et autres accessoires. Les Wittesbach considéraient descendants d'Hercule ; le "lion couché"  est une de leurs figures emblématiques.

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a) Portrait (de fiançaille) du duc Albert V  à 17 ans par Hans Mielich. Au deuxième collier est suspendu un lion couché, le "liegenden Löwen". 

http://www.hdbg.de/portraitgalerie/gemaelde-4301-zoom.php

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b) Portrait d'Albert V en 1555 par Hans Mielich. Un lion couché ou  "liegenden Löwen" est représenté derrière lui.

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c) armoiries des Wittesbach

http://de.wikipedia.org/wiki/Wittelsbach

 

 

     

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d) Les armes des Wittesbach par Hoefnagel  au dessus de la gravure représentant Landshut dans le Civitates Orbis Terrarum volume III : 

 

e) Le blason de Munich  :  http://de.wikipedia.org/wiki/M%C3%BCnchen

 

En réunissant les deux inscriptions, on obtient  une citation de  l'Enéide de Virgile (VI, 853) Parcere subjectis et debellare superbos "Protéger les faibles et frapper les arrogants" (ou "pardonner aux vaincus et dompter les rebelles"), qui  était l'une des devises du duc Albrecht V. Cette devise était parfois illustrée par  "Un lion embrassant une brebis et un autre lion dompté par son maître", ce qui permet de comprendre le cartouche de gauche, et le lien avec l'emblème du lion couché..

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Joris Hoefnagel, Vue de Munich, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Vue de Munich, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

 

II. REGISTRE MEDIAN.

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1. Le dais couronné.

La couronne ducale, frappée d'hermines, vient coiffer un dais ou pavillon dont le bandeau noir porte en lettre majuscules or les mots TV DECVS OMNE TVIS

En 1551, Claude Parradin avait publié dans ses Devises héroïques (Lyon, Jean de Tournes er Guillaume Gazeau) cette citation Tu decus omne tuis.  La  figure montrait une main tenant une langue arrachée. Dans l'édition de 1557, et un épigramme l'accompagnait, faisant allusion   à un geste héroïque de Lysimaque arrachant la langue d'un lion qui l'attaquait, avant de l'étrangler. L'édition de 1621 l'accompagnait de la traduction "Tu es l'honneur des tiens", et d'une allusion à Hercules dans sa victoire du lion de Némée. Une édition est parue à Anvers en 1583. 

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http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/facsimile.php?id=sm816_p149

 

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La présence de cette devise est logique ici, puisque elle glorifie le courage du  duc Albert V tout en faisant référence au lion de Némée et à la devise précédente.

Néanmoins,  il s'agit initialement d'une citation de la cinquième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 34 (site Philippe Remacle, trad. Nisard) :

instituit; Daphnis thiasos inducere Bacchi, 

et foliis lentas intexere mollibus hastas. 
Vitis ut arboribus decori est, ut uitibus uuae, 
ut gregibus tauri, segetes ut pinguibus aruis, 
tu decus omne tuis. Postquam te fata tulerunt, 

[5,35] ipsa Pales agros atque ipse reliquit Apollo. 
Grandia saepe quibus mandauimus hordea sulcis, 
infelix lolium et steriles nascuntur auenae; 
pro molli uiola, pro purpureo narcisso 
carduos et spinis surgit paliurus acutis.

"Daphnis qui nous apprit à conduire les choeurs de Bacchus, à enlacer de pampres gracieux de souples baguettes. Comme la vigne est la parure des arbres, les raisins de la vigne; comme le taureau est l'orgueil du troupeau, les moissons l'ornement des grasses campagnes; de même, ô Daphnis, tu l'étais de nos bergeries. Depuis que les destins t'ont enlevé,  Palès elle-même, Apollon aussi a quitté nos champs. Souvent dans ces sillons à qui nous avions confié des grains superbes, il ne croît plus que la triste ivraie et toutes les herbes stériles; à la place de la douce violette, du narcisse pourpré, s'élèvent le chardon, et la ronce aux épines aiguës. "

on trouve aussi les traductions "Vous fûtes la gloire de nos hameaux", ou "Tu fus la gloire des tiens" (Charpentier, 1859).

Toutes ces traductions emploient le passé simple, car, dans ce dialogue , Menalque et Mopsus déplorent la mort du berger Daphnis et en chantent l'éloge. Le texte est précédé par

 

 

"Une mort cruelle avait ravi Daphnis à la lumière; les nymphes le pleuraient: coudriers, claires ondes, vous fûtes témoins de leur douleur, lorsque, tenant embrassé le misérable corps de son fils, une mère désolée accusait la rigueur et des dieux et des astres. Dans ces jours, ô Daphnis, aucun berger ne mena ses boeufs, au sortir des pâtis, se désaltérer dans les fraîches rivières; ses troupeaux ne goutèrent même pas de l'eau des fleuves, ne touchèrent pas à l'herbe des prés. Les lions mêmes de la Libye, ô Daphnis, ont gémi de ta mort; les sauvages monts, les forêts nous le redisent encore. C'est Daphnis qui nous apprit à atteler au char les tigres d'Arménie;

et il est suivi par : 

"Jonchez la terre de feuillage, bergers; couvrez ces fontaines d'ombrages entrelacés: Daphnis veut qu'on lui rende ces honneurs. Élevez-lui un tombeau, et gravez-y ces vers: "Je suis ce Daphnis connu dans les forêts et jusques aux astres, berger d'un beau troupeau, moins beau que le berger." 

Il est donc possible que l'enluminure ait été réalisée lors, ou juste après le décès du duc Albert en octobre 1579, et que les mots Tu Decus Omne Tuis   soient un éloge funèbre "Tu fus la gloire de ton duché". Cela, bien entendu, changerait la lecture du reste de la peinture.

Ce bandeau noir est prolongé vers le bas par des draperies largement cloutées, décorées de deux aigles noirs bicéphales et des couleurs rouge et blanche des Habsbourg et donc du Saint-Empire Germanique (L'empereur est alors Rodolphe II).

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2. La scène centrale.

Dans un jardin clos (évoquant immédiatement le locus amoenus antique et ses avatars médiévaux) deux femmes aux amples vêtements tiennent des vases remplis de lys. L'une, de face, regarde le spectateur, tandis que l'autre, vue de 3/4 arrière, tourne dans une vrille son bassin vers la droite puis ses épaules et son visage vers la gauche pour se présenter en faux profil. Elles sont séparées par le tronc tortueux d'un laurier, symbole de la gloire, dont les branches sommitales supportent la lettre majuscule A qui rend hommage au nom du duc Albert V (Albrecht), voire, en même temps, à son épouse Anna. 

En arrière plan, le jardin est fermé par des claies. Il est divisé en parterres carrés délimités par des lignes de buis nains taillés, chaque carré, que l'on nommait "carreau" étant planté selon un dessin géométrique différent et centré par un  vase portant des fleurs. 

Ce type de jardin  apparu en Italie (villa de Poggio Reale), a été importé en France au début du XVIe siècle à Amboise, Blois et Gaillon par Charles VIII et Louis XII, et Jacques Androuet du Cerceau en a relevé les plans dans son Plus excellents bastiments de France en 1576-1579. Le jardin médiéval et ses quatre carrés centrés par une fontaine et plantés de simples à visée thérapeutique ou d'assaisonnement devient un espace de représentation dont les motifs ornementaux sont admirés d'un point de vue plus élevé, dans le cadre d'une promenade. C'est un décor de théâtre pour les festivités qu'on y donne. C'est aussi — surtout depuis l'entrée des bulbes exotiques, les tulipes et jacinthes — un cabinet de curiosité à ciel ouvert où le prince collectionneur de plantes rares les propose à l'admiration dans ce qui correspondrait à des armoires, des "chambrettes" et "lieux de réserve" . 

A la fin du XVIe siècle ont été inventés les "parterres à carreaux rompus" ou "parterres allemands" décrits dans le Thresor des parterres de l'univers  Genève,1629, par Daniel Loris, médecin au service des ducs de Wurtemberg.

Dans la résidence ducale de Trausnitz, Guillaume V en même temps qu'il faisait construire une aile italienne, fit agrandir en 1580 les jardins équipées de fontaines, ajouta des vergers, des cascades,  installa une volière, fit venir des animaux sauvages en liberté, etc... (B. Susan Maxwell page 99).

Mais la miniature date de 1579, elle célèbre Albert V, et il nous reste à comprendre quel est son sens allégorique. 

Les deux nymphes semblent copiées de quelque modèle antique ou de la Renaissance italienne, car les deux poses ne semblent pas harmonisées, comme si elles résultaient de la juxtaposition de deux croquis indépendants, collectés par Hoefnagel lors de ses voyages ou trouvés dans des ouvrages. L'une des femmes est pied-nus, l'autre est chaussée de sandales légères, et toutes les deux  ont le pied gauche en arrière, talon soulevé. Elles sont saisies lors de la marche ou de la danse. Comment ne pas évoquer la fameuse et chère Gradiva, héroïne de la nouvelle de  Wilhem Jensen (1903) ?  Comment ne pas entendre dans sa mémoire les lignes suivantes :

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" Cette sculpture représentait, au tiers de sa grandeur nature, une femme encore jeune en train de marcher. Visiblement, elle avait dépassé le stade de l’adolescence, mais ce n’était pas encore une adulte: c’était une vierge romaine d’environ vingt ans. Elle ne rappelait en rien les bas-reliefs si nombreux de Vénus, de Diane ou de toute autre déesse de l’Olympe, pas davantage ceux de Psyché ou d’une nymphe. [...] . Ce n’était pas par la beauté de ses formes que la jeune femme retenait l’attention , mais bien par quelque chose que l’on ne voit pas souvent dans les statues antiques, j’entends cette grâce naturelle et simple de la jeune fille qui, semblait-il, lui insufflait la vie. Sans doute cette impression provenait-elle surtout de l’attitude dans laquelle l’artiste l’avait représentée: la tête légèrement penchée en avant, la main gauche relevant un peu la robe extraordinairement plissée qui lui couvrait le corps de la nuque aux chevilles, ce qui laissait apparaître des pieds chaussés de sandales. Le gauche était en avant et le droit, prêt à le rejoindre, ne touchait à peine le sol que de la pointe des orteils, tandis que la plante et le talon se dressaient presque à la verticale. Ce mouvement évoquait l’agilité en même temps que la légèreté de la démarche chez cette jeune femme en mouvement, mais aussi une tranquille confiance en soi. Et c’est cette légèreté d’oiseau, associée à la fermeté de l’attitude, qui lui conférait cette grâce toute particulière."

 

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On sait que Gradiva correspond à la danseuse antérieure du  bas-relief des Aglaurides, conservé au musée Chiaramonti à Rome. La belle jeune-femme qui a fait fantasmé Freud et ses cohortes d'émules autant que les vrais amateurs de littérature porte la chiton descendant aux chevilles, sans ceinture ; le "drapé mouillé" y est plus pudique que dans la statuaire du maniérisme post-classique.  Hoefnagel a-t-il, comme Jensen, été inspiré par une sculpture de l'une des danseuses athéniennes, les déesses chtoniennes Aglaure, Hersé, Pandrose, dont le nom évoque la lumière et la rosée, et qui se virent), se voient confier la garde du petit Érichthonios – le « Très Chthonien » – l'enfant né du vain désir d'Héphaistos pour Athena ?

Euripide les a décrit en train de danser sur le flanc Nord de l'Acropole, non loin du Pythion, point de départ de la voie sacrée reliant Athènes à Delphes. Sur une colonne conservée au Musée de Delphes, elles entourent un acanthe,  et elles apparaissent comme la personnification de la terre arable, l'acanthe symbolisant leur rôle dans la croissance des végétaux. Elles y sont habillées d'un chitoniskos (tunique courte) et portant un kalathos, vase à base étroite et à col généreux qui est un symbole traditionnel de fertilité. Les pieds nus, suspendues en l'air et le bras levé. 

 Certes, Hoefnagel ne s'est pas rendu en Grèce, et il n'a pu admirer la Colonne aux acanthes, de Delphes, qui a inspiré à Claude Debussy le premier de ses Préludes. 

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Nous pourrions aussi penser que l'artiste flamand s'est inspiré des ménades, ces prêtresses de Dionysos qui adoptent aussi des attitudes de danseuses au talon levé. Mais les transes des bacchanales ne correspondent pas à l'Allégorie étudiée ici.


 

 

Enfin, parmi cent autres exemples, nous pourrions évoquer plus simplement l'une des Nymphes du Printemps de Botticelli : ces nymphes seraient alors les Hespérides gardant le mythique jardin aux fruits d'or.

 

Sandro Botticelli, Primavera (détail) 1478-1482. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Printemps_%28Botticelli%29

Sandro Botticelli, Primavera (détail) 1478-1482. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Printemps_%28Botticelli%29

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Dans la peinture de Hoefnagel, les femmes portent une tunique courte sur un chiton ou une robe descendant aux chevilles, et serrée au dessus de la taille par une ceinture. Les bras ou avant-bras sont nus, l'étoffe légère et flottante, aux motifs floraux, étant fixée par une broche au dessus de l'épaule, ou maintenue par un bandeau au niveau du bras. L'une des femmes porte un bandeau dans les cheveux.  Le vase qu'elle portent a la forme d'une corne d'abondance (cornucopia), et contient des lys martagon.

 Revenons en arrière, allons par sauts et gambades : on va toujours trop vite pour admirer les œuvres d'art. Il faudrait, comme Daniel Arrasse,  se faire enfermer dans un musée  en tête à tête avec la peinture, et en laisser  les ferments agir. Ou bien, comme ces amateurs de bordeaux ou de vin de Champagne, se réunir à quelques philomusis pour partager les émois de notre dégustation. Ainsi, je ne peux quitter cette nymphe qui soulève chorégraphiquement le talon sans évoquer les termes par lesquels Jensen décrit la démarche de Gradiva : lente festinans.

 

Cet oxymore se fâne lorsqu'on le traduit. Il perd de son bouquet lorsqu'on l'inverse en la forme plus fréquente mais impérative, et donc sêche, du Festina lente, "Hâte-toi lentement" de l'Adage d'Érasme, de la devise d'Alde Manuce accompagné de l'ancre au dauphin, ou de cet autre emblème au crabe tenant un papillon. Lente festinans est plus suave, il dit les hanches qui se balancent, le mollet qui se tend et l'allure du voilier dans la houle. J'entends ma mémoire qui chante la Passante de Baudelaire : définition exacte de lente festinans

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

 

Festinans est le participe présent du verbe festino, "se hâter" ; cette forme en -ans crée une rime sonore interne avec lente et confère à l'expression une coloration  d'arantium, celle-là même que Proust avait choisi pour le nom de Madame de Guermantes : " la lumière orangée qui émane de cette syllabe "antes"(Du côté de chez Swann - Combray - page 284).. Je le vois se presser vers la fête comme un feston orange, goûtant en gourmand l'impatience latente.

Joris Hoefnagel, Nymphes aux lys, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Nymphes aux lys, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Les deux nymphes dans le jardin.

Joris Hoefnagel, Les deux nymphes dans le jardin.

En conclusion provisoire, l'examen de cette scène centrale nous permet de décrire deux personnages féminins porteuses de cornes d'abondance remplies de lys, dont la tenue évoque celles des femmes de l'antiquité grecque, dont le pied gauche soulevé avec vivacité évoque le mouvement de marcheuses (Gradiva = "celle qui marche"), peut-être lors d'une procession, ou de danseuses (Aglaurides, Ménades ou Hespérides), alors que le jardin clos, de style Renaissance tardive est la représentation idéale du locus amoenus proche de l'Eden chrétien ou du Jardin des Hespérides antiques, non sans rappeler pour l'humaniste le souvenir du Banquet religieux d'Erasme, et non sans introduire les notions de mise en ordre soigneuse et agencée de la Nature par l'Homme. Dans tous les cas, la symbolique principale est celle de la fécondité et de l'Âge d'or, la symbolique secondaire est celle de la Grâce ou de la Beauté, et la troisième celle de l'Ordre comme facteur d'équilibre. J'oubliais l'olivier pourtant central, symbole de Paix. Tout pourrait se résumer dans le mot grec de κόσμος  kósmos, « le monde ordonné » , décrit par Platon dans le Gorgias comme l'état où "le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice". Un aspect féminin florissant et dansant du kósmos .

 

Mais la clef de l'allégorie nous attend au registre inférieur.

 

 

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3. La bordure de gauche.

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Ce hibou emblématique tenant un caducée formé d'un pinceau, et  posé sur le casque de Minerve, est entourée de deux palettes de peintre. C'est donc le peintre lui-même qui s'approprie, pour lui-même ou pour sa discipline, l'emblème. Le hibou est entouré d'une couronne d'olivier, tandis qu'un serpent au corps entortillé au dessus de lui le menace, vainement, de sa gueule sifflante, et qu'un oiseau huppé au bec crochu l'attaque du coté gauche. Nous avons donc ici réuni les éléments qui réapparaitront dans les occurences iconographiques suivantes et qui font de cet animal l'expression de la volonté de paix, confronté sans cesse aux agressions de l'ignorance et du Mal, et mettant avec une persévérance obstinée au service de la paix les talents de son art. 

Ce hibou au caducée surmonte un blason divisé en quatre quartiers par deux équerres et une règle. les quartiers sont occupés par un canif-grattoir, un pinceau, deux burins et un maillet. Soit les outils du peintre, du dessinateur, du graveur, et de l'architecte ou, plus surement, du géographe-topographe. Hoefnagel associe-t-il ici tous les artistes des arts décoratifs, ou bien décline-t-il les différentes fonctions de peintre, de graveur, et de chorographe qu'il a exercé, notamment à coté du géographe Ortélius ?

Ce blason est entouré, en guise de collier de la Toison d'Or, des lettres du mot VIRTUS auxquelles est suspendu un vase embrasé ou pot-à-feu, symbole d'enthousiasme et de charité, lui-aussi transpercé par un pinceau. Ce pot-à feu est, à la fois, un cœur enflammé.

Plus bas, deux cornucopia débordent de fruits.

Voir l'interprétation de cet emblème dans l'article qui lui est consacré. Précisons seulement que Hoefnagel s'est inspiré du motif emblématique de l'Hermathena (union de Minerve et d'Hermés) créé par Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise pour approvisionner son Antikarium d'objets d'arts en vente en Italie, mais aussi poète versé dans les épigrammes encomiastiques : nous retrouverons ce flamand aux talents multiples au chapitre "musique". Hoefnagel a su transformer la figure un peu pompeuse de l'Hermathena en celle, familière, d'un Hibou peintre aux traits plus humains que les divinités antiques.

Ajoutons –encore!– que le caducée est l'attribut des Légats (ou Ambassadeurs)

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Le caducée, attribut de la Paix ?

Le caducée a perdu de sa force expressive depuis qu'il désigne un macaron de pare-brise, une marque d'appartenance ou de reconnaissance professionnelle des médecins (il  n'y a alors qu'un seul serpent autour du bâton d'Asclepios) ou des pharmaciens, voire, de nos jours, des infirmières et des aides soignantes, des coiffeuses et, plus généralement, de tous les travailleurs à domicile. 

Mais le véritable caducée, à deux serpents, "tient son nom du latin caduceus (« caducée, baguette du héraut »), lui-même emprunté anciennement au dorien καρύκιον, karukion, de même sens, qui fait κηρύκειον, kêrukeion en grec attique,"  (Wiktionnaire) : ce nom est dérivé de κῆρυξ, kērux (« héraut ») apparenté à κηρύσσω, kērussō (« annoncer »). Il n'en faut pas plus pour penser que Hoefnagel, en transformant son pinceau en  caducée, c'est se donner comme but de faire une peinture "kérygmatique", vouée à "proclamer à haute voix" (c'est le sens du grec ancien κήρυγμα / kérugma), et d'annoncer tel un héraut (grec κῆρυξ / kêrux, le « héraut »)  la profession de foi fondamentale des humanistes. 

Le caducée fut, chez les Grecs, la marque distinctive des ambassadeurs et des hérauts. Les premiers apparaissent chez Homère  : ils se nomment Eurybates et Talthybius et Agamemnon les envoient voir Achille et lui réclamer la restitution de la belle esclave Briseis. Uniques détenteurs de l'inviolabilité diplomatique, symbolisée par leur kerykeion, les hérauts sont appelés à remplir les fonctions d'émissaires en période d'hostilités : à ce titre ils sont préposés à déclarer la guerre et, en cas de défaite, à demander au vainqueur une trêve pour relever les mortsPar extension de son association avec  Hermès, le caducée est aussi un symbole reconnu du commerce et de la négociation, deux domaines dans lesquels échange équilibré et la réciprocité sont reconnus comme des valeurs essentielles.

Quand aux deux serpents, certains les considèrent comme provenant de l'image d'un dieu à l'ère pré-anthropomorphique.

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Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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4. La bordure de droite.

Cette bordure est construite en symétrie de celle de droite, et l'appareil d'arcatures, de volutes et de faux encadrement est le même. C'est un sablier qui est suspendu au portique supérieur, alors que quatre oiseaux (passereaux) se sont posés dans des branchages pour y chanter. 

Plus bas, vient une tête animale (ours ? lion ?) entourée de deux ailes, puis une lyre à neuf cordes (la lyre est l'instrument d'Apollon, qui commande aux neuf Muses), puis un médaillon enrubanné décoré d'un cygne (cf. le "chant du cygne"), et enfin un vase rempli de fleurs.

On comprend que, si le coté gauche était celui des arts visuels, le coté droit est celui de la musique et du chant. C'est pourquoi la lyre est entourée d'une couronne de fleurs où s'enroulent des partitions de musique. On y lit les noms d' "ORLANDO LASSVS " et de "CIPRIANO [da] RORE"

Cyprien de Rore et Roland de Lassus sont deux compositeurs franco-flamands, célèbres pour leurs madrigaux et motets. Je fais ici une salade niçoise des articles Wikipédia :

— L'aîné est Cyprien de Rore.

 

Il est né à Ronse, une ville flamande de l'ouest de Bruxelles en 1515 ou en 1516  et  mort à Parme, en 1565. Installé en Italie ( Brescia, Venise) , il entre au service du duc Hercule II d'Este à la cour de Ferrare comme maître des chœurs. Il compose de nombreuses œuvres non seulement pour la famille d'Este , mais aussi pour les classes supérieures religieuses et laïques de l'Europe. En Mars 1558 Rore est rendu en  Flandre en passant par  Munich. Il fut très apprécié à la cour du duc  Albrecht V comme en témoigne de nombreuses miniatures du peintre de la cour Hans Mielich, mais n'y travailla jamais comme musicien de cour . Quand Hercule meurt en 1559, Cyprien de Rore travaille au service de Marguerite de Parme à Bruxelles et de son mari, le duc de Parme Ottavio Farnese. En 1562, il est choisi comme maître des chœurs à Saint-Marc de Venise, mais démissionne en 1564 et retourne à Parme où il décède.

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— Roland de Lassus (ou Orlando di Lasso, Orlande de Lassus , est né à Mons en 1532 et mort à Munich le 14 juin 1594.

 Il est très vite inscrit comme « enfant de chœur », c'est-à-dire comme enfant chantant dans le chœur de l'église, et sa voix exceptionnelle attirait les convoitises, si bien qu'il fut à trois reprises l'objet de tentatives d'enlèvement. À l'âge de douze ans, il quitte les Pays- Bas avec Ferdinand Ier Gonzague et se rend à Mantoue, en Sicile, et plus tard Milan, où il reste de 1547 à 1549. Il travaille à Naples  en tant que chanteur et compositeur au début des années 1550, puis  s'installe à Rome, où il travaille pour Cosme Ier de Médicis, grand-duc de Toscane. En 1553, à Rome, il devient maître de chapelle de la basilique Saint-Jean-de-Latran.En 1555, il retourne aux Pays-Bas et ses premières œuvres sont publiées à Anvers en 1555 ou 1556.

En 1556, il rejoint la cour d'Albert V de Bavière, qui désire s'entourer de musiciens prestigieux à l'instar des cours des princes italiens. En 1558, il épouse Regina Wäckinger, la fille d'une dame d'honneur de la duchesse . En 1563, Lassus est nommé maître de chapelle à Munich. Il demeure au service d'Albert V et son héritier, Guillaume V de Bavière, jusqu'à sa mort. 

Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique ». Il est annobli en 1570 par l'empereur Maximilien II, un fait rare pour un compositeur. Le pape Grégoire XIII le fit chevalier. En 1571 et en 1573, le roi Charles IX de France, grand amateur de musique, l'invita à la Chapelle royale.

À la fin des années 1570 et 1580, Roland de Lassus a effectué plusieurs voyages en Italie, où il a été en contact avec les styles et tendances les plus modernes. Dans les années 1590, sa santé commença à décliner.. Ses dernières œuvres sont souvent considérées comme majeures : le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels un ensemble de 21 madrigaux spirituels  connu sous le nom Lagrime di San Pietro (« Les larmes de Saint Pierre »), , et publié à titre posthume en 1595.

Lassus est décédé à Munich le 14 juin 1594, le jour même où son employeur avait décidé de se séparer de lui pour des raisons financières.

Roland de Lassus est l'un des compositeurs les plus prolifiques, polyvalents et universels de la Renaissance tardive. Il a écrit plus de 2 000 œuvres dans tous les genres en latin, français, italien et allemand. Il s'agit notamment de 60 messes complètes, une quantité considérable de Missae breves, « Messes brèves », destinées à des services de courte durée , 530 motets ( dont sa série de 12 motets intitulé Prophetiae Sibyllarum) ; 175 madrigaux italiens et villanelle ; le grand cycle pénitentiel de madrigaux spirituels de 1594, les Lagrime di San Pietro, qu'il a dédié au pape Clément VIII ;  150 chansons françaises et 90 lieder allemands, sans oublier la mise en polyphonie des mélodies du psautier catholique de Caspar Ulenberg (1588), et sa version des Psaumes de pénitence de David (Psalmi pœnitentiales Davidis, 1584) l'une des plus célèbres de toute la Renaissance. Plusieurs de ses motets ont été composés à l'occasion de cérémonies, comme on pouvait s'y attendre de la part d'un compositeur de la cour qui avait à offrir de la musique lors des visites de dignitaires, des mariages, des traités et autres événements d'État. 

Pendant cette période de conflits religieux, Roland de Lassus est resté catholique, sur un mode pragmatique et tolérant. La Contre-Réforme catholique, qui, sous l'influence des Jésuites, avait atteint un sommet en Bavière à la fin du xvie siècle, aura une influence notable sur le travail de Lassus, dans sa musique liturgique de rite romain.

En réalité, ces partitions ne font pas allusion directement à ces deux musiciens (le premier n'appartenant nullement à la cour d'Albert V), mais à trois trésors de bibliophilie, trois manuscrits enluminés réalisés à la demande d'Albert V, d'une valeur inestimable, et qui devaient faire sa fierté. Des partitions de musique avaient été recopiées sur vélin par le chanoine Lillois Jean Pollet (scribe des Motets de Lassus dès 1562) puis enluminées en fonction du texte par Hans Mielich, prédécesseur de Hoefnagel. Le premier volume est composé d'œuvres de Cipriano de Rore, les deux autres d'œuvres de Roland de Lassus. Ce qui est honoré par Hoefnagel, c'est donc le rôle de mécène d'Albert V à la fois vis-à-vis de la musique, mais aussi à l'égard des peintres miniaturistes. Mais les paroles des pièces maîtresses de ces ouvrages sont  des poèmes épidictiques de Nicolas Stopio, agent d'Albert V à Venise, ...l'auteur de l'Hermathena qui a inspiré à Hoefnagel son Hibou au Caducée. 

L'axe horizontal passant par les deux Nymphes ne relie donc pas seulement les arts picturaux de gauche avec les arts musicaux de droite, en hommage au mécénat ducal, mais crée un riche réseau de référence et d'hommage aux artistes qui, tous, sont d'origine flamande (Cipriano de Rore, Rolland de Lassus, Ioannes Pollet, Nicolas Stopio, Hans Mielich et Joris Hoefangel).

 


 

 

 

Joris Hoefnagel, les oiseaux chanteurs, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, les oiseaux chanteurs, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Lyre et guirlande aux partitions, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Lyre et guirlande aux partitions, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

III. REGISTRE INFÉRIEUR.

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1. La clef de l'Allégorie.

Un phylactère est déroulé en dessous de la scène allégorique et porte le texte suivant : ECCE TIBI LILA PLENIS FERVNT NY[M]PHAE CALATHIS.

Ce texte est vite identifiable comme tiré des vers 45 et 46 de la deuxième Eglogue de Virgile (site Philippe Remacle) : 

2,45] Huc ades, o formose puer, tibi lilia plenis
ecce ferunt Nymphae calathis
; tibi candida Nais,
pallentis uiolas et summa papauera carpens,
narcissum et florem iungit bene olentis anethi;
tum casia atque aliis intexens suauibus herbis

[2,50] mollia luteola pingit uaccinia caltha.
ipse ego cana legam tenera lanugine mala
castaneasque nuces, mea quas Amaryllis amabat;
addam cerea pruna — honos erit huic quoque pomo —
et uos, o lauri, carpam et te, proxime myrte,

[2,55] sic positae quoniam suauis miscetis odores.
Rusticus es, Corydon; nec munera curat Alexis
nec, si muneribus certes, concedat Iollas.
heu heu, quid uolui misero mihi? floribus Austrum
perditus et liquidis inmissi fontibus apros.

 

"[2,45] Viens, ô bel enfant! Voici les nymphes qui t'apportent des lis à pleines corbeilles; pour toi une blanche naïade cueillant de pâles violettes, les plus hauts pavots, et le narcisse, les joint aux fleurs odorantes de l'anet; pour toi entremêlant la case et mille autres herbes suaves, [2,50] elle peint la molle airelle des couleurs jaunes du souci. Moi-même je cueillerai les blanches pommes du coing au tendre duvet, et des châtaignes, qu'aimait mon Amaryllis: j'y joindrai la prune vermeille; elle aussi sera digne de te plaire. Et vous aussi, lauriers, myrtes si bien assortis, je vous cueillerai, [2,55] puisqu'ainsi rassemblés vous confondez vos suaves odeurs."

Placé dans le contexte , cette phrase n'exprime que les vaines tentatives d'un amant malheureux, le berger Corydon, pour attirer le jeune Alexis qui semble mépriser les charmes de la vie champêtre en sa compagnie. Virgile a composé cet églogue à 26 ans, en s'inspirant de la 11ème Idylle du poète grec Théocrite, le Chant du Cyclope. Dans ce Chant, le cyclope Polyphème se plaint du dédain de la nymphe marine Galathée : qu'il aimerait lui offrir le lis éclatant et le rouge pavot !.

Isolé de son contexte, elle peut servir de compliment ; ainsi, sur un forum de langues anciennes, en 2006, une jeune femme qui vient de réussir l'agrégation avec un 12 en latin sur un texte de Sallustre remercie ses interlocuteurs :

"Vos conseils sur les versions latines qui parvenaient sur ce forum morcelées et analysées dans tous les sens m'ont permis de vaincre mes démons et de réussir l'agrèg ! Alors merci à tous pour votre aide, et particulièrement à Oncle Fétide et Julia. "

Et "Julia" répond :

"Euge!* Papae !**  Merci pour la bonne nouvelle !: Vous m'illuminez ma journée ! Quelle bonne idée de nous annnoncer votre succès ! Et avec un 12 en latin : à l'agreg c'est beau ! Tibi lilia plenis ecce ferunt nymphae calathis.".. 

*Hurrah !

**" interjection qui exprime l'admiration : oh, oh ! diantre ! peste !" (Gaffiot)

Nous pouvons donc dire maintenant que Hoefnagel a peint, non les Aglaurides, non les Ménades, mais des Nymphes aux bras chargés de lys dans un cadre bucolique et virgilien. Cela ne l'empèche pas d'avoir puisé ses modèles ailleurs.

S'il s'agit d'un hommage posthume, si la miniature a été réalisé après le décès du duc Albert V, et si la citation de la Cinquième églogue doit se comprendre comme "Toi qui fus notre gloire", alors, la citation de la deuxième églogue s'adresse au défunt parvenu au Paradis et accueilli par les lys de la félicité immortelle. La scène centrale est bien alors celle d'un Eden de version antique, un Jardin des Hespérides où l'élu est accueilli par les Nymphes. Si il s'agit d'un éloge ou même d'une commande du duc déjà malade, Tu decus omnis tuis célèbre son courage et sa détermination à faire taire les lions récalcitrants, tandis que Tibi lila plenis  le comble du florilège des louanges qui lui sont dues en tant que mécène des artistes (à gauche) et protecteur des musiciens (à droite) ou comme bâtisseur et embellisseur des villes de Munich (en haut) et de Landshut (en bas).

Dans tous les cas, la citation de Virgile affirme que ces Nymphes ouvrent le cortège des Récompenses, de la moisson estivale après le labeur des semaisons,  du praemium virtutis ou Récompense de la vertu. Plus tard, Hoefnagel a conçu (comme inventor) une série de gravure pour Egide Sadeler II : OCCASIO, HERMATHENA, PRAEMIUM. A l'Occasion (la bonne fortune) succède Hermathéna (le Concept mis en application grâce au savoir-faire) puis Praemium, la rayonnante et fructifère Récompense . Elle aussi a le pied léger, elle aussi est lente festinans, elle aussi est généreuse de ses formes grâce à un effet de "tunique plaquée par le vent", une version éolienne du "chiton mouillé". Elle résulte du Mérite (c'est le sens de la devise Dat Deus omne bonum, sed non per cornua taurum ).

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http://www.harvardartmuseums.org/art/241925

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2. Les Naturalia.

Hoefnagel a consacré ce registre inférieur aux insectes, d'une part, et aux animaux exotiques d'autre part. Il s'agit sans-doute là encore d'un éloge des collections de Naturalia et des Curiositas du Kunstkammer du duc. On sait qu'Albert V avait fondé en 1565 l'un des plus importants cabinets d'art d'Europe à Munich, et que ses collections de quelques 6000 pièces égalait les collections du Château d'Ambras à Innsbruck et celles de l'Electeur de Saxe à Dresde. Albert V puis Guillaume V constituèrent un trésor similaire à Landshut, rassemblant des objets d'art, des articles exotiques et des curiosités insolites dans la Jeune Chambre d'Art du chateau de Trausnitz. Lorsqu'il succéda à son père et qu'il quitta Landshut, Guillaume V l'emporta avec lui à Munich. Le musée de Trausnitz en a reconstitué quelques vitrines. 

Dans le texte de présentation de la Vue de Munich du Civitates, Georg Braun signale que  "en la vieille cour du duc sont nourris  tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux"

Lorsque Hoefnagel s'interessa à l'histoire naturelle et fit des insectes l'un des sujets principaux de ses enluminures, il put donc tirer profit des naturalia rassemblés à Munich et à Trausnitz, ainsi qu'à Ambras auprès de l'archiduc Ferdinand de Tyrol.

http://www.burg-trausnitz.de/englisch/kunst/index.htm

  

 

 

  

 

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Hoefnagel rassemble donc dans la partie inférieure de son enluminure des animaux : de gauche à droite un singe, une mouche, un agrion (Zygoptera), un criquet (Caelifera, Orthoptera), une chenille "hérisonne" (Arctidae ?, Lepidoptera), deux papillons, une libellule (Libellulidae, Anisoptera, Odonata) et un perroquet. 

 

Le papillon le plus haut est très proche du Machaon représenté par Aldrovandi page 237 de son livre De Insectis.

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Aldrovandi, Insectis pl. I fig. 5 et 6 : futur papilio machaon L.

Aldrovandi, Insectis pl. I fig. 5 et 6 : futur papilio machaon L.

Joris Hoefnagel, insectes et perroquet, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, insectes et perroquet, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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3. La Vue de Landshut, et l'inscription-signature.

 

a) La vue paysagère : la chasse au cerf.

Basée sur un dessin préparatoire qui sera décrit plus bas, elle est complétée par une scène de chasse qui se déroule sur la colline de Klausenberg : à droite, un cavalier sur un cheval blanc porte un court manteau rouge à col de fourrure. Supposons qu'il s'agit du duc Albert V. Il est rejoint par un autre chasseur vêtu de rouge, coiffé d'un chapeau à plume, qui porte des gants semblables à ceux d'un fauconnier ; il monte un cheval à robe sombre. Est-ce le prince Guillaume ? Ce n'est pas une chasse au gibier de plume, mais une chasse au cerf, et ce dernier, poursuivi sur ces pentes, a trouvé son passage barré par des baches blanches tenues par des piquets. Il s'enfuit donc vers le bas, vers les rives de l'Isar, et sera donc plus vulnérable . Malgré la petite taille du détail, on distingue ses bois imposants qui font honneur aux chasseurs.

 

 

b) la signature.

Le bord inférieur porte l'inscription  Inventio opusque Georgii Hoefnaglii natura magistra. Monaci A[nno] 1579 .

Soit "Création et œuvre de Joris Hoefnagel, natura magistra. Munich, année 1579".

 

On remarque d'une part que Hoefnagel revendique son statut d'inventor : son œuvre n'est pas une illustration, mais une véritable composition picturale mais aussi intellectuelle voire littéraire. Il crée par association de multiples éléments poétiques, iconographiques et emblématiques un produit original qui ne peut se résumer à une "peinture". C'est une fiction narrative, qui élabore un discours sur le monde et sur l'art et qui le donne à voir dans un appareil optique très singulier, où les éléments artificiels (cartouches, draperies, rubans, banderoles, portiques, tringles et anneaux, supports de laiton) forment la scène théâtrale où les éléments naturels (paysages et animaux) sont convoqués. Hoefnagel reprendra ce qualificatif d'inventor dans le Missale Romanum en se présentant comme inventor hieroglyphicue et allegoricus. Deuxièmement, il reprend la devise qu'il avait adopté dans sa Vue de Séville de 1573, Natura sola magistra, en l'abrégeant en Natura magistra, "La Nature comme Maître". Ce qui, pour un tel maître de l'artifice et de la mise en scène intellectuelle, ne peut être compris que comme une déclaration d'indépendance (dans la miniature du Forum Vulcani de 1578, il s'affirmant comme autodidactos) mais aussi comme un idéal d'imitation-recréation du Cosmos, soucieux d'enfermer dans le microcosme de ses miniatures les vérités du macrocosme.

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Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel,Vue de Landshut, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

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DISCUSSION ET DOCUMENTATION.

Une miniature de Joris Hoefnagel est, sur une surface inférieure à celle d'un format A4, d'une richesse inépuisable. C'est tout à la  fois un document chorographique (vues de villes) ; littéraire ou poétique (citations de Virgile) ; emblématique (devises, armoiries et emblèmes) ; historique ; autobiographique ou autofictionnel (signature, emblèmes, autocitations d'œuvres précédentes ou futures) ; etc. 

 

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I. LES DOCUMENTS CHOROGRAPHIQUES; le Mécénat des ducs de Bavière.

1. La vue de Munich.

La Vue dessinée par Hoefnagel a servi de modèle à la gravure publiée en 1588 dans le volume IV du  Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg,  planche 43 : 

http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_IV_43_b.jpg 

(Le Civitates avait donné dans son Volume I une première gravure de Munich : http://historic-cities.huji.ac.il/germany/munchen/maps/braun_hogenberg_I_40_1_b.jpg  ).

Elle est accompagné d'un texte descriptif de Georg Braun :

"[...] Le nouveau jardin du Duc auprès du château neuf, outre la fontaine faite de grand artifice, et la maison d'este ornée de très belles peintures et statues, a cela de singulier plaisir (car à peine le trouvera-t-on en un autre lieu) que quand le jour commence à faillir, une grande troupe de cerfs, à la fois de cent ou d'avantage, se vint présenter d'elle-même presque sous les fenêtres , desquelles on peut tirer ou avec l'arc, ou à coups d'arquebuse, celui qui plus vient à gré entre tous."

"[…] On bâtit encore un autre édifice auprès le jardin de dedans, orné de toutes sortes de gentillesses, rares et exquises, afin d'apporter au château neuf une plus grande splendeur, et commodité : joignant lequel il y a une librairie garnie d'environ onze mille livres, (desquels une grande partie est écrite à la main en diverses langues) reliés chacun à part fort gentiment et distincte par un théâtre très ample et plaisant. Au dessous de ce théâtre est la place aux statues, enrichie de monuments et images très anciennes, qu'on a fait venir de Rome et d'autres lieux avec fort grandes dépenses. Au château s'étend une salle (mais obliquement et par un détour rond) garnie de toutes sortes de délices et gentillesses, principalement celles auxquelles la nature ou l'art et esprit des hommes a mis une telle subtilité qu'elle a fait s'étonner les regardants, et semble quasi miraculeuse. A chaque fois que quelqu'un entre en cette salLe, fut-il le plus curieux homme du monde, toujours il y trouvera quelque chose de nouveau, qui le fera s'émerveiller, si grande est la variété des choses qui s'y présentent pour être regardées. En la vieille cour du Duc sont nourris de tigres, lions, lynx, et pour le présent douze lions, dont les femelles font souvent des lionceaux. 

En français page 105 partie 3 : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069194&page=1

On y trouve dans la légende le nom des clochers entourant la cathédrale  : Q : Heiliger Geist und Spital

R : St Peter Pfarkirchen S : Räts Thurn T : Scön Thurn Y Unser Frawen Pfarkirch.

La gravure de 1588 est accompagnée d'un poème de 24 vers (icositetrastichon) d'Anselme Stöckel ou Stoeckel, (Anselmo Stoeckelio tyrolensis ; Anselmus Stöcklius), chevalier de l'Ordre constantinien de Saint-Georges. Celui-ci, daté de 1586, s'achève par Effigravit eam Solers Hoefnaglius , unde urbis adaugescit gloria, nomen, honor.

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http://nemzetikonyvtar.blog.hu/2011/06/09/europa_szinpadan_nemetorszag

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La "Münchner Residentz", Résidence de Munich.

En 1580, Munich abritait 20 000 habitants et était l'une des plus villes les plus peuplées d'Europe. Les peintres et artistes qui l'embellirent étaient  employés à la cour ducale. Dans le cas contraire, ils devaient être admis à la Guilde réunissant les peintres, sculpteurs,et  brodeurs sur soie, soumis au respect de la tradition et des usages locaux, et à l'obligation de posséder un logement et de payer des impôts comme bourgeois. Même comme artiste de cour, les statuts étaient différents, et un artiste comme Roland de Lassus ou Fredéric Sustris percevaient de grosses rétributions, en l'échange de commandes exigentes, alors que Hoefnagel ne bénéficiait que d'un salaire minimal, mais disposait de la liberté de travailler à la commission pour des commandes du duc ou d'autres patrons privés.

Dès 1385, à l'emplacement de la résidence actuelle, se trouvait le Neuveste, château ducal gothique, qui devint le vieux château. Le duc Albert V fit construire son Cabinet d'art « Kunstkammer» par Wilhelm Egkl dans le bâtiment des écuries. Comme la place n'était pas suffisante pour abriter la vaste collection de sculptures, d'antiquité et sa bibliothèque, il fit édifier par  Simon Zwitzel et Jacopo Starda entre 1568 et 1571 l'Antiquarium, la plus grande salle Renaissance au nord des Alpes avec ses 69 mètres de long. Le duc Guillaume V a commencé à agrandir les bâtiments et à les décorer à son installation à Munich en 1579. De 1581, il érigea un palais de style italien avec son jardin privé, Neues Gartenbaues et son Schöner Garten, et la Cour de la Grotte (Grottenhof).

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Antiquarium.

Albert V était un collectionneur et amateur d'art passionné et c'est grâce à lui que Munich est devenu une ville  artistique de renom international. Son goût du luxe lui fit contracter des dettes énormes se montant à ½ millions de florins. En 1552, Albert V  commanda un inventaire des bijoux que possédait sa femme . Le manuscrit qui en résulte, toujours détenu par la Bibliothèque d'État de Bavière, le Kleinodienbuch der Duchesse Anna von Bayern, contient 110 dessins de Hans Muelich. La collection de la bibliothèque de la cour a commencé en 1558 avec l'achat de la bibliothèque complète  de l'humaniste Johann Albrecht Widmanstetter, soit plus de 800 volumes. Ce stock a été considérablement élargi en 1560 par la succession de son oncle  Ernst Albrecht puis en 1571 en achetant la bibliothèque de Hans Jakob Fugger. Le duc était aussi un collectionneur de pièces de monnaies, possédant  plus de 6000 pièces. En 1566 Albert V a acquis par Hans Jakob Fugger, une collection de sculptures antiques provenant d'un héritage. Ils ont formé la base de la collection d'antiquités. Grâce au spécialiste de l'art et antiquaire Jacopo Starda, il put acquérir la même année à Rome plus de 50 autres sculptures antiques et acheter à Venise de nombreux bustes romains. Deux ans plus tard Starda a réussi, après de longues négociations, l'achat de la collection d'antiquités du patricien vénitien Andrea Loredan  pratiquement dans son intégralité: 120 bronzes, 2480 médailles et monnaies, 91 têtes de marbre, 43 statues de marbre, 33 reliefs et 14 curiosités diverses, pour la somme de 7000 ducats; "Ils ont tous été exportés de Venise en secret la nuit dans les grands coffres". Dans le même temps, les querelles entre les héritiers de Gabriele Vendramin ont contrecarré  sa tentative d'acheter la collection la plus importante de Venise  de peintures et d'antiquités, de dessins de maîtres et de pièces de monnaie anciennes.

Outre Jacopo Strada (Mantua, 1507-Prague, 1588), le duc bénéficiait d'un autre agent d'affaire, le flamand Nicolas Stopio, ou Nicolaus Stopius, comme en témoigne les correspondances conservées en archive entre Stopio et Albert V. Stopio, surtout en lien avec Hans Fugger, ne manquait pas de critiquer Strada pour son manque de culture et son absence de scrupules.

Pour disposer cette collection, qui avait été organisée par Samuel Quickelberg, Albert V fit construire, en dehors de l'ancien chateau pour des raisons de sécurité, un nouveau bâtiment, l'Antiquarium, la plus grande salle de la Renaissance au nord des Alpes. 

De 1581 à 1600, les successeurs d'Alber V, le duc Guillaume V  et son fils Maximilien Ier, transformèrent l'Antiquarium en une salle de banquet. 

La voûte en berceau est évidée de 17 paires de fenêtres qui assurent l'éclairage. Les voûtes au-dessus des fenêtres, et les montants de fenêtres, sont décorées avec 102 vues de villes, de marchés et de palais dans ce qui était alors le duché de Bavière. Ils sont entourés par de grotesques, un type d'ornement dérivé de l'antiquité classique.  Cette décoration, associant vedute et grotesques,  fut réalisée par différents artistes comme Hans Thonauer, Alessandro Scalzi, surnommé Padovano, et Antonio Maria Viviani. 

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Plan http://www.residenz-muenchen.de/englisch/c-yards/index.htm : L'Antiquarium est le grand rectangle sous le début du mot Puderhöfchen. La Grottenhof est indiquée Grotto Court.

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Grottenhof.

Entre 1581 et 1588, Guillaume V confia à Fredéric Sustris la réalisation  d'un palais d'été rectangulaire de style italien à coté de l'Antiquarium, et dont la partie ouest était traitée en rocaille comme l'était ou le seront les grottes des villas florentines (Jardin de Boboli , Casino de la Villa Médicis). L'intérêt de Guillaume V pour la signification symbolique et ésotérique des grottes et pour la création d'un lieu associant plaisir des sens et méditation spirituelle était partagé par Cosme de Médicis, et ils échangèrent de nombreux courriers et matériaux, ce qui explique la concommitence de leurs réalisations.

Le peintre, décorateur  et architecte Fredéric Sustris (1540-1599), d'origine néerlandaise,avait appartenu, avec son père Lambert Sustris, entre 1563 et 1567, à l'équipe de Giorgio Vasari lorsque celui-ci réalisa à Florence pour François de Médicis la décoration du studiolo du Palazzo Vecchio ou créa le Corridoio Vasariano reliant le Palazzo Vecchio et le Palais Pitti (1565). Cette équipe comportait aussi Peter Candid (ou Pieter de Witte), de Bruges. Après cet apprentissage, il a été chargé de la décoration  de la maison de Hans Fugger à Venise, puis, en 1573,  il a collaboré avec divers assistants, dont Carlo Pallago , à l'installation  de la collection d'art de Hans Fugger à Augsburg . Appelé ensuite par Guillaume V à Landshut, il a  dirigé la transformation du château de Trausnitz en palace de style italien. Il est devenu, en 1579, l'architecte en chef attitré de Guillaume V à Munich pour y introduire le maniérisme. Outre la rénovation de l'Antiquarium et la création du  Grottenhof, son œuvre la plus importante à Munich fut la construction et la décoration de  l' église des Jésuites de Saint-Michel. Il a produit des dessins pour les orfèvres, tapissiers, sculpteurs, et les travailleurs de stuc et organisé une équipe de peintres pour décorer les intérieurs de palais. Il est le membre phare de l'Ecole Maniériste de l'Europe du Nord.

La Cour de la Grotte, ou Grottenhof était le jardin secret ou réservé du duc , son lieu de retraite et de méditation dans lequel il pouvait contempler un décor qui le mettait en garde contre les dangers de l'hubris, exaltation orgueilleuse ou présomption conduisant au désastre. Ainsi, il pouvait trouver des scènes de la vie d'Apollon (figure emblématique de son père) dans lesquelles Phaéton, fils d'Apollon, empruntait le char du soleil et allait à sa perte. Ou réfléchir à la scène dans laquelle les Piérides avaient impudemment prétendu dépasser les Muses par leurs chants, ce qui conduisit à leur métamorphoses en pies.. Le thème principal du plafond disait que chacun, dieu ou humain, en toute époque, était assujetti à l'Amour. Les lunettes montraient d'autres scènes tirées des Métamorphoses d'Ovide, comme celle du Livre II où Mercure tombait amoureux de la vierge Hersé, prétresse de l'Erechtheion, et était confronté à la jalousie de sa sœur Aglauros (ceci nous ramène à la danse des Aglaurides !). , Au centre du jardin, la fontaine (dessinée par Sustris et réalisée par Hubert Gerhard) était dominée par une statue de Persée brandissant la tête de la Méduse inspirée du Persée de Cellini à Florence (1554), mais où l'eau jaillissait de la gorge tranchée. Des statues, préleveées de la collection d'Albert V, s'alignaient le long des murs. La loggia est, celle de la Grotte, était ornée de stalactites de tuff, de branches de corail, de nacre, de coquilles d'escargot, d'éponges, de cristaux,  et de stuc, mais elle était aussi dotée d'une fontaine incrustée de strass et de lapis lazuli, de feldspath et de malachite, d'obsidienne et d'ambre, ou d'améthyste, sur un bassin de marbre rouge d'où émergeait le dieu Mercure. Dans une féérie, les  coquillages et les pierreries formaient  des oiseaux exotiques et des fleurs, des vases et des obélisques, ou des masques de grotesques. Si on levait les yeux, on voyait Les dieux sur le Mont Olympe

Fredéric Sustris avait comme collaborateurs les peintres Alexandro Paduano, son beau-frère, ou Antonio Maria Viani, Peter Candid et Antonio Panzano, ou les sculpteurs Carlo del Palagio (qui avait travaillé au jardin du Pratolino des Médicis en 1580) et Hubert Gerhard.

http://www.the-silk-route.co.uk/germanyMunich.htm

En 1580-1581, le duc Guillaume V fait construire le Witwenstock (« appartement de la veuve ») pour la duchesse Anne. Entre 1581 et 1586, l'architecte Friedrich Sustris dessine les jardins de la grotte. En 1590, la Salle noire fait suite à l'Antiquarium. On entame alors, toujours sous la direction de Sustris, la construction de l'aile du prince héritier, au nord du Witwenstock. Sous le duc Maximilien Ier, futur prince-électeur, on ajoutera une chapelle (1601-1603), et, entre 1611 et 1619, des chambres pour la cour impériale, la salle et l'escalier impériaux.

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2. La vue de Landshut.

 

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a) Dessin préparatoire et scène de chasse.

Le dessin préparatoire, Vue de Landshut depuis Klausenberg est conservé à Munich, Staatliche Graphische Sammlung inv. n° 1996 :17Z. C'est un dessin à la plume sur lavis brun, avec des traces de gris-bleu, mesurant 236 x 405 mm. Inscription (à la main) :  "Landshut" au dessus  ;  "Saeldental" au centre ;  "Yser fl.» en dessous. Il a été réalisé par Hoefnagel à son arrivée à la cour d'Albert V , puisque la gravure qui en est issue porte la date de 1578.


 

Landshut est représenté depuis la colline de Klausenberg, de l'autre coté de l'Isar. A droite, le château de Trausnitz, résidence du prince Guillaume avant que ce dernier ne devienne le duc Guillaume V,  domine par son donjon, la Tour Wittesbacher, la ville sur l' éperon rocheux du Hofberg. Au 15ème siècle, il a été élargi en particulier sous Georges le Rich et fortifiée avec de hauts murs d'enceinte et des tours défensives. Au pied de la colline, on voit le le hameau d' Achdorf. Un mur réunit le chateau deTrausnitz avec la porte de la ville, la Münchnertor ou Judentor. A l'arrière se dresse le clocher de l'église collégiale gothique  Saint-Martin, avec sa tour de 130 m de haut, la plus haute tour de brique du monde. À l'extrême gauche s' étend l'abbaye de moniales cisterciennes de Seligenthal. L'Isar ou Ysar est traversée par deux ponts ; comme à Munich, des radeaux de troncs d'arbre maniés à l'aviron par deux hommes descendent le cours d'eau.

Il est bien connu que le duc Albert aimait la chasse, puisqu'il a demandé à Roland de Lassus de composer des messes brèves afin de ne pas être retenu trop longtemps par une musique  de longue haleine. La plus significative de ces Missa Brevis est d'ailleurs connue sous le nom de Messe des chasseurs (Venatorum Missa).

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Vue de Landshut depuis Klausenberg, dessin à la plume, Munich (photographié in Vignau-Wilberg 2006)

Vue de Landshut depuis Klausenberg, dessin à la plume, Munich (photographié in Vignau-Wilberg 2006)

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b) La gravure du Civitates Orbis Terrarum Volume III planche 45 de 1581.

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1 page 96 et 97.

Cette gravure est précédée du texte descriptif de Georg Braun, toujours très élogieux pour les cités qu'il décrit. Après avoir signalé que cette ville "douée de nature" produit en abondance des fruits de toute sorte, du lait, beurre et fromage, du blé, et du vin "récréant les Dieux et les hommes", ou que cette région peut  à juste titre être comptés parmi les plus belles et la plus fertile dans toute l'Europe,  il décrit 

"...le palais du duc Albert, situé dans la partie basse de la ville, nommé vulgairement l'édifice nouveau, de structure très belle, et proportionné très nettement et subtilement à l'italienne, à ornement singulier de toute la ville."

Le jardin du duc.

"A laquelle donne encore plus d'ornement le jardin très plaisant naguère érigé hors des murailles d'icelle, par l'illustrissime duc Guillaume à l'invention et industrie de jardiniers français, en contemplation de la très chère compagne fille du duc de Lorraine, où se trouvent toutes sortes de fruits et d'arbres de renom, herbes, plantes, et fleurs étranges y apportées d'Italie, d'Espagne et France. Étant dit le jardin séparé et distinct en parcs , labyrinthes, et rondeaux très plaisants, ornés de toutes sortes et variétés de fleurs et de fruits. Les haies sont entrelacées d'arbrisseaux de plusieurs sortes, et vêtues de toutes fleurs comme tendues de tapisseries., et outre ce chargées de pommes, coings, néfles, et toutes sortes de fruits étranges, orné aussi plaisamment de tous cotés de peintures et statues très artificielles. Il n'y a aussi faute de toute bonne senteur et odeur, laquelle y espard partout la Camille, Basilic, Lauriers, Mirthus, Rosmarins, et toute autre sortes de fleurs, roses, et semblables herbes. Enfin l'aménité, plaisance, beauté, auxquels ajouterez l'utilité, surpasse toute foy d'oraison, récits et écrits. De sorte qu'il faut s'émerveiller, à quelle cause ledit illustrissime duc y tient la résidence avec la très chère compagne , nonobstant qu'il a en son pays de Bavière plusieurs autres villes très plaisantes. "

Le chateau de Trausnitz.

"Mais sur tout ce qui est dit, est, y donne très grande délectation ce que le dit illustrissime duc, unique honneur de notre temps, et exemple de toute vertu, et admirateur de toutes choses étranges et plaisantes, et fauteur, et entreteneur de tous bons esprits, a commencé à faire au château, qui est en lieu plus haut de la ville, faisant exorner fort magnifiquement les principales salles et chambres dudit château de peintures et statues très belles, tant anciennes, que modernes. Et ayant choisi à la récréation certain lieu, auparavant vague et de peu d'usage, aidé à ce tant de la situation très plaisante et nature du lieu, que par l'art et l'industrie de Frédéric Sustris Hollandais d'origine, mais Italien de nation, homme très ingénieux et renommé de toute sorte d'artifice, qui orne journellement le dit lieu, a grande industrie et ses merveilleuses inventions , d'apparat exquisit, et très doux murmure de fontaines coulantes à tous cotés, de gaioles, chants, et volements d'oiseaux , de statues et de nymphes, peintures de toutes sortes d'herbes, et toutes sortes de tels délices servants à oblectation et volupté. De sorte que sont grandement à priser et louer, tant l'illustrissime Prince, que l'ingénieux inventeur et ouvreur digne d'un tel Prince, Mécénat et fauteur. La description de cette ville nous a été communiquée par Georges Hoefnagel, marchand d'Anvers, lequel né aux études de la paix et non de guerre, fuyant les troubles de la Belgie, ayant perlustré* l'Italie, s'est rendu au service du pacifique Prince Albert duc de Bavière s'employant pacifiquement en l'art miniatoire, laquelle la nature seule l'a enseigné."

*Latin perlustrare, « parcourir complètement (pour reconnaître, en éclaireur) ».

 

La gravure diffère de l'esquisse, car elle est animée de quatre personnages ; l'un est allongé à coté d'une cruche (de vin). Un homme et une femme sont précédés de leur fille, tête nue mais dont la natte atteint une longueur inusitée. Les pentes de Klausenberg sont plantées de vignobles. La carte dispose d'un indice d'orientation par la mention Oriens en haut à droite.

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L'inscription du cartouche de la gravure :

ALBERTO COM : PAL : RHENI VTRISQVE BAVARIAE DVCI. VNICO NOSTRI SECVLI MVSARVM ALVMNO A DELITIIS.

DEPING. GEORGIVS HOEFNAGLE ANTVERPIAN. VIRTVTE DVCE MAGISTRA NATURA. MONACI A° M.D.LXXVIII

"Pour Albert, comte palatin du Rhin et duc des deux Bavières, notre mécène inégalé des Muses pour son plus grand plaisir. Peint par Georges Hoefnagel d'Anvers. Guidé par la vertu, la Nature est son maître . Munich, Année 1578".

 

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http://www.sanderusmaps.com/detail.cfm?c=11357

Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg volume III pl. 45

 

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Landshut.

Louis Ier de Bavière-Landshut fonda la ville de Landshut vers 1204, dominé par le chateau de Trausnitz.. Pendant 250 ans ce fut la résidence des Wittelsbach et le siège du duché de Basse-Bavière. Au XVe siècle, les Riches Ducs de Bavière-Landshut Henri, Louis et Georges jouèrent un rôle éminent dans le développement de leur ville. Après l'établissement de la règle de primogéniture en 1504 et la réunion de la Haute-Bavière et de la Basse-Bavière sous Albert IV , son fils le duc Louis X (1516-1544) s'établit à Landshut et agrandit le château de Trausnitz. Grand collectionneur, amoureux des arts et des sciences et fin diplomate, il attira des humanistes comme le chroniqueur Johannes Aventinus, ou Pierre Apian. Il abandonna le vieux château et fit construire dans la ville une nouvelle et onéreuse résidence (Stadtresidenz) , qui reçut le nom de résidence Italienne en raison de sa façade Renaissance et de sa décoration intérieure maniériste inspirée de celle du Palais du Té à Mantoue, conçue par Jules Romains pour Frédéric II de Gonzague. Après sa mort, le duc siégea à Munich et Landshut devint la résidence du prince héritier. Ainsi Albert V y demeura avec son épouse Anne d'Autriche de 1545 à 1550, et Guillaume V, qui naquit le 29 septembre 1544 au château de Trausnitz, y séjourna après son mariage avec Renée de Lorraine jusqu'au décès de son père en 1579. Il était souvent en voyage à Prague, Vienne, Graz ou Nancy, et, notamment après le déclin de son père à partir des années 1570, il passa de moins en moins de temps à Landshut et s'établit progressivement à Munich. Pourtant, il dépensa des sommes considérables à transformer de 1568 à 1579 le château médiéval en un palais à l'italienne., désigné comme "Neue anbau". Les époux Guillaume et Renée réunirent autour d'eux une équipe d'artistes, de musiciens et de comédiens et menèrent une vie luxueuse et extravagante, animée de fréquentes festivités , de spectacles théâtraux faisant appel à la Commedia dell'Arte et de concerts. Guillaume était un amoureux des arts encore plus fou que son père, et l'excès de ses dépenses était encore plus considérable. 

L'une des plus agréables expériences est de bénéficier de la visite virtuelle du château que propose le site http://www.burg-trausnitz.de/englisch/castle/index.htm.

http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/aussen.htm

L'aile italienne et ses arcades s'étend au coin nord-ouest du château. Grâce à Hans Jacob Fugger, Guillaume V fit appel aux compétences de Frédéric Sustris, qui travaillait alors à Augsburg, et lui confia la réalisation de son aile florentine, à deux étages d'arcades, et la conception des dessins qui devaient orner les murs . Le peintre était Antonio Ponzano (pour les grotesques), le sculpteur bronzier et stucateur était Carlo del Palagio. Le beau-frère de Sustris, Alessandro Paduano, vint, de Florence, le rejoindre en 1576, ainsi que Hans Donauer. Les premiers dessins pour l'Italian Anbau furent produits en été 1578, et furent exécutés en 1580.

Au rez-de-chaussée, le Hall des Chevaliers ou Rittersaal (1) , dont les fenêtres ouvraient au nord-ouest sur Landshut, a été décoré entre 1578 et 1580. Le mur montrait L'arrestation du Chambellan de la Cour  Preysing et Graf von Törring schwört vor dem herzog Georg, beim bevorstehenden Turnier kein Zaubermittel zu verwendene. On voyait aussi sur une porte de placard, dans des niches peintes, la figure de Mars avec son épée et son bouclier, à coté d'une autre porte décorée de la Victoire portant une couronne d'olivier et une palme. Puis venait Apollon et son coq avec la devise de Guillaume V,  Vincim vim Virtus, "la Vertu a vaincu la Violence", et, et Minerve, son casque et son hibou surmontant la  devise Cynoranda duce obdurandum (présente aussi dans l'Antiquarium de Munich) "Sous ma conduite il faut persister" : cette devise qui était illustrée par un navire sous voile guidée par l'étoile polaire et poussée par un vent favorable, était l'imprese de Renée de Lorraine ( comme l'indique J. Typotius dans Symbola divina et Humania, Prague, 1601-1603). On comprend donc que le duc et la duchesse sont assimilés à Apollon (patron des Muses, donc des Arts) et à Minerve (déesse de la sage Intelligence). 

Le plafond était peint  en neuf tableaux à l'huile pour illustrer les thèmes de l'Ancien et du Nouveau Testament, ou, plutôt, du thème de la Foi Juste d'une part (Vertus,Comandements,Sacrements) et de l'Eucharistie de l'autre.


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 L'extension italienne comportait au rez-de-chaussée comportait (3) un Cabinet italien au plafond en voûte à caissons peints (l'un des seuls à échapper à un incendie de 1961). . Un escalier des Fous (cf.infra) permettait d'accéder, au premier et au second étage, à des  Cabinet Italien semblables  . Au premier étage, on trouvait aussi à proximité une Chambre des Éléments, et d'autres chambres, dont les peintures durent être refaites par Franz Joseph Geiger.

 

 

Un inoubliable "Escalier des Fous" (Narrentreppe) en spirale fut peint sur des dessins de Sustris par Alessandro Paduano de scènes burlesques en trompe-l'œil, où des personnages de la Commedia dell'Arte gravissent les degrés en jouant des sérénades, ou en se livrant à des plaisanteries d'un goût douteux, dans un décor de grotesques. Zanni, le domestique du marchand vénitien  Pantalone, administre un lavement à l'âne sur lequel son maître est juché. Une femme ouvre sa fenêtre pour vider son pot de chambre sans crier gare, juste sur votre tête. Pantalone quitte la chambre d'une courtisane ; les zanni font des gestes obscènes, ou le geste delle corna. Un homme portant une lanterne et un autre armé d'un glaive sortent brusquement d'une porte et se jettent sur leur victime qu'un complice attendait à l'étage supérieur et qui dégringole l'escalier. Des prostituées entrouvrent leur porte ou guident leur client. Ces fresques étant détériorées, Le roi de Bavière Louis Ier les fit recopier par Max Hailer en 1841. Un dramatique incendie les endommagea en 1961, mais elles sont désormais restaurées. Elle permettent d' imaginer la vie de licences dans ce chateau où logeaient, outre le couple princier, leurs domestiques, les artistes et musiciens, et les comédiens.

http://www.burg-trausnitz.de/deutsch/burg/vorplatz.htm

 

 

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II.  LA MUSIQUE A MUNICH.

voir :

 

 

La partition de musique peinte par Hoefnagel avec le nom de Cipriano de Rore renvoie au manuscrit Mus. Ms. B, et, dans celui-ci, au motet Mirabar solito. Par contre, la partition portant le nom de Roland de Lassus peut être une référence à plusieurs pièces, puisqu'il était le compositeur officiel du duc. 

 Albert V avait commandé 3 livres de chœur manuscrits, copiés sur vélin par le flamand Johannes Pollet et enluminés par  Hans Mielich. Ces véritables œuvres d'art étaient considérées comme des trésors dont l'usage était réservé au duc ou qui étaient montrés aux invités de marque, mais ne furent jamais utilisés par la Hofkapelle. Il s'agit d'un recueil de motets du flamand Cipriano de Rore et de deux recueil d'œuvres sacrées de Roland de Lassus :

  •  le Manuscrit Mus. Ms. B, conservé à la Bibliothèque Nationale de Bavière à Munich. Il est complété par un volume de commentaires descriptifs rédigé par Samuel Quickelberg en 1564 (le CIM 209). Daté de 1559, il est formé de 304 pages dont 82 sont enluminées par H. Mielich. Il contient 26 motets de 4 à 8 voix de Cipriano de Rore,  

  • Le manuscrit Mus. Ms A de deux volumes (1565 et 1570)​ soit 400 pages, contenant les Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus. 

  • Le Ms 18.744 conservé à la Librairie Autrichienne de Vienne, petit recueil de partitions parmi lesquelles le Sacrae Lectiones ex Propheta Hiob de Roland de Lassus pour 4 voix, et son Prophetiae Sibyllarum également pour 4 voix.

​Parmi les très nombreuses autres compositions de de Lassus, Hoefnagel a pu penser à celles qui ont été composées par Nicolas Stopio, notamment pour le mariage en 1568 du prince Guillaume.

Je vais envisager les références possibles de Hoefnagel :

 

a) Le Manuscrit Musica Ms. B ou Livre de chœur de Cipriano de Rore.

 

Il rassemble les partitions de Cipriano de Rore, classées en groupes par nombre de voix, et à l'intérieur des groupes, par ordre chronologique, dans un volume enluminé par Hans Mielich (1516-1573) sur commande du duc Albert V. 

.Hans Mielich a placé à la page 304 ou folio 149r que l'on trouve le superbe portrait en pleine page du musicien et ses beaux yeux bleus.

 Portrait de Cipriano de Rore par Hans Mielich, Mus. Ms. B. Bayerische Staatsbibliothek 

Source images : Bayerische Staatsbibliothek

 

 

 

 

 

La pièce musicale la plus importante peut-être de ce recueil, parce qu'elle a été composée spécialement pour le duc Albert et offert en cadeau de Nouvel-an, est le Mirabar solito, sur un poème de Nicolas Stopio, dans lequel le duc est comparé avantageusement à Apollon, le dieu qui dirige les neuf Muses, en raison du rôle de protecteur des arts d'Albert V. Hoefnagel, en peignant en bordure la partition au nom de Cipriano de Rore, renvoie donc directement au luxueux manuscrit Mus. Ms. B qui faisait la fierté du duc comme mécène du peintre Mielich et du compositeur de Rore, mais aussi à l'hommage écrit par Stopio ; c'est une façon de reprendre à son compte la comparaison du duc avec Apollon. C'est aussi un hommage à l'enluministe prédecesseur de Hoefnagel. Son importance est aussi manifestée par le fait que c'est le seul des 26 motets dont Massimo Troiano, qui décrit ce manuscrit en 1569, donne en page 41 le texte complet. Mais en réalité, Troiano donne systématiquement, et exclusivement, les textes composés par Stopio.

 

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— Mirabar solito, Cipriano de Rore, Mus. Ms. B. page 257-276.

 

 

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b) Le Mus. Ms. A de Roland de Lassus.

Hoefnagel a pu peindre la partition De Lassus à coté de celle de Cipriano de Rore pour honorer l'ensemble des manuscrits enluminés commandités par Albert V, tout en évoquant le rôle de mécène du duc vis-à-vis de la Musique. C'est même l'hypothèse la plus probable ; mais autant les Muses du  Mirabar solito s'accordaient avec l'ambiance générale hédoniste de l'Allégorie aux deux Nymphes, autant la sévérité pécamineuse des Psaumes pénitentiels s'en éloigne; ce qui m'incite à évoquer une autre musique de Roland de Lassus.

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c) Les pièces musicales  sur des poèmes de Stopio.

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Le prince Guillaume, héritier du duché, épousa  le 22 février 1568 Renée de Lorraine, ce qui donna lieu à trois semaines de festivités. Roland de Lassus fit jouer trois motets sur des textes de Nicolas Stopio :

1) Une pièce à 5 voix, Nil mage iucundum,(Pas de joie plus grande) composée par Maddalena Mezari, dite Casulana (c.1540-c.1590).

« Orlando fit chanter une œuvre à cinq voix, de Madame Madalena Casulana, laquelle fut écoutée avec une très grande attention, et comme je ne peut vous faire écouter le concert, je peux vous dire le poème, que je suis sûr que vous apprécierez. Marinio répond : Je l'écouterai volontiers, car je ne pourrai croire sinon qu'elle soit très belles, pour avoir été faite par cette très vertueuse dame dont les vertus héroïques, les qualités, et les coutume sont dans tous les esprits de notre très heureux Etat (  Volentieri l'ascoltaro che non posso se non credere che sano bellissimi, per havervi fatto la musica quella virtuosissima signora, le cui alte virtus, qualitas et costumi, sono a tutti li spirti gentile di questa nostra felicissima Etade).»

Nil mage incundum [pour iucundum], mortalibus alma potestas

Concessit, stabili, dulci in amore, fide :

Inclyta praecipue- virtus ubi iunxit amantes,

Coniugio illustri, maxima dona Dei ;

Omnia quae possunt, connubia reddere laeta,

Summa ut nobilitas, gratia, forma, deocr ;

Sunt in Renea Lotharinga, ut lumina in orbe

Bina, et Guilhelmo Principe bavariae.

Massimo Troiano(1569) , Dialoghi page 123-124

 

Maddalena Casulana a été la première femme connue à donner des cours de chant et à composer de la musique, publiant en 1568 à Venise chez Girolamo Scotto son premier recueil de madrigal, suivi en 1570 d'un second livre de 21 madriguaux à quatre voix. Voir J.M. Bowers. Le choix fait par Roland de Lauus a pu être influnecé par Nicolas Stopio, établis à Venise et très lié avec les imprimeurs et les éditeurs de musique. 

2) Une autre pièce à 5 voix, Vas sacrae adeste tonis, fut chantée sur une composition de Caterina Willaert. Nicolas Stopio avait écrit le poème à la demande de la duchesse Anne d'Autriche, mère de Guillaume. Il n'est plus admis aujourd'hui qu'elle soit, comme l'affirme Troiano, la fille du grand compositeur Adrian Willaert (1490-1562), car on ne connaît pas d'enfant à ce dernier. Elle serait sa nièce, ou sa sœur.

"E dopo che fu finita la sopradetta harmonia fu cantato un altra opera, composta, dalla virtuosa Madona Caterina, figlivola del famosissimo messer Adriano Vuilart, et li versi ha fatti il medesimo Stopio in Lode della Serenissima Anna d'Austria, Duchessa di Baviera."

Vos sacrae adeste tonis, charisma pignora, Musae,

Laudibus hanc mecum condecorate novis ;

Haec est, quae superat virtute Heroidas omnes,

Quis non caelestem dixerit esse Deam ?

Mente Dea est, formaque Dea est, Dea vera decore,

Undique divinis dotibus aucta, micans ;

Caesaris est summi, Divorum est digna propago,

Virtutum exemplo hanc edidit almus Amor.

Faemineum decus exortum est, et gloria summa,

En Charites vobis, addita quarta Dea est.

(Massimo Troiano, 1569, page 125) 

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3) Gratia sola Dei , en trois parties, tient une place à part puisque ses vers forment un acrostiche sur les prénoms des deux époux : GVILHELMVSRENEA. La musique est composée par Roland de Lassus.

5 voix SATTB (Soprano ou Cantus, Altus, Ténor 1, Ténor 2, Bassus).

On en trouve la partition dans l'Epithalium musicae compositus Auth. Orlando di Lassus, conservé au Musiksammlung de l'Albertina de Vienne, Hs. mus. 2129, un manuscrit de 60 x 69 cm illustré à l'encre et à la plume, et copié par Richard de Genoa, copiste qui était aussi chanteur basse à la Hofkapelle  de Lassus de 1563 à c.1580, et assistant du maître de Chapelle en 1570  Selon Peter Bergquist, auquel j'emprunte ces informations, il rappelle, bien qu'il soit dessiné mais non enluminé, le Mus. Ms. A. Tous les dessins font allusion au mariage. La première partie (0v-8r) est illustré par des passages de la Genèse (Adam et Éve, Abraham, isaac, Jacob, Joseph), le second (8v-11r) par des sujets tirés du Livre de Tobie, alors que les trois ouvertures de la troisième partie (11v-14r) sont en rapport avec les aventures bibliques respectives d'Esther, de Suzanne et de Judith et Holopherne.

Selon Massimo Troianno, le motet fut chanté le dimanche 29 février, après la Messe, lors du repas devant les époux et leurs invités. La première partie pour 5 voix fut chantée par tous (da tutta la turba de i cantori), la seconde pour 4 voix par 4 voix solo (da solo  quattro scelte voci), et la troisième partie pour six voix fut reprise par tous. Et, ajoute-t-il, cela fut chanté si suavement, que le Serenissime Prince et sa Sérenissime Dame restait à écouter les harmonies inédites, le morceau immobilisé dans la bouche, et que les domestiques ne bougeaient plus de leur place jusqu'à la fin du morceau de solo (E tanto suavemente lo cantarono, e di tal forte uno presso l'altro le fughe, et artisti e belli pasti, porgenano, alle orecchie de gli ascoltanti ; che tutti li Sereni. Prencipi, e Serenis. Dame, con il boccone in bocca si fermarono ad udire, la inodita concordanza; ; et infino che non fu finito il bene contesto quarto, nissuno de i servi si mosse dal luogo, che si trovava ; dopo tutii insieme seguitarono la terza parte a sei, e di questa opera l'eccellente e famoso, Orlando, a bocca piena, da tutti ugualmente, ne fu lodato). Roland de Lassus fut chaudement félicité après ce morceau.

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http://www.musicnotes.com/sheetmusic/mtdFPE.asp?ppn=MN0035595

 

Prima parte a cinque voci.

 

Gratia sola Dei pie' in omnibus omnia adimplet

 

Virtute aeterna, cœlesti, et amore creatis.

 

In nostris almus vigeat quoque cordibus ardor,

 

Lege sacra statuit, cunctisque ; amor imperet unus,

 

Hic reduces qui nos cœlo afferat, atque beatos,

 

Efficiat, Virtus aequa almo in amore recumbit.

 

Seconda parte a quatro voci.

 

Legitimo ergo nihil natura invenit amore

 

Maius, connubii unde ferax fit copula fidi,

 

Vis sacra amicitiae rata confirmatio amoris ;

 

Solus amans, quod amare invat, feliciter ardet,

Terza parte a sei voci

 

Res mira, ignoti quod, et illaqueentur amore,

 

Emicat accensis per famam mentibus ardor,

 

Nocte silente magis, dum mutua flamma per artus

 

Erans alta trahit suspiria pectore ab imo ;

 

Amplexus taedet longum expectare iugales.

La traduction est un défi quasiment impossible à relever pour un profane tant les tournures imposées par l'acrostiche se conjuguent aux difficultés du latin poètique. Un forum allemand  a tenté l'aventure en langue germanique. Stopio rend grâce à Dieu pour avoir instituer l'amour comme vertu éternelle parmi les choses crées et l'implore de favoriser l'expression de cette loi sacrée dans nos cœurs.

Lors de ces noces princières furent encore chantés deux pièces sur des poèmes de Nicolas Stopio, d'une part Laeta est dia Dies, nuptis gratemur ovantes ...Illuxit pergrata dies, celebrandaque cunctis ..et d'autre part Harmonico cupiens coniunctas ordine Musas Omnisonum in terris (Enthea dona) melos, sur une musique composée par Massimo Troiano en l'honneur de la Chapelle de Cour du duc Albert V (Troiano page 147), et qui reprend le thème du Mirabar solito.

 

 

 

 

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SOURCES ET BOITE A LIENS.

 

 DEONNA (W.) 1953, « La Politique » par P. P. Rubens  Revue belge de philologie et d'histoire Volume 31 pp. 520-536

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178

— DIEMER (Dorothea & Peter) 1955, Das Antiquarium Herzog Albrechts V. von Bayern Schicksale einer furstlichen Antikensammlung der Spatrenaissance Source: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 58 Bd., H. 1 (1995), pp. 55-104 Published by: Deutscher Kunstverlag GmbH Munchen Berlin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1482747  http://fr.slideshare.net/3153657/das-antiquarium-diemer

MAXWELL ( Barbara Susan ), The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

MIELICH (Hans) 1559, Mus. Ms. B, Bayerische Staatbibliothek : motets de Cipriano de Rore Oeuvre en ligne (en noir et blanc) ici : http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00037180/images/index.html?id=00037180&fip=ewqeayaewqfsdrxdsydxdsydenw&no=32&seite=1

— OWENS (Jessie Ann), 1978, The signifiance of Mus. Ms. B as a source for the motets of Cipriano de Rore : THE_SIGNIFICANCE_OF_Mus._Ms._B_AS_A_SOURCE_FOR_THE_MOTETS_OF_CIPRIANO_DE_RORE

— OWENS (Jessie Ann), 2004, Cipriano de Rore's New Year's Gift for Albrecht V of Bavaria:a new interpretation : d'après sa thése de 1979 in : Die Münchner Hofkapelle des 16. Jahrhunderts im europäischen Kontext. Bericht über das internationale Symposium der Musikhistorischen Kommission der Bayerischen Akademie der Wissenschaften in Verbindung mit der Gesellschaft für Bayerische Musikg ..., 2004, 30 p. (2004, August 2-4)

OWENS, (Jessie Ann) 1979 : An Illuminated Manuscript of Motets of Cipriano De Rore (München, Baierische Statsbibliothek, Mus. Ms. B) - Phil. D. diss. Princeton University Press, 1979 

— PAJUR (Astrid), 2012, Spectacular Marriages: Early Modern Festival Books and the 1568 Wedding of Wilhelm V of Bavaria and Renata of Lorraine,  History Dissertation, University of Edinburgh 

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— PAYA Laurent , Scénographie des jardins de « plantes et arbres curieux » 1537-1631, Curiositas,  http://curiositas.org/scenographie-des-jardins-de-plantes-et-arbres-curieux-1537-1631

— BERQUIST (Peter), 1998The Complete Motets:7: Cantiones aliquot quinque vocum (Munich, 1596); page XVII https://books.google.fr/books?isbn=0895794101

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— SCHILTZ (Katelijne et N. Meeùs), 2003, "Giunto Adrian fra l'anime beate : Une quintuple déploration sur la mort d'Adrien Willaert" Musurgia, Vol. 10, No. 1 (2003), pp. 7-33.

https://www.academia.edu/7926001/Giunto_Adrian_fra_l_anime_beate_Une_quintuple_d%C3%A9ploration_sur_la_mort_d_Adrien_Willaert

— SCHILTZ (Katelijne)  2005, "Harmonicos magis ac suaves nemo edidit unquam cantus": Cipriano de Rores Motette Concordes adhibete animos Archiv für Musikwissenschaft, 62. Jahrg., H. 2. (2005), pp. 111-136

https://www.academia.edu/6714368/_Harmonicos_magis_ac_suaves_nemo_edidit_unquam_cantus_Cipriano_de_Rores_Concordes_adhibete_animos

— STOPIO (Nicolo) 1556 "Nicolai Stopii In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion" in : Petri Bembi patritii Veneti, scriptoris omnium politissimi disertissimique, quaecunque usquam prodierunt, opera : in unum corpus collecta, & ad postremam autoris recognitionem diligentissime elaborata, quorum catalogum versa pagina monstrabit : Cum rerum & vocum memorabilium Indice, in operis calcem reiectoBasileae : [Michael Isengrin] 1556

http://www.e-rara.ch/bau_1/content/pageview/62975

STOPIO (Nicolo) ou STOOP, (Nicolaas de),1555, : Panegyricvm Nicolai Stopii Alostensis Flandri Carmen De laudibus diuae Ioannae Aragonae ad Illustriss. & excellentiss. eius filium Marcum Antonium Columnam Marsiae Ducem inuictiss. Florence. Hommage à Marc-Antoine Colonna, puis à Jeanne d'Aragon, à divers Princes, au Cardinale (In funere reverendiss. Cardinalis Bembi Epicedion), à Hans Jacob Fugger, 

Jeanne d'Aragon, femme du Vice-roi Ascagne Colonna, prince de Tagliacozzo et mère de Marc-Antoine Colonna,le futur vainqueur de la bataille de Lépante.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10335294d/f1.zoom

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00002170&pimage=00001&suchbegriff=&l=en

 

THRESOR DES PARTERRES : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856443/f2.image

—  TROIANO ( Massimo Troiano), 1569,  Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. 

https://books.google.fr/books?id  

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— "Schloß Trausnitz ob Landshut in Wiederbayern", in Das Königreich Bayern in seinem alterthümlichen, geschichtlichen ..., Volume 3 Munich, 1854 page 172-182 https://books.google.fr/books?id=TVxcAAAAcAAJ&dq=%22Cynosura+duce+obdurandum%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— DIAMM, Digital Image Archive of Medieval Music : http://www.diamm.ac.uk/jsp/Descriptions?op=SOURCE&sourceKey=2225

 

VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/landshut_engl.pdf

http://www.schloesser.bayern.de/deutsch/service/infomat/screen-pdf/mu-residenz_engl.pdf

Source des images :

a) illustration du catalogue de Vignau-Wilberg 2006.

b) https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

c) Civitates Orbis Terrarum :

c1) Landshut volume III planche 45 :

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Praecipuarum Totius Mundi : Liber Tertius [Material cartográfico] texte page 84 et gravure page 85 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713          

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Edition en français texte page 96, gravure page 97 : 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- http://historic-cities.huji.ac.il/germany/landshut/maps/braun_hogenberg_III_45_b.jpg

c2) Munich volume IV planche

 

The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

 Par Barbara Susan Maxwell,Friedrich Sustri

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

 

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel
21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 11:00

Joris Hoefnagel et son premier Hibou au Caducée-pinceau dans l' Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) . Une allégorie de la Paix par les arts et la sagesse ? Un message de non-réponse à la haine par la haine ?

Je dédie cet emblème à Madame Latifa Ibn Ziaten .

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Joris Hoefnagel,   Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , détail, in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , détail, in Vignau-Wilberg 2006.

Dans un article précédent, Le Hibou au Caducée chez Joris Hoefnagel, je présentais

cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:

  • Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.

  • Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590

  • Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598

  • Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2 cm, sans date

  • Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593.

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​Depuis, j'en ai découvert d'autres. Mais le premier semble dater de 1579. Auparavant, Hoefnagel avait fait ses classes de jeune fils de riche diamantaire d'Anvers en étudiant le droit en France (Orléans et Bourges), puis en parcourant l'Espagne et notamment l'Andalousie (1563-1567) avant de séjourner en Angleterre et de revenir à Anvers. Passionné par le dessin, il avait rempli ses carnets de vues de villes et de paysages, s'était défini un mot d'ordre, Natura sola Magistra, et s'était formé aux techniques de la miniature, peignant sa première œuvre d'enlumineur en 1573 sous forme d'une fascinante Vue de Séville. En 1572, ses chorographies (vues paysagères) participèrent à la publication du premier volume du Civitates Orbis Terrarum de Georg Braun et Frans Hogenberg, dont les gravures eurent un succès immédiat. Fuyant sa ville après le Saccage d'Anvers (1576) qui ruina partiellement son père, il partit faire son "Grand Tour" et se rendit, en compagnie de son aîné Abraham Ortelius, en Italie en passant par l'Allemagne. A Augsbourg, le banquier Fugger les recommanda au duc de Bavière, qui les reçut à Munich. Le duc Albert V était un grand amateur d'art et il fut si enthousiaste devant la Vue de Séville qu'il en fit l'acquisition immédiatement tout en engageant Hoefnagel comme peintre de cour. (Hans Mielich, le miniaturiste de la cour d'Albert V, était décédé en 1573). Après avoir parcouru l'Italie, le jeune artiste (il avait 26 ans) rejoignit la cour ducale en avril 1578. Il y peignit rapidement une autre miniature, le Forum Vulcani représentant sa visite à la Solfatare de Naples, et qu'il signait en affirmant fièrement son indépendance par l'adjectif autodidactos, "autodidacte".

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Jusque là, pas de Hibou au Caducée, mais néanmoins, sur la Vue de Séville, deux hiboux comme attribut de Minerve et, à distance, un caducée comme attribut de Mercure : les deux emblèmes sont donc présents dès 1573 avec leur référence à la déesse de la Sagesse et au dieu de l'Éloquence artistique et du Commerce. Il restait à les rapprocher et à se les approprier.

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C'est ce qu'il va faire dans une de ses premières œuvres munichoises, une Allégorie fraîche, gracieuse et festive, l' Allégorie aux deux Nymphes, avec les vues de Munich et de Landshut datée de 1579.Elle est conservée au Kupferstichkabinett du Staatliche Museen de Berlin, sous le n° d'inventaire KdZ 4804 , et sous le titre de Ansicht von München und Landshut in reicher allegorischer Umrahmung. Elle pourrait se nommer Allégorie de la Paix dans le Duché de Bavière.

On peut l'examiner en ligne sur le site de NKD :

https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

Mais Théa Vignau-Wilberg en a donné une reproduction de bonne qualité dans son livre de 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, et c'est la photographie de ce document que j'exploite ici.

Joris Hoefnagel,  Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 


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Description : L'emblème du Hibou au caducée de la bordure de gauche.

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Voici retrouvé le Hibou de Minerve / Athena tenant le caducée de Mercure et formant ainsi l'emblème de l'Hermathena, l'union de la Sagesse et de l'Éloquence artistique. Mais ici, Hoefnagel est beaucoup plus explicite que dans les cinq exemples (plus tardifs) que j'ai déjà étudié, puisque le caducée de ce hibou emblématique est formé d'un pinceau, et  que l'animal symbole de la Pensée (il s'est  posé sur le casque de Minerve), est entourée de deux palettes pleines de couleurs. C'est donc le peintre lui-même qui s'approprie, pour lui-même ou pour sa discipline, l'emblème. Surtout, le hibou est entouré d'une couronne d'olivier, tandis qu'un serpent au corps entortillé au dessus de lui le menace, vainement, de sa gueule sifflante, et qu'un oiseau huppé au bec crochu l'attaque du coté gauche. 

Ce hibou au caducée surmonte un blason divisé en quatre quartiers par deux équerres et une règle. Les quartiers sont occupés par un canif-grattoir, un pinceau, deux burins et un maillet. Soit les outils du peintre, du dessinateur, du graveur, et de l'architecte ou, plus surement, du géographe-topographe. Hoefnagel associe-t-il ici tous les artistes des arts décoratifs, ou bien décline-t-il les différentes fonctions de peintre, de graveur, et de chorographe qu'il a exercé, notamment à coté du géographe Ortélius ?

Ce blason est entouré, en guise de collier de la Toison d'Or, des lettres du mot VIRTUS  auxquelles est suspendu un vase embrasé ou pot-à-feu, symbole d'enthousiasme et de charité, lui aussi transpercé par un pinceau. Ce pot-à feu est, à la fois, un cœur enflammé. Chaleur de l'amour procurant au Hibou la force de brandir son pinceau face aux agressions auxquelles il est confronté.

Plus bas, deux cornucopia, ou cornes d'Amalthée, débordent de fruits.

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Le contexte : la miniature, une allégorie de la Paix ?

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L'enluminure de Hoefnagel est l'une des premières (peut-être la troisième après la Vue de Séville de 1573 et la vue du Forum Vulcani de 1578) et date de 1579,  la seconde année de présence d'Hoefnagel à la cour du duc de Bavière à Munich. Le duc Albert V décéda cette année là, le 24 octobre 1579, et le prince Guillaume, qui vivait avec son épouse Renée de Lorraine à Landshut, regagne alors Munich en devenant le duc Guillaume V. 

La scène médiane est une illustration d'une citation de la cinquième églogue de Virgile ("Voici les Nymphes qui t'apportent les lis à pleines corbeilles")  et montre, dans un jardin Renaissance et autour d'un olivier, deux nymphes présentant deux vases remplis de lis ; le destinataire de ces lis, symbole de la prosperité générée par la paix, est désigné par la lettre A placé dans un pavillon seigneurial : c'est bien-sûr Albert V (et éventuellement son épouse Anna, Anne d'Autriche). Au dessus se trouve une vue de la ville de Munich, capitale du Duché, entre les armoiries des Wittelsbach et celle de Munich.  L'inscription parcere subiectis  debellare superbos, tirée de l'Énéide de Virgile mentionne une devise ducale, qui est aussi un programme de gouvernement visant à "épargner ceux qui se soumettent et à abattre les rebelles". Deux médaillons montrent, à gauche, un lion allongé près d'un agneau (parcere suiectis) et, à gauche, Hercule et le lion de Némée (debellare superbos). Le lion est un animal emblématique puis héraldique pour la famille des Wittesbach, qui se réclamait de la descendance  d' Hercule. Enfin, la devise TV DECVS OMNE TVIS, provenant là encore de Virgile, était à l'époque une devise autonome illustrée par une main arrachant la langue d'un lion. Dans la partie basse, une vue du chateau de Trausnitz et de la ville de Landshut sert de cadre à une scène de chasse, où le duc et son fils poursuivent un cerf, rendant ainsi hommage à leur bravoure. Ainsi, dans cet axe vertical tracé par le tronc de l'olivier, les exploits dignes d'Hercule, la force du lion, et  et la valeur cynégétique des ducs de Bavière montrent que la prospérité des villes de Munich et de Landshut est le fruit d'une politique alliant la vaillance et la sagesse. Cet axe de l'arbre de Paix relie Landshut et Munich : les deux villes se sont longtemps opposées, comme les sièges de deux duchés séparés, celui de la Basse Bavière ou Bavière-Landshut et celui de la Haute Bavière ou Bavière-Munich. le règlement successoral adoptant en 1506 la primogéniture permit  que le duché se transmette sans partage au premier fils né de lignée masculine. Il en est resté ainsi jusqu'au XIXe siècle.

Mais ces deux villes sont aussi celles qui ont très largement bénéficié du mécénat du duc Albert V et du prince Guillaume à l'égard des arts. Passionné de peinture et de sculpture, mais aussi mélomane averti, Albert V a attiré à lui les artistes flamands et italiens, que les Fugger avaient déjà attirés à Augsburg. Par des commissionaires établis à Venise, il a réuni une extraordinaire collection d'œuvres d'arts  d'influence italienne, et a fait décoré ses résidences selon le même goût. C'est ce que rappelle l'axe horizontale reliant la bordure de gauche, dédiée aux arts graphiques, avec la bordure de droite dédiée à la musique et, précisément, aux compositeurs Cyprien de Rore et Roland de Lassus. Si la paix obtenue par le duc permet la prospérité économique des cités, elle permet aussi l'épanouissement des arts.

La paix ici célébrée est est aussi une paix religieuse : après les tentatives de répression militaire du lutherianisme par Charles Quint, la paix d'Augsbourg de 1555 a suspendu les hostilités entre les États luthériens et les États catholiques en Allemagne en imposant le principe fondamental : cujus regio, ejus religio c'est-à-dire : « tel prince, telle religion". Les ducs de Bavière ont défendu le catholicisme auquel était attaché la maison de Wittelsbach, et, malgré la tiédeur de ses convictions personnelles, Albert V puis Guillaume V sont devenus les chefs de la Contre-Réforme, faisant appel aux Jésuites pour créer dees collèges. La Bavière est à l'écart du déchaînement des Guerres de Religion.

C'est en fonction de cette lecture que je propose de voir dans cette enluminure une Allégorie de la Paix. Or, cette vertu est aussi, in fine, la valeur fondamentale de l'emblème du Hibou au Caducée.

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Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

Joris Hoefnagel, Hibou au Caducée, in Allégorie aux deux Nymphes avec les vues de Munich et de Landshut (1579) , in Vignau-Wilberg 2006.

 

DISCUSSION . L'HIBOU AU CADUCEE.

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Nous aurions donc ici la première figure du Hibou au caducée de Hoefnagel, figure qui lui sert d'emblème au même titre que le clou (Nagel) qu'il emploie parfois en signature. Nous avons donc ici réuni les éléments qui réapparaitront dans les occurences iconographiques suivantes et qui font de cet animal l'expression de la volonté de paix, confronté sans cesse sans y répondre aux agressions de l'ignorance et du Mal. En bon humaniste disciple d'Erasme, Hoefnagel est convaincu que le mal est déterminé par l'ignorance, et que l'éducation en est le remède suprème. Comme Erasme aussi, il est convaincu que c'est l'Image qui est, avec l'Exemple,  le meilleur moyen d'enseignement, par sa fonction mnemotechnique et didactique. L'Emblème et l'Allégorie en sont les meilleurs outils, surtout quand on sait les truffer de citations des bons auteurs de l'Antiquité (Virgile et Ovide au premier chef), de versets de la Bible, ou de ces formules lapidaires que sont les Adages, les Devises et  les Proverbes.

On devine  combien cet artiste a pu souffrir d'être confronté à la Bêtise et à la Malveillance, et on sait combien il a pris le parti de l'affronter avec patience et détermination  (son recueil Patientia) lui qui avait pris comme devise DUM EXTENDAR, "plus ils me frappent, plus je m'accrois" et l'emblème du clou forgé par les forces adverses.

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1578, gravure du Forum Vulcani, Civitates Orbis Terrarum, III,58,  détail: http://www.lavieb-aile.com/2015/04/vue-clou-hoefnagel.html

 

 


 

Retour sur l'Hermathena.

L'Hermathena, après avoir désigné dans l'Antiquité grecque des bornes à deux faces de Hermes et d'Athéna, recherchées plus tard par Cicéron pour orner la salle philosophique de sa villa de Tusculane, était devenu au XVIe siècle un motif iconographique, l'union d'Hermes et d'Athéna (de Mercure de le Minerve) permettant de conjuguer en une même figure les attributions du dieu messager Mercure (commerce, voyage, éloquence, et donc fonction pédagogique des arts, en un mot la médiatisation) et celles de la déesse de la pensée Minerve ( intelligence, sagesse, science,incluant la combattivité propre à celle qui est sortie toute armée du cerveau de son père Zeus/Jupiter). Les valeurs humanistes s'y retrouvaient si bien que les académies, comme celle d'Achille Bocchi à Bologne (1574).  Dans mon article  L' Hermathena d'Egide Sadeler, de Nicolas Stopio et de Pietro Bembo, j'ai montré que Hoefnagel avait conçu une oeuvre emblématique CURSUS qui sera gravée par Egide Sadeler II en 1597, et que cette œuvre avait un modèle, créé par Nicolas Stopio et publié soit dans le livre d'emblème de Ruscelli (Le imprese illustri) en 1566, soit comme marque typographique des livres édités par l'imprimeur vénitien Gualtero Scoto  entre 1550 à1553, notamment dans l'édition des œuvres du cardinal Pietro Bembo. 

On peut donc considérer que l'emblème de l'Hermathena a été introduit dans les milieux humanistes de la Renaissance italienne par Nicolao Stopio (et Gualtero Scoto). Si Calepino explicitait le terme dans son Dictionarum de 1538, c'était pour en donner la définition Mercurii ac Minervae statuae conunctiae ; Vide Herma. correspondant aux hermes de l'Antiquité. Même chose avec la définition de Trebellio en 1545, ou celle du Dictionarum de Robert Etienne en 1531. L'exploration sur le mot Hermathena par un moteur de recherche entre 1400 et 1550 ne trouve aucune autre acceptation que celle liée à Cicéron ou à la statuaire antique. Entre 1550 et 1575, nous trouvons les Imprese illustri de Ruscelli (1566),  une mention par Vincenzo Cartari en 1556 dans un ouvrage publié à ...Venise (Imagi dei Dei  degli Antichi), une autre par Johannes Goropius Becanus en 1569 dans ses Origines d'Anvers, La première édition des Symbolicarum quaestionum d'Achille Bocchi est parue à Bologne en 1555 mais on trouve surtout les éditions de  Bologne 1574 et 1578. En 1581 Vincenzo Cartari donne une illustration du couple Hermes-Athena à la page 240 de Imagines deorum (Lyon, Antoine Verdier). Jusqu'à argument contraire, je me permets donc de tenir les pages de titre des ouvrages de Gualtero Scoto comme les premiers exemples iconographiques de l'Hermathena du XVIe siècle.

Or, le site italien EDIT 16 de Recensement des éditions italiennes du XVIe siècle assure que Gualtero Scoto, d'origine flamande et donc sans lien avec la fameuse famille des Scotto (principal éditeur de musique avec Guardano),  était associé avec Nicolao Stopio, lui aussi d'origine flamande . "Actif de 1550 à 1575 à Venise, éditeur et typographe ; s'associa avec le marchand et homme de lettres flamand Nicolas de Stoop pour l'impression de l'œuvre de Bembo ; la société utilisait la marque de Mercure et Minerve Z840. Noms : Gualtero Scotto; Gualtiero Scotto; Gualterus Scottus; Gualterius Scot ". La marque est cataloguée comme U440, V464 ou Z840, et U557. Elle est décrite ainsi "Mercure tenant le caducée étreint Minerve qui porte un casque à plumes, le bouclier à l'égide et deux flêches (ou lances). Ils ont chacun le pied posé sur un dé et sur un livre fermé."

On peut donc tenir Nicolas Stopio, ou Stopius, ou De Stoop, comme étant dès 1550 à l'origine de cet emblème. 

Ceci ne nous est pas indifférent lorsqu'on sait que Stopio a été l'homme d'affaire des banquiers Fugger d'Augsbourg puis / et du duc Albert V de Bavière, chargé, grâce à sa situation à Venise, d'adresser des "lettres diplomatiques" avertissant Hans Jacob Fugger des nouvelles intéressantes, mais surtout de procéder aux achats d'œuvre d'art, dans un marché où les Princes se faisaient une concurrence acharnée pour doter leurs résidences des plus belles statues antiques, pour enrichir leurs collections des tableaux des peintres italiens de renoms, pour doter leurs Cabinets de médailles et autres objets précieux. Stopio avait comme concurrent Jacobo Strada. Il travaillait aussi pour d'autres princes de la famille des Habsbourg, et pour l'empereur, et se rendait de temps en temps à Vienne, à Innsbruck ou à Munich. Il est donc vraisemblable qu'à son arrivée à Munich (ou déjà lors de son passage à Augsbourg) le flamand Hoefnagel ait entendu parler, ou ait rencontrer son compatriote Stopio.

De nombreux points sont communs aux deux hommes. 

  • Leur fonction au service du duc de Bavière et leur lien avec les Fugger. Hoefnagel entra comme peintre de cour à Munich en 1578 ; Stopio était déjà l'agent d'Albert V en 1567.

  • Le frère de Nicolas Stopio, Martin Stopius, docteur en philosophie et en médecine né à Alost (Flandres)  était installé en Autriche en 1552 ; il était Magister Sanitatis de Vienne en 1554, doyen de la faculté de Vienne le 13 octobre 1554,  recteur de l'université de Vienne en 1580,  (son portrait : http://www.bildindex.de/obj07030460.html#|home). 

  • Leur statut de marchand d'œuvre d'art : c'est comme marchand que Hoefnagel a été longtemps considéré, et il a constitué des collections de gravures d'art, en particuleir pour satisfaire des clients. Ses frères étaient marchands.

  • Leur formation de lettré et leur goût pour les lettres en général, la poésie latine en particulier. Tous les deux sont d'excellents latinistes.

  • Leur intérêt pour la musique. Celui de Hoefnagel est attesté par le tableau des Noces du peintre Hoefnagel par François Pourbus, où les convives sont rassemblés autour de divers instruments.

  • Le fait que Hoefnagel ait pris modèle sur l'emblème Hermathena de Stopio pour la gravure Cursus de Sadeler, et qu'il y ait inscrit une phrase de Térence qui est citée dans le texte accompagnant cet emblème dans le livre de Ruscelli.

  • Le fait que Hoefnagel connaissait certainement le livre d'emblème de Ruscelli, comme en témoigne les emprunts qu'il y fit pour ses différentes peintures, emprunts signalés par Théa Vignau-Wilberg 1969.

Les liens indirects de Stopio avec cette Allégorie peuvent aussi être découverts du coté droit de la bordure, là où se voient la lyre et les partitions. Nicolas Stopio a écrit les poèmes qui ont été mis en musique, tant par Cipriano de Rore  que par Roland de Lassus. Il est l'auteur de Mirabar solito laetas, pièce mis en musique pour six voix par Cipriano de Rore (cf. M. Troiano 1568 page 68) ;  dans cet éloge d'Albert V célébrant son accession, le duc est assimilé à Apollon Phoebus parmi les neuf Muses. Il est aussi l'auteur  de Nil mage iucundum,  motet de célébration pour 5 voix mis en musique par Roland de Lassus et chanté par (Mezari) Maddalena Casulana pour le mariage de Guillaume IV de Bavière et Renée de Lorraine à Munich en Février 1568. Or, ces deux pièces appartiennent aux deux manuscrits les plus prestigieux de la bibliothèque ducale, deux livres de chœur enluminés par Hans Mielich, l'un contenant des partitions de Cipriano de Rore et l'autre celles de Roland de Lassus. Ainsi, à défaut de liens directs entre Hoefnagel et Stopio, c'est tout un réseau de fils qui se révèlent  tissés entre eux. 

Enfin, l'intérêt de Hoefnagel pour la cartographie, ou pour le naturalisme scientifique (représentation exacte voire "microscopique" des insectes) se retrouve chez Nicolas Stopio, qui composa des poèmes pour les cartouches de cartes géographiques, et qui est cité par Vésale dans une des pièces liminaires de la Fabrique (1543), une lettre adressée à l'imprimeur Oporinus:

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178#

"Tu recevras bientôt, en même temps que cette lettre, par l’intermédiaire des Danoni, marchands milanais, les planches gravées pour mes livres de La fabrique du corps humain et pour leur Résumé. J’espère qu’elles arriveront à Bâle intactes et indemnes, telles que je les ai soigneusement disposées avec l’aide du graveur et de Nicolas de Stoop, qui gère ici en toute confiance les affaires des van Bomberghen et qui est un jeune homme remarquablement savant dans les études humanistes" 

 

 

De l'Hermathena au Hibou au Caducée.

Le passage de l'emblème de l'Hermathena à celui du Hibou tenant un caducée est dû au génie propre de Hoefnagel, et il suppose une belle liberté de pensée pour détacher les attributs de chaque divinité , et pour les réunir en une figure animale remarquablement condensée. Débarrassée  des accessoires de quincaillerie (bouclier, casque, lance) ou d'opérette (pétase, sandales ailées), débarrassée aussi des figures divines d'un autre temps, la chouette (le Hibou, puisqu'il porte des "oreilles" qui le distingue des chouettes]  devient un animal parfaitement familier. Hoefnagel n'est jamais académique, et ses figures sont légères, drôles, gracieuses. L'idée de faire tenir un pinceau à l'oiseau de Minerve, de remplacer, dans le caducée, le bâton d'Hermés, la verge des hérauts par un pinceau relève sinon de l'irrévérence, du moins de l'humour.  Mais cette légèreté de ton, loin d'atténuer la force emblématique, la renforce. La chouette, oiseau solitaire que Dürer avait peint houspillé par d'autres oiseaux en image christique confronté aux outrages, devient l'autoportrait touchant mais dramatique du peintre exilé. 

Ce Hibou peintre est placé dans un environnement qui accentue la portée de l'emblème et souligne son lien avec la Paix.  L'Hermathena, en mettant au service de la Pensée conceptuelle la puissance de la médiatisation, était certes un bel emblème pour les imprimeurs et éditeurs, ou pour les humanistes soucieux qu'il ne suffit pas de Savoir, et que le savant est redevable aussi du faire-savoir. Mais c'est par l'emblème de Hoefnagel, puis plus tard par la version que Rubens donnera de l'Hermathena de Sadeler (et Hoefnagel), que la paix devient la valeur principale.

Pour mieux le comprendre, laissons la chouette à ses travaux de peinture et son domptage de serpents, et intéressons-nous à l'Hermathena de P.P. Rubens. Notre guide sera W. Deonna, dont je vais recopier les extraits de son article de 1953 en le lardant de mes petits ajouts. 

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En 1618, Frédéric van Marselaer (1584-1670), magistrat et jurisconsulte belge, échevin de Bruxelles, a publié  un traité sur l'art des Ambassades, « Κηρνκειον sive Legationum insigne ; in duos libros distributum  "Le Kerykeion, [Caducée] , ou insigne des Ambassadeurs"  , qu'il a repris en 1626 sous le titre  Legatus libri duo ad Philippum IV Hispaniarum Regem , avec un frontispice dessiné par Théodore van Loon, gravé par Cornells Galle. C'était déjà un Hermathena, au beau  Mercure, avec  pétase, talonnières ailées, et caducée ; et à la mignonne  Minerve, casquée, tenant lance et bouclier au gorgoneion. Et puis : deux cornes d'abondance entrecroisées, d'où sortent un sceptre, des couronnes, des fruits, des épis. L'intérêt est de trouver cet emblème dans un livre sur les Legati, les Ambassadeurs : Mercure n'est plus seulement le messager, le voyageur, mais il est  le héraut par excellence, non seulement ambassadeur de Jupiter, mais aussi des autres Dieux,  il est le « Dieu des ambassades ». A Rome, les légats qui traitaient de la paix  portaient le caducée, et s'appelaient « Caduceatores ». Mercure, et son caducée, sont des symboles de la paix, de la concorde entre peuples, que les légats ont pour tâche de maintenir ou d'obtenir. Mais c'est aussi le dieu des sciences , de l'intelligence, de la sagesse, de la raison et de la vérité , de l'éloquence , de multiples qualités que le légat idéal doit posséder, et qui sont détaillées dans le premier livre du «Legatus ». Minerve, déesse de la sagesse, « déesse de conseil et de prudence », lui donne aussi ses avis salutaires. Les deux divinités sont associées ici, comme déjà chez les anciens, car leur union est nécessaire au légat, pour que ses qualités soient tempérées par la sagesse et la prudence . 

 

 

Première édition : https://books.google.fr/books?id=CX1bAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=kerukeion&hl=fr&sa=X&ei=c0ZCVYmQBYG4UOK3gaAG&ved=0CCIQ6AEwAA#v=onepage&q=kerukeion&f=false

Frontispice de la première édition. (remarquer la calligraphie de la date, semblable à celle adoptée par Hoefnagel)

Frontispice de la première édition. (remarquer la calligraphie de la date, semblable à celle adoptée par Hoefnagel)

Frontispice de la deuxième édition de 1626 :

 

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En 1638, Pierre-Paul Rubens a dessiné un nouveau frontispice  pour une seconde édition du « Legatus »; il fut gravé en 1656 par Corn. Galle le Fils , mais l'ouvrage ne parut qu'en 1666 après la mort de Rubens. 

 

Rubens a expliqué lui-même en latin le symbolisme de son frontispice, sur un exemplaire de celui-ci, conservé à la Bibliothèque de Bruxelles . II a maintenu les emblèmes de van Loon, en les modifiant quelque peu. Mercure, dieu des ambassades, au caducée de paix (*), est à droite, et Minerve, déesse de la sagesse et de la prudence , à gauche du cartouche central. Ils sont montés chacun sur un haut piédestal dont la face antérieure est ornée, pour Minerve, d'une couronne d'olivier traversée par une palme , pour Mercure, d'une couronne de chêne, traversée par une branche d'olivier, emblèmes de sagesse, de prudence, de victoire, qui conviennent aux ambassadeurs. Mercure est  « maître dans l'art de bien dire et de persuader, mérite à juste titre d'être le dieu tutélaire et le chef des ambassadeurs, qui, eux, sont les envoyés des princes, les représentants des dieux sur la terre, comme lui est le messager des dieux. En effet, les conseils obtenus dans le sanctuaire de Minerve doivent être traduits par le langage, pour que l'ambassadeur atteigne son but, et termine heureusement sa tâche difficile ».

Ils ont à leurs pieds leurs attributs habituels, propres aux légats : Minerve la chouette, symbole de sagesse, Mercure le coq, symbole de vigilance. Leur union est devenue plus étroite, car ils se donnent la main. L'artiste a ajouté, entre leurs piédestaux, un cartouche où des enfants nus jouent, l'un avec une corbeille de fruits, un autre avec un petit chien ; image de vie heureuse et sans souci. On retrouve, à son sommet, les attributs utilisés par van Loon, les deux cornes d'abondance, avec couronne, sceptre, fruits : " « La corne d'Amalthée, pleine de couronnes de sceptres et de fruits divers, que l'on voit sous le titre, désigne les bienfaits et les avantages que l'on peut espérer des ambassadeurs »."

Au dessus du cartouche central, le buste féminin est celui de la Politique, l'art de régner, « Politice, sive ars dominandi ». Il est posé sur un pilier carré, symbole de sa stabilité, « forma quadrata stabilitatem Imperii designans », qui est celle de la Terre, de la Nature, avec qui la Politique se confond.

Ajoutons, par référence avec ma propre description de la Nymphe de la scène centrale de l'Allégorie de Hoefnagel comme Gradiva lente festinans,  que parmi les qualités de l'ambassadeur, Marselaer compte la circonspection, qui n'agit pas à la légère, et trop rapidement, mais après mûre réflexion. Il doit être « Lente festinans », dit-il.  « Maturandum igitur : quo verbo Latini et moram celeritate et celeritatem mora corrigunt. Da cochleae alas, et lentam festinationem exprimes ».

 

 

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En 1638, Pierre-Paul Rubens a dessiné un nouveau frontispice  pour une seconde édition du « Legatus »; il fut gravé en 1656 par Corn. Galle le Fils , mais l'ouvrage ne parut qu'en 1666 après la mort de Rubens. 

 

Rubens a expliqué lui-même en latin le symbolisme de son frontispice, sur un exemplaire de celui-ci, conservé à la Bibliothèque de Bruxelles . II a maintenu les emblèmes de van Loon, en les modifiant quelque peu. Mercure, dieu des ambassades, au caducée de paix (*), est à droite, et Minerve, déesse de la sagesse et de la prudence , à gauche du cartouche central. Ils sont montés chacun sur un haut piédestal dont la face antérieure est ornée, pour Minerve, d'une couronne d'olivier traversée par une palme , pour Mercure, d'une couronne de chêne, traversée par une branche d'olivier, emblèmes de sagesse, de prudence, de victoire, qui conviennent aux ambassadeurs. Mercure est  « maître dans l'art de bien dire et de persuader, mérite à juste titre d'être le dieu tutélaire et le chef des ambassadeurs, qui, eux, sont les envoyés des princes, les représentants des dieux sur la terre, comme lui est le messager des dieux. En effet, les conseils obtenus dans le sanctuaire de Minerve doivent être traduits par le langage, pour que l'ambassadeur atteigne son but, et termine heureusement sa tâche difficile ».

Ils ont à leurs pieds leurs attributs habituels, propres aux légats : Minerve la chouette, symbole de sagesse, Mercure le coq, symbole de vigilance. Leur union est devenue plus étroite, car ils se donnent la main. L'artiste a ajouté, entre leurs piédestaux, un cartouche où des enfants nus jouent, l'un avec une corbeille de fruits, un autre avec un petit chien ; image de vie heureuse et sans souci. On retrouve, à son sommet, les attributs utilisés par van Loon, les deux cornes d'abondance, avec couronne, sceptre, fruits : " « La corne d'Amalthée, pleine de couronnes de sceptres et de fruits divers, que l'on voit sous le titre, désigne les bienfaits et les avantages que l'on peut espérer des ambassadeurs »."

Au dessus du cartouche central, le buste féminin est celui de la Politique, l'art de régner, « Politice, sive ars dominandi ». Il est posé sur un pilier carré, symbole de sa stabilité, « forma quadrata stabilitatem Imperii designans », qui est celle de la Terre, de la Nature, avec qui la Politique se confond.

Ajoutons, par référence avec ma propre description de la Nymphe de la scène centrale de l'Allégorie de Hoefnagel comme Gradiva lente festinans,  que parmi les qualités de l'ambassadeur, Marselaer compte la circonspection, qui n'agit pas à la légère, et trop rapidement, mais après mûre réflexion. Il doit être « Lente festinans », dit-il.  « Maturandum igitur : quo verbo Latini et moram celeritate et celeritatem mora corrigunt. Da cochleae alas, et lentam festinationem exprimes ».

 

 

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Legatus Frederici de Marselaer ,1666, frontispice par P.P Rubens. Numérisé par Google http://books.google.be/books?id=RgNCAAAAcAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Legatus Frederici de Marselaer ,1666, frontispice par P.P Rubens. Numérisé par Google http://books.google.be/books?id=RgNCAAAAcAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Nous voyons donc, dans ce frontispice de Rubens, l'Hermathena se mettre au service de la Politique ; et l'Olivier sous forme d'une couronne et d'une branche affirmer la valeur de la Paix. 

Cette constatation donnera plus de valeur à la couronne d'olivier qui entoure le Hibou au Caducée et qui l'isole des médisants, des persifleurs et des haineux que le serpent gueule ouverte et l'oiseau agressif symbolisent.

Dans une Allégorie toute entière consacrée à la politique pacifique du duc de Bavière et à son mécénat artistique, le Hibou brandit son pinceau en guise de caducée pour affirmer que l'artiste au service du duc est son ambassadeur kerygmatique participant à la propagation les valeurs humanistes de l' Harmonie.

Cette volonté d'apaisement et de modération dans la gestion des crises est celle qui guida les ducs de Bavière confronté au déferlement de violence des Guerres de religion. 

Illustrations  : Le duc Albert V par Hans Mielich, prédécesseur de Hoefnagel comme miniaturiste à la cour. A 17 ans, puis, en 1552, jouant aux échecs avec son épouse Anna.

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SOURCES ET BOITE A LIENS.

 

 DEONNA (W.) 1953, « La Politique » par P. P. Rubens  Revue belge de philologie et d'histoire Volume 31 pp. 520-536

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1953_num_31_2_2178

— MAXWELL ( Barbara Susan ), The Court Art of Friedrich Sustris: Patronage in Late Renaissance Bavaria

https://books.google.fr/books?id=e7JrnPSy8JwC&pg=PA31&lpg=PA31&dq=landshut+hoefnagel&source=bl&ots=Za78lKxHO3&sig=gHBFBSsjYJRBCZS9sca1oQyaOek&hl=fr&sa=X&ei=8-s5Vbn_HtbfaqaegYAI&ved=0CDcQ6AEwAw#v=onepage&q=landshut%20hoefnagel&f=false

— PAYA Laurent , Scénographie des jardins de « plantes et arbres curieux » 1537-1631, Curiositas,  http://curiositas.org/scenographie-des-jardins-de-plantes-et-arbres-curieux-1537-1631

— STOPIO Nicolas

1555 : Panegyricum Carmen de laudibus D. Ioannae Aragonae

 THRESOR DES PARTERRES : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k856443/f2.image

—  TROIANO ( Massimo Troiano) Dialoghi, ne'quali si narrano le cose piu notabili fatte nelle nozze dello page 42-47, 121, 139, 147. https://books.google.fr/books?id=JtNcAAAAcAAJ&pg=RA1-PT18&dq=stopio+nicolo&hl=fr&sa=X&ei=67VAVbD_Fcfiaor6gLgB&ved=0CE4Q6AEwBw#v=onepage&q=stopio%20nicolo&f=false

— TROIANO ( Massimo) 1568 Discorsi delli triomfi, giostre, apparati, e delle cose piu notabile fatte nelle sontuose nozze dell' illustrissimo & eccelentissimo Signor Duca Guglielmo. primo genito del generosissimo Alberto quinto, Conte Palatino del Reno, e Duca della Bauiera, alta e bassa, nell' anno 1568 a 22. di Febraro. Compartiti in tre libri, con una dialogo, della antichita del felice ceppo de Bauiera. Alla serenissima Regina Christierna Danismarchi  ...Montano page 67-68 et 165

https://books.google.fr/books?id=TzRgAAAAcAAJ&dq=de+rore+stopio&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

— VIGNAU-WILBERG (Théa), 2006 In Europa zu Hause – Niederländer in München um 1600, Hirmer.pp. 102-103.

SOURCES DES IMAGES :

a) illustration du catalogue de Vignau-Wilberg 2006.

b) https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=joris+hoefnagel+allegorie&start=11

c) Civitates Orbis Terrarum :

c1) Landshut volume III planche 45 :

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Praecipuarum Totius Mundi : Liber Tertius [Material cartográfico] texte page 84 et gravure page 85 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000000713          

-- Biblioteca Hispanica : Urbium Edition en français texte page 96, gravure page 97 : 

http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000069196&page=1

-- http://historic-cities.huji.ac.il/germany/landshut/maps/braun_hogenberg_III_45_b.jpg

c2) Munich volume IV planche

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Published by jean-yves cordier - dans Hoefnagel

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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