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6 juin 2017 2 06 /06 /juin /2017 21:11

Les sculptures sur pierre de l'ancienne abbatiale de Daoulas. II. Le calvaire du cimetière (XVe siècle).

 

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Voir : 

 

 

 

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Ce calvaire du XVe siècle, haut de 7,50 m,  est sculpté dans la pierre de kersanton, au dessus d'une base architecturée à pilastres. De bas en haut, nous trouvons le socle à pans coupés, puis le long  fût à pans, portant un croisillon à deux personnages (La Vierge et saint Jean) et enfin  le Crucifix.   Il est décrit par Yves-Pascal Castel dans l'Atlas des croix et calvaires du Finistère sous le numéro 401. 

http://patrimoine.dufinistere.org/commune/index.php?groupe=croix&art=daoulas

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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LA FACE OCCIDENTALE.

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Deux anges bouclés et  tenant des phylactères soutiennent les consoles polygonales du  croisillon. La banderole passe de l'un à l'autre en formant au centre un savant entrecroisement de plis. Je peux y voir des anges chanteurs qui lisent leur partition, ou bien imaginer que les phylactères portaient jadis une inscription peinte.

Entre les deux consoles, un rectangle ne semble pas avoir été martelé ; sans-doute n'a-t-il jamais porté de motifs sculptés.

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Entre la Vierge et saint Jean, deux anges tiennent un calice recueillant le sang des plaies des pieds du Christ, selon un motif très courant sur nos calvaires. Ces anges en aube et amict semblent arriver tout droit des Cieux, le corps horizontal, les reins cambrés, l'aube flottant derrière eux.  

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La Vierge porte un manteau qui lui voile la tête, une guimpe, et une robe plissée. Ses mains sont jointes.

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Saint Jean est reconnaissable à son visage imberbe encadré par des cheveux bouclés, et ses pieds nus comme tout apôtre. Il est vêtu d'une robe aux plis cannelés, serrée par une ceinture, et d'un manteau dont le pan droit croise pour se fixer sous le bras gauche. Il tend la paume droite, et tient un livre, attribut commun aux apôtres, ou propre à l'évangéliste et auteur du Livre de l'Apocalypse. 

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Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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L'ange qui descend des Cieux en tenant le titulus (panneau où sont inscrites les lettres INRI) s'apparente aux anges de sollicitude qui se penchent sur la tête du Crucifié. Comme par exemple sur le calvaire du bourg à Dirinon.

 

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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II. LA FACE ORIENTALE. LA PIETÀ.

Il s'agit d'une Pietà à quatre personnages, la Vierge tenant le corps de son fils étant encadré par saint Jean et par Marie-Madeleine.

On la comparera d'abord à la Pietà à deux personnages du Porche des Apôtres.

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Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Face orientale du calvaire du cimetière de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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SOURCES ET LIENS.

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— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1906, “Daoulas,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 5 juin 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/328.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1f623d8ab53c290b419d50f8f5da88aa.pdf

 

— CASTEL (Yves-Pascal) 11 août 1979 Mieux connaître l'abbaye de Daoulas

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/5706ec4151340cdb93120029fde046d9.jpg

— CASTEL (Yves-Pascal) 1996, "Monuments et objets d'art du Finistère (année 1995) : Daoulas, Porche du cimetière, la statue de saint Cler", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère (125, p. 148-149)

— COUFFON (René), 1988, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/b7a5a075dd70315bdc8d13759ebc81e4.pdf

 

COURCY (Pol de), 1867, Bretagne contemporaine, Finistère, p. 96, Nantes, Charpentier, in-f°, 1867

— LÉCUREUX (Lucien), 1919, église abbatiale de Daoulas, Congrès archéologique de France page 20

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f53.vertical

— PINSON (Chanoine Louis), 1696, Histoire de l'abbaye de Daoulas, par un chanoine de cet abbaye, manuscrit recopié au début du XIXe siècle et publié par PEYRON (Chanoine) 1897 Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 49-70, 197-231, 241-256 et 425-440.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f327.image.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f283.item.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f327.item.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

— http://site.erin.free.fr/Bretagne/Finistere/Daoulas.htm#PorcheApotres

— http://www.infobretagne.com/abbaye_de_daoulas.htm

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Published by jean-yves cordier - dans Daoulas Calvaires
4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 20:20

Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas.  I. Le Porche aux Apôtres (vers 1560-1566).

 

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Voir sur Daoulas :

 

 

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Voir les porches du Finistère du XV au XVIIe siècle : 

 

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PRÉSENTATION.

Un pêle-mêle de copier-coller.

L'église abbatiale Notre-Dame (1167) a été restaurée aux XVIe et XIXe siècles. L'édifice primitif a été commencé en 1167 et consacré le 12 septembre 1232. L'église a connu par la suite plusieurs transformations, notamment la reconstruction, entre 1520 et 1535, sous l'abbatiat de Charles Jégou, du transept, d'un clocher et d'un choeur détruits vers 1830. L'église actuelle n'est donc qu'une partie de l'ancien édifice, dont on a supprimé le chœur et le transept sud. Une importante campagne de travaux a été menée jusqu'en 1880 par l'architecte Bigot . Seuls la façade occidentale avec son porche roman, le mur nord et l'intérieur de la nef à sept travées avec bas-côtés subsistent de l'édifice primitif (1167-1173).

Le porche aux apôtres, édifié pour l'abbé Jean Le Prédour près de transept coté sud, date de 1560 : il a été déplacé en 1880 par l'architecte Bigot à une des extrémité du cimetière, où il sert à la fois d'arc de triomphe et de campanile. A l'intérieur, de chaque côté du porche, sont des niches (séparées par des pilastres et décorées de coquilles et galons plats) contenant les statues des douze Apôtres (la statue de saint Pierre porte la date de 1560). Les arcades datent de 1173-1881. Au revers du porche, se trouvent quelques statues anciennes en kersanton dont saint Riec (1447), la Vierge-Mère, saint Augustin, Annonciation et une Pietà. A noter que saint Riec, fils d'Elorn, seigneur de la Roche-Maurice, fut à Landévennec un des disciples de saint Guénolé.

En 1867, avant l'intervention de Bigot, Pol de Courcy décrivait ce porche ainsi :

« Un joli porche de la Renaissance a été ajouté le long du collatéral sud. Son arcade, en anse de panier, est surmontée des armes timbrées d'une crosse de l'abbé Jean Prédour, abbé en 1550 et mort en 1573 ; la Vierge, saint Augustin, un cœur à la main, et deux anges, agenouillés sur des consoles, ornent l'extérieur de ce porche dont les parois intérieures sont garnies de niches contenant les statues des apôtres avec la date de 1566. Les voussures des portes du fond sont remplies de feuilles de vigne ; les colonnes sont cannelées en spirale, et la scène de la Nativité remplit le tympan de l'ogive. Tous ces charmants détails sont exécutés en kersanton»

 

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I. LA FAÇADE OCCIDENTALE. 

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La façade ouest est celle qui se présente au visiteur venant de l'extérieur. Celui-ci découvre la grande arcade surbaissée sous laquelle il devra passer, alors que se détache dans l'obscurité du porche les deux portes en anse de panier qui donnent accès au cimetière, mais qui, jadis, ouvraient sur le bas-coté sud de l'église.

Cette arcade est encadrée successivement, de dedans en dehors,  par des piédroits dépourvus d'ornementation, puis rythmé par deux colonnes jumelles torsadées, par des contreforts accueillant les deux statues d'un groupe de l'Annonciation. Sur les cotés de ces contreforts, il devine deux autres statues placées dans des niches.

Les piédroits se prolongent par trois voussures où six anges se sont posés, et cette arcade ogivale encadre, dans le  tympan, une Nativité disposée sur trois consoles.

J'ai ainsi déroulé le programme des sculptures qu'il nous reste à découvrir, en nous rapprochant.  

 

 

Façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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A. LE TYMPAN.

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La Nativité.

Comparer aussi ce tympan avec celui de la Basilique du Folgoët (1423-1433), du  porche sud de La Martyre (1450-1468), par l'atelier du  Folgoët (image lavieb-aile),  et avec celui de Pencran. Le plus petit dénominateur commun de ces Nativités est bien le groupe de l'âne et du bœuf, représentés frontalement, comme s'ils transperçaient la muraille. 

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Tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Saint Joseph à droite de la crèche.

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Ce Joseph de Daoulas, assis bien droit, est remarquable par son aspect de riche bourgeois de la seconde moitié du XVIe siècle, avec ses cheveux peignés, sa barbe soignée, son chapeau de feutre typique des années 1560-1580, son manteau soigneusement fermé par une série de boutons, ses manches bouffantes, et le hiératisme de sa posture ou de ses traits. Curieusement (c'est inhabituel pour l'époux de Marie), il tient un livre dans la main gauche. Le bâton tenu dans la main droite est par contre l'un des éléments d'identification. Notez les yeux aux paupières ourlées.

 

Comparez au Joseph très différent de la Nativité de La Martyre :

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Saint Joseph, kersanton, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Saint Joseph, kersanton, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Marie est agenouillée devant son enfant.

 

La Vierge, kersanton,  tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La Vierge, kersanton, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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L'Enfant-Jésus, l'âne et le bœuf.

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L'Enfant entre deux anges, l'âne et le bœuf, kersanton, vers 1560,  tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

L'Enfant entre deux anges, l'âne et le bœuf, kersanton, vers 1560, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Un examen attentif montre que l'Enfant-Jésus tient dans sa main une sphère (globe terrestre) alors qu'il lève la main droite dans un geste de bénédiction. Il est couché sur la paille, au centre de rayons lumineux stylisés par des lignes triangulaires. Cette représentation n'est pas éloignée de celle de la Nativité du Calvaire monumental de Plougonven sculpté par Bastien et Henry Prigent en 1554, guère plus de dix ans avant ce porche.

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L'Enfant entre deux anges, kersanton, vers 1560,  tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

L'Enfant entre deux anges, kersanton, vers 1560, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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L'âne et le bœuf sont reliés ensemble par une corde. L'âne porte un licol complet, avec sa têtière derrière les oreilles,  sa frontale ... sur le front, et sa muserolle sur le chanfrein du ... museau. La longe ...longe le coté droit de la tête. Le bœuf ne semble pas avoir besoin de la muserolle.

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L'âne et le bœuf, kersanton, vers 1560,  tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

L'âne et le bœuf, kersanton, vers 1560, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Console de la crèche de la Nativité.

Selon Couffon, il s'agit d' "Adam chassé du Paradis". Mais en toute logique, ce sont des anges qui devraient alors se charger de cette sanction, armés de glaives. Ici, nous voyons deux hommes nus, armés de gourdins ; l'homme de gauche nous tire la langue. Quand au personnage central, nu également, barbu, il a la bouche ouverte, sous l'effet du plaisir qu'il se donne. Malgré tout le respect que je dois au lecteur, nous sommes ici dans l'obscène, dans le registre marginal qui est loin d'être rare sur les corniches, les culots, les gargouilles et les crossettes ou sur les miséricordes des stalles, en contrepoint des représentations sacrées. Mais, comme dans La Lettre volée, ce qui devrait nous crever les yeux est escamoté par les parti-pris de notre regard.

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 "Adam chassé du Paradis", kersanton, Console de la crèche de la Nativité,  tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

"Adam chassé du Paradis", kersanton, Console de la crèche de la Nativité, tympan de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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B. LES ANGES DES VOUSSURES DE L'ARCADE.

 

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Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Ange thuriféraire, kersanton,  arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange thuriféraire, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Ange thuriféraire, kersanton,  arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange thuriféraire, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Ange orant, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Anges orants, kersanton,  arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Anges orants, kersanton, arcade ogivale de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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C. LES STATUES DES CONTREFORTS.

1°) L'ANNONCIATION.

Ces Annonciations en deux éléments en ronde-bosse, la Vierge d'un coté agenouillée en prière devant un lutrin, avec un lys devant elle, et l'ange Gabriel  , souvent disposés de part et d'autre d'une ouverture, se retrouvent fréquemment dans le Finistère :

Sur le tympan intérieur du porche de Rumengol.

Sur l'arc triomphal  de La Martyre 

De chaque coté de la baie de l'église du Folgoët

Ici, le même bloc de pierre est taillé pour représenter la Vierge, son lutrin, et le vase avec son lys. La main droite fait un geste de salutation ou d'acceptation, la main gauche tient le livre de prière. Ces parties, comme le buste, la robe et sa ceinture, sont assez grossièrement réalisées. Le visage, carré, est plus fin, avec son front épilé, ses sourcils bien marqués, ses yeux aux paupières ourlées, le nez fin, les lèvres charnues et le petit menton.

Les cheveux descendent en torsades bouclées de chaque coté avant d'être rassemblées par un bandeau qui passe derrière la nuque, selon cette mode caractéristique dont j'ai mainte fois relevé la présence dans ce blog, sous le quolibet de "chouchou". C'est lui que nous avons déjà remarqué en la Vierge de la Nativité, et que nous retrouverons sur la Vierge à l'Enfant du contrefort droit.

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La Vierge, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La Vierge, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La Vierge, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La Vierge, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La Vierge,kersanton,  groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La Vierge,kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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L'ange Gabriel, kersanton. 

Il tient un objet (fleur, phylactère) brisé dans la main gauche. Les caractères stylistiques de l'auteur de la Vierge se retrouvent ici, avec le contraste entre la main droite potelée et la finesse du visage rond, aux narines puissantes, à la bouche charnue, et au regard franc et calme.

L'ange Gabriel, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

L'ange Gabriel, kersanton, groupe de l'Annonciation, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Culot de la statue précédente, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Culot de la statue précédente, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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2°) LES STATUES LATÉRALES DES CONTREFORTS.

 

"les contreforts sont ornés de niches aux coquilles Renaissance et gallons enroulés ainsi qu'à Landivisiau." (Couffon)

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Contrefort gauche : un évêque. Saint Augustin tenant son cœur ? 

Cette identification est fondée d'une part sur la représentation habituelle d'Augustin, évêque d'Hippone, tenant son cœur enflammé, et d'autre part  sur le fait que le monastère initial de Daoulas a laissé place à  une abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin, fondée vers 1167-1173. 

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Saint Augustin tenant son cœur, kersanton, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Saint Augustin tenant son cœur, kersanton, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Saint évêque, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Saint évêque, contrefort gauche de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Contrefort droit : la Vierge à l'Enfant.

La Vierge est couronnée, elle porte le même bandeau de cheveu derrière la nuque que sur les autres statues, elle fait de la main droite un geste bienveillant. La robe, serrée par une ceinture, fait retour sur le bras gauche.

L'Enfant, assis de profil sur le bras gauche, est représenté en Sauveur, bénissant et tenant un globe. 

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Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La console : vieillard caressant sa barbe.

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Vieillard caressant sa barbe, console de la Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Vieillard caressant sa barbe, console de la Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Vieillard caressant sa barbe, console de la Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Vieillard caressant sa barbe, console de la Vierge à l'Enfant, kersanton, contrefort droit de la façade occidentale du Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE.

Sous le porche, tout est englobé dans une atmosphère grisâtre ou verdâtre, aux formes diluées par l'obscurité : d'où ces photographies approximatives.

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A. LES APÔTRES.

Ils tiennent tous un livre (cf le Livre des Apôtres), un phylactère (où était peint l'article du Symbole des Apôtres qui leur est propre), et un attribut. Les statues prennent place dans des niches à coquilles, globalement identiques, au dessus de culots sculptés de motifs floraux, de masques, de personnages, ou d'un ange. Six d'entre elles portent à leur base  un écu, muet. 

Les six apôtres de droite.

De gauche à droite : Pierre, André, Jacques le Majeur, Jean, Jude Thaddée (lance), ? (bâton de foulon ? hampe ?).

 

 

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Les six apôtres de droite, Porche des Apôtres, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Les six apôtres de droite, Porche des Apôtres, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Saint Pierre et sa clef. 

Le chronogramme 1566 est inscrit sur sa base.

Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint André et sa croix en X.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Jacques le Majeur en tenue de pèlerin de Compostelle.

 Notez le baudrier à coquilles, comme au Folgoët.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Jean et la coupe de poison.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Un apôtre tenant une lance : Jude Thaddée ?

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cinquième apôtre, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

cinquième apôtre, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Un apôtre tenant la hampe d'un attribut. Saint Philippe tenant la croix ?

Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Les six apôtres du coté gauche.

De gauche à droite :

Barthélémy (coutelas), Matthieu (balance), Philippe ou Jacques le Mineur (hampe de la croix, ou bâton de foulon), Mathias ou Jude (couteau), Simon (scie), Thomas (équerre). 

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Les six apôtres de gauche, Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les six apôtres de gauche, Porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Diaporama des six apôtres.

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Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.
Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.
Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.
Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.
Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.
Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Les six apôtres de la gauche du porche, ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Saint Barthélémy avec son coutelas de dépeçage (?).

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Matthieu et sa balance de percepteur d'impôts.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Philippe et sa croix à grande hampe ? Ou saint Jacques le mineur avec son bâton de foulon ?

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Mathias tenant un glaive.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Simon avec sa scie.

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Sculpture sur pierre de l'Abbaye de Daoulas. I. Le Porche aux Apôtres (1566).

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Saint Thomas et son équerre.

 

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Saint Thomas.

Saint Thomas.

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Le Christ Sauveur. 

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Dans une niche à coquille exactement semblable à ceux des Apôtres, et sous un dais à fleurons identique mais coiffé d'un écu et et d'une mitre (?), se trouve la statue d'un personnage barbu, la main droite traçant une bénédiction, et la main gauche portant le globe terrestre. Ses pieds sont nus, son genou gauche légèrement fléchi. Comme ses Apôtres, il est vêtu d'une tunique longue, bouffante à la taille, plissée aux manches et sous la ceinture, avec une courte fente sous le col, fermée par un bouton. Son emplacement qui domine les 12 Apôtres, et ses caractéristiques font de lui un Christ Sauveur du Monde.

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Christ Sauveur, kersanton, v.1560, Porche des Apôtres,Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Christ Sauveur, kersanton, v.1560, Porche des Apôtres,Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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B. Les consoles des statues d'apôtres.

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L'une des consoles : personnage lissant sa barbe, ou désignant de l'index gauche.

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Console du porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Console du porche des Apôtres, Abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Autres consoles : masques.

Notez les paupières ourlées. Le nez est pyramidal, car les ailes narinaires sont généreuses ; les vestibules sont très apparents, comme vus en contre-plongée (dans l'idéal, l'orifice des narines doit être finement visible "à la manière d'une aile de mouette en vol"). 

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Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Ange orant.

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Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Console du porche des Apôtres, ancienne Abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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C. Les piédroits et voussures du porche intérieur.

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Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les animaux de la base des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La vigne  des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La vigne des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La vigne  des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La vigne des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La vigne  des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

La vigne des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les petits vignerons   des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les petits vignerons des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les petits vignerons   des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les petits vignerons des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les petits vignerons   des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Les petits vignerons des piédroits du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Les personnages des sommets des arcs d'ogive.

Pas faciles à photographier dans l'obscurité, et à contre-jour ! On en trouve trois exemples. Ils ont le visage poupins de jeunes garçons, et tiennent les tiges des rinceaux de vigne, à feuilles trifides. Les sourcils sont marqués, soulignant le volume des paupières aux contours ourlés. Les yeux sont en amande. Les cheveux sont soit bouclés, soit peignés en deux mêches latérales. 

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Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Personnage du sommet des voussures du porche intérieur de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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C. Le bénitier du trumeau. Kersanton.

Sa cuve à godrons, surmontée d'une partie concave décorée d'une frise de feuilles, ne manque pas de ressemblance avec celle du bénitier du porche de Landivisiau, ou même avec celle du bénitier du porche de La Martyre,par le Maître de Plougastel, ou encore du bénitier de Lampaul-Guimiliau.

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Porche de landivisiau :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le bénitier (vers 1560) du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Le bénitier (vers 1560) du porche intérieur de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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 III. LA FAÇADE ORIENTALE. 

Le mur de pierre du XIXe qui forme le revers du porche-clocher est orné de trois sculptures en kersanton posées sur des consoles. .

 

 

 

Revers  du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Revers du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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La Pietà. Kersanton. 

C'est à mon sens la plus belle pièce de ce porche.

Le thème est bien-sûr très fréquent depuis le XIVe siècle dans la sculpture de Basse-Bretagne et le l'ai décrit  :

Au Folgoët à l'intérieur de la Basilique

Au Folgoët sur le Calvaire, atelier Prigent, kersanton polychrome, 

Au Folgoët dans le jardin du Musée,

A Rumengol, avec saint Jean.

A Saint-Nic, intérieur de l'église, atelier Prigent, kersanton polychrome, groupe de cinq personnages.

A Dinéault, sur le Calvaire, atelier Prigent

A Sizun, sur le pelouse du placître : il s'agit alors d'une Déploration. par G. Palut 1532,

à Plougonven

à Saint-Herbot, en tuffeau, avec deux anges

dans la chapelle Sainte-Anne de Daoulas,

etc, etc.

Mais Yves-Pascal Castel en a dressé un inventaire de 200 exemples dans un article mis en ligne sur le site de la Société Archéologique du Finistère : http://patrimoine.dufinistere.org/art2/index.php?art=ypc_pieta

La Pietà du porche de Daoulas est particulièrement remarquable, mais je n'ai pu en trouver nulle part une description, et elle est absente du remarquable ouvrage d'E. Le Seac'h sur la Sculpture sur pierre en Basse-Bretagne. On ne peut l'attribuer aux deux frères Prigent (pas de larmes visibles), ni à Roland Doré.

Parmi les Pietà à deux personnages, en kersanton, (ce qui limite considérablement la liste des 200 Piétà finistériennes de Castel), elle se distingue par le voile dessinant un trapèze autour du sommet de la tête, et qui recouvre une petite coiffe, et par l'absence de guimpe, puisque la gorge est nue au dessus d'une encolure arrondie. Le visage grave, hiératique, les yeux en amande mais non ourlés, le nez fin ne s'évasant que pour dessiner la pyramide adoucie des narines pourraient évoquer le style du Maître de Plougastel, actif de 1570 à 1621, mais E. Le Seac'h, qui en a dressé le catalogue, n'en parle pas. Le buste est lisse, le volume de la poitrine est très discret, alors que les manches s'animent de plis ronds et d'un revers sur le poignet, dévoilant — très sagement —une chemise de dentelle. On ne voit pas l'éventuelle ceinture ; la robe va suivre, essentiellement, les volumes des deux genoux, dont le rôle est essentiel puisque ce sont eux qui soutiennent le corps du Christ. Le genou droit est fléchi à angle droit (la Vierge est assise), laissant apparaître la chaussure ; c'est lui qui soutient le tronc et les épaules.  Le genou gauche, reculé et écarté, et donc plus bas, soutient les cuisses. Ainsi, le plissé forme un grand mouvement d'étoffe oblique qui descend vers  les pieds du Fils pour les isoler du sol.

Le corps du Christ, — visage calme, barbe peignée, moustache bouclée, côtes droites, pagne court noué, plaies peu visibles — forme un arc concave harmonieux, ce qui participe à conférer à la scène une douceur recueillie dépourvue de tout expressionnisme. La Mère tient son fils sous l'épaule droite, alors qu'elle a posé sa main gauche sur l'abdomen.

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Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Pietà, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Statue de saint CLER. Kersanton. 
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Saint Clair, Confesseur du IVe siècle, aurait été le premier évêque de Nantes à qui il aurait apporté de Rome le clou du crucifiement de saint Pierre. A cause de son nom, il passait pour guérir les maladies des yeux. 

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Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Cette statue porte deux inscriptions : sur le mor de chape :"S : CLER", et sur le socle, selon Y-P. Castel citant L. Pinson " A°:D : 1542 "(Anno Domini 1542) .

Dans sa description de 1696, le chanoine Louis Pinson mentionne la présence de cette statue et de la Pietà dans la "chapelle de Notre-Dame-de-Pitié" de l'abbatiale et il en relève l'inscription : "Il y a de plus, aussy en pierre, une Notre-Dame-de Pitié et un saint Clair en habits pontificaux ; au bas de la figure de saint Clair est gravé : anno d. 1542."

Pour ma part, je lis, en lettres minuscules : Æ : O : IH47, ou bien 1H43 ou IH42.

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Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

Statue de saint Cler, kersanton, XVIe, revers du porche-clocher de l'ancienne abbatiale de Daoulas, photographie lavieb-aile juin 2017.

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Évêque ou Père Abbé. Kersanton.

Mitré, tenant le bâton pastoral dont la crosse est tournée vers l'extérieur dans la main droite, et un livre. Le crosseron est feuillagé en quatre volutes. 

Notez les paupières ourlées, et les pupilles percées (comme chez Roland Doré).

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Statue d'évêque, kersanton,  revers du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

Statue d'évêque, kersanton, revers du porche-clocher de l'abbaye de Daoulas, photographie lavieb-aile février 2017.

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SOURCES ET LIENS.

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— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1906, “Daoulas,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 5 juin 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/328.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1f623d8ab53c290b419d50f8f5da88aa.pdf

"A la fin du XVe siècle, on construisit un porche près du transept côté du Midi, non loin duquel se trouvaient les fonts baptismaux. Lors de la réparation de cette partie de l'église, ce porche fut reconstruit à une des extrémité du cimetière, où il sert à la fois d'arc de triomphe et de campanile. Il s'ouvre sur un côté par une arcade surbaissée surmontée d'un tympan qu'encadre une arcade ogivale L'autre côté est percé de deux portes jumelles en anse de panier. C'est un travail de la Renaissance, correspondant aux porches de Pencran et de Landivisiau, à la porte latérale de la Roche et au portail Ouest de Rumengol. Le socle de la statue de saint Pierre porte la date de 1566, mais le porche lui-même pourrait être antérieur de quelques années. La grande arcade d'entrée et les deux portes intérieures ont conservé dans leur encadrement tous les détails de la période flamboyante ; mais en dehors de là la plupart des motifs d'ornementation rappellent la Renaissance, particulièrement dans le bénitier, les niches des Apôtres et le couronnement des portes jumelles. Le tympan de l'entrée reproduit la scène de la Nativité de l'Enfant Jésus, sujet traité avec tant de grâce et de naïveté dans les porches de Pencran et de La Martyre."

 

— CASTEL (Yves-Pascal) 11 août 1979 Mieux connaître l'abbaye de Daoulas

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/5706ec4151340cdb93120029fde046d9.jpg

— CASTEL (Yves-Pascal) 1996, "Monuments et objets d'art du Finistère (année 1995) : Daoulas, Porche du cimetière, la statue de saint Cler",  Bulletin de la Société Archéologique du Finistère (125, p. 148-149)

— COUFFON (René), 1988, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/b7a5a075dd70315bdc8d13759ebc81e4.pdf

"Dans l'enclos, ancien porche. Il date du XVe siècle Il a gardé d'un côté les deux portes jumelles en anse de panier et, de l'autre, la porte extérieure dont l'arcade surbaissée est surmontée d'un tympan. Dans ce tympan, groupe de la Nativité en haut-relief ; dessous, Adam chassé du paradis ; au contrefort d'angle groupe de l'Annonciation, la vierge à gauche, l'ange à droite. Contre ces contreforts deux autres statues en kersanton : Vierge à l'enfant et saint Augustin tenant son coeur. Les voussures, à bases prismatiques, de l'arcade, sont profondément moulurées et décorées d'anges thuriféraires. Les colonnes extérieures sont torses ; les contreforts sont ornés de niches aux coquilles Renaissance et gallons enroulés ainsi qu'à Landivisiau.  A l'intérieur, les niches abritant les statues des Apôtres sont séparées par des pilastres et décorées de coquilles et gallons plats. La statue de saint Pierre porte la date de 1566. Au-dessus du trumeau à bénitier, statue en pierre du Christ Sauveur. Au revers, côté cimetière, on a placé des statues anciennes en kersanton : Pietà, saint Augustin (?), et saint portant l'inscription : "S. RIEC" et la date de 1447.

 

COURCY (Pol de), 1867, Bretagne contemporaine, Finistère, p. 96, Nantes, Charpentier, in-f°, 1867

— LÉCUREUX (Lucien), 1919, église abbatiale de Daoulas, Congrès archéologique de France page 20

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35688p/f53.vertical

— PINSON (Chanoine Louis), 1696, Histoire de l'abbaye de Daoulas, par un chanoine de cet abbaye, manuscrit recopié au début du XIXe siècle et publié par PEYRON (Chanoine) 1897 Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 49-70, 197-231, 241-256 et 425-440.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f327.image.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f283.item.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207639m/f327.item.r=SOCIETE%20ARCHEOLOGIQUE%20DU%20FINISTERE

— http://site.erin.free.fr/Bretagne/Finistere/Daoulas.htm#PorcheApotres

— http://www.infobretagne.com/abbaye_de_daoulas.htm

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Published by jean-yves cordier - dans Daoulas
4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 20:00

Pollicipes pollicipes, Ave !

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En guise de détente pour le rédacteur, et pour le lecteur.

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Policipes policipes Gmelin, 1789. Photographie lavieb-aile.

Policipes policipes Gmelin, 1789. Photographie lavieb-aile.

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Policipes policipes Gmelin, 1789. Photographie lavieb-aile.

Policipes policipes Gmelin, 1789. Photographie lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier
2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 11:09

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LA CHEVÊCHE ET LA PIPÉE DANS LA LITTÉRATURE.

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Alors que l'un des points de départ de ma recherche iconographique est, dans le n° 105 de sa revue La Hulotte, la description par Pierre Deom de la façon dont la Chevêche, de mœurs partiellement diurnes, est houspillée par les passereaux lorsqu'elle se pose sur un poteau ou une branche, et de la manière dont les chasseurs ont profité de cette antipathie des oiseaux diurnes envers ce rapace pour le placer en appât et les attraper grâce à de grandes pinces à linges nommées brais ou breulles ou surtout à la pipée (avec appeaux et gluaux), néanmoins,  les textes anciens que j'ai explorés parlent de l'utilisation d'une chouette ou d'un chat huant, sans que le nom spécifique de Chevêche ne soit cité. Car on trouve plutôt les termes de chouette, chuette, chat-huant, chahuan. 

Certes, Noël Chomel dans la description de la chasse à la pipée de son Dictionnaire oeconomique de 1709 (cf ma troisième partie), et particulièrement de l'utilisation de la feuille de gramen pour piper, écrit : "le bruit qui se fait de cette manière contrefait le cri de la cheveche qui est la femelle du hibou". 

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On peut reculer la date de l'apparition de cette mention de la chevêche lors de la chasse lorsqu'on découvre que Noël Chomel a en réalité copié les Ruses Innocentes dans lesquelles se voit comment on prend les oiseaux.  page 110  de François Fortin, paru en 1688 : Instruction pour une chasse divertissante qu'on appelle  la pipée Ce qui ne change pas radicalement les choses, mais, accessoirement, qui nous donne accès à la description de la feuille d'herbe  de  la Planche 10 figure 9 . "Il faut prendre une fueille, et la tenir avec le pouce, et le premier doigt de chaque main par les deux bouts, a, b, et mettre le bord c entre les deux lèvres jusqu'à la moitié de la largeur, puis en pressant les lèvres l'une contre l'autre, souffler délicatement et contrefaire le cri de la cheveche, qui est la femelle du hibou". On trouvera dans la figure 26 de la Planche 9 le dessin de la feuille de lierre pliée et percée. 

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Pour trouver mention plus précoce dans notre littérature du nom Chevêche, il faut plutôt rechercher la graphie  CHEUECHE. 

Le nom Cheueve [Cheveche] est cité par Robert Estienne dans son Dictionarium cum gallica fere interpretatione de 1531 en traduction du nom VLVLA , puis inversement, il est cité dans son Dictionnaire françois-latin de 1539 page 88 :

CHEUECHE : Une Cheueche, Vlula. Une cheueche ou fresaye, ou selon aucuns ung hibou, Strix.  

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En 1546, ce nom est employé par Clément Marot pour désigner l'animal emblématique de Minerve Athéna :

De Minerua la garde reculee / Et pour auoir este mal taciturne / Va deuant moy la Cheueve nocturne,

et, plus loin

 Quand Nycthimène estant par son gref vice faicte cheueche a eu tant de bonheur / Qu'elle succède à mon premier honneur.. (Livre II, De la métamorphose d'Ovide, Fable VIII.)

Dans ce passage, la corneille (cornix) raconte son histoire : fille du roi Coroneus de Phocide, elle inspira à Neptune une violente passion ; mais pour lui permettre d'échapper à la poursuite du dieu, Minerve la métamorphosa en corneille et fit d'elle sa fidèle suivante ; elle fut pourtant détrônée par Nyctimène. Voir Ovide 2, 566-597.

C'est cette Nyctimène qui concerne ma recherche, puis que dans la mythologie grecque, et pour Ovide, elle est la fille du roi de Lesbos qui la viola. Elle alla se cacher dans une forêt où elle fut prise en pitié par Athéna, qui la transforma en chouette. Autrement dit, Nycthimène, c'est la Chevêche d'Athéna :

"N'as-tu donc pas entendu cette histoire, connue de tout Lesbos, disant que Nyctimène a souillé la couche paternelle ? Elle est oiseau sans doute, mais consciente de sa faute, elle fuit les regards et la lumière, dans les ténèbres, elle cache sa honte, chassée par tous du royaume de l'éther." (Ovide II 591-595)

La dernière partie de la phrase témoigne de l'hostilité des oiseaux diurnes pour la chouette : en latin  et a cunctis expellitur aethere toto. Et Clément Marot est plus explicite en traduisant : 

Ou s'on la voit, tous les autres l'agassent,

Et hors de l'air de tous costés la chassent.

Rabelais cite Nyctimène dans le début de l'Isle Sonnante parmi les oiseaux issus de métamorphose d'héroïnes ou héros, avec  Procné (rossignol ou hirondelle), Ithys (chardonneret, ou ramier),  Antigone (en cigogne) Alcmène (pour Alcyone, transformé en alcyon, Téreus ( huppe), comme autant d'exemples rendant parfaitement plausible l'existence, sur l'Ile Sonnante, d'oiseaux qui étaient jadis des Siticines, ces chanteurs et joueurs d'instruments sur le tombeau des morts. . 

La Chevêche est décrite en 1555 par Pierre Belon du Mans dans son Histoire de la nature des oiseaux chapitre XXXIII : Des deux manières de Chevêches (Des deux maniëres de cheueuche). Mais il ne mentionne pas la chasse qu'elle autorise, ni l'animosité des oiseaux à son égard.

 

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8608302w/f175.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8608302w/f175.item.zoom

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L'ISLE SONNANTE DE RABELAIS (1562).

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Dès 1534 puis dans l'édition de 1542  Rabelais, dans son Gargantua, avait cité dans sa fameuse liste des 215 jeux comment le géant joue  "au hibou", puis "à la chevêche" ou plus exactement "au hybou" et "a la cheueche". Voir sur Gallica RES-Y2-2126 folio 80 pour l'édition de 1534, RES-Y2-2130 pour l'édition de 1535 chez  Juste, etc. 

Pour trouver une allusion à la chasse à la pipée associée au nom de la Chevêche, il faut ouvrir le Quint Livre, ou le Cinquième Livre  attribué à François Rabelais et paru en 1564.  Et plus précisément sa première partie, intitulée L'Isle Sonnante. L'ouvrage a pu être conçu en 1550, et l'Isle Sonante est paru en 1562 sous ce titre dans une brochure sans nom de lieu  in-8° de 32 feuillets imprimée à quelques exemplaires. 

A partir de copies souvent fautives de brouillons rédigés lors de l'écriture du Quart Livre, et   rassemblés par des éditeurs après la mort de Rabelais en 1553, nous disposons de trois états de ce texte : L'Isle Sonnante de 1562, le Cinquiesme et dernier  Livre de 1564, et un Manuscrit non autographe (donc rédigé par un copiste) découvert dans la bibliothèque du roi en 1840 et étudié par Paul Lacroix. Dans les trois cas, la Chevêche est mentionnée dans le chapitre VIII intitulé Comment nous fut montré Papegaut à grande difficulté. L'Université de Tours en propose la lecture en ligne.

 

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Voici donc ce bref passage dans les deux versions imprimées :

 

 

"Panurge r'estoit en vehemente contemplation de ce Papegault & de sa compaignie, quand il apperceut au dessoubs une cheuesche, ado[n]c il s’escria en disant: Par la vertu Dieu nous sommes icy pippez a pleines pippes, malequippez. Il y a par Dieu de la pipperie, ripperie, & fripperie tant & plus en ce manoir : regardez là ceste cheuesche. Nous sommes par Dieu assessinez. Parlez bas, dist Editus. Par Dieu ce n’est mye une Cheuesche, c’est un noble cheuecier." (1562)

"Panurge restoit en contemplation vehemente de Papegaut et de sa compagnie, quand il apperceut au dessouz de sa cage une cheueche : adonc se escria, disant : « Par la vertu Dieu, nous sommes icy bien pippez à plaines pippes, et mal equippez. Il y a, par Dieu, de la pipperie, fripperie et ripperie tant et plus en ce manoir. Regardez-là ceste cheueche : nous sommes, par Dieu, assassinez. - Parlez bas de par Dieu, dist Aeditue; ce n'est mie une cheueche ; il est masle : c'est un noble cheuecier." (1564)

 

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Commentaire.

1. Présentation.

Je débute par un rappel de l'argument de ce Cinquième Livre : Les navigateurs abordent d'abord dans l'île Sonnante (ainsi nommée en raison des cloches qu'on y sonne) et leur guide leur explique que l'île est habitée par des oiseaux en cages :

"Les cages estoient grandes, riches, somptueuses, & faictes par merveilleuse architecture.

Les oiseaux estoient grands, beaux &polis à l'avenant, bien resemblans les hommes de ma patrie, beuvoient & mangeoient comme hommes, esmoutissoient comme hommes, pedoient & dormoient & roussinoient comme hommes, brief à les veoir de prime face eussiez dit que fussent hommes, toutesfois ne l'estoient mie, selon l'instruction de maistre Aeditue: mais protestant qu'ils n'estoient ny seculiers ny mondains. Aussi leur pennage nous mettoit en resverie, lequel aucuns avoient tout blanc, autres tout noir, autres tout gris, autres miparti de blanc & noir, autres tout rouge, autres partis de blanc & bleu, c'estoit belle chose de les veoir. Les masles il nommoit Clergaux, Monagaux, Prestregaux, Abbegaux, Evesgaux, Cardingaux, et Papegaut, qui est unique en son espece. Les femelles il nommoit Clergesses, Monagesses, Prestregesses, Abbegesses, Evesgesses, Cardingesses, Papegesses. "

 

 

 

Nous comprenons que l'Île est une métaphore de l'Église, que les oiseaux en cage figurent les membres du clergé en leur églises, couvents ou palais, et que leurs titres sont construits en ajoutant le suffixe -gaut (féminin -gesse) aux noms français de clerc, moine, prêtre  ou abbé, etc..

Cette construction trouve sans-doute son origine sur le jeu de mot rapprochant les mots Pape avec celui de Papegaut, (ou Papegault, Papegai ), un  nom désignant en moyen français soit un perroquet, soit un oiseau en carton servant de cible aux tireurs dans le jeu du même nom, soit une girouette. Voir  Godefroy.

Mais le nom renvoie aussi à Papelart, "faux dévot, hypocrite ", à l'adjectif Papelard,  à Papelardise et à Papelarder, "faire l'hypocrite d'une façon doucereuse". Cette assimilation des prêtres à des oiseaux et ces néologismes créés par Rabelais trouvent donc leur source dans le vocabulaire courant de ses contemporains, mais renvoie immédiatement à l'idée de duplicité : pour l'auteur, le Pape est un perroquet, mais aussi un papelart, qui joue un double jeu. Par le suffixe -gaut accolé aux autres termes, c'est l'ensemble du clergé, c'est l'Église qui est accusée de fausseté.

La métaphore des oiseaux s'étend avec le parallèle entre leur plumage, et les habits ecclésiastiques , puis entre leur chant, et les chants des moines commandés par les cloches. La colonisation de l'île par les volatiles est comparée à l'entrée en religion, causée selon Rabelais par la famine ("Joursanspain") et la surpopulation ("tropditieux" pour "trop d'iceulx enfants").

Le suffixe -gaut renvoie à d'autres résonances. La première est, un peu plus loin dans le texte, la description d'un got, dont il se trouve (pour le sujet qui  nous concerne) qu'il s'agit d'un oiseau de proie :

 "Icy pres de vous est cestuy pour veoir si parmy vous recognoistra une magnifique espece de gots, oiseaux de proye terribles, non toutesfois venans au leurre, ne recognoissans le gand, lesquels ils disent estre en vostre monde. Et d'iceux les uns porter jects aux jambes bien beaux & precieux, avec inscription aux vervelles, par laquelle qui mal y pensera, est condamné d'estre soudain conchié".

 D'autre part, Michèle Huchon y lit une allusion aux margaux et aux godets, des oiseaux décrits par Jacques Cartier dans la relation de son voyage de 1534 : "Tout le jeu onomastique de l'Isle Sonante, fondé sur got et gau, proviennent de ces godets et margaux. (Rabelais, Oeuvres complètes, ed. Pléiade, page 1602 et 1627).

Retenons ceci: le principe de duplicité concerne autant le sens que la forme (les mots), et il faudra s'en souvenir pour interpréter le passage mentionnant la Chevêche.

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2. La chevêche et la pipée dans l'Isle Sonante.

Dans les quatre phrases de notre passage, l'auteur montre Panurge qui aperçoit, sous  la cage du Papegaut (en soubassement du palais du Pape, le Vatican), une chevêche. Sa réaction immédiate est de voir cette chouette dans le rôle qu'elle joue dans la chasse à la pipée : celui d'appât et donc de piège. "Panurge restoit en contemplation vehemente de Papegaut et de sa compagnie, quand il apperceut au dessouz de sa cage une cheueche : adonc se escria, disant : « Par la vertu Dieu, nous sommes icy bien pippez à plaines pippes, et mal equippez.  Dans ce premier degré de lecture, Panurge et ses amis s'assimilent à des oiseaux séduits par l'attirance exercé par la chevêche (Panurge restoit en contemplation vehemente de Papegaut et de sa compagnie") et ils réalisent qu'ils sont — ou risquent  d'être — pris par les filets et gluaux de cette séduction papelarde. La métaphore est, à ce niveau, purement cynégétique.

Mais Panurge enchaîne trois expressions qui procèdent par glissement de sens : "Pippez" / "à pleine pippes" / et malequippez.

— Le verbe piper est polysémique : il signifie, dans le contexte de la mention de la Chevêche, "Imiter le cri de la chouette", et "Chasser à la pipée (en particulier en imitant le cri de la chouette ou en plaçant celle-ci en appât)", mais aussi "Jouer de la pipe, du pipeau" (avec le double sens sexuel de la pipe et du pipeau, en général, et chez Rabelais), et, au figuré, "Tromper, duper en séduisant". Voir CNRTL, ou Godefroy Complément.

— "A plaines pippes"  fait glisser le sens, de la chasse à la pipée vers celui de pippe, "tuyau" (du latin médiéval pipa, même sens, et piparius, "celui qui joue de la flûte". "À pleines pipes" signifie ici "à pleins tuyaux", "à fond", mais renforce le sens de grand flux de liquide puisque pipe désigne aussi un tonneau : 

Nicot 1606 "Pipe, f. Est un petit instrument de bois que l'oiseleur met en sa bouche pour contrefaire le pippis des oiseaux qu'il veut prendre. Pipe aussi est une espece de tonneau à vin, dont on use en Anjou et ailleurs. Et certaine mesure de bled, estant ce mot commun à vin et à bled, tout ainsi que cet autre muyd, duquel on dit muyd de vin, muyd de ble". 

En un mot, la polysémie se renforce, avec son ambiguïté entre la chasse, le jeu de séduction, la tromperie et le piège, et le fait de souffler dans un tuyau (ou, dans la phrase nous sommes bien ici pippez à pleines pippes, le fait d'être l'objet de ce jeu de tuyau). Voir Gargantua XI que le mau de pipe vous byre, tournure gasconne poliment interprétée comme "que le mal du tonneau (ivresse) vous retourne", mais le sens sexuel est évident si la lecture se poursuit : Et sabez quey hillotz, que le mau de pipe vous byre, ce petit paillard tousjours tastonoit cen dessus dessoubz, cen devant derriere , harry bourriquet : et desjà commencoyt exercer sa braguette."

— Mal equippez, qui n'a pas de sens objectif dans cette phrase,  relève du jeu d'écriture, de la paronomase  quippez / pippez, précédé de mal qui peut être lu comme mâle. 

Au total, nous avons affaire à une belle allitération en -pi et -pe, et je ne vais pas vous ôter le plaisir de l'interpréter vous-même.

Poursuivons notre texte : Il y a par Dieu de la pipperie, ripperie, & fripperie tant & plus en ce manoir : regardez là ceste cheuesche. 1562 Ou bien ... de la pipperie, fripperie et ripperie en 1564 (inversion des deux derniers noms) 

L'accusation de tromperie dénoncée par Panurge face à la demeure (la cage, le "manoir") du Papegaut, alias le Saint-Siège, est ici reprise, et le sens de pipperie devient clair : mais cette clarté est immédiatement flouée ou froutée par la dérive des mots dans la rime paronomastique pipperie / fripperie. Ce dernier nom désigne a) un ensemble d'habits, de tissus, d'objets usagés et de peu de valeur, b) un commerce de vieilles fripes, puis par métaphore des vieilleries. Voir CNRTL , Godefroy . Dés lors, la Papauté est dénoncée comme se livrant au commerce de notions et de pratiques d'un autre âge, et qu'il faudrait réformer.

Puis vient la paronomase pipperie, fripperie et ripperie, qui relève surtout de la surenchère sonore puisque le mot est une création de l'auteur. On peut éventuellement le relier au verbe riper, "gratter étriller", mais surtout au terme rippeu, rippeulx "galleux, teigneux" qui accentue la charge sur le Pape.

De Ripe, rippe : ulcère, gale 

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La suite.

 

Regardez-là ceste cheueche : Nous sommes par Dieu assessinez (1562) / nous sommes, par Dieu, assassinez (1564)

On peut comprendre : "nous avons été piégés, nous sommes faits, nous sommes morts", mais dans la duplicité des sens des graphies et des sons, j'entends aussi  "Nous sommes assez sinés",  du verbe segnier, siner "faire une marque, marquer", ou bien "nous sommes assez saignés". 

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Nous terminons par la chute de cette minuscule histoire :

Parlez bas, dist Editus. Par Dieu ce n’est mye une Cheuesche, c’est un noble cheuecier." (1562)

"Parlez bas de par Dieu, dist Aeditue, ce n'est mie une cheveche, il est masle, c'est un noble chevecier ." (1564)

 

"Parlés bas (dist Editus)  de par dieu. Ce n'est mye une cheveche. Il est masle. C'est un noble chevecier." (Manuscrit)

 

Un chevecier, c'est un titre de dignité ecclésiastique  donné au chanoine qui avait autrefois la charge de l'entretien du chevet, du luminaire et de veiller sur le trésor d'une église.  Dérivé de chevez, ancienne forme de chevet, avec le  suffixe -ier : du  latin. médiév. capitiarius « id. » . On trouve aussi : Italien capicerio ; bas-latin capicerius et capitiarius qui est la vraie orthographe, du bas-latin capitium, chevet d'église, de caput, tête. Godefroy.

En tant que maître du chœur, le chevecier est à la tête de la hiérarchie, et on comprend que ce chevecier/chevêche placé immédiatement au dessous du Pape soit redoutable pour ceux qui peuvent être accusés d'hérésie et être excommuniés voire brûlés.

Le terme n'est pas dénué d'ambiguïté, puis qu'il désigne aussi celui qui est digne d'être pendu à une corde de chanvre.  Chevechier, du Cange.

Chevêche et chevechier jouent aussi avec la sonorité du mot archevêque.

Surtout, il ne faut pas oublier le "il est masle". Au sens littéral, celui de la fiction, lorsqu' Editus dit : ce n'est pas une chevêche, c'est un mâle, c'est un chevecier", ses interlocuteurs, qui ne sont pas censés connaître les arcanes du vocabulaire de la hiérarchie des chanoines des chapitres cathédrales, ont toutes les raisons de penser que chevecier est le masculin de chevêche. Après tout, n'ai-je pas souligné que jusqu'au XVII ou XVIIIe, on pensait que la chevêche était "la femelle du hibou" ? 

D'ailleurs, si, sous l'effet des notes de bas de page, nous comprenons de manière trop savante les mots chevêche et chevecier, nous brisons le cadre fictionnel de la fable, où les oiseaux de l'Isle ne sont des hommes d'église que par allusion et allégorie, en clin d'œil de l'auteur, en soulevant le coin du déguisement dont les clercs sont affublés, mais surtout pas de manière explicite. Dans une première lecture, pour que le charme opère, nous devons tomber dans le piège tendu par Rabelais, et considérer que le chevecier est le mâle de la chevêche. Puis, mais seulement dans un deuxième temps, le contexte allégorique et satirique peut nous amener à découvrir le sens réel de chevecier , à mieux goûter à la façon dont nous avons été pipés par Rabelais, et à nous écrier : "Bien joué !". Les éditions modernes nous privent de cette jubilation et nous détournent de la lecture juste.

Le mot chevecier est accouplé par sonorité à celui de chevesche, et ce n'est pas innocent. Chevecier va être contaminé par chevesche, et les éditions du XVIIIe (Le Durlat) vont employer la graphie chevechier. Et mettre alors en évidence le jeu de mot scatologique sous-jacent à cette historiette. Le verbe chier est propre (si je puis dire) au vocabulaire rabelaisien (Gargantua, XIII), et l'auteur aurait autant de mal à nous convaincre de son innocence dans ces alliances de sonorité en -che et -cier que dans ses allusions aux pipes et aux pipeaux.  C'est lourd, certes, mais c'est signé.

 

 

 

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LA LECTURE DE LA "CHEVÊCHE" DE RABELAIS : UN EXERCICE COMPLIQUÉ MAIS INSTRUCTIF.

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Bien qu'il soit très bref, ce passage de l'Isle Sonante m'a amené  à mieux appréhender ma lecture de l'œuvre de Rabelais en discernant divers niveaux de réception du texte.

A)  Texte originel ou texte annoté ?

Aujourd'hui, et dès le XVIIIe siècle, le texte est inséparable de son appareil critique de notes en bas de pages, ou d'un renvoi éventuel à un glossaire. Il est donc nécessaire de faire la différence entre un lecteur "naïf" du texte tel qu'il fut publié au XVIe siècle, et un lecteur assisté par ces notes. Pour lequel Rabelais a-t-il écrit ? Les notes de bas de page explicitent le texte, mais cela ne gène-t-il pas l'effet recherché par l'écrivain ?  Si je compare ses écrits à des farces jouées sur des tréteaux, faut-il qu'un directeur de théâtre viennent dévoiler ce que cachent les déguisements,  et rendre le spectateur certes moins dupe, mais aussi moins apte à jouir des surprises du jeu ?

Ces annotations donnent le sens des mots chevêche et chevecier, ce qui montre qu'il ne sont pas  compris par le lecteur moyen. En effet, le DVLF indique pour chevêche une utilisation infime (non mesurable) avant 1700 (sous cette graphie), une occurrence de 0,8 par million de mots de 1700 à 1800, un pic à 0,45 par million en 1900 avant un effondrement vers 1950. Tout le monde n'est pas lecteur de la revue naturaliste La Hulotte !

De même, pour chevecier, le DVLF indique une utilisation de 0,15 occurrences en 1650, et une extinction de son emploi depuis 1700. 

A l'époque de Rabelais comme à la notre, les lecteurs cultivés ne pouvaient, hormis quelques philologues, comprendre ces mots. 

Je me pose donc la question suivante : Rabelais écrivit-il en misant sur l'utilisation future d'un  dictionnaire en guise d'ouvre-boite donnant accès à la substantifique moelle de son texte, ou bien au contraire comptait-il sur une compréhension à mi-mots et surtout sur les jeux d'intrication du sens et de l'effet sonore?

D'autant que ces doctes commentaires sont souvent envahis par des citations peu appropriées, comme pour masquer l'incompréhension du mot étudié en faisant appel à une occurrence fort opaque dans un auteur de référence. 

 

1°) La première édition commentée fut celle de Jacob Le Duchat  en 1711 (puis 1732 et 1741) :

  • En 1711 fut faite la première édition critique des œuvres de Rabelais, due aux soins de le Duchat et de la Monnoye. Œuvres de Maitre François Rabelais: pub. sous le titre de Faits et dits du géant Gargantua et de son fils Pantagruel, avec La prognostication Pantagrueline, L'epître du Limosin, La crême philosophale, et Deux epîtres à deux vieilles de mœours & d'hummeurs differentes, Volumes 5 à 6.  H. Bordesius, 1711 : Voir page 35.

  •  Une nouvelle édition avec le commentaire de le Duchat parut en 1732, chez Praut, puis en 1741, en trois volume in-4. Oeuvres de maitre François Rabelais: pub. sous le titre de Faits et dits du géant Gargantua et de son fils Pantagruel, avec La prognostication Pantagrueline, L'ei̊tre du Limosin, La crème philosophale, Deux epi̇tres à deux vieilles de moeurs & dʾhumeurs differentes, & des remarques historiques & critiques de monsieur Le Duchat, sur tout l'ouvrage. Nouvelle ed. Augmentée de quelques remarques nouvelles … P. Prault, 1732.

Cet auteur annote 3 noms ou expressions : 

Les commentaires des critiques (1711, 1741) : Le Duchat : 

7. Une Chevesche. "Marot, dans son Epître à un qui calomnia celle qu'il avoit intitulée : Au Roy, pour avoir esté desrobé. Quel qu'il soit, il n'est point Poëte Mais fils ainé d'une Chouette Ou aussi larron pour le moins. A la vue de cette prétendue Chevêche ou Chouette, qui est un Oiseau naturellement larron, Panurge se demène, comme s'il se voyoit déja livré aux Sangsues de la Cour de Rome."

8 Pippez à pleines pippes  "Enjollez, ou endormis, comme au son du pipeau, & ensuite pillez à l'aise, & comme réduits à la besace. Marot, dans son Epitre au Roi pour le délivrer de prison, parle ainsi de son Procureur qui n'avoit tenu compte d'une Becasse dont il lui avoit fait present : Encor je croy, si j'en envoyois plus, Qu'il le prendroit; car ils ont tant de glus Dedans leurs mains, ces faiseurs de pippée, Que toute chose où touchent est grippée. On voit dans les Mémoires de l'Etat de France sous Charles IX. Tom 2. au feuil. 12.a. de l'Edit. de 1579. que la Chevêche sert à une espèce de pipée."

9 . Chevechier. "Les nouvelles éditions, & même celles de  Lyon 1573, 1584 & 1600 ont Chevalier, mais on doit  lire chevechier conformément à celle de Nierg 1573 & à celle d'Estiart 1596, ou chevecier, comme dans celle de 1626. Entre chevèche & chevechier il y a ici une allusion qui consiste en ce que chevèche c'est une chouette, et que le chevechier d'une église ou comme on parle aujourd'hui le chevecier est l'officier qui a soin du chevet de son église, c'est à dire l'endroit où la clôture tourne en rond. Le mot de chevecier vient de cavicerius, qu'on a dit pour Primicerius, ou comme Caput in cera, ou Primus in catalogo, de cet officier, qui est le premier dans l'Église après l'Évêque. Voyez l'Anti-Baillet chap. 39"

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2°) En 1823, l'édition dite variorum, reprend les annotations des auteurs qui l'ont précédés et les complète :  Œuvres de François Rabelais, édition variorum, augmentée de pièces inédites, des songes drolatiques de Pantagruel (ouvrage posthume), avec l'explication en regard ; des remarques de Le Duchat, de Bernier, de Le Motteux, de l'abbé de Marsy, de Voltaire, de Ginguené, etc. ; et d'un nouveau commentaire historique et philosophique par Esmangart et Éloi Johaneau, Paris, Dalibon, 1823, 9 volumes in-8.

Pour notre passage, quatre mots ou expressions sont annotés : Chevesche 12, pippez a pleines pippes 13, / ripperie 14, / cheveschier 15.

 

12 Chevesche "Marot, dans son Épître à un qui calomnia celle qu'il avoit intitulée : Au roy, pour avoir esté desrobé:

Quel qu'il soit il n'est point poète,
Mais filz aisné d'une chouette,
Ou aussi larron pour le moins.

A la vue de cette prétendue chevêche ou chouette, qui est un oiseau naturellement larron, Panurge se démène comme s'il se voyoit déja livré aux sangsues de la cour de Rome. Au reste, cette chevêche , qui fit tant de peur à Panurge, pourroit bien faire allusion au hibou qui vint, dit-on, deux jours de suite, se percher au-dessus de la tête de Balthasar Cossa, connu sous le nom de Jean XXII ou XXIII, en un concile que ce pape célébroit à Rome. Nicolas de Clemangis parle de ce fait dans quelqu'une de ses lettres, et Balœus, qui le rapporte aussi dans la Vie de ce pontife, en donne pour garant ce fameux écrivain. (L. ) — La chevesche est la première dame de compagnie du papegaut, comme le cheveschier ou chévecier est le premier homme d'église, le chef après l'évêque. Voyez Roquefort au mot Chévacerie. Cette chevesche ou chouette est au propre un oiseau de nuit et de mauvais augure, qui prend les oiseaux à la pipée; au figuré, c'est la maîtresse ou le mignon, le concubin du pape, comme Ganyméde, pipé, enlevé par un aigle, l'étoit de Jupiter. Voyez le commentaire historique."

 

13 pippez a pleines pippes :  "Enjollés ou endormis, comme au son du pipeau, et ensuite pillez à l'aise, et comme réduits à la besace. Marot, dans son Epitre au roi, pour le délivrer de prison, parle ainsi de son procureur, qui n'avoit tenu compte d'une bécasse dont il lui avoit fait présent:

Encor je crey, si j'en envoyois plus,
Qu'il le prendroit; car ils ont tant de glus
Dedans leurs mains, ces faiseurs depippée,
Que toute chose où touchent est grippée.

On voit dans les mémoires de l'État de France, sous Charles IX, tome II, au feuillet 12 a, de l'édition de 1579, que la chevêche sert à une espèce de pipée. (L. )"

14 Ripperie : "Volerie. Ce mot a la même origine que rober et dérober comme les gens de robe, parce qu'il est en effet facile de cacher ce qu'on vole sous une robe."

15 Cheveschier "Les nouvelles éditions, et même celles de Lyon 1573, 1584 et 1600, ont chevalier, mais on doit lire cheveschier, conformément à celle de Nierg, 1673, et à celle d'Estiart, 1596, ou chevecier, comme dans celle de 1626. Entre chevesche et chevechier il y a ici une allusion qui consiste en ce que chevêche est une chouette, et que le cheveschier d'une église, ou, comme on parle aujourd'hui, le chevecier, est l'officier qui a soin du chevet de cette église, c'està-dire du fonds de l'église , depuis l'endroit où la cloture tourne en rond. Le mot de chevecier vient de capicerius, qu'on a dit pour primicerius, comme caput in cera, ou primus in catalogo, de cet officier qui est le premier dans l'église après l'évêque. Voyez l'AntiBaillet, chapitre xxxix. (L.)— Le même officier a soin des chapes, de la cire, etc. Ce jeu de mot de chevesche et de cheveschier, dit Ginguené [*], n'est ni de bon goût, ni de beaucoup de sel; mais il sert à amener cette petite sortie: nous sommes icy bien pipés, etc.; et nous devons le pardonner à Rabelais, nous qui ne sommes plus pipés, et qui commençons même à n'être pas mal équipés."

[*] bel exemple de fausse piste, puisque dérober ne tire pas son origine de robe, et que le passage de ripperie à rober n'est pas licite.

[**]Pierre-Louis Guinguené , De l'autorité de Rabelais dans la Révolution, 1791... p. 119

Et voici le même passage annoté par Paul Lacroix dans son édition Charpentier 1840 : voyez page 472 de ce lien.

https://books.google.fr/books?id=iXwJOltKLJQC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=papegaut&f=false

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SOURCES ET LIENS.

http://jcraymond.free.fr/Celebrites/R/Rabelais/Mediagraphie/Mediagraphie.php

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Published by jean-yves cordier
13 mai 2017 6 13 /05 /mai /2017 18:31

La chouette harcelée par les oiseaux. Cinquième partie : la chasse à l'épervier et la chasse à la pipée dans le Livre de chasse du Le Roi Modus et la royne Ratio. Et les réflexions que cela inspire à la  reine...

 

 

Voir les six parties  :

Sur le hibou harcelé, voir aussi (et surtout) :

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Vous mes amis que je ne connais pas

Je ne vous connais pas

Mais je vous imagine

Rien d'autre comme en moi

Qu'un rêve qui s'obstine

Hourrah

Jean Ferrat

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Mais avant de me mettre au travail, une chose que j'aurai du faire depuis longtemps : remercier ma petite centaine d'abonnés. Un grand grand merci venant du fond de ma solitude de bloggeur de fond.

Et hop ! j'y vais.

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Je ne reprendrai pas le résumé des parties précédentes. D'ailleurs, je n'aime pas les prétéritions. Non, je ne dirai rien de la façon dont les oiseaux diurnes harcèlent les rapaces partiellement nocturnes telles que les Chevêches. Rien de l'astuce cruelle des oiseleurs et autres chasseurs qui utilisent cette animosité pour capturer ou tuer les passereaux de toutes plumes. Rien des considérations de Hoefnagel ou de Dürer qui élèvent au rang de vertu stoïque ou chrétienne la passivité impuissante des chouettes ainsi chahutées par les foules hargneuses de volatiles énervés. Je passerai sous silence ce paragraphe du livre des déduis du Roy Modus qui traite de la "chasse au brai" (ou aux breulles) en plaçant une malheureuse chouette comme appât pour attraper les grives. Non pas parce que ces pratiques d'un autre âge sont strictement interdites par le bel Âge d'or d'aujourd'hui. Mais parce qu'il suffit de cliquer sur les liens ad hoc des cinq passionnants articles de mon chapeau.

Donc, j'attaque in media res par un paragraphe du premier livre du Roy Modus et de la royne Ratio (XIVe siècle), qui précède celui de la chasse aux grives, mais qui m'avait d'abord échappé : celui de la chasse aux éperviers, avec encore !, une chouette pour appât. Puis j'enchaîne avec la chasse à la pipée, et avec les commentaires de Madame Modus, autrement dit la reine Ratio, sur ce comportement cynégétique. 

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I. Cy devise comment len prent espreviers a la perche : comment attraper un épervier dans un filet grâce à une chouette disposée en appât.

 

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Le texte (d'après l'édition de Blaze 1839).

"Cy devise comment on prent espreviers a la perche.

L' aprentis demande on prent de ceste maniere les espreviers à la perche. Modus respond : Il n'est nul oysel qui tiengne perche que on ne prengne bien au laz; mais pource que les espreviers n'ont mie les jambes si grosses ne si fortes comme ont les faulcons, on ne les prent mie volentiers au laz. Et aussi ne tiennent mie espreviers leurs perches si communement comme font les faulcons ; mais on les prent à la perche en autre maniere. Si vous dirons comment.

Du temps d'yver qu'il faict grant froit, espreviers perchent volentiers ou bois, où il y a bon abry, et perchent es menues bois de fustoyes grosses comme ung homme porroit empoingner à deux mains. Et tousjours perchent emmy le bois, et perchent volentiers coste dune haye. Et te metz à l'oriere du bois au dessoubz du vent, car il vient volentiers à sa perche contre le vent, environ soleil couchant. Et se tu le vois entrer au bois, si te preng bien garde par quel endroict il se boutera. Donc approche tout bellement, toute l'oriere du bois, tant que viengnes à l'endroit où il se bouta, où tu orras comme les menus oyseaulx l'agacheront ; et quant il sera anuittié, si te boute au bois, et le quiers tout bellement parmy le bois. Et se tu le treuves, si gaitte une nuyt ou deux, pour savoir s'il tient son pays; et se tu vois qu'il le tiengne, ten tes paus, ainsi comme il est figuré comme il te sera devisé, regarde où il perche, et pren deux paus d'iraigne à trois verges. De quoy les deux bouts des deux paus se tenront à une des verges, et ès deux autres bouts aura deux verges, et seront tendues en trepié, ainsi comme à quatre affours de où l'esprevier perche, et soyent tendus en la plus clere place, et en la moins encombrée de bois que on porra trouver; et les cordeaux si peu amorsés es oches qu'ilz chiéent légierement, se l'esprevier se fiert dedens. Puis fay ung ployon de deux lies verges en la maniere que tu le vois, et hault en les deux verges aura loyé ung peu de mousse ou une chuette, si serra, et aura environ elle ung peu de plume, et au milieu de tel arcon ara voye une ligne, de quoy le bout sera porté loing, et celun qui le gaittera sera au bout du cordel enfaillolé , et s'il voit l'esprevier, il tirera a soy tout bellement la ligne, et au laisser aler la chuette branlera des aesles, et quant l'esprevier la verra, il se veura flatrir emmy les paus, Et ainsi sont prins les espreviers à la perche."

Glossaire :

perche : lieu où les oiseaux se perchent : le roi Modus avait expliqué précédemment que Faulcons prennent leurs perches ...es arbres des grands forests et es bois, et es falaises ...L'Epervier d'Europe Acciter nissus se perche en effet pour chasser dans les bois de feuillus de préférence clairsemés, près des lisières, pour y pouvoir voler : ce qui correspond au texte qui mentionne l'intérieur d'un bois, dans de petites futaies, près des orières (bordure), et à la tombée de la nuit (soleil couchant).

—paus : très vraisemblablement, forme pour  palis, paulis "pieu, poteau". 

— iraignes : filets (en forme de toile d'araignée) pour attraper les oiseaux.

fustoye : graphie fustaine (français 1301) cf. notre "futaie". Godefroy donne l'adjectif fustain, fustayne : "de bois". Le Bnf fr. 1297 emploie la forme fustaie.

affour : Godefroy afour, arfour, arrefour : "pas, enjambée".

ployon : ou ploion : Godefroy "baguette flexible servant à tendre des lacets" : ou "baguette, branche en général".

arçon : diminutif d'arc, mais ici, le mot prend le sens d'arceau, comme le montre l'enluminure. Voir aussi  Godefroy "demi-cercle qui forme le tomberel ou la tonnelle, espèce de filet à prendre les perdrix" .

enfaillolé : le ms 1301 donne enfueillolé : du verbe enfoillir : Godefroy "couvrir de feuilles, enfeuiller".

branlera : "balancer, agiter". Mais le ms fr. 1301 utilise "bavolera des esles". Voir CNRTL : [D'un oiseau] Bavoler des ailes. "Battre des ailes". Pourtant Godefroy Complément donne pour bavoler "voler bas", qui ne convient pas, ou "voltiger", mais il cite cet exemple d'un poème de J. de Baïf qui convient mieux à notre occurrence par la délicieuse évocation d'une jarretière qui s'agite : Sous le souple jarret la peinte banderole D'un jartier ondoyant sur la grève [jambe] bavole.  (Et parmi la blancheur des membres qu'elle estend Un incarnat rosin flambe s'entrejettant , etc.. in Evvres en rime.) D'ailleurs, un bavolet désigne "une coiffe paysanne ornée d'un volant couvrant la nuque" ... et battant des ailes.

flatrir : ou flatir : "se jeter, se précipiter". Voir Godefroy qui cite précisément cet exemple.

En résumé, on chassera l'épervier en plaçant, là où il a l'habitude de se percher, en confectionnant un piège fait de filets (ou "araignées") ouvert en triangle, au centre duquel sera placé sur un support une chouette (ou de la mousse ?) qui, sous l'effet d'une corde, agitera ses ailes. Lorsque l'épervier fondera sur la chouette ou son leurre, le piège sera refermé.

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Les enluminures.

Le Bnf français 1297 folio 84v 

Le texte décrit une chasse de nuit par grand froid d'hiver. L'artiste a donc peint un ciel bleu-nuit, et constellé, mais il a  oublié d'ôter les feuilles aux arbres. L'épervier est fidèlement peint, avec son dos gris-ardoise, sa gorge blanche striée, sa longue queue et ses ailes larges. Une touche de jaune rehausse les yeux et le bec. La chouette est posée sur un arceau, sans liens visibles. Son bec est crochue, sa tête n'est pas aussi ronde et lisse que celle d'une Chevêche, ses yeux sont blancs et noirs. Le piège du filet, dont les cordes sont manipulées par un chasseur accroupi dans un arbuste,  est retombé sur les deux oiseaux. Selon le texte, une corde devrait être reliée à l'arceau pour faire en sorte que la chouette branle des ailes.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f176.item.zoom
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Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1297 folio 84v, Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1297 folio 84v, Gallica.

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Bnf fr. 1298 folio 82r.

Cette miniature diffère peu de la précédente, même si le ciel est ici bleu clair et que l'homme qui tire la corde est debout, tourné vers la droite, et chaussé de poulaines.

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Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1298 folio 82r, Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1298 folio 82r, Gallica.

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Bnf fr. 1301 folio 92v.

La chouette ne prête pas ici à confusion avec un hibou.

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Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1301 folio 92v, Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1301 folio 92v, Gallica.

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Bnf fr. 1302 folio 87r.

L'enluminure est très comparable au bnf fr. 1297.

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Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1302 folio 87r, Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1302 folio 87r, Gallica.

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Arsenal 3079 folio 210r.

C'est le dessin le plus original puisque le piège est tendu à la cime d'un arbre. Un chasseur, en tunique courte et chausses, a laissé son bonnet et grimpe à l'arbre, tandis que son collègue tient la corde du rondel. On verra que cette situation en hauteur du piège se retrouve, dans le même manuscrit, pour l'enluminure de la pipée.

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Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bibl. de l'Arsenal 3079 folio 210r, Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bibl. de l'Arsenal 3079 folio 210r, Gallica.

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Bnf français 12399 folio 86v.

L'enluminure de ce manuscrit, dont nous avons vu qu'il était considéré comme le meilleur de tous, n'apporte rien de plus pour la compréhension de la technique de chasse.

 nhttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f176.item.zoom.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 86v , Gallica.

Capture d'un épervier avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 86v , Gallica.

 

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II. La chasse aux oiseaux grâce au cri de la Chouette : "Cy devise Modus comme on prent les oyseaulx à la pipée".

Cette chasse à la pipée, qui se pratique en automne après la Saint Michel (29 septembre) et avant la chute des feuilles, est proche de la chasse au brai décrite dans ma quatrième partie mais elle se caractérise théoriquement par l'usage d'appeaux contrefaisant le cri de la Chouette. Mais ici, le roi Modus, ainsi que les artistes qui enluminent le texte, font intervenir la chouette elle-même, posée sur un bâton. Les appeaux sont de quatre  sortes : on débute en appelant les oiseaux avec un appeau de feuille de lierre. Puis on utilise  soit la feuille d'arbre (hêtre ou autre), soit la feuille d'herbe ou gramen  placée entre les lèvres, soit un appeau de bois.

De sorte que la différence avec la chasse aux grives de la chasse au brai repose surtout sur l'usage de gluaux, des tiges enduites de glu.

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Le texte (d'après l'édition de Blaze 1839)

 

Cy après devise Modus comment on prent les oyseaulx à la pipée.

"L'aprentis demande comme on prent oyseaulx à la pipée. Modus respond : La Saison de piper au bois as oyseaulx si commence après la Sainct Michel archange, et dure tant comme les fueilles sont es arbres: Et quant les arbres sont descouvers de leurs fueilles, les oyseaulx se puent asseoir en pluseurs lieux où l'on ne porroit mettre gluons à quoy ilz peussent prendre, car tant plus sont les arbres couvers de fueilles, et mieulx se prennent; et aussi est la saison plus froide, et ont plus l'entente à pasturer que à eulx esbatre, ne aler à la pipée. Et de tous les déduiz qui peuvent estre à prendre oyseaulx, c'est le meilleur, le plus delictable et le plus plaisant. Si vous dirons comme il se faict : Au commencement de la saison de piper, pipers valent mieux au matin que au vespre, pour ce que le temps est gay, et ne sont mie les oyseaulx si aigres de pasturer comme ilz sont quant il fait froit. Tu dois adonc faire ta pipée ung jour ou deux avant que tu pipes, et soit faicte ou pays où les oyseaulx hantent au matin, et garde bien que tu ne faces ta pipée trop desnuée, ne descouverte, c'est à dire que tu ne coppes mie trop de branches, ne souplui ne le bois dedens la pipée, et la fay la plus couverte que tu porras, Si en sera mieux prenable; et garde que quant tu vouldras piper que tu viengnes si matin à la pipée que tu ayes ta pipée gluée à soleil levant, ou ung peu après.

Et agache premièrement de la fueille d'ierre; car c'est une chose qui moult attrait les oyseaulx de venir à la pipée. Adoncques porras tu piper de trois manières: L'une d'une fueille de fay ou d'autre arbre, l'autre si est d'erbe que on met entre ses lèvres. La tierce est d'une pipee de bois, où l'on met une teille bien parée faicte d'enton d'esglantier. Et doit on piper basset et attrait, et plus gros pour les mesles que pour les pinchons et autres menus oyseaulx.

On doit avoir une chuette ou ung autre huant mis sur ung baston, ainsi comme vous pouvez veoir en la pourtraicture pour les attraire. Les gluons à piper doivent avoir ung pic de long à pié main, et doivent estre ſichies sur la branche, que l'ung pende d'ung costé et l'autre de l'autre, si que les bolz des gluons atteignent ceulx qui vont devant, affin que l'oyseau ne se puist asseoir entre deux qu'ilz ne prengment. La pipée du soir est bonne, quant le temps est refroidi, que les oyseaulx quièrent l'abry pour eulx jucher, et si laissent les hayes et les hameaux et vont au bois oü il y a à mengier de prunelles, de chevelles, de graines de pueples, et de telles choses qu'ilz menguent volentiers. Pipe toujours où tu sauras que les oyseaulx seront, et dois commencer à piper devant soleil couchant, se les oyseaulx ne sont environt oy, et s'ilz y sont, tu pues bien piper plus tost. Ces gluons doivent estre bien déliés et doivent estre de blanc boul et jaune, et qu'ilz soient ung peu pelus, car ceux de rouges bouilliaux ne ceux qui sont grumeleux ne valent riens parce que la glu n’ y puet tenir, et s'en est ung oysel tantost desveloppé. Et la glu ne se puet desadherdre de ceux qui sont de blanc boul qui sont pelus, et pource ne s'en puent les oyseaux desvelopper ni eux en aler. Ca glu doit estre de joennes houx. La plus verde est la meilleure de toute glux,"

Glossaire :

— Adoncques porras tu piper : je lis dans les ms consultés et quant tu agachiees de la fueille dierre perchiée lors que pourras tu (fr 1297) ou Et quant tu aras agachiee de la fueille dierre perchiee donques pourras tu piper (fr 12399). Ce qui donne l'indication de la feuille de lierre percée

fay (ou fou, fr. 1297 et 12399) : "hêtre". 

teille : Godefroy renvoie à tille : "pièce"  "bois ", ficelle fait de l'écorce du tilleul". Le CNRTL donne "partie filamenteuse du bois". De tilia, "tilleul", le Lidenbaum de Schubert...

enton : pour Godefroy, qui cite en exemple notre texte "ente, greffe". La teille bien parée faicte d'enton d'esglantier serait-elle ici une lame de bois fait d'un greffon (un petit rameau nouvellement poussé) d'églantier ? J'ai des scrupules à abandonner cet enton d'esglantier — l'églantine de Proust !— qui me fait des signes désespérés  pour que j'en saisisse mieux le sens. Que font les chercheurs ? Le fr 12399 donne une pipe de bois ou len met une teille bien paree qui est faite dantem desglentier : pipe désigne un pipeau. Le ms 3079 omet le mot enton : une pippe de bois ou len met une teille bien paree qui est faite d'englentier . 

chevelles, de graines de pueples :  le ms 12399 donne "de cheneles, de graines de pinne". Chenele renvoie à cenele donné par Godefroy : "baie rouge de l'aubépine et du houx", qui convient parfaitement.

— boul : "bouleau".

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Les enluminures.

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Bnf fr 1297.

Fond or, sol vert où des herbes ou fleurs sont esquissées. Le pipeur, dont on ne voit que la tête couverte d'un chaperon rouge et la main, est caché dans une futaie de six arbustes touffus ; il porte à ses lèvres l'appeau, un objet vert (feuille, herbe ?) et ovale dont il module le son avec sa paume. Il est tourné vers les oiseaux de gauche. Les branches des arbres ont été dépouillées de leurs feuilles, sauf à leur extrémité, et équipés de gluaux bien visibles à gauche sous la forme de lignes blanches parallèles. Seul un oiseau est encore en train de voler, les autres sont englués, et celui de gauche pend, attrapé par l'aile.

A droite, un tasseau horizontal émerge du taillis, et sert de support à la chouette.

Source Bnf : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f193.item.zoom

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Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1297 folio 93r , Gallica.
Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1297 folio 93r , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1297 folio 93r , Gallica.

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Bnf fr. 1298 folio 90v.

Le chasseur porte ici un chapeau de feutre gris, plus discret. Ce qu'il tient entre ses lèvres ressemble fort à une feuille. La chouette n'est pas représentée. Les arbres sont apprêtés pour la pipée, et les gluaux sont clairement visibles. Tous les oiseaux semblent s'y être posés.

 

Source bnf  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f183.item

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Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1298 folio 90v , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1298 folio 90v , Gallica.

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Bnf français 1301 folio 101v.

Un sous-bois, une tête de pipeur, une chouette, trois oiseaux (tête grise, gorge aurore, ventre grivelé). C'est tout.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f216.item

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Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1301 folio 101v , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1301 folio 101v , Gallica.

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Bnf français 1302 folio 95r

Assez semblable à fr 1297, avec sept oiseaux dont un seul est encore libre ; mais le fond est bleu nuit ; le bonnet du pipeur est discret. Les gluaux sont bien visibles. 

Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1302 folio 95r , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 1302 folio 95r , Gallica.

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Bnf fr. 3079 folio 228v.

L'inspiration de cette peinture d'un manuscrit du XVe siècle est totalement originale, par sa technique ou son paysage d'arrière-plan, mais aussi par son sujet : la chouette (en fait, un hibou avec ses aigrettes) est placée sur un support haut placé au faîte d'un arbre. Les gluaux ne sont pas dessinés. Parmi les neuf oiseaux, on compte cinq pies. Deux chasseurs guettent, mais aucun n'est en train de piper.

Sourece bnf http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f466.item.r=du%20Monde.zoom.

Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 3079 folio 228v  , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 3079 folio 228v , Gallica.

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Bnf français 12399 folio 95v.

La réputation du manuscrit daté de 1379 n'est pas usurpée : l'enluminure sur fond d'or rehaussé de rinceaux rouge est très stylisée (feuillage représenté par trois grosses feuilles, personnage vu en pied à l'intérieur de la loge qui le dissimule, sol et loge faits de feuilles ovales alignées, ...). Néanmoins, aucune concession n'est faite à la précision didactique et à la valeur documentaire de la scène. 

Mais  le plus intéressant est la description du pipeur. Il porte un bonnet blanc, une tunique rouge courte, des bas de chausse, des chaussures à la poulaine (interdites par Charles V en 1368 mais dont la mode ne passa qu'en 1470), et un chaperon rouge rabattu. Ce dont il joue pour piper, ce n'est ni la feuille de lierre, ni celle du hêtre, ni le gramen, mais  un instrument en bois, tenu transversalement comme un harmonica, long d'une petite coudée, avec deux points noirs qui sont peut-être des trous. Il ne lui manque que le son pour satisfaire notre curiosité.

Le plus délicieux n'est pas dans sa jambe gauche passée sous la droite jusqu'à l'équin du pied, mais dans son regard orienté en haut et à gauche, cherchant le ton juste dans le lointain des feuilles qui bougent au vent, dans la concentration sur un objet doucement mobile.

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Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 95v  , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 95v , Gallica.

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Chasse à la pipée  avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 95v  , Gallica.

Chasse à la pipée avec une chouette mise en appât, Livre des déduits du Roy Modus et la royne ratio, Bnf fr. 12399 folio 95v , Gallica.

 

Documentation : l'art de piper selon Jacques-Joseph Baudrillart.

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Pour mieux comprendre la scène, comme je l'a fait pour la chasse au brai, je me suis plongé dans la lecture du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart ( entre 1821 et 1848). Tout en soulignant ce qui concerne la chouette.

Ainsi, je retrouve les deux temps décrits dans Le Roi Modus : le pipeur commence d'abord avec la feuille de lierre  pour attirer les petits oiseaux, en imitant le geai et d'autres oiseaux : on dit alors qu'il froue.  Puis il utilise l'herbe à piper, ou un appeau, et imite alors  la chouette : c'est alors qu'il pipe à proprement parler.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529872s/f607.item.r=appeau%20chouette

 



Page 600-601. Manière de piper et de frouer ; conduite à tenir pendant la pipée.

"En restreignant à sa propre signification le mot piper, c'est l'art d'appeler les oiseaux avec un appeau qui imite le cri de la chouette, ou celui des autres oiseaux. Ainsi, on dit, dans ce sens, qu'un oiseleur pipe bien quand, au moyen des appeaux à piper (voyez ces mots) ou d'une feuille de  chiendent, il imite bien la chouette, et qu'il réussit à attirer un grand nombre d'oiseaux ; mais cet art est très difficile , et si l'imitation n'est point parfaite, les oiseaux ne s'y laissent point tromper. Il faut que si le pipeur ait appris de la chouette même à imiter son cri.
Lorsque l'oiseleur a terminé tous ses préparatifs, il rentre dans sa loge avec ses aides et les personnes qui doivent assistera sa chasse. Un vêtement sombre et peu apparent est celui qui convient le mieux à ceux qui doivent se montrer, et le silence le plus profond est de rigueur. Avant d'imiter le cri de la chouette, il excite la curiosité des oiseaux en frouant doucement à l'aide de la feuille de lierre (voyez Appeaux) ; il exprime d'abord le cri des petits oiseaux, parce que d'après l'instinct de la nature, qui leur fait connaître l'inégalité de leurs forces, ce sont eux qui appellent les plus forts. Attentifs à ces premiers sons, qui doivent être assez forts pour être entendus de loin, et baisser ensuite à mesure que les oiseaux approchent, ceux-ci ne tardent point à y répondre ; et il arrive même quelquefois que l'oiseleur n'a pas besoin de piper , et que le seul appel fait avec l'appeau à frouer suffit pour attirer et prendre beaucoup d'oiseaux. Il imite successivement le cri du geai, cet ardent agresseur de la chouette, et au cri duquel les autres oiseaux se rallient, celui de la pie, du merle, de la grive, du pinson, de la mésange et des autres espèces les plus hardies et les premières arrivées, lorsqu'il s'agit de combattre.

Mais lorsqu'il a entendu les oiseaux répondre à ses sons, il fait entendre quelques légers cris de la chouette, au moyen de l'appeau ou de l'herbe à piper. 
Peu à peu les sons qu'il tire de la feuille de lierre deviennent plus forts et plus précipités , les cris de la chouette qu'il entremêle deviennent aussi plus aigus ; il s'agit de peindre le moment où les oiseaux s'enhardissent à attaquer leur ennemie et où celle-ci cherche à fuir, en les menaçant par ses cris. Si on avait alors quelques oiseaux vivans, il faudrait les faire crier, en leur serrant un peu les ailes ; ce qui amène ceux de leur espèce et en fait venir d'autres. 
On a remarqué que le rouge-gorge , qui fait peu de bruit, attire presque toutes les espèces ; que le pinson attire les grives , les merles, les geais et les pies, et qu'enfin les geais font accourir les pies, outre leur propre espèce. 
Lorsque le pipeur s'aperçoit que les oiseaux sont en foule autour de la loge, il fait entendre plus rarement et d'une manière plus faible et plus lugubre les cris de la chouette, comme si elle était alors réduite à l'extrémité ; les oiseaux croient que leur ennemi va succomber, cherchent à le découvrir pour achever sa défaite, et voltigeant sans cesse de branche en  branche, rencontrent les funestes gluaux.

Quelques auteurs conseillent de casser la cuisse à une chouette et d'agiter de temps en temps l'os fracturé pour la faire crier ; c'est alors que la pipée devient productive, et que la terre se couvre d'oiseaux qui se précipitent à l'envi. Ce succès a valu à ce moyen le nom de la pièce de victoire; mais il n'est pas toujours possible de se procurer une chouette pour chaque pipée, et l'on réussit sans avoir recours à ce moyen barbare. 
On conseille aussi de s'emparer promptement des premiers oiseaux qui tombent à la proximité de la loge et de les faire crier, en leur cassant une mandibule du bec, après quoi on leur retrousse les ailes sur le dos. Ce moyen n'est pas souvent nécessaire, parce que les oiseaux qui se sont abattus à terre avec  les gluaux font entendre assez de cris pour le rendre inutile. 

Oiseaux qui se prennent à la pipée. Les rouges- gorges, les roitelets, les mésanges sont les premiers à répondre au frouement ; c'est alors, ainsi qu'on l'a déjà dit, que l'on imite le cri de la chouette ; les premiers coups de l'appeau doivent avoir une demi-heure d'intervalle, ensuite on pipe et on froue alternativement. Bientôt paraissent les pinsons, les geais, les merles, les grives, les draines, les pic-verts, les fauvettes, les verdiers , les bruans, les moineaux, les rossignols , les gros-becs, etc.; les corbeaux , plusieurs espèces d'oiseaux de proie diurnes et nocturnes et généralement toutes les espèces qui se perchent et répondent à l'appeau. On n'y prend que rarement des ramiers, des tourterelles  des linottes, des chardonnerets. 
Lorsque l'heure de terminer la pipée est arrivée, les chasseurs sortent de la loge et vont ramasser les oiseaux ; il est rare qu'il s'en échappe , car ils s'entortillent tellement dans les gluaux qu'ils ne peuvent  souvent faire aucun mouvement. On doit se méfier  de certains oiseaux qui pincent très serré. "

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On lira aussi la préparation et la tendue de la pipée (taille des arbres, préparation des gluaux) page 600

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Les appeaux.

 

Baudrillart Page 111 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529872s/f118.item.r=%C3%A9pervier%20chouette.texteImage

"Appeaux à piper et à frouer. Dans la pipée  on a différens sons à imiter : le cri de la chouette qui attire les oiseaux, les cris de ces oiseaux , le bruit de leur vol et plusieurs bruits propres à fixer leur attention. 

Les anciens appelaient pipeaux les instrumens dont ils se servaient pour imiter le cri de la chouette, et l'on emploie encore le mot piper pour exprimer l'action de rendre le cri de cet oiseau, tandis que l'on exprime, par le mot frouer, l'action de faire rendre à des appeaux les cris et autres bruits des oiseaux qui viennent à la pipée. "

1°) Appeaux à frouer : la feuille de lierre percée.

"Frouer, c'est produire, en soufflant sur un instrument quelconque, des sons qui imitent les cris et le bruit que font les oiseaux , tels que les grives, les merles, les geais, etc. lorsque ces oiseaux, animés contre là chouette, leur ennemi commun, cherchent à se venger, réclament du secours et s'enhardissent les uns et les autres à l'attaquer: II faut que l'oiseleur s'attache à rendre par les sons de l'appeau, les sentimens dont les oiseaux sont animés, leur crainte, leur envie de se venger, leurs cris d'alarme. Il doit se rappeler quels sont les cris des geais, quand après avoir entendu la chouette ils entendent aussi le cri d'un oiseau qu'ils croient en péril, et ne pas oublier que ces cris, dans ce moment, sont bien différens de leurs cris ordinaires d'appel. On sent que pour bien frouer, quoique cet art soit moins difficile que celui de piper, il faut avoir assisté plusieurs fois à une pipée.

L'un des plus anciens et des meilleurs appeaux à frouer est une feuille de lierre disposée en cône, fig. 2 , PL 34. Sa préparation consiste à la percer dans le milieu d'un trou a, fig. 3 , à un tiers de sa longueur, du côté de la queue ; ce trou doit être assez grand pour y passer un grain de chenevis. On le fait en pliant la feuille de lierre en quatre, et en enlevant le petit coin avec ses dents, ou mieux encore en se servant d'un emporte-pièce carré. On roule cette feuille de manière qu'elle forme le cône représenté fig. 2, et pour s'en servir, on la tient entre les trois premiers doigts d'une main qui présente la pointe de ce cône à la bouche; puis on souffle par ce bout, et à l'aide des coups de langue on rend les sons que la circonstance exige. "

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f87.item.r=planche%2033

Appeaux à frouer, Planche 34 fig. 1 à 6 par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

Appeaux à frouer, Planche 34 fig. 1 à 6 par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

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2°) Appeaux à piper.

"On se servait autrefois des appeaux ou pipeaux représentés par les fig. 13, 14, 15 et 16 de la Pl. 33.

La fig. 13 est celle d'un appeau de la plus ancienne date, qui consiste dans un petit morceau de bois entaillé et uni dans son entaille, servant de base à une languette faite d'un petit ruban de soie, qui était recouverte par une petite pièce de bois carrée ; il y restait un intervalle où l'on aurait à peine passé la pointe d'un couteau.

La fig. 14 représente un appeau que l'on nomme pratique, à peu près aussi ancien que le précédent, et qui est fait d'une lame de fer-blanc ou de plomb, recourbée, à ses deux extrémités bb sur une autre plaque de fer-blanc, et également moins longue. Une faveur assujettie entre ces deux plaques, fait l'office de languette et sert à rendre le son qu'on veut imiter . Cet appeau est encore estimé aujourd'hui.

La fig. 12 est celle d'une feuille de chiendent, qui a servi aussi fort anciennement à la pipée, sous le nom générique de gramen, et qui est toujours employée avec le plus grand succès. Mais cette feuille, que les oiseleurs appellent l'herbe à piper, n'était pas employée dans les premiers temps avec l'habileté nécessaire, et il faut encore une longue pratique pour s'en servir avec avantage.

Le choix du chiendent est une chose importante. Les pipeurs en distinguent deux sortes ; celle qui doit être préférée est le chiendent qui croît dans les bois sombres et frais, dont la feuille est mince, couverte d'un duvet presque insensible à la vue, et dont la côte du milieu soit petite et aplatie. On prend les feuilles qui tiennent au milieu de la tige, parce que celles d'en bas, étant épaisses, résistent trop à l'agitation de l'air, et rendent des sons durs et criards , et que celles du haut de la tige sont trop tendres et peuvent se rompre lorsqu'on en fait usage, ce qui expose à donner des tons faux. On cueille ces feuilles lorsqu'elles sont vertes, cependant elles sont encore bonnes, quoique fanées.
On peut remplacer ce chiendent , qu'on ne trouve pas dans tous les bois , par une autre espèce qui lui ressemble fort, et qui n'en diffère que parce qu'elle est fort velue et que ses soies sont grandes et raides. […] Pour piper avec cette feuille, on la prend avec l'index et le pouce de chaque main et on la place entre les lèvres, en ayant soin de ne pas l'approcher jusqu'aux dents, et de ne pas la serrer avec les lèvres; la langue, en se baissant et s'élevant par intervalle contre le palais, augmente et diminue par mesure la capacité dé la bouche, et sert à modifier l'air que le pipeur pousse contre la feuille; et ces modifications lui font rendre les cris lents et plaintifs de la chouette. Quant aux tremblemens monotones que le pipeur fait de moment à autre, ils doivent venir du gosier.

Comme il est très difficile de bien piper avec le chiendent, et qu'il y a peu de personnes qui y réussissent parfaitement, on n'a point encore abandonné lès pipeaux de bois, de fer-blanc, etc.

La fig. 17 PI. 33, est celle d'un appeau à languette qui est toujours fort en usage. Il se fait avec un morceau de bois de coudrier ou de chêne vert, que l'on entaille, comme la figure l'indique ; on en polit bien la portion entaillée, puis on lève adroitement une languette de bois, que l'on amincit avec un morceau de verre ou un canif. La fig. 18 représente la pièce de bois qui doit remplir le vide de l'entaille c d de la fig. 17, dont les extrémités, coupées obliquement, la maintiennent, quoiqu'on puisse encore la fixer en la liant, aux deux extrémités, avec un fil. Cette pièce, fig. 18, est également évidée à sa face inférieure, pour laisser assez de jeu à la vibration de la languette a."

 

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Appeaux à piper, Planche 33 fig. 12 à 16  par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

Appeaux à piper, Planche 33 fig. 12 à 16 par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

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La figure 19 est celle dont la description m'évoque le plus la pipe de bois ou len met une teille bien paree qui est faite dantem desglentier :



"La fig. 19 représente un autre appeau, qui consiste en deux pièces de bois évidées, entre lesquelles on met une feuille de chiendent ou bien une pièce d'épiderme de cerisier, c'est à dire une petite peau transparente qui recouvre la grosse écorce du cerisier. On lie les deux pièces ensemble , par leurs extrémités, au moyen d'un fil.

La fig.16 est celle d'un pipeau de l'espèce précédente, qui a une languette a. On le fait soit de saule, soit de chêne, de coudrier ou de sarment. L'écorce de ce dernier sert de languette. On lie les deux pièces avec un fil aux deux pièces avec un fil, aux deux bouts, comme dans la figure précédente."

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Appeaux à piper, Planche 33 fig. 17 à 20  par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

Appeaux à piper, Planche 33 fig. 17 à 20 par Blanchard, lith. de Langlumé, Atlas du Dictionnaire de la chasse de Baudrillart.

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IV. Les commentaires de la reine Ratio : valeur allégorique de la chouette, et de la glue.

Feuillets CXXXJX et suivants de l'édition Blaze

"Le roy Modus vous a devise comment moult d'oyseaulx sont prins à la glus par le fait et engin d'homme. Si vous diray comment les menus oyseaulx viennent aguettier le huant ou la chuette, si sont prins à la glus telment qu'ilz ne puent voler ne bouger. Je entends par ceste glus char d'homme et de femme, car glus est si ardent et si tenant qu'il n'est riens qui desadherdre s'en puist. Elle se prent et adhert à tout ce que elle attouche, et par especial à la plume des oyseaulx. Et je entends par le huant et par la chuette aucuns grans seigneurs de ce monde. Si vous dirons comment le huant et la chuette si ne s’osent monstrer de jour, ains se tiennent es creux des arbres tant qu'il soit nuyt. Et ce font ilz pour ce qu'ilz ne pourroient durer aux menus oyseaulx qui les suichent et agachent. "

"Ainsy est il d'aucuns grans seigneurs de ce monde, car ilz ont la char si glueuse et si ardant comme est la glus qui s'adherd à la plume des petis oyseaulx. Aussy les grans seigneurs prennent et adherdent la plume des menues gens qu'ilz engluent et prennent du leur sans payer. Et quant les menues gens viennent pour demander le leur, ces seigneurs ne s'osent apparoir comme le huant, car ilz seraient aguechiez des menues gens qui crient et agachent en demandant ce que on leur doit ; ainsi sont ilz engluez par la convoitise de la char qui est trop adherdant ; et les menues gens ont les plumes si englues qu'ilz ne se puent aydier. Dont quant la char d'homme est si gluant et si adherdant, puet elle bien estre accomparagié à la glus. Plus est de telle condicion que, quant elle est mouillié, elle ne se puet prendre ne adherdre à aucune chose; aussy est il de la char d'homme. Quant la char d'homme est bien mouillié de larmes de contricion et de repentance, elle ne puet prendre ne soy adherdre fors que à ce que deu luy est de droit et de raison. Et est ce qui puet destruire à homme la mauvaise volenté de la char qui est à homme grant ennemi. Et se tu te vuelz deffendre de ces trois ennemis, c'est assavoir du deable, du monde et de la char, Sois garni de trois choses, c'est de foy, d'espérance et d'amour, et sois armé de trois armeures, c'est de confession, de repentance et de satisfaction. Ainsy ces ennemis ne te porrant nuyre ni grever. Explicit le livre des déduis des chiens et des oyseaulx que le roy Modus ordonna."

Glossaire :

— desadherdre : voir Godefroy desherdre, deshardre : "détacher, déprendre". Et voir  en vénerie harder CNRTL "attacher les chiens à la harde", et enharder "attacher par la laisse".Donc ici, desadherdre signifie détacher de la glue, décoller, mais avec une allusion aux liens reliant les chiens de chasse. 

 

Résumé :

La glue est comparée à la chair et au désir charnel entre homme et femme, désir si intense que rien ne peut le rompre. Mais les larmes de la contrition et de la repentance permettent, comme l'eau sur le plumage évite à la glue de coller, aux êtres humains d'éviter d'être assujettis à la chair. 

La chouette est assimilé aux grands seigneurs, qui se cachent durant le jour et se montrent la nuit, et qui en outre, "plument" les gens du peuple.

In fine, le diable, la chair, et  le monde sont les trois ennemis des humains, comme les appeaux, la glue et la chouette sont ceux des oiseaux. La reine propose trois protection, Foi, Espérance et Charité, et trois armures, Confession, Repentance et Satisfaction [opposé à Envie ?] . 

L'exemplaire Bnf fr 1298 du Roy Modus et la Royne Ratio place, à la fin de ce discours de la reine Ratio, une enluminure du folio 93v que la base Mandragore intitule Allégorie de la convoitise. Elle représente une autre modalité de chasse à la chouette : une chouette dans le creux d'un arbre, et un hibou sur une souche au centre d'une clairière, attirent huit oiseaux vers des tiges enduites de gluaux et tendues sur des cordes.

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f190.image

 enluminure du folio 93v  du manuscrit Bnf fr 1298 du Roy Modus et la Royne Ratio , source Gallica.

enluminure du folio 93v du manuscrit Bnf fr 1298 du Roy Modus et la Royne Ratio , source Gallica.

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V. Le manuscrit Bnr fr 12399 : une énigme... et sa réponse.

 

L'énigme est présentée par Elzéar Blaze dans son introduction à son édition de 1839 des manuscrits du Roy Modus et de la royne Ratio :

 

"La Bibliothèque Royale possède un grand nombre de manuscrits du Roy Modus ; la plupart sont enrichis de dessins coloriés, représentant des sujets de chasse fort curieux par les costumes du temps, les armes dont on se servait, et par les scènes diverses qu'ils représentent. Le manuscrit portant le numéro 652–12 [actuellement français 12399]  fut fait en l'an 1579. A la dernière page se trouve une rosace dans laquelle on lit les vers suivants:

Les lettres de ci environ

Si font le nom et le sournom;

Qui bien les saroit à droit mettre

Et curieux de l'entremettre,

De celui qui cest livre fist

Et du clerc qui son songe escript,

Quil a prophésie a monstré,

U checle dessus est nommé,

Qui le livre a fait et trouvé. C'est tout.

Vous croyez trouver le nom de l'auteur, et vous pensez avoir atteint le but de vos recherches, pas du tout: dans le premier cercle vous voyez douze lettres, et dans le second quinze lettres, quine forment aucun sens. Il faudrait savoir comment les placer, et le copiste ne nous en a pas donné la clé. En combinant de mille manières les vingt-sept lettres dont je viens de parler, on parviendrait peut-être à former le nom, le surnom et les qualités de quelque savant de cette époque; c'est un soin que je laisse à ceux qui sont doués d'une grande patience..."

Souhaitez-vous vous y frotter ? Voici le cercle en question, tel qu'il apparaît au folio 177v du manuscrit Français 12399 de la Bnf . Mais lisez auparavant le texte qui l'accompagne, puisque son chronogramme peut vous aider. : 

Explicit le livre du roy modus et de la royne ratio qui parle des deduis et de pestilence

Puis la souscription a été effacée, à l'exception  de la dernière ligne :

Explicit lan de grace  mille CCCLXXIX. [1379]

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D'autre part, les lettres sont les suivantes : 

DRHIENREIESEREF
HDOSEDMISNER

et le texte inscrit dans le cercle est : Les / lettres de ci environ / si font le non et le sour/non— qui bien les saroit / a droit metreet curieux de / lentremestre —de celui qui cest / livre fist et du clerc qui son / songe escript. Qui la prophe/sie a moustre u checle des/sus est nommé qui le livre a fait et trouvé. / C'est tout.

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Bon courage. Vous avez une heure.

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Explicit du ms Bnf fr. 12399 folio 177v du Roy Modus et la royne Ratio.

Explicit du ms Bnf fr. 12399 folio 177v du Roy Modus et la royne Ratio.

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La solution : Henri de Ferrières Saint-Hilaire  et son copiste Denis d'Hormes.

En 1869, un célèbre paléographe, Alphonse Chassant (1808-1907) s'arme de patience et découvre la résolution de l'énigme, ainsi qu'il en donne le récit dans le Bulletin du Bouquiniste :

"Et c'est par cette indifférence ou cet égoïsme que ce secret de Polichinelle est entré dans la tombe avec les contemporains de l'auteur du Roy Modus. Et à nous, chercheurs du XIXe siècle, postérité négligée des anciens, mais curieuse et soucieuse à bon droit des hommes et des choses du passé, à nous de faire tous nos efforts pour retrouver le nom d'un auteur qui mérite d'autant plus de nous occuper que, de l'attestation du savant éditeur de son livre, pays du monde la grande chasse porte le nom de chasse française, c'est au Roy Modus qu'il faut en attribuer l'honneur. C'est donc plus qu'un nom, c'est une illustration à exhumer.

On a vu plus haut comment il procède. II trace deux cercles concentriques, et dans leur circonférence il distribue un certain nombre de lettres, en ayant bien soin de faire observer 1° Que Les lettres de ci environ Si sont le nom et le sournom. De celui qui cest livre fist, Et du clerc qui son songe escrit . 2°) Que ces mêmes lettres sont transposées, puisqu'elles n'auront de sens que pour celui Qui bien les saroit à droit mettre Et curieux de le entremettre. 3° Que dans le cercle extérieur se trouvent les noms de l'auteur U chècle dessus est nommé Qui le livre a fait et trouvé. 4° Et par conséquent que dans le cercle intérieur sont les lettres qui forment le nom et le surnom du copiste du clerc qui son songe escrit."
D'après ces données, pas de méprises possibles. Chaque cercle renferme un nom et un surnom. Il n'y a pas à combiner de mille manières les 27 lettres, pour en former le nom, le surnom et les qualités de quelque savant de cette époque, comme le pense M. Elzéar Blaze. Il faut opérer sur chaque cercle séparément. "C'est tout".
Muni des instructions qui précèdent, et certain du lieu où chacun des deux inconnus s'était réfugié, je me lançai résolument à leur poursuite.
Le cercle extérieur fut le premier champ de mes explorations.
Quinze lettres rangées dans un ordre mystérieux, espacées à peu près à égale distance en occupent toute la circonférence.
Aucune d'elles n'affecte de prééminence, n'est précédée d'un signe quelconque pour indiquer un point de départ. Par où commencer, à quelle lettre donner la préférence? Voilà ce qu'on se demande tout d'abord, et ce qui faisait regretter à M. Elzéar Blaze de n'avoir pas la clé.
En adoptant pour la disposition de ses lettres la forme symbolique du cercle, qui n'offre ni commencement ni fin, l'auteur a voulu évidemment mettre les chercheurs dans l'embarras du choix. II ne faisait en cela qu'imiter les Grecs et les Romains qui inscrivaient sur un cercle les noms, soit de leurs dieux, soit de leurs amis, soit de leurs esclaves, à l'égard desquels ils ne voulaient laisser voir aucune préférence ou, sans remonter si haut, l'institution romanesque des chevaliers de la Table-Ronde, où l'honneur était également partagé, où l'on ne pouvait distinguer quelle était la première, la seconde ou la dernière place, avait-elle donné à notre auteur l'idée de son procédé? Qu'importe Je pris les lettres du grand cercle telles qu'elles s'offraient, et, commençant par celle qui occupe le sommet de la circonférence, je les transcrivis dans l'ordre qu'elles suivent de gauche à droite, ainsi:
F. D. R. H. I. E. N. R. E. I. E. S. E. R. E.

Ces 15 lettres comprennent donc :

  • 7 voyelles EEEEEU dont 5 E et 2 I
  • 8 consonnes DFHNRRRS dont 3 R

Ces lettres n'offrant dans leur suite aucun sens, lues à droite ou à gauche, accusent une transposition certaine. Je dus donc opérer à leur égard de la même manière que pour dégager un nom d'un anagramme. Après quelques tâtonnements, je fus assez heureux pour trouver, le jour même de mon entrée en connaissance avec le Roy Modus de M. Elz. Blaze, le nom et le surnom de l'auteur :

HENRI DE FERIERES,

Nom d'une grande famille, déjà connu dans les lettres, et où venaient si à point, et sans effort, se placer les cinq E, les deux 1 et les trois R des quinze lettres qui s'offraient à mes premières investigations.

Encouragé par ce premier succès, j'attaquai le second cercle, où était caché le copiste. Douze lettres disposées et transposées comme les précédentes se déroulaient en cet ordre de gauche à droite, en commençant par la lettre qui occupe le sommet du cercle
H. D. 0. S. E. D. M. I. S. N. E. R.

Où se trouvent :

  • 4 voyelles EEIO dont 2 E
  • 8 consonnes DDHMNRSS dont 2 D et 2 SS


J'avoue que je tournai longtemps dans ce cercle sans rien découvrir qui pût me satisfaire. J'arrivais bien à des noms acceptables, mais pour le surnom, il ne me restait pas assez de voyelles, ou j'avais trop de consonnes. Plusieurs fois, las et découragé, je renonçai à mon entreprise. Après tout, me, disais-je, qu'importe à l'histoire littéraire le nom d'un copiste? Nous avons le nom de l'auteur du Roy Modus, n'est-ce pas l'essentiel? Mais j'avais beau me raisonner ainsi, je me sentais toujours attiré néanmoins vers ce maudit cercle, pour lequel ma persistance semblait croître en raison de la difficulté. Un jour enfin, mieux inspiré, ou plus favorisé du hasard, dans une nouvelle battue, je pus saisir par les oreilles notre copiste, que depuis longtemps je' ne faisais que tirer par les cheveux. En effet, à force de retourner, combiner, agencer mes douze lettres, je parvins à les remettre à leur vraie place, et à lire le nom et le surnom seuls exacts de 

 DENIS D'HORMES.
J'avais donc complété ma découverte par ce dernier nom, qui vient révéler des rapports tels entre l'auteur et son copiste que je n'eus plus de doute sur l'identité de chacun d'eux. J'avais alors raison de persister dans mes recherches, puisque, comme si je l'eusse pressenti, cette seconde découverte devait fortifier la première.
Je vais maintenant entrer dans quelques explications et essayer de faire partager mes convictions aux lecteurs que cette question bibliographique peut intéresser, et pour ne pas fatiguer leur bienveillante attention, je m'efforcerai d'être bref sans obscurité.

Henri de Ferrières, l'auteur du Roy Modus, appartient à l'une des plus anciennes et l'une des plus puissantes familles de Normandie, qui datent de la conquête de l'Angleterre par les Normands. Le nom de Ferrières est aussi illustre dans cette île que dans notre province. Les baronnies de Ferrières, du Neubourg et de Thury-Harcourt, les terres de Livarot, Saint-Vincent du Boulay, Montreuil, Faverolles, Chambrais, etc., etc., furent jadis ses possessions en Normandie. Et aujourd'hui les lords Ferrers ou Ferrars la représentent en Angleterre

Le siège de cette famille était à Férrières-Saint-Hilaire, au Balliage d'Evreux, dans la vicomte d'Orbec (Eure, arrondissement de Bernay, canton de Broglie). Les seigneurs de Ferrières devaient au duc de Normandie cinq chevaliers. Ils avaient le deuxième rang à l'échiquier parmi les barons du bailliage d'Evreux. Leur mouvance était fort étendue. Ils prenaient le titre de barons fossiers de Normandie voulant montrer qu'ils possédaient les principales ou les plus anciennes forges de la province. Propriétaires de grands bois, voisins des belles forêts de Beaumont, de Conches, de Lire et de Breteuil, assistant aux grandes chasses royales de la contrée, les sires de Ferrières durent compter parmi eux d'habiles chasseurs, initiés à tous les secrets, exercés à toutes les ruses de la vénerie et de la fauconnerie. Aussi trouvons-nous ce passage significatif dans le livre même du Roy Modus : « En droit moy, dit l'auteur, je vis le Roy Charles  qui fu  fils au beau roy Phelippe, qui chaça en la forest de Breteul, en ung buisson, appelé la Boullaye-Guerardet, où il print six vingt bestes noires en ung jour" (feuillet 48)


A l'appui de cette citation, je pourrais, s'il en était besoin, donner la liste des rois qui, de Philippe-Auguste (1204) à Philippe VI (1331), vinrent séjourner à Breteuil, soit pour les plaisirs de la chasse, soit pour des affaires politiques. Je me contenterai de dire, d'après des documents positifs, que Charles le Bel, dont parle l'auteur du Roy Modus, se trouvait à Breteuil en 1323, en décembre 1325 et en juillet et août 1327. C'est donc à l'une de ces dates qu'il faut reporter la grande chasse royale dont parle l'auteur du Roy Modus. De La Roque, dans son Histoire  généalogique de la maison d'Harcourt (tome II page 1022), nous fait connaître les titre et qualité d'Henri de Ferrières

 

« Les échiquiers de Normandie, dit-il, et des arrêts-dates de 1321, 1341, 1374, 139, 1391, 1395, 1397, 1398 et des années suivantes, nous décrivent amplement les intérêts de cette maison (de Ferrières) avec les qualités. Isabelle de.Ferrières, dame de Saint-Martin-le-Gaillard, femme de Nicole de Hotot, chevalier, plaidant en cette cour; noble homme, monseigneur. HENRI DE FERRIÈREs, chevalier; noble et puissant seigneur Jean, sire et baron de Ferrières et de Chambrais, seigneur de Saint-Martin-le-Vieil, contre Robert de Nardo, escuyer, qui prétendait la même seigneurie, etc., etc. » Quoique la rédaction de de La Roque soit confuse, et qu'il ait groupé des dates sans application directe, c'est bien évidemment Henri de Ferrières, auteur du Roy Modus, que désignent les échiquiers de 1321 à 1390, car cet auteur, comme il nous l'apprend lui même, a vécu longtemps, puisqu'il a vu Charles IV chassant dans la forêt de Breteuil, de 1323 à 1327, et qu'il s'est fait l'historien de Charles V, qui mourut en 1380.

 


Je crois inutile de faire remarquer que le nom de Henri a été fréquemment porté du XII au XIVe siècle inclusivement.par les Ferrières. Je ne m'arrêterai pas davantage sur l'orthographe du surnom de Ferières, écrit par un seul R médial.contrairement à notre usage. Les documents du XIIIe et du XIVe siècle ne l'écrivent pas autrement . Je me hâte d'arriver à la justification du nom du copiste.

DENIS D'HORMES.

Lorsque je fus en possession de ces noms, je ne me tins pour satisfait qu'autant que j'aurais en main des documents qui appuieraient ma découverte; car j'avais besoin de me rassurer sur le nom de Denis, .peu commun dans le pays d'Evreux. J'avais déjà découvert, en m'occupant de Henri de Ferriéres, qu'un Hugues de Ferriéres et Isabelle, sa femme, avaient fait une donation, vers le commencement du XIIIe siècle, au monastère de Lyre, de deux gerbes de dîmes qu'ils possédaient à ORMES, ce qui établissait des relations des de Ferriéres avec Ormes mais cela ne me suffisait pas. Je fis des recherches sur cette localité, et je rencontrai ce précieux document dont je ne reproduis que les passages nécessaires:

«  A tous ceulx qui ces lettres verront ou orront, Pierre du Buisson, garde pour le Roy, notre sire, du scel des obligations de la vicomté de Beaumont-Ie-Roger, salut, savoir faisons que
DENIS MUTEL, Clerc, commis à OURMES [ORMES], soubz Jehan Grison, prestre, tabelliondud. Beaumont, nous a relaté et tesmoigné [par son serment] auquel nous adjoustons foy, que il avoit veu et leu, mot après mot, la copie d'unes lettres d'aveu, parmi lesquelles, etc, etc.

Nous, à la relacion dud. Commis, avons mis à ces lettres le scel dessudit. Ce fut fait l'an de grâce 1397. ..Ainsi signé collation faicte J. Grison, D. Mutel. –Scellées en simple queue et cire vert. (V. cartulaire de l'éveché d'Evreux, tit. Ourmes; Archives de l'Eure.)

Ainsi, l'auteur du Livre du Roy Modus nous donne dans un de ses cercles les noms de DENIS D'HORMES, ...du clerc qui son songe escrit «  Et voilà un titre du XIVe siècle qui constate qu'un DENIS d'Ormes, DENIS MUTEL, également clerc, est établi à Ormes, comme commis du tabelion de Beaumont-le-Roger. Si celui-ci n'est pas le Denis d'Ormes, copiste du Livre du Roy Modus, qui aurait pris alors, comme cela se pratiquait mainte fois, et comme simple clerc, le seul nom de DENIS avec celui du lieu de sa naissance ou de sa résidence, il faut convenir qu'il y aurait un singulier hasard à trouver dans les mêmes conditions de rapports, de noms et de lieux, des personnes qui n'ont rien de commun entre elles.

La seigneurie d'Ormes, que les anciens écrivaient indifféremment Ormes, Hormes, Ourmes, en français et Hulmi ou Ulmi en latin, était située dam le bailliage d'Evreux, vicomté de Conches et seigneurie de Beaumont-le-Roger. " Alphonse Chassant, paléographe : 1808-1907

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L'hypothèse d'Alphonse Chassant a été adoptée ou confirmée par Gunnar Tilander, qui signale  que la découverte du  nom de l'auteur revient à  Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697- 1781). 

La discussion a été reprise par François Remigereau en 1935.

La notice de la Bnf indique qu'on  a lu aussi dans ces lettres des deux cercles  les noms de Henri de Vergy, seigneur de Feré,  et de Jean de Melun, sieur de TancarvilleIl y a en effet  aux fol. 75-82 v°, un petit poème sur « Le jugement de chiens et d'oisiaus au compte de Tancarville.". Le clerc chargé de le contacter se rend en son château de Blandy, dans le village du même nom au nord-est de Melun. Jean II, comte de Tancarville, devint seigneur de Blandy en 1354

Plusieurs faits rendent évident que l'auteur de ce récit composé entre 1354 et 1377  était Normand : la mention de localités telles que Tancarville, Blandy, Breteuil, et la langue, parsemée de normandismes, montrent sans doute possible qu'il était Normand. Ces normandismes ont été signalés par  M. A. Thomas en 1905 , Romania Tome 34 page 111. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k16042j/f117.image

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L'explicit du français 1297 : le folio 169r.

Le manuscrit français 1297 possède aussi, à son dernier folio, le double cercle portant les mêmes lettres. 

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La chouette harcelée par les oiseaux. Cinquième partie : la chasse à l'épervier et la chasse à la pipée dans le Livre de chasse Le Roi Modus et la royne Ratio.

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SOURCES ET LIENS.

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BAUDRILLART (Jacques-Joseph) (1774-1832) Traité général des eaux et forêts, chasses et pêches . par M. Baudrillart,...

 3e Partie. I. Dictionnaire des chasses... par M. Baudrillart,... Ouvrage revu... par M. de Quingery ;

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529872s/f608.item.r=appeau%20chouette

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529872s/f123.item.r=arbret

3e Partie. II. Dictionnaire des chasses, par MM. Baudrillart et de Quingery. Atlas ; . Paris : Mme Huzard, 1821-1848 11 vol. et 3 atlas ; in-4

Planche 32 Appeaux : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f83.item.r=planche%2033

Planche 33 Appeaux : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f85.item.r=planche%2033

Planche 34 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f87.item.r=planche%2033

BLAZE (Elzéar), 1839, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, nouvelle édition, conforme aux manuscrits de la Bibliothèque royale, ornée de gravures faites d'après les vignettes de ces manuscrits fidèlement reproduites, avec une préface par Elzéar Blaze, Paris, Blaze, 1839, 19 p. + cxxxix f.

https://archive.org/stream/lelivreduroymod00ferrgoog#page/n285/mode/2up

CHASSANT (A),  Le livre du Roy Modus, dans Journal des Chasseurs (1869), p. 302,

CHASSANT (A). 1869, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, Bulletin du Bouquiniste, 1er juin page 291-298 et page 323

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202466h/f294.item.r=modus

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202466h/f326.item.r=modus

— GIRAUD (Sylvie) 2016,  « La Légende saint Julien l’Hospitalier. La chasse au cerf, de l’image au texte », Flaubert [Online], 15 | 2016, Online since 20 June 2016, connection on 31 May 2017. URL : http://flaubert.revues.org/2552

Et, pour le paragraphe, et l'enluminure Cy devise comment len prent les espreviers a la perche, voir du même auteur http://www.eman-archives.org/FLIM/items/show/5759
"- Lors de ses recherches à la Bibliothèque nationale à partir de novembre 1875, Flaubert a consulté l'ouvrage dans l'édition d'Elzéar Blaze, Paris, 1839 (voir Carnet de travail n° 17, f° 11 et f° 90v° à 72v°, ainsi que les notes f° 487, f° 489, f° 491, f° 491v° du dossier manuscrit de La Légende de saint Julien l'Hospitalier, BnF Mss NAF 23 663-2).
- Bien que le Carnet de travail n° 17 ne le mentionne pas, il a très certainement visité le très riche département des manuscrits médiévaux, et feuilleté quelques volumes avec pages enluminées.
- Le piège par panneau est mentionné dans l'avant-texte de La Légende de saint Julien l'Hospitalier, brouillon f° 419v°."

 — PAGENOT, (Sandrine),2009, Recherches sur l'iconographie profane à la fin du Moyen Âge: les premiers traités de chasse enluminés ("Livre du roy Modus et de la royne Ratio" de H. de Ferrières – Livre de chasse" de Febus), thèse de doctorat, Université de Paris IV-Sorbonne, 2009, 4 t.

Non consulté ! Commentaires en ligne :

Sandrine Pagenot étudie le ms. BnF, fr. 12399, de la fin du xive siècle, qui contient le Livre du roy Modus et de la royne Ratio de Henri de Ferrières. Résultat d’une collaboration étroite entre l’enlumineur et un expert en cynégétique, ce livre montre bien comment l’image peut illustrer le texte, mais aussi le compléter, voire prendre des libertés à l’égard de l’écrit (Le recours au texte pour la création iconographique profane au xive siècle: le cas d’un traité de chasse, pp. 271-282).

Sandrine Pagenot montre ainsi qu’en trois occasions Henri de Ferrière « se décharge en partie de l’explication » en renvoyant le lecteur à la miniature subséquente, à charge pour l’enlumineur de suivre fidèlement ses instructions pour la composition de l’image (p. 271 284). Dans ce type d’ouvrage, les « infidélités » des illustrateurs sont à interroger, l’image étant en général parfaitement assujettie au propos didactique.  (http://www.fabula.org/acta/document8106.php)

— REMIGEREAU (François) 1935 "Questions relatives au « Livre du Roy Modus et de la Royne Ratio » par François REMIGEREAU, Professeur à l'Université de Milan" in Mélanges de littérature, d'histoire et de philologie offert à Paul Laumonnier par ses élèves et ses amis, Droz 1935, page 57 et suivantes  Slatkine reprints 1972

https://books.google.fr/books?id=8wHSRRPfsa0C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=modus&f=false

— STEINFELD (Nadine), 2013,  "La traque des mots fantômes à travers les terres de La Curne et de Godefroy : un tableau de chasse chargé de trophées pittoresques extraits du Livre des deduis du roy Modus et de la royne Ratio" in Emili Casanova Herrero/Cesareo Calvo Rigual. XXVIe Congrès International de Linguistique et Philologie Romanes, Sep 2010, Valence, Espagne. De Gruyter, 7, pp.411-422, 2013

 

Résumé : Sur la base d'un échantillonnage d'une dizaine de lexèmes empruntés au Livre des deduis du roy Modus et de la royne Ratio (ca 1354-1377) par le " Godefroy " (Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle par Frédéric Godefroy, paru de 1881 à 1902), qui les a repris, pour la plupart, aux matériaux réunis par La Curne avant 1781 et qui ont été publiés par Léopold Favre (Dictionnaire historique de l'ancien langage françois, ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV, par La Curne de Sainte-Palaye [1697-1781], 1875-1882), notre étude propose une grille de lecture pour l'identification des ghost words ou fantasmas lexicográficos, c'est-à-dire les pseudo-lexèmes disposant à tort d'un statut lexicographique (" ces mots qui n'existent pas "), les sens fantômes et les lemmatisations erronées. Les résultats convergent avec ce que l'on sait de la typologie des mots fantômes, mais ils montrent aussi qu'il faut se méfier des exemples uniques (unica / hapax) relevés de surcroît dans des manuscrits réputés médiocres ou des éditions signalées comme défectueuses. Ils ont statistiquement bien des chances d'être des mauvaises lectures de copiste, d'éditeur ou d'auteur de dictionnaire. La confrontation des attestations tirées du célèbre traité de chasse d'Henri de Ferrières par Godefroy à travers La Curne ou l'édition d'Elzéar Blaze (parue en 1839), avec le texte fourni par l'édition critique de Gunnar Tilander (publiée en 1932), nous a permis de débusquer une quarantaine de " mirages lexicographiques " qu'il conviendrait de supprimer de la nomenclature opulente du " Godefroy ". Cette communication s'inscrit dans le cadre des travaux visant à " dépoussiérer " le " Godefroy ", pierre angulaire de la lexicographie du français médiéval, bien qu'il s'agisse d'un dictionnaire âgé de plus d'un siècle, et qui ne fera jamais l'objet d'une refonte.

TILANDER (Gunnar);1932  Les livres du roy Modus et de la royne Ratio, Volume 77,Partie, Henri de Ferrières, Société des anciens textes français, 1932

 — TILANDER (Gunnar);1932  Les manuscrits des Livres du roi Modus et de la reine Ratio,Lund, Håkan Ohlsson (Lunds universitets årsskrift, n. f., avd. 1, Bd 28, Nr 5), 1932,

TILANDER (Gunnar);  Mélanges de linguistique et de littérature offerts à m. Alfred Jeanroy par ses élèves et ses amis. Alfred Jeanroy E. Droz, 1928 - 679 pages. Reprint Slatkine 1972

https://books.google.fr/books?id=_xbaRK3trFsC&pg=PA620&lpg=PA620&dq=Denis+d%27Hormes.&source=bl&ots=h_kStuhmPE&sig=q7GKgWMStXqDW4eqij5atIE29BY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjim6KthIvUAhXLPRoKHTwOD4kQ6AEIKjAB#v=onepage&q=Denis%20d'Hormes.&f=false

SMETS An, Van Den Abeele Baudouin , 1998, "Manuscrits et traités de chasse français du Moyen Âge. Recensement et perspectives de recherche" Romania Année 1998 Volume 116 Numéro 463 pp. 316-367 http://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1998_num_116_463_1470

https://books.google.fr/books?id=8wHSRRPfsa0C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=modus&f=false

https://books.google.fr/books?id=_xbaRK3trFsC&pg=PA620&lpg=PA620&dq=Denis+d%27Hormes.&source=bl&ots=h_kStuhmPE&sig=q7GKgWMStXqDW4eqij5atIE29BY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjim6KthIvUAhXLPRoKHTwOD4kQ6AEIKjAB#v=onepage&q=Denis%20d'Hormes.&f=false

 

https://books.google.fr/books?id=FXI0LtmUTscC&pg=PA412&lpg=PA412&dq=modus+%22La+Curne%22&source=bl&ots=UfhArX-FbX&sig=BExlkF_2KOdqCZq4qSkztKm-Vyg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwje0KzLj5rUAhXFVxoKHarlC0MQ6AEIKDAA#v=onepage&q=modus%20%22La%20Curne%22&f=false

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MANUSCRITS ET EDITIONS

Tilander en a dénombré 32. Voir Arlima : https://www.arlima.net/eh/henri_de_ferrieres.html

Bibliothèque de l'Arsenal 3079, XVe siècle, folio 210r, 225v et 228v. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f429.item.r=du%20Monde.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f460.item.r=du%20Monde

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f466.item.r=du%20Monde.zoom

— Bibliothèque de l'Arsenal 5197, XVe siècle : les miniatures manquent pour les paragraphes étudiés.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55010550z/f82.item.r=Arsenal%205197

Bnf fr 614 :  texte seulement, pas de miniatures

Bnf fr 615 date 1406 . pas de miniatures

Bnf fr 1297 folios 84v, 91v et 93r :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f176.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f190.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f193.item.zoom

— Bnf 1298 folios 82r, 88v, et 90r

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f167.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f180.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f183.item

Bnf fr 1300 texte seulement, pas de miniatures

Bnf fr 1301 folio 92v, 100 r et 101v

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f198.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f213.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f215.item

Bnf fr 1302 folio 87r, 94r , et  95v

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f179.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f193.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f196.item.zoom

— Bnf fr 12399 « Livre du roy Modus et de la royne Ratio, qui parle des deduis et de pestilence », folio 86v, 93v, et 96v :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f176.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f190.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f193.item.zoom

BR 10218 Bruxelles, milieu du xve s., parchemin, 183 fol., min. : Henri de Ferrières, Les livres du roy Modus . foliio 100, engin pour prendre les «mauvis» (espèce de grives) ; folio 101, la manière de prendre «les oyseaulx a la pipee au bost»;

http://belgica.kbr.be/pdf/ms/ms_10218_19_lyna.pdf

— BNF fr RES-S-596 Par Jehan Trepperel folio 88v et suivants. Bois gravés 88v et 90r

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850314m/f193.image

 

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Published by jean-yves cordier
12 mai 2017 5 12 /05 /mai /2017 10:18

La chouette ou le hibou harcelés par des oiseaux. La chasse avec la chouette, description cynégétique et valeur allégorique. Quatrième partie : La chasse au brai dans le livre de chasse Le Roy Modus et la Royne Ratio (vers 1354). 

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Voir toutes les  parties de cet série  :

 

 

— Sur le hibou harcelé, voir aussi (et surtout) :

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Rappel du point de départ de mon enquête : les chouettes, et notamment la Chevêche, qui est la plus diurne des Strigidés, puisqu'elle se perche en plein jour sur des poteaux ou des murets, et qui fuit le couvert des forêts,  sont l'objet de harcèlement très agressifs de la part des oiseaux diurnes qui se rassemblent pour les houspiller. Ce comportement a incité les chasseurs à les placer en appât pour attirer des passereaux (grives, merles, geais, pies, etc.) vers leurs pièges. Cette "chasse avec la Chouette" déjà décrite par Aristote,  a perduré jusqu'à son interdiction récente. La pratique n'a pas de nom explicite en français alors que les  italiens disposent du verbe civettare ( de l'italien civetta, "chouette" chasser les oiseaux avec la chouette dans le cadre de l' ucellagione) . De ce fait, elle est décrite indirectement par nos auteurs dans leur description  de la pipée "Sorte de chasse dans laquelle on contrefait le cri de la chouette, ou leur propre cri, pour attirer des oiseaux dans un arbre dont les branches sont remplies de gluaux où ils se prennent" liée à l'utilisation d'appeaux et d'appelants.

Les allégories échafaudées à partir de ce comportement sont multiples. Si la Chevêche est  vue comme la victime d'une foule agressive, sa figure sert d'allégorie pour la persécution, l'ostracisme, ou la patience et le stoïcisme dont elle fait preuve : c'est ainsi que Dürer l'a dessiné au dessus du Christ outragé, ou que le flamand en exil Hoefnagel s'en ait emparé comme un autoportrait de l'artiste érudit confronté à l'ignorance. 

Au contraire, pour les Italiens, c'est le comportement de la Chevêche qui provoque les oiseaux à s'en approcher, et à se faire piéger, et qui devient  une allégorie de la Coquetterie : la Civetta, c'est, proprement, "la coquette", celle qui trompe pour attirer,  civettare c'est "faire des mines, minauder" et la Civetteria désigne la Coquetterie ;  mais un proverbe toscan dit Anche le civette impaniano,  "même les chouettes se font attraper", "même les plus rusés se font avoir". Inspirés par une gravure de Franco Giacomo, des peintres du XVIIIe ont rendu cette allégorie célèbre sous le titre de La Chasse à la Chouette, avec une jolie dame sur le perchoir, et des galants au corps d'oiseaux.

Pour compléter ce très riche matériel éthologique,  iconographique, cynégétique, symbolique et linguistique, un plat de roi nous attend : le Livre de chasse ou Livre des déduits appartenant au Roy Modus et la royne Ratio. Il nous faudra encore plusieurs articles pour l'étudier. Avec passion.

Au préalable, un rappel des carreaux d'azulejos, dont je m'éloigne de plus en plus désormais. . 

 

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Hibou harcelé par deux oiseaux, Azulejos, Salon de Charles Quint, Palais de l'Alcazar. Photographie lavieb-aile.

Hibou harcelé par deux oiseaux, Azulejos, Salon de Charles Quint, Palais de l'Alcazar. Photographie lavieb-aile.

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 LE ROY MODUS ET  LA ROYNE RATIO (vers 1354) ET LA CHASSE AVEC LA CHOUETTE.

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Noël Chomel avait décrit, dans son Dictionnaire de 1709, une chasse à la pipée où la Chevêche était remplacée par l'imitation de son chant par un pipeur. Mais on trouve dans l'un des premiers Livres de chasse français (*), le Roy Modus et la royne Ratio,  des descriptions de chasse aux oiseaux impliquant la présence réelle d'une chouette ou d'un hibou comme appât. Et on y trouve, surtout, des enluminures aussi soigneuses qu'instructives. C'est l'occasion de découvrir quelques chefs d'œuvres de la Bibliothèque Nationale de France. 

(*) Il précède le Roman des deduitz de Gace de la Buigne (1359), le Livre de chasse de  Gaston Phoebus (1387) et le Trésor de vénerie de  Hardoin, seigneur de Fontaine-Guérin  (1394).

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PRÉSENTATION.

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Deux traités successifs.

Les Livres du roy Modus et de la royne Ratio, attribués à Henri de Ferrières et écrits probablement entre 1354 et 1377, ont connu une fortune considérable puisque ce ne sont pas moins de 32 manuscrits des XVe et XVIe siècle qui nous sont parvenus. Ils font intervenir le roi Modus (la bonne manière) qui avait "le gouvernement sur toute maniere de gent", et son épouse la reine Ratio (la raison), dans deux traités successifs. Le premier, le Livre de la chasse ou Livre des déduis, est un manuel cynégétique composé après 1354, le second, le Songe de Pestilence, fut achevé entre 1374 et 1377, et évoque, en un récit allégorique, le combat des Vertus et des Vices.

 Dans le Livre des deduis, le roi Modus instruit ses « apprentis » sur les habitudes des animaux - cerf, chevreuil, sangliers, loups, goupils et autres lièvres - et les manières de les chasser. Son épouse, la reine Ratio, ajoute çà et là des commentaires édifiants et didactiques. Un long chapitre est consacré à la fauconnerie, la chasse au vol. La première concerne la vénerie du Cerf et comprend vingt et un chapitres, dont le dernier  traite des propriétés des chiens. 
La seconde partie roule sur la chasse de la biche, du daim, du chevreuil, du lièvre, du sanglier, de la truie, du loup et de la loutre; ce qui forme vingt-trois chapitres, dont les derniers, depuis le dix-huitième inclusivement, traitent des maladies des chiens. 

La tierce partie traite du déduit, royal et de plusieurs exemples qui sont dictes des cerfs, et 
comment il faut tirer de lare aux bestes sauvaiges
; ce qui forme dix chapitres. 
La quatrième partie démontre
l'art et science de Faulconnerie et des autres Oiseaux de proye, 
avec leurs maladies et médecines pour les guérir.
Cette partie est de onze chapitres. 
Dans la cinquième partie on enseigne l'art de prendre toutes sortes d'oiseaux a
u file, au latz , 
à la tonnelle, à la raitz, à la pipée,
etc. Cela est détaillé en quatorze chapitres. 

Le livre de chasse : deux mondes s'affrontent.

L'argument principal de ce traité de chasse est de comparer, entre la chasse aux chiens (la vénerie), et la chasse aux oiseaux (la volerie), celle qui procure le plus noble déduits, le plus de divertissement, dans un débat entre veneur et fauconnier. Lesquels sont les plus beaux deduis Le vol des oiseaulx bien volans Ou la chace des chiens courans.   Le débat entre deux dames se termine par un arbitrage (versifié) du comte de Tancarville en faveur des chiens. 

C'est après ce poème que débute les explications du roi sur les manières de chasser les oiseaux. Capture des faucons, puis des éperviers, des oiseaux au filet (au "roys à quatre gielles"), des faisans grâce à un miroir, des perdrix au "paveillon" ou au "tumberel à quatre chevilles", des widecos (bécasses), avant d'arriver aux paragraphes qui nous concernent et qui décrivent la chasse aux grives avec la chouette, puis des oiseaux à la pipée, avec la chouette, ou de l'épervier avec la chouette. Cet article ne traitera "que" de la chasse aux grives, "à breulier".

 

 La chasse aux grives (ou mauvis) grâce à la Chouette ou chasse au brai : "Cy devise comme on prent les oyseaulx à breulier".

 

a) le texte.

Je donne ici le texte (plus facile à obtenir en ligne) de l'édition de 1839 par Elzéar Blaze feuillet 287.  Je signale au préalable le sens des mots suivants :

Mauvis : notre grive mauvis Turcus iliacus, dont la migration post-nuptiale en France culmine en novembre-décembre, mais aussi les Grives en général ( draine, litorne, musicienne).

—Déduit : "divertissement"

Brillier : de l'ancien français brail, "piége à prendre les oiseaux". Voir le moyen français broi, « gluau, piège pour la chasse aux oiseaux" https://fr.wiktionary.org/wiki/broi dans Godefroy : http://micmap.org/dicfro/search/dictionnaire-godefroy/broi

Breuller, breulier : "prendre des mauvis dans une cage appelée breulle." Godefroy 

brillet : "piège à prendre les oiseaux".  Godefroy  Syn : breulles, breulet,  brillette, brillon, brilloir, brillon, breil, bril, brail, bret  puis brulet, breulet au XVIIe. Et brilleur : "celui qui chasse au brilloir" Godefroy . De broi, "gluau".

Godefroy définit ainsi le verbe breter : "chasser au bret, c'est à l'aide d'un berceau de feuillages duquel les oiseleurs faisaient sortir de longs tuyaux creusés et séparés en deux verges qui rentraient l'une dans l'autre et prenaient ainsi les oiseaux qui venaient se poser sur eux. Comment on prent les mauvis à breter,  Modus et Ratio f.88v Ste-Ap." Voir pour cette forme l'édition Bnf RES-S-596. Le CNRTL signale BRAITER, "chasser les oiseaux au brai". 

— Bougon : ? Je trouve une entrée du glossaire de Tollemer  du Journal de Gilles de Gouberville (1549-1562)  "je fieffe six bougons de terre" qui n'est pas explicite pour notre texte.

Fay : le hêtre (latin fagus)

 

Cy devise comme on prent les oyseaulx à briller*. [*breulier in Bnf fr. 1297]

"L'aprentis demande comme on prent les mauvis à briller. Modus respond : A prendre les mauvis à briller a très bon déduit, et se faict en vendanges, quant les raisins sont meurs; et en ce temps y viennent tant de mauvis que c'est merveilles, qui ne viennent pour mengier les raisins. Adoncques doit on faire emmy la vigne une grant loge de fueilles, où il puisse tenir trois compaignons ou quatre, tout en estant bien couvers, et à chacun brillet qu'il boute parmy la loge et son pertuis par où ilz les boutent; et doit avoir ung Huant ou une chuette sur une longue verge qui vient dedens la loge, et le doit on aucunes fois faire remuer. Et se doit on oster tous les eschalas de la vigne, qui sont entour la loge, à celle fin que les mauvis ne s'assiéent dessus. Adonc doit l'ung des compaignons aguettier et appeler les oyseaulx d'une fueille d'ierre, et après piper bien basset. Et lors les mauvis si viennent et s'assiéent sur les breulles; et ceux qui les tiennent quant la mauvis est assise dessus, il tire la cordelle, qui fait clore le brillet, et la mauvis est prinse par le pié. Et sachiez que c'est si bon déduit et si chault, que c'est merveilles. Et qui est en bon pays de mauvis, on n en prent tant comme on veult. Et quant les autres vignes sont vendengies, et il en demoure une qui n'est mie vendengiée, là fait il bon briller.

Or nous deviserons la manière comme les brillons sont fais. Qui bien veult faire ung brillon, il fault qu'il soit fait de cuer de chesne, d'ung quartier sec, sans neu, et qu'il soit fait au rabot, ainsi comme une flesche, ung peu plus gros que la verge d'ung bougon, et doit avoir quatre piez de long, à pié main, ou environ; et doit estre de deux verges ainsi faictes comme je devise, de quoy la plus grosse sera cavee tout du long, et l'autre entrera dedens si justement, que le pié du plus petit oysel du monde ne porroit yssir, et quant elles sont l'une dedens l'autre, elles sont perciées de belit, ainsi comme vous povez veoir, et y est mise une bien deliée cordelette, qui est de chanvre pignie, faicte sur le doit, affin qu'elle soit plus forte et plus ounie, et quant on la tire, elle faict clorre le brillet, et qui lascheroir la corde, l'oysel si s'en proit. Le baston où le brillet entre doit estre aussi long comme le brillet, et doit estre si grosset que on y puisse faire ung pertuis au bout, où les deux verges du brillet entreront, et seront les deux bouz des deux verges du brillet ung peu reversez. Celles qui entreront ou pertuis du baston affin que le brillet se puisse tenir ung peu ouvert. Et quant il est bouté parmy la loge, les deux verges du brillet doivent estre tenues du plat, non pas l'une sur l'autre.

Or vous avons devise comment le bril est ordonné; Si vous deviserons comment on se puet déduire et la manière. On puet faire une loge portative de branches de fay, et a on son brillet et une chouette, et va on parmy le bois, de place en place, et quant on treuve les oyseaux, on s'assiet en une place descouverte, et met on sa chuette hors d'ung coste, et son brillet de l'autre, et doit on agacher de la fueille d'ierre, et piper ainsi que nous avons dict devant. Encore vous diray une autre manière : En esté, quant il fait sécheresse, et les oyseaulx ne peuvent trouver d'eaue pour boire, se tu scez une mare en ces bois, où il y ait eaue, et vous estes deux ou trois qui ayez brillez, si faictes tant de loges comme vous serez de compaignons, à l'orière de la mare, l'ung çà, l'autre là, et mettez les brillez hors des loges, et les oyseaulx qui venront boire s'asserront dessus, si seront prins. En ceste manière puet on moult d'oyseaulx oü on a bon déduit. "

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Cette chasse se pratique donc dans une hutte ("loge") installée dans une vigne dégagée de ses échalas, lors des vendanges, car les grives sont attirées par les raisins. Installée sur une perche, une chouette (ou un hibou) sert d'appât, et on la fait bouger pour qu'elle agite ses ailes et soit remarquée par les bandes de grives qui passent. Les oiseaux sont appelés en utilisant un appeau à feuille de lierre, bien illustré ici. Les chasseurs cachés dans la hutte tendent des perches, les "brillets" ou "breulles", dont rien n'indique qu'ils sont englués. Mais ces brillets sont faits de deux tiges, qui se rapprochent au moyen d'une cordelette lorsque les grives s'y posent, et leur saisissent les pattes.

Les  "brillons" sont décrits comme des bâtons en bois de chêne sans nœud longs d'1,20 m, faits de deux parties ajustées ou verges, dont l'une est creusée pour recevoir l'autre. Le rôle du "bâton où le brillet rentre" n'est pas clair pour moi.

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b) l'enluminure sur velin.

J'ai profité des enluminures des exemplaires de la Bnf  numérisés par Gallica, soit Bnf français 1297, 1298, 1301, —datant de 1470-1480—, 1302 et 12399.

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Le Bnf fr. 1297 folio 91v

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f190.item.zoom

Sur fond de ciel pourpre à rinceaux vermillon  et d'un sol vert, nous voyons une hutte de feuillages, encadrée de deux arbustes. Dans son feuillage sont dissimulés quatre hommes coiffés de chaperon, qui tendent des sortes de pinces en bois — les brillets — vers les sept oiseaux qui les entourent. Un peu plus bas dans la hutte, une tige de bois horizontale sert de perchoir à une chouette (une ébauche d'aigrette peut faire hésiter avec un hibou). Les fameux brillets sont précisément visibles, avec deux lames de bois réunies au niveau d'une pièce arrondie, dont j'ignore si elle  coulisse pour resserrer  les lames . Rien n'indique la cordelle qui fait clore le brillet. Rien n'indique non plus que j'ai bien compris  les explications du roi Modus. Il faut que j'en sache plus.

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, XIVe siècle,  Bnf fr. 1297 folio 91v, Gallica

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, XIVe siècle, Bnf fr. 1297 folio 91v, Gallica

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J'examine maintenant l'enluminure du manuscrit Bnf fr. 1298, un exemplaire qui a appartenu à la bibliothèque de Colbert, et dont les vignettes ressemblent beaucoup à celles du Bnf Fr. 1297. L'enluminure occupe toute la largeur du haut du folio 88 v

Certes, la disposition est comparable à l'enluminure du Fr.1297, mais d'un traitement plus naturaliste, avec le ciel bleu, le paysage stylisé à l'horizon et le sol brun. La loge est identique mais l'entrée voûtée est représentée. La chouette (tête ronde sans ambiguïté) est posée face à nous, sur un bâton épineux. Les grives ne sont pas encore arrivées. Seuls deux chasseurs sont visibles, avec leur chaperon bleu ou rouge peu discret. Quatre brillets sont tendus, dont deux sont fermés et deux ouverts, et, victoire, nous voyons ici la "cordelle" ! Elle est tendue entre les extrémités distales des deux verges, et nous comprenons bien alors que, si elle fait retour vers la main du chasseur, celui-ci peut aisément en refermer le piège sur la papatte du petit oiseau.

Sous l'image, le texte, en écriture cursive bâtarde, donne pour les mot breulle et brillet   la forme "breulet". " il tire la cordelle, qui fait clore le breulet".

Source image :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105222077/f180.image

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, XIVe siècle,  Bnf fr. 1298 folio 88v, Gallica

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, XIVe siècle, Bnf fr. 1298 folio 88v, Gallica

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Je vais même trouver mieux encore : l'enluminure 93v du manuscrit Bnf fr. 12399, datant de 1379 (et qui est l'un des meilleurs manuscrits, aux enluminures les plus belles). Ici, elle occupe la largeur d'un bas de page, sous le paragraphe Nous deviserons la maniere comment les breules sont fais. Qui bien veult faire ung breulet, il fault qu'il soit fait de cuer de quesne, d'ung quartier sec, sans neus...

Dans un cadre or, azur et vermillon, la loge se détache en vert sur un fond rouge filigrané de rinceaux, comme dans le bnf fr. 1297. On retrouve dans la loge, nos quatre chasseurs en chaperon, tous visibles et tenant en main leur breules. Mais  là, je vois distinctement que la cordelle fixé à l'extrémité passe en zig-zag d'une perche à l'autre à travers des anneaux avant de rentrer dans le manche et d'en ressortir par un orifice disposé dans la partie non divisé de l'instrument, son manche par où le chasseur le tient de la main gauche. Le chasseur s'est saisi de la cordelle et s'apprête à tirer dessus pour fermer le piège.  Les divers temps de l'opération sont représentées :

a)  En haut, deux grives s'approchent : les deux branches des breulets sont ouvertes.

b) à gauche, un oiseau s'est posé sur le breule du  chasseur à chaperon rouge ; il s'apprête à tirer la chevillette, euh, la cordelette.

c) mission réussie pour le grand chaperon bleu : son breulet, en se refermant, a capturé une grive qui, pendue par les pattes, apprend, mais un peu tard, à se méfier des chouettes.

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Selon Gunnar Tilander, ce ms. 12399, qualifié de "magnifique, soigneusement écrit et orné d'intéressantes miniatures qui sont des chefs-d'œuvres",  est le meilleur des manuscrits et il a été copié par le ms. 1297, lui-même copié par le ms. 1300, du ms. 2573 de la Nationalbibliothek de Vienne (XVe s.), et du codex de Bruxelles.

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 Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f190.item.zoom

 

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Ratio, enluminure 93v du manuscrit Bnf fr. 12399.

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Ratio, enluminure 93v du manuscrit Bnf fr. 12399.

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Un gros plan des breulets, ouvert et fermé.

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 93v du manuscrit Bnf fr. 12399.

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 93v du manuscrit Bnf fr. 12399.

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BNF Français 1301 folio 100r. Cy devise comment len prent les oiseaux du breulier.

 

Si je vous montre maintenant l'enluminure du manuscrit Bnf français 1301, vous risquez d'être déçus. Pas de cordelle, pas de détail croustillant, pas de grive saisie sur le vif par la cruelle pince à linge. Mais la scène est traitée sur le mode naturaliste (ciel bleu, sol brun modelé en paysage, loge aménagée dans un bosquet), et les oiseaux grivelés sont des mauvis assez fidèles au modèle naturel. Le rôle de la chouette semble en fait tenu par un hibou.

Le manuscrit a été réalisé dans le Nord (Valencienne ?) vers 1470-1480 et les miniatures sont l'œuvre de l'atelier du Maître du ms de Christine de Pisan de Yale.

 Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f213.image.

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 100r du manuscrit Bnf fr. 1301.

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 100r du manuscrit Bnf fr. 1301.

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Bnf français 1302.

Bien sûr, nous voulons découvrir comment l'artiste qui a enluminé le folio 94r du  Bnf français 1302 s'est débrouillé. Surtout que ses enluminures sont dans le style du Maître de l'Apocalypse de Jean de Berry et, pour celle qui nous concernent, du pseudo maître de Rohan (après le feuillet 58). Le manuscrit pourrait avoir été fabriqué à Paris, et il est daté du 1er quart du XVe. 

graphie ; verbe breuler, nom breulet

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f193.image

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 94r du ms bnf fr. 1302 (1400-1425)

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, enluminure 94r du ms bnf fr. 1302 (1400-1425)

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Arsenal 3079.

 

Je termine par le manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal 3079, folio 225v. Nous n'avons plus affaire à une miniature, mais à une peinture, où la chouette ressemble à une Effraie, avec son masque facial blanc en forme de cœur. 

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, Bibliothèque de l'Arsenal 3079, folio 225v

Chasse avec une chouette à la grive ou mauvis, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, Bibliothèque de l'Arsenal 3079, folio 225v

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Voici pour finir un document qui m'a paru venir à point pour conclure mon enquête. Il est extrait du Dictionnaire des chasses de Baudrillart, (l'un des onze volumes de son Traité général des eaux et forêts, chasses et pêches paru entre 1821 et 1848  ), à l'entrée BRAI. J'ai fini par avoir accès à son Atlas, où la Planche 44 me donnait — j'en avais rêvé !— ) un dessin précis du brai, ou bret, ou breulle, etc... dont nos quatre chasseurs du Roi Modus font si bel usage. Tout l'intérêt est de fournir une preuve tangible de la validité des enluminures précédentes, qui associe à leurs qualités ornementales une réelle valeur didactique pour les riches  lecteurs du XIVe siècle, et surtout pour nous un témoignage irremplaçable sur les pratiques cynégétiques de cette époque.

 

 

 

 

"BRAI. Piège avec lequel on prend les petits oiseaux par les pattes. Ce nom, suivant quelques auteurs , aurait pour origine le mot bras, parce que le piège qu'il désigne ressemble à un bras tendu hors de la hutte où se place l'oiseleur, et, suivant d'autres, il aurait été imposé à ce piège, parce qu'on s'en sert en même temps qu'on imite le brai, ou le cri que fait un oiseau à l'approche d'un animal qui menace ses petits.

La chasse au brai, que l'on appelle aussi la petite pipée , paraît fort ancienne ; elle est principalement pratiquée dans les ci-devant provinces de la Lorraine, du Dauphiné, de l'Auvergne, de la Bourgogne et du Languedoc.

On y procède depuis le commencement d'août jusqu'à la chute des feuilles, au soleil levant, ou une heure avant le soleil couchant, et elle dure une heure chaque fois.

Le piège qui est représenté Pl. 44  fig- 4 est d'un mécanisme fort simple : il se compose de trois pièces en bois A b c. La première A est la poignée par laquelle on fait jouer ce piège; elle est indiquée séparément par fig. 15; sa longueur est de 6 à 7 pouces , et sa grosseur d'environ 1 pouce l'équarrissage; un trou d'un pouce de profondeur et de 6 lignes de diamètre, qui est pratiqué en a, reçoit les deux extrémités des baguettes b c, comme on le voit dans la fig. 14; une espèce de mortaise b, longue de 3 pouces , profonde de 7 lignes et large de 6, reçoit un petit morceau de bois d, qui sert de détente, et qui est fixé au moyen d'une goupille en fer, dont on voit la tête sur la poignée en ». L'autre extrémité de la détente est percée d'un trou pour le passage de la ficelle qui fait jouer le brai. On donne quelquefois à la poignée la forme d'une fourche k ( fig.19)» quand on ne veut pas être obligé de la tenir à la main.

Les deux pièces b c sont longues de 2 pieds et demi : celle b, plus grosse que l'autre, est creusée en gouttière pour recevoir la pièce c, qui est ronde et d'environ 12 lignes de grosseur. La forme de ces deux pièces se voit mieux par la fig. 16, qui représente l'extrémité d'un brai tendu. La fig. 17 représente aussi l'extrémité d'un brai tendu ; mais la pièce c est taillée en angle, et celle b est creusée dans sa longueur d'une rainure triangulaire; ce qui produit le même effet.

La fig. 14 représente le brai tendu : les pièces b c sont emmanchées dans la poignée a; une ficelle m m , ordinairement du fouet, bien savonnée, passe dans le trou de la détente d, où elle est arrêtée par un nœud , traverse les trous pratiqués sur les pièces b c , aux points 1,2, 3, et s'arrête, par un nœud qui se voit en m , sur la pièce c. La longueur de la ficelle doit être telle, que la détente d, étant tout à fait hors de la mortaise , permette aux pièces A c de s'écarter d'un demi-pouce au moins à leurs extrémités supérieures, et pour qu'en rentrant cette détente dans la mortaise, les pièces b c s'appliquent l'une dans l'autre et puissent pincer les pattes de l'oiseau, ainsi qu'on le voit par la fig. 18.

Les explications que nous venons de donner, et qui sont tirées de l'Aviceptologie et du Traité des chasses aux pièges, concernent un brai d'une confection soignée; mais quelques oiseleurs en exécutent un qui est bien plus simple : un bâton de sureau, dont ils ôtent la moelle à 3 ou 4 pouces de profondeur, et dont ils lient fortement le bout supérieur avec une ficelle, pour qu'il n'éclate point lorsqu'on y introduit les deux baguettes , forme le manche du brai. Quant aux baguettes, elles consistent en un jet d'églantier, gros comme le petit doigt, qui est fendu dans sa longueur en triangle, et de manière à présenter les deux bras du piège , qui s'appliquent l'un dans l'autre, comme dans le brai précédent : le reste du mécanisme est le même.

On se sert, à la chasse au brai, des appeaux à petits oiseaux , et notamment des appeaux à plumes, que nous avons indiqués, pour la pipée, à l'article Appeau.

Mais , pour surprendre les oiseaux , il faut que le chasseur soit caché, et, pour cet effet, on se sert de la hutte ambulante ou de la vache artificielle. (Voyez ces mots.) On se sert aussi d'une sorte de buisson portatif , que l'on forme avec trois branches bien garnies de feuilles , dont on lie les gros bouts ensemble, et qu'on écarte de manière à former l'éventail , après qu'on a coupé ou replié avec soin les rameaux qui pourraient servir de juchoir aux oiseaux. Le chasseur se cache derrière ce buisson, en présentant son piège au travers. Quelques oiseleurs se font avec de la fougère bien longue, qu'ils lient par les gros bouts, une sorte de capuchon semblable au chapeau qu'on place sur les petites meules de blé , et s'asseyant à terre, les jambes croisées comme les tailleurs , se placent ce capuchon sur la tète, de manière à en être totalement couverts.

L'oiseleur, muni de son piège, de ses appeaux et de l'appareil propre à le cacher, se rend aux lieux fréquentés par les petits oiseaux, ordinairement sur la lisière des bois , dans les broussailles, ou près des haies ; il s'établit dans sa loge, passe le brai à travers, par une ouverture qu'il y a pratiquée, le tient horizontalement et de manière que l'oiseau ne puisse se poser que sur la branche c; il fait jouer son appeau, en fixant l'œil sur le brai, et lorsqu'un oiseau vient s'y placer, il tire la détente; si l'oiseau est pris, il retire le brai pour se saisir du captif. Il recommence à piper comme auparavant et continue ses captures. Mais on fait une chasse plus fructueuse, si l'on a plusieurs brais dont la poignée a une espèce de fourche , au moyen de laquelle on la fait tenir à un bâton placé horizontalement.

Quand on n'a point l'habitude de faire jouer l'appeau , on se sert d'une chouette, que l'on place à 15 ou 20 pieds de la loge, où l'on fiche en terre un piquet de 4 à 5 pieds de hauteur, surmonté d'un bâton transversal, sur lequel la chouette puisse se percher. L'oiseau est attaché à un pied, par une ficelle de 8 à 10 pieds de longueur qui tient au piquet. Il est très utile de placer des petits oiseaux dans une cage, que l'on attache à la partie supérieure du piquet : leurs cris multipliés à la vue de la chouette attirent, près de la loge du chasseur, une foule d'oiseaux , qui, après avoir voltigé longtemps, viennent se poser sur le brai ; si la chouette ne fait point de mouvement, ou que les oiseaux se retirent ou ne viennent pas, le chasseur l'excitera à voler sur la potence du piquet, eu lui jetant, de sa loge , des petites pierres ou mottes de terre , et à chaque mouvement qu'elle fera, les cris des petits oiseaux en cage redoubleront et attireront les autres oiseaux. A défaut de chouette , on en imite le cri avec l'appeau à chouette. (Voyez ce mot.)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529872s/f159.item.r=brai

Planche 44 fig. 14 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

 

"Brai", Planche 44 fig. 14,  Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item
"Brai", Planche 44 fig. 14,  Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

"Brai", Planche 44 fig. 14, Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

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"Poignée du Brai", Planche 44 fig. 15,  Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

"Poignée du Brai", Planche 44 fig. 15, Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

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"Oiseau pris par les pattes, Planche 44 fig. 18,  Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

"Oiseau pris par les pattes, Planche 44 fig. 18, Baudrillart, Atlas du Dictionnaire de la chasse. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572082t/f107.item

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On lira aussi, du même auteur, l'entrée HUTTE de son Dictionnaire :

 

HUTTE. Petite loge faite à la hâte avec de la terre, du bois, de la paille,'des branches, etc. On fait différentes sortes de huttes, pour surprendre le gibier et le tuer. Il y en a qui sont fixes, et d'autres qu'on peut transporter à volonté. De cette dernière espèce est la hutte ambulante, que nous décrivons au mot Vache artificielle.

Hutte pour tirer des oiseaux de proie et autres.
On se sert, pour attirer à portée du fusil les oiseaux de proie, les corbeaux, les corneilles et les petits oiseaux, d'un grand duc vivant ou artificiel. On établit la hutte, soit près d'une forêt, sur un point un peu élevé dans les champs ; soit sur une clairière, dans une forêt ; soit près d'une faisanderie, et, dans tous les cas, non loin de l'habitation du chasseur. Cette hutte a ordinairement de 7 à 8 pieds en carré, et autant de hauteur ; elle est enfoncée à la moitié de cette hauteur dans la terre, et construite en murs ou avec des pieux garnis de planches. Elle est recouverte avec des gazons, et de manière que l'ensemble de la hutte ressemble à une petite éminence de terre. Sur l'un des côtés, est une ouverture servant de porte, que l'on bouche aussi exactement que possible avec une bourrée , et, sous le toit, il y a des trous dirigés dans tous les sens pour tirer les oiseaux qui se présentent. Dans le milieu du toit est un petit trou, par lequel on passe la perche à la- quelle le grand duc est attaché. Cette perche ou juchoir, de 4 pieds de longueur, est terminé par une palette ronde, garnie d'une peau de lièvre, ou par une croix , pour y attacher l'oiseau; elle est, en outre, pourvue, à 1 pied au dessus, d'une traverse de bois qui dépasse la hutte, de la longueur d'un pied, et qui y entre sur une longueur de 3 pieds, et au moyen de laquelle on met l'oiseau en mouvement lorsque les circonstances l'exigent. Au lieu de cette traverse en bois, on peut employer une corde que le chasseur tire à lui quand il veut remuer l'oiseau. Enfin il y a, à quinze ou vingt pas de la hutte, cinq à six perches de 20 à 30 pieds de haut, dont les branches sont disposées comme clans les pipées, pour que les oiseaux puissent s'y poser. La hutte ainsi préparée, il ne s'agit plus que d'y attendre les oiseaux, et de se servir du grand duc comme il est dit au mot Oiseaux de proie.

 

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SOURCES ET LIENS.

 

 

 

— BAUDRILLART (Jacques-Joseph) (1774-1832) Traité général des eaux et forêts, chasses et pêches . par M. Baudrillart,... -4] 1re Partie. I-IV. Recueil chronologique des réglemens forestiers... par M. Baudrillart ; [5] 1re Partie. V. Recueil chronologique des réglemens sur les forêts, la chasse et la pêche... ouvrage publié jusqu'en 1829 inclus par M. Baudrillart et continué... par M. P.-E. Herbin de Halle ; [6] 1re Partie. VI. Recueil chronologique des règlements sur les forêts, la chasse et la pêche... ouvrage publié, depuis 1515 jusqu'à 1837 inclus, par MM. Baudrillart et Herbin de Halle, et continué... par une réunion d'employés supérieurs de l'Administration centrale des eaux et forêts ; [7] 1re Partie. VII. Recueil chronologique des réglements sur les forêts, la chasse et la pêche... ouvrage publié, depuis 1515 jusqu'à 1842 inclus, par MM. Baudrillart et Herbin de Halle et par une réunion d'employés supérieurs de l'Administration centrale des eaux et forêts, et continué, depuis 1843, par M. Théodore Chevalier ; [8-9] 2e Partie. I-II. Dictionnaire général, raisonné et historique des eaux et forêts... par M. Baudrillart ; [Atlas 1] 1ere et 2e Parties. III. Atlas des modèles d'états, des formules et des planches concernant les forêts ; [10] 3e Partie. I. Dictionnaire des chasses... par M. Baudrillart,... Ouvrage revu... par M. de Quingery ; [Atlas 2] 3e Partie. II. Dictionnaire des chasses, par MM. Baudrillart et de Quingery. Atlas ; [11] 4e Partie. I. Dictionnaire des pêches... par M. Baudrillart ; [Atlas 3] 4e Partie. II. Dictionnaire des pêches, par M. Baudrillart. Atlas . Paris : Mme Huzard, 1821-1848 11 vol. et 3 atlas ; in-4

— BLAZE (Elzéar), 1839, 

Le livre du roy Modus et de la royne Racio, nouvelle édition, conforme aux manuscrits de la Bibliothèque royale, ornée de gravures faites d'après les vignettes de ces manuscrits fidèlement reproduites, avec une préface par Elzéar Blaze, Paris, Blaze, 1839, 19 p. + cxxxix f.

https://archive.org/stream/lelivreduroymod00ferrgoog#page/n285/mode/2up

— CHASSANT (A),  Le livre du Roy Modus, dans Journal des Chasseurs (1869), p. 302,

— CHASSANT (A). 1869, Le livre du roy Modus et de la royne Racio, Bulletin du Bouquiniste,

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202466h/f294.item.r=modus

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202466h/f326.item.r=modus

 

— PAGENOT, (Sandrine),2009, Recherches sur l'iconographie profane à la fin du Moyen Âge: les premiers traités de chasse enluminés ("Livre du roy Modus et de la royne Ratio" de H. de Ferrières – Livre de chasse" de Febus), thèse de doctorat, Université de Paris IV-Sorbonne, 2009, 4 t.

Non consulté ! Commentaires en ligne :

 

Sandrine Pagenot étudie le ms. BnF, fr. 12399, de la fin du xive siècle, qui contient le Livre du roy Modus et de la royne Ratio de Henri de Ferrières. Résultat d’une collaboration étroite entre l’enlumineur et un expert en cynégétique, ce livre montre bien comment l’image peut illustrer le texte, mais aussi le compléter, voire prendre des libertés à l’égard de l’écrit (Le recours au texte pour la création iconographique profane au xive siècle: le cas d’un traité de chasse, pp. 271-282).

Sandrine Pagenot montre ainsi qu’en trois occasions Henri de Ferrière « se décharge en partie de l’explication » en renvoyant le lecteur à la miniature subséquente, à charge pour l’enlumineur de suivre fidèlement ses instructions pour la composition de l’image (p. 271 284). Dans ce type d’ouvrage, les « infidélités » des illustrateurs sont à interroger, l’image étant en général parfaitement assujettie au propos didactique.  (http://www.fabula.org/acta/document8106.php)

 

— TILANDER (Gunnar);1932  Les livres du roy Modus et de la royne Ratio, Volume 77,Partie, Henri de Ferrières, Gunnar Tilander, Société des anciens textes français, 1932

 

— TILANDER (Gunnar);1932  Les manuscrits des Livres du roi Modus et de la reine Ratio, Lund, Håkan Ohlsson (Lunds universitets årsskrift, n. f., avd. 1, Bd 28, Nr 5), 1932,

— TILANDER (Gunnar);  Mélanges de linguistique et de littérature offerts à m. Alfred Jeanroy par ses élèves et ses amis. Alfred Jeanroy E. Droz, 1928 - 679 pages. Reprint Slatkine 1972

 

https://books.google.fr/books?id=_xbaRK3trFsC&pg=PA620&lpg=PA620&dq=Denis+d%27Hormes.&source=bl&ots=h_kStuhmPE&sig=q7GKgWMStXqDW4eqij5atIE29BY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjim6KthIvUAhXLPRoKHTwOD4kQ6AEIKjAB#v=onepage&q=Denis%20d'Hormes.&f=false

— SMETS An, Van Den Abeele Baudouin , 1998, "Manuscrits et traités de chasse français du Moyen Âge. Recensement et perspectives de recherche" Romania Année 1998 Volume 116 Numéro 463 pp. 316-367 http://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1998_num_116_463_1470

MANUSCRITS ET EDITIONS

Tilander en a dénombré 32. Voir Arlima : https://www.arlima.net/eh/henri_de_ferrieres.html

— Bibliothèque de l'Arsenal 3079, XVe siècle, folio 210r, 225v et 228v. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f429.item.r=du%20Monde.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f460.item.r=du%20Monde

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55007805c/f466.item.r=du%20Monde.zoom

— Bibliothèque de l'Arsenal 5197, XVe siècle : les miniatures manquent pour les paragraphes étudiés.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55010550z/f82.item.r=Arsenal%205197

—Bnf fr 614 :  texte seulement, pas de miniatures

— Bnf fr 615 date 1406 . pas de miniatures

— Bnf fr 1297 folios 84v, 91v et 93r :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f176.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f190.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85508592/f193.item.zoom

— Bnf fr 1300 texte seulement, pas de miniatures

— Bnf fr 1301 folio 92v, 100 r et 101v

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f198.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f213.item

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53084171s/f215.item

— Bnf fr 1302 folio 87r, 94r , et  95v

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f179.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f193.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530841494/f196.item.zoom

— Bnf fr 12399 « Livre du roy Modus et de la royne Ratio, qui parle des deduis et de pestilence », folio 86v, 93v, et 96v :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f176.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f190.item.zoom

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10515896h/f196.item.zoom

— BR 10218 Bruxelles, milieu du xve s., parchemin, 183 fol., min. : Henri de Ferrières, Les livres du roy Modus . foliio 100, engin pour prendre les «mauvis» (espèce de grives) ; folio 101, la manière de prendre «les oyseaulx a la pipee au bost»;

Ms. 10218. - Bruxelles, après 1455. -Le livre du roi Modus fut composé après 1354, tandis que le Songe de Pestilence fut achevé entre 1374 et 1377. Le codex de Bruxelles est une copie très fidèle et très soignée du ms. 2573 de la Nationalbibliothek de Vienne (XVe s.), lequel remonte à son tour au ms. fr. 1297 de la Bibliothèque nationale de Paris (XIve s.). 

Les miniatures, à l'exception de la première, semblent être des copies, adaptées à la mode du jour et agrémentées de variantes, du ms. fr. 12399, de la Bibliothèque nationale de Paris, lequel est daté de 1379. Ce dernier volume, qui renferme les armoiries de la famille de Dammartin, a appartenu probablement à Charles de Trie, comte de Dammartin, compagnon d'armes du Guesclin, parrain de Charles VI. On ne sait comment il est entré dans la librairie des ducs de Bourgogne. Il s'y trouvait déjà en 1420, puisque l'inventaire de cette date le mentionne (cf. G. Doutrepont, Inventaire de la « librairie» de Philippe le Bon (1420), n° 103). Il reparaît de nouveau à l'inventaire de 1467 (Barrois, n° 1559). Voilà qui explique suffisamment comment un manuscrit français de 1379 ait pu inspirer un artiste flamand quatre-vingts années plus tard à la cour de Philippe le Bon.

http://belgica.kbr.be/pdf/ms/ms_10218_19_lyna.pdf

BNF fr RES-S-596 Par Jehan Trepperel folio 88v et suivants. Bois gravés 88v et 90r

livre du roy Modus et de la royne Racio qui parle du déduit de la chasse à toutes bestes sauvaiges , comme cerfz, biches, daims, chevreulx, lièvres, sangliers, loups, regnardz et loutres. Avec le stille de faulconnerie. Et aussi les subtillitez darcherie, contenant plusieurs manières pour prendre toutes sortes d'oyseaulx tant à la raitz à la tonelle qu'à la pipée et autres nouvelles choses trouvées pour les prendre 

(Cy finist ce present livre intitulé le Livre du roy Modus et de la royne Racio. Imprimé nouvellement à Paris par Jehan Trepperel, imprimeur et libraire, demourant en la rue neufve Nostre-Dame à l'enseigne de lescu de France

 

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850314m/f193.image

 

 

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Published by jean-yves cordier
10 mai 2017 3 10 /05 /mai /2017 21:45

La chouette ou le hibou harcelés par des oiseaux. La chasse à la pipée, description cynégétique et valeur allégorique. Troisième partie : la description de la pipée par Noël Chomel (1709), et le tableau allégorique où la "Chouette" est une belle qui attire les galants (XVIIIe).

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Voir les  parties précédentes :

Sur le hibou harcelé, voir aussi :

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Rappel.

Un panneau d'azulejos que l'on doit à Cristobal de Augusta vers 1577 dans le Salon de Charles Quint à l'Alcazar de Séville montre un hibou harcelé par deux oiseaux qui menacent les yeux jaunes de l'oiseau nocturne de leur bec. On retrouve ce motif de l'oiseau de nuit persécuté par les oiseaux diurnes dans la littérature naturaliste depuis Aristote et Pline, donnant lieu à des interprétations allégoriques de sagesse et de patience face à l'adversité (expliquant que l'artiste flamand Hoefnagel l'adopte comme emblème), ou d'un conflit plus général entre les puissances de la Nuit et celles du Jour. 

Comme beaucoup de thèmes iconographiques, celui-ci s'avère vite inépuisable, par ses rebondissements, ses surprises, et l'arborescence des chemins dérivés. C'est ce qui en fait le charme, mais cela explique aussi ma démarche par sauts et gambades, au petit bonheur la chance. Ainsi, la Chouette harcelée est au centre de la technique de chasse dite à la pipée, où une chouette sert d'appât aux oiseaux, à moins qu'on n'imite son chant.

Pour cet article, où je vais partir explorer le thème de la chasse à la pipée, j'ai emmené ceci dans mon sac de pique-nique : une description de Noël Chomel ; un livre de chasse du XIVe siècle avec de belles images; un tableau satirique du XVIIIe ; et un extrait du Cinquième Livre de Rabelais. 

Ou plutôt je me ravise : je ne laisse dans le sac que la description de Chomel en entrée et le tableau satirique en dessert, car le livre de chasse, qui a gonflé au fur à mesure de mon enquête, devient indigeste et exige une vrai valise pour lui tout seul : ce sera ma Quatrième partie. Je me demande où cela va bien me mener. 

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Rappel du point de départ :



 

 

Hibou harcelé par deux oiseaux, azulejos, Salon de Charles Quint Palais de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile.

Hibou harcelé par deux oiseaux, azulejos, Salon de Charles Quint Palais de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile.

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LA CHASSE À LA PIPÉE DÉCRITE PAR L'ABBÉ NOËL CHOMEL EN 1718.

Noël Chomel était "prêtre, curé de la paroisse Saint-Vincent de Lyon" (page de titre). Il décrit ici la chasse à la pipée sans chouette, car la Chevêche est remplacée par un pipeur qui en imite le chant.

La première édition du Dictionnaire oeconomique est parue en 1709. Je donne ici le texte de l'édition de 1718, parue à Paris chez Etienne Ganeau : page 590-593

https://books.google.fr/books?id=dRk-AAAAcAAJ&dq=Pr%C3%A9paratif+pour+la+Pip%C3%A9e.+noel+chomel&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

Edition revue, augmentée par M.P. Danjou  parue en 1740 à Lyon, tome II page 622 : en rouge.

https://archive.org/stream/bub_gb_g-icl__yxPgC#page/n317/mode/2up

PIPÉE.

C'est une chasse fort divertissante dans le temps des vendanges qui se fait avec des pipeaux en contrefaisant le cri des oiseaux. Cette chasse ne dure pas plus d'un mois. On y prend principalement des pies, des grives, des geais, des merles et autres oiseaux qui s'y rencontrent.

Du temps de la pipée

On peut faire la Pipée le matin, depuis la pointe du jour jusqu'au lever du soleil. Cependant il est plus à propos de le faire sur le soir une demi-heure avant le coucher du soleil jusqu'à ce que les oiseaux soient retirés.

Préparatif pour la Pipée.

Il faut avoir de la glu et un millier de gluaux, qui ne font que de petites branches d'ormeau, longues d’un pied, qu'on a soin de couvrir de glu. Il faut de plus une vingtaine de feuilles de lierre, et un petit paquet de feuilles d'une herbe qu'on appelle gramen, c'est une espèce de chiendent qui croît parmi les buissons de houx. Au lieu de cette herbe , on peut se servir d’un instrument qui est représenté au bas de la figure ci-dessous. Il est composé de deux petits morceaux de bois, b f e g , qui doivent être longs environ comme le doigt , et gros comme un demi-travers de doigt. Ils sont tellement coupés qu'on peut placer entre les deux un petit ruban h i, qui sert à contre-faire le cri des oiseaux, lorsqu'on met cet instrument à la bouche qu'on le fait jouer. En un mot cette machine est semblable au pipot des enfants avec lequel ils contrefont les marionnettes.

On peut aussi se passer de feuilles de lierre, et se servir d'un morceau de fer blanc, qui doit être recourbé de la même manière, que si on coupait un entonnoir par la moitié suivant sa longueur, et qu'après on mit la main dessus les deux bords pour les aplatir et les joindre ensemble, en donnant une figure ronde au fond, au milieu duquel il faut faire un trou gros comme un pois. Cet instrument doit être semblable à une feuille de lierre repliée.

Le bruit qu'on fait avec ce morceau de fer blanc recourbé, ou avec la feuille de lierre repliée, trouée par le milieu, en soufflant par la plus petite extrémité, ressemble au bruit que fait un geai, lorsqu'il crie contre le hibou.

Si on veut se servir de la feuille du gramen, il la faut prendre avec le pouce et le premier doigt de chaque main par les deux bouts, la mettre entre les lèvres, l’avancer jusqu’à la moitié de sa largeur, et puis en pressant les lèvres l’une contre l’autre souffler délicatement. Le bruit qui se fait de cette manière contrefait le cri de la chevêche qui est la femelle du hibou. Le pipeau de fer blanc est meilleur.

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Comment il faut préparer le lieu pour faire la Pipée.

La Pipée se fait dans les bois taillis, qui sont forts, et qui ont du moins cinq ou six ans de coupe, il faut choisir un endroit qui soit écarté des chemins, et où il y ait un petit arbre comme A B, haut de trois ou quatre toises et éloigné des autres grands arbres, pour le moins de cinquante pas. Il le faut ébrancher tout à l'entour, à la réserve de quelques branches principales qui se rencontrait de coté et d'autre, faisant à peu prés comme une forme de coupe, ou verre à boire, de sorte que les plus hautes répondent dessus l'entre deux des baies, afin que ce qui tombera des plus élevées, ne s'arrête pas dessus les autres. Il faudra aussi ébranchiller et curer chaque grande branche, depuis le tronc de l’arbre jusques auprès des extrémités , comme on voit celle qui est marquée de la lettre C, à laquelle il ne parait point de petite branche ni feuille que vers l'extrémité. Quand toutes les grosses branches feront ainsi dégarnies de feuilles de de brins de bois, vous y ferez des entailles tout au long, en frappant de biais avec une serpe , qui fera des fentes de trois en trois doigts ; comme il se voit en la branche F, pour y ficher des gluaux 1234567. L'arbre étant préparé, coupez quelques branches de taillis qui soient droites, piquez le tout autour du tronc de l'arbre aux lieux marqués des lettres MRS T V ; en sorte que le pied de chaque brandie soit éloigné du pied de l’arbre d'environ quatre pieds , et que leurs cimes aillent toutes joindre le tronc de l'arbre par le haut à la lettre B ; ainsi qu'on peut voir par les lignes ponctuées M B R B S B T B. Il faut que cette loge soit suffisante pour placer quatre ou cinq personnes, selon qu'il s'y en rencontrera , il faudra y laisser quelques ouvertures , afin qu'une personne puisse entrer et sortir.

La loge faite, cherchez autour de l'arbre quatre ou cinq clairières de bel abord, ou bien s'il n’y en a point , vous en ferez de cette forte : coupez à peu près ai droite ligne les petites branches de taillis qui peuvent faire obstacle, commençant depuis la loge jusques à la distance de trente ou quarante pas , tout au plus , en forte que vous puissiez seulement voit , quand il y aura quelque oiseau pris sur les gluaux que vous y mettrez. Les clairières étant bien faites , choisissez tout au long sept ou huit branches unies , qui soient éloignées de six en six pas , on les fera pencher à travers la clairière , en leur donnant un coup de serpe par l'endroit qu'on jugera à propos , afin qu'elles soient de bonne hauteur pour les pouvoir ébranchiller et y faire des fentes ou entailles, comme aux branches de l’arbre , pour les couvrir aussi de gluaux , ces branches vous sont représentées de la sorte qu'elles doivent être penchées et glués par la figure marquée des lettres N O P Y L IL . II n'est pas absolument nécessaire d'avoir la vue sur toutes ces branches gluées , il faut pourtant faire attention , lors qu'il y aura quelque chose de pris aux gluaux , et le bien se souvenir du lieu où ils feront, afin d'y aller tout droit , car en courant , vous faites fuir les oiseaux qui vous voient , c'est pourquoi il faut marcher sur les mains et sur les pieds.

On peut faire cette chasse sans arbre, ayant tout au tour de soi des clairières , avec des branches gluées , comme on l'a dit. Ces branches s'appellent plaisses.

Comment en doit piper et appeler les oiseaux.

Ayant disposé de bonne heure la loge avec l'arbre et les plaisses, il faut prendre tous les ustensiles, comme la serpe, les feuilles de lierre, le chiendent, et les autres choses dont on a parlé au commencement de cet article ; il faudra couvrir du glu tous les gluaux, non pas tout au long ; mais depuis trois doigts proche le gros bout, jusques à la petite pointe, afin de les pouvoir manier sans se salir ni gluer les mains, puis menez les par paquets de deux ou trois cents à la fois dans un morceau de quelque vieux parchemin, pour empêcher qu’il ne s'y attache des ordures ; portez tous vos ustensiles sur le lieu préparé , et soyez y tout au plus tard une heure , avant que le soleil se couche , afin d’avoir le temps pour ajuster le tour en cette sorte.

Il faut qu'un homme monte au haut de l'arbre, et mette des gluaux tout au long des branches dans les entailles, comme ils sont représentés sur la branche marquée de la lettre F qui font penchés et presque couchés à trois doigts de haut sur la branche, de sorte qu'ils avancent de la moitié à coté, ou par dessus les uns des autres sans pourtant se toucher, ce que vous pouvez comprendre par les chiffres qui font marqués sur la branche F, il en faudra mettre aussi toutes les plaisses N O P Y L K qui auront été faites autour de la loge, le tout doit être en état un quart d'heure ou demi- heure avant que le soleil soit couché : Ce qui étant fait, tout le monde se retire promptement dans la loge au pied de l’arbre où il faut qu'il soit bien caché, chacun faisant le guet, de la vue et de l'ouie du coté auquel il aura été destiné pour y prendre garde, non ailleurs afin de ne rien troubler. Le silence étant exactement observé de tous, sinon de celui qui doit pipe , il commencera la Pipée en appelant avec la feuille de lierre, ou le morceau de fer blanc dans lequel il soufflera et contrefera le geai, comme on l'a dit ci-dessus, en continuant toujours de souffler dans le même instrument.

Le roitelet sera le premier oiseau qui viendra voir jusques dans la loge, après suivra la gadrille, autrement gorge-rouge , les mésanges viennent ensuite, puis les pinsons qui se prennent les premiers capables de faire venir les gros oiseaux.

D'abord que vous avez un pinson, il faut que quelqu'un le prenne et lui rompe un aile pour le faire crier de temps en temps, selon que le Pipeur l’ordonnera ; les geais et les pics, s'il y en a dans le pays, suivront les pinsons , pour lors il faudra changer de pipeau , et prendre une feuille de gramen , ou le pipet de bois et de ruban pour souffler et contrefaire la chevêche qui est la femelle du hibou. Aussitôt que les geais l'auront entendue, ils se jetteront de plein abord sur votre arbre, où ils les glueront, et tomberont à bas au pic de la loge.

Quand vous aurez un geai , rompez lui une aile et faites le crier, comme vous aurez fait le pinson, tous les autres geais et pies viendront à la foule se poser sur l’arbre, et cependant les merles approcheront sourdement autour de la loge, volant et sautant de branche en branche pour découvrir ce qu'ils entendent, tellement qu'ils se prennent sur les piailles, et tombent à bas, où on les entend crier, il faut y courir promptement , et le plus à couvert qu’on pourra. L'on a plus de peine à prendre ceux-ci que tous les autres, parce qu'ils courent et emportent le gluau , qui les empêche de voler.

Les geais font bientôt pris, ou quittent le lieu, s'enfuient, lorsqu’ils ont découvert la ruse du chasseur, les grives viennent prendre leurs places, quelques unes se prennent aux plaisses ; mais la plus grande partie se prennent sur l’arbre. Ces oiseaux ici sont les plus faciles à prendre , d'autant qu'ils se posent tout du premier coup sur l'arbre fans aucune méfiance, et tombent à vos pieds, si bien qu’on n'a point la peine de courir après.

Dès que vous avez pris un merle, ou une grive, ou bien un touret, qui est presque la même chose qu’une qu'une grive, il faut cesser de faire crier le geai, et se servir de la grive, du merle, ou du touret.

C'est le plus grand plaisir du monde de voir tous ces oiseaux étonnés et curieux du bruit qu'ils entendent , se jeter et se prendre parmi les gluaux.

Le roitelet est le premier oiseau qui vient au bruit du pipeau , mais la grive ou le touret est le dernier ; c'est pourquoi quand vous n’en verrez plus venir , quittez le lieu et vous vous en retournez jusques au lendemain à la pointe du jour que vous pourrez piquer ; il se prendra encore quelques oiseaux ou bien vous ramasserez tous les gluaux pour une autrefois, que vous désirerez faire la Pipée dans un autre bois ; car il ne fera pas bon de tendre dans ce même endroit de plus de quinze jours ; parce que les oiseaux qui auront échappé la première fois, feront épouvanter les autres , qui voudraient s’approcher ; mais quinze jours pourrait leur faire perdre le souvenir de la ruse de de l'endroit préparé. Cette chasse est une des plus divertissantes qu’on fasse de jour aux petits oiseaux."

Noël Chomel, Dictionnaire oeconomique. Ed. 1740 (Iere édition en 1709, 2eme édition 1718).

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Illustration de l'article PIPÉE, Noël Chomel, Dictionnaire oeconomique, 1740.

Illustration de l'article PIPÉE, Noël Chomel, Dictionnaire oeconomique, 1740.

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"LA CHASSE À LA CHOUETTE", UNE PEINTURE ALLÉGORIQUE DU XVIIIe SIÈCLE D'APRÈS UNE GRAVURE DU XVIe. 

Pour présenter cette peinture, dont il existe plusieurs exemples, je me contenterai de vous lire à haute voix le commentaire qui accompagna la vente chez Christie's en juin 1995 d'un de ces tableaux

Ecole française du XVIIe siècle La chasse à la chouette ou La Belle et ses Adorateurs Huile sur toile 
Titrée 'Le Piegeage' sur une ancienne étiquette au verso 
h: 120 w: 100 cm Provenance : Vente anonyme ; Cheverny, Orangerie du château, Me Rouillac, 11 juin 1989, n° 280 ;
Vente anonyme ; Monaco, Christie's, 30 juin 1995, n° 15 ;Acquis lors de cette vente par les actuels propriétaires ; Collection d'un couple d'amateur, Paris


Commentaire : Cette surprenante composition prend place dans un agréable jardin mais le discours qu'elle assène n'est pas aussi délicieux que nous pourrions le penser.
Il convient de décrypter notre tableau à la lumière d'une gravure de Giacomo Franco, édité au XVIe siècle, probablement à Venise, ville dans laquelle était actif ce dessinateur et graveur. Le quatrain en vieil italien accompagnant la gravure peut ainsi se traduire :
" Fuyez y imprudents jouvenceaux
Les filets d'un visage agréable et séduisant,
De peur que le Diable, avec l'appeau
De la civetta, ne vous prenne à ses pièges "
Une chouette vivante était souvent utilisée au XVIIe siècle afin d'attraper de petits oiseaux. Dans notre tableau, la femme galante est utilisée comme appât par le diable. L'homme à droite retient un chat, symbole de prudence, et par le geste du doigt qu'il porte à son œil se moque du diable et de ses ruses.
La gravure semble avoir eu un succès prolongé dans le temps puisque plusieurs tableaux s'en inspirèrent, en adaptant la mode ou l'identité des personnages, ou encore les discours accompagnant les œuvres en fonction de l'époque à laquelle ils furent peints.
Dans un article paru en 1907 Paul Perdrizet élabore une liste de quatre tableaux représentant le même sujet. L'auteur démontre que ce sujet est " une moralisation dont la pointe est dirigée contre les femmes de mauvaise vie ".
Toutes les cultures et les religions sont représentées dans les truculents portraits qui coiffent les corps d'oiseaux. De véritable portrait était parfois exécutés comme c'est cas dans la version du musée des Beaux-arts et d'archéologie de Besançon qui illustre le scandale de Jean-Baptiste Girard, jésuite recteur du séminaire de Toulon, qui fut accusé en 1730 d'avoir séduit une jeune fille et fut mis hors de cause après de longs débats au parlement."enchères.lefigaro

Les tableaux semblables sont : 

— Au Musée des beaux-arts de Calais : La chasse à la chouette ou la belle et ses adorateurs, Anonyme, école flamande, XVIIe siècle
Huile sur toile, 130X 67,2 cm, N° inv 951.48.1,

— Dans la Collection de Jean-Jacques Lebel. http://willemsconsultants.hautetfort.com/archive/2009/12/24/chouette.html

— Au Musée de Besançon  avec la notice suivante 

 http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0746/m033204_016733_p.jpg

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=M0332001458

"La scène représente une clairière. Au milieu un pieu, couronné d'un plateau, sur lequel est accroupie une jolie femme a demi nue, une draperie autour des reins, qui se regarde dans un miroir. Un satyre, accroupi à gauche, dans un buisson, fait tourner le plateau avec une ficelle attachée à la cheville droite de la femme. Vers cette femme arrivent, de toutes parts du ciel, d'étranges oiseaux à tête d'homme. Beaucoup sont posés sur des baguettes attachées, soit au montant du perchoir, soit aux arbres de la clairière. Tous, ils dévorent de regards concupiscents l'affriolant appeau. Un, plus hardi que les autres, plus jeune aussi, n'y peut tenir : il fond sur la femme et la baise à la joue : c'est un petit abbé. Contre le pieu se dresse un chien à tête d'homme. A droite passe un gros rustre, coiffé d'un feutre, en veste, culotte, bas blancs, avec de forts souliers et une chemise au col ouvert ; de l'index de la main droite, il montre son oeil ; il porte un chat au creux du bras gauche. Deux des hommes-oiseaux portent la fraise et le chapeau de feutre ; plusieurs sont moustachus et barbus ; deux , coiffés de turbans, doivent représenter des Turcs. Peinture satyrique qui illustre le scandale de Jean-Baptiste Girard. J.B. Girard était un jésuite, recteur du séminaire de Toulon, qui fut accusé en 1730 d'avoir séduit une jeune fille et fut mis hors de cause après de longs débats au parlement." © Besançon ; musée des beaux-arts et d'archéologie, 2009, © Service des Musées de France, 2013

— Au Musée des Granges de Port-Royal

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http://webmuseo.com/ws/musenor/app/collection/record/23023
http://webmuseo.com/ws/musenor/app/collection/record/23023

http://webmuseo.com/ws/musenor/app/collection/record/23023

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Voici maintenant la gravure de Giacomo Franco qui a inspiré ces tableaux.

— LA CHASSE A LA CHOUETTE. Gravure de Giacomo Franco. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57805404/f202.item.r=pertrizet.texteImage

Revue de l'art ancien août 1907 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57805404/f202.item.r=pertrizet.texteImage

Revue de l'art ancien août 1907 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57805404/f202.item.r=pertrizet.texteImage

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Et maintenant, voici l'article de Paul Perdrizet, auteur de référence  pour ces œuvres :

 

LA CHASSE A LA CHOUETTE  CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DE LA PEINTURE SATIRIQUE. Paul PERDRIZET,   Revue de l'Art Ancien et Moderne, Paris, août 1907, pp. 143-150

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57805404/f198.item.r=pertrizet



"Il existe plusieurs répliques du tableau que l'on voit reproduit plus loin. L'une appartient à M. Franck Chauveau. Une autre est au musée de Calais . Une troisième  a été donnée au musée de Besançon, avant 1843, par le marquis de Rosières (Le marquis de Rosières appartenait à une vieille famille parlementaire de la Comté.  ). 
Une quatrième, qui m'a été signalée par le peintre Grivaz, appartenait en 1905 « a une dame des environs de Paris ». 

La scène représente une clairière. Au milieu un pieu, couronné d'un plateau, sur lequel est accroupie une jolie femme toute nue, qui se regarde dans un miroir (la réplique de Besançon, plus prude que les autres, lui met une draperie autour des reins). Un satyre, accroupi à gauche, dans un buisson, fait tourner le plateau avec une ficelle attachée à la cheville droite de la femme (réplique de Besançon), à un clou planté dans le plateau (réplique de Calais). Vers cette femme arrivent, de tous les coins du ciel, d'étranges oiseaux, des oiseaux à tête d'homme. Beaucoup sont posés sur des baguettes attachées, soit au montant du perchoir, soit aux arbres de la clairière. Tous, ils dévorent l'affriolant appeau de regards de concupiscence. Un, plus hardi que les autres, plus jeune aussi, n'y peut tenir : il fond sur la femme et la baise à la joue : c'est un petit abbé. Contre le pieu se dresse un chien à tête d'homme. A droite passe un gros rustre, coiffé d'un feutre, en veste, culotte et bas blancs, avec de forts souliers et une chemise débraillée; de l'index de la main droite, il montre son oeil'; dans la main gauche, il porte un chat, précieusement, contre son coeur. Son costume paraît indiquer le milieu du xviie siècle. 
Deux des hommes- oiseaux portent la fraise et le chapeau de feutre ; plusieurs sont moustachus et barbus; deux, coiffés de turbans, doivent représenter des Turcs. 
Je ne vois point que personne, jusqu'ici, ait bien expliqué cette allégorie. 
Dans le catalogue du musée de Calais, dont il est conservateur , M. Wiart s'exprime ainsi : «Le tableau représente la belle X. et ses adorateurs. Les oiseaux à tête humaine sont autant de personnages laïques ou ecclésiastiques du temps de la Ligue, qui essaient d'obtenir les faveurs de la belle... M. Wiart a bien voulu me faire connaître par lettre que la belle X. était, à son avis, Gabrielle d'Estrées. 

D'après Castan, la réplique de Besançon serait relative aux querelles soulevées par la bulle Unigenitus. Castan n'était pas un connaisseur sans mérite : c'est lui, notamment, qui a signalé le premier l'importance des  Très belles heures de Turin, pour l'étude de l'Agneau mystique. Mais il n'a pas toujours l'ail assez d'efforts pour se défendre contre son ingéniosité. 
Les commissaires responsables de l'inventaire des richesses d'art de la France, où Castan a publié sa description, auraient pu lui demander plus de prudence. « Au premier plan, dit-il, une 
sorte de paysan, qui semble au moment de se mettre un doigt dans l'oeil : on croit que ce personnage est le Régent. Un chien à tête humaine, coiffé d'une calotte , cherche à escalader la plate- forme : c'est probablement le P. Quesnel .Suit une longue citation du Siècle de Louis XIV. Le tableau daterait de 1715 à 1718. 

Personne ne sera surpris que la bulle Unigenitus et les querelles des acceptants et des refusants n'aient rien inspire d'aussi folâtre. Le dossier du Cabinet des Estampes relatif au jansénisme est tout  à fait austère; on n'y trouve ni femmes nues, ni petits abbés donnant des baisers polissons. 
En réalité, le tableau en question est une moralisation dont la pointe est dirigée contre les femmes, plus précisément contre les femmes de  mauvaise vie, et une moralisation qui n'a rien d'original, puisqu'elle est inspirée d'une gravure italienne du XVIe siècle. La gravure dont il s'agit est rarissime et n'a jamais été décrite. Un exemplaire s'en trouve au Cabinet des Estampes, dans ce recueil de la collection Marolles intitulé : Facéties et pièces de bouffonnerie  dont la valeur, pour l'étude du genre satirique aux XVIe et XVIIe siècles, est inestimable. 
Ce recueil est analysé dans Bouchot, le Cabinet des Estampes, p. 301-306, où la gravure qui nous intéresse est mentionnée sommairement en ces termes : « Le Piège aux amoureux, par Franco».

Cette gravure est signée Franco forma. Giacomo Franco, dessinateur et graveur, né probablement à Venise, et parent, croit-on, du peintre et graveur Giovanni Baptista Franco, travaillait à Venise vers la fin du XVIe siècle (de 1588 à 1598, suivant Zani). Sa manière rappelle celle d'Augustin Carrache, dont il était contemporain. On connaît de lui une Adoration des Bergers, Jésus en croix avec plusieurs saints, un petit Crucifiement, une Pietà d'après Michel-Ange, l'Image de Noire-Dame de Lorette, un Saint Jérôme (petite pièce gravée à Rome), seize planches tirées des Métamorphoses d'Ovide, une partie de l'illustration de la Jérusalem délivrée, publiée à Gênes en 1590, d'après les dessins de Bernardo Castelli; le portrait de Francesco Aldobrandino, une suite de portraits d'hommes illustres (1596), les planches de l'ouvrage intitulé : Il Ballorino di M. Fabritio caroso da Sarmoneta (Venise, 1581, in-4°); la suite des Habite d'huomini e donne venetiane (25 planches petit in-f°). Aucun catalogue ne lui attribue la pièce satirique de la collection Marolles ; mais la signature Franco forma, et la similitude entre l'écriture de la légende et les caractères gravés au bas des planches qu'on vient d'énumérer, ne permettent pas de douter que Giacomo Franco ne soit l'auteur de cette estampe. 

Sur le sens de la gravure, il ne saurait pas non plus y avoir d'incertitude, car Franco nous en a donné l'explication dans le quatrain suivant, en hendécasyllabes (le vers hendécasyllabique est employé dans la poésie italienne pour les devises et les sentences) : 

Fuggite, incauti giovinetti. i lacci 
D'un volto lusinghiero. anchorche bello, 
Accio clie il rio  Démon, con il cimb(ello)  
[
Rio, « méchant », du latin reus. Mot poétique. ]
Délia civella. non v' intrichi e imp(acci) Le mot est écrit en abrégé et la cédille omise : ç — z est courant dans l'italien du XVIe siècle.

c'est-à-dire :

« Fuyez, imprudents jouvenceaux, les filets d'un visage agréable et séduisant, de peur que le Diable, avec l'appeau de la civetta, ne vous prenne à ses pièges ».

Les auteurs des catalogues de Besancon et de Calais n'ont pas compris ce que faisait le satyre : il chasse à la chouette, colla civetta. Pour prendre les petits oiseaux, on se sert parfois 
d'une chouette vivante. Cette chouette sert d'appeau, zimbello :  In. Petrocchi, Nuovo Dizionario della lingua ilaliana (Milan, 1902) : « ZIMBELLO : uccelo che si fa svolazzare per richiamo. Fig. Lusinga, allettamento. ZIMBELLARE : movere la zimbullo per allettare gli uccelli.»

On l'attache avec une ficelle à une sorte de perchoir, puis, avec une autre ficelle, on la fait voleter. Les petits oiseaux détestent les chouettes. Ils accourent près de celle qui sert d'appeau, pour la larder de coups de bec ; le chasseur, les ayant à portée, s'en empare d'une façon ou d'une autre . Ni l'Encyclopédie de Diderot (t. III du Recueil des planches, pl. XIII, 2, p. 28), ni l'Encyclopédie méthodique, publiée à Paris chez Agasse (volume des Chasses, p. 153), ne décrivent exactement la chasse à la chouette comme l'a représentée Franco, et comme on la pratique en Italie. 

Généralement, le montant du perchoir où est attachée la chouette et les branches des arbres voisins sont garnis de bâtons englués. Les  petits oiseaux se prennent à cette glu [Petrocchi, op. cit. : « CIVETTA. Caccia alla civetta : specie di caccia con panioni o paniuzze, la civetta ammaestrata e una gruccia dove essa monta e scende e richiama gli uccelli. » ]. Franco n'a pas oublié ces gluaux : la plupart de ses oiseaux allégoriques y sont déjà pris. 

La langue italienne, par allusion à cette sorte de chasse, appelle civetta les coquettes et les femmes galantes [Petrocchi, op. cit. : « CIVETTA. Fig. Donna che s'abbiglia (qui se fait belle) e si mette in mostra e si lascia vagheggiare per lusingare gli uomini e una civetta. »  ].

L'Italien prête donc à un jeu de mots sur civetta. C'est ce jeu de mots qui a inspiré l'estampe de Franco: notre graveur a fait de l'esprit sémantique. Dans son allégorie, la chouette, c'est la femme galante, la courtisane (il n'en manquait pas à Venise, au temps de Franco) ; le chasseur, c'est le Diable (l'artiste lui a donné la forme d'un satyre antique, par « humanisme », le satyre étant, en quelque sorte, la forme humaniste du Diable des chrétiens) ; enfin, les oiseaux, ce sont les jeunes gens. Tous les hommes-oiseaux de la gravure de Franco représentent évidemment déjeunes hommes; l'un d'eux a une belle barbe en éventail ; les autres sont encore imberbes; ils sont coiffés, pour la plupart, de toques en velours comme les élégants en portaient à l'époque d'Henri III ; ceux qui sont tête nue ont les cheveux « mignottés » et frisés, à la mode du temps. — Le geste du jeune homme qui est représenté au premier plan, à gauche, ne signifie ni, comme l'a cru Castan, qu' «il se met le doigt dans l'oeil », c'est-à-dire qu'il se trompe, ni « qu'il se bat l'oeil », c'est-à-dire qu'il se moque des ruses du Démon et des séductions féminines, mais bien « qu'il est sur l'oeil », c'est-à-dire qu'il se tient sur ses gardes. Le geste est courant en Italie, dans ce sens. J'expliquerais volontiers de même le chat que le personnage tient sur le bras : le chat serait un emblème de prudence. 

Quant à l'inscription sur la banderole, au-dessus de l'homme au chat, je n'en vois pas l'explication. 

Le genre satirique et moralisateur n'a pas été cultivé par les Italiens autant que par les Flamands. Ceux-là ont préféré l'allégorie, qui est plus noble, plus idéale, qui s'interdit le gros rire, la plaisanterie salée. Giotto peint à la voûte de l'église d'Assise ses grandes allégories franciscaines ; Mantegna représente la Sagesse victorieuse des Vices; Lotto, Vénus et l'Amour mis en fuite par la Chasteté. L'art du Nord s'est complu dans des moralisations plus grasses et plus lourdes. Le genre satirique, tel que les Flamands l'ont pratiqué au xvie siècle, convenait à leur bon sens rude et court, à leur vulgarité de bourgeois. 

Leurs plus grands artistes à cette époque, Jérôme Bosch, Pierre Bruegel l'Ancien, multiplient les compositions satiriques et moralisantes, mettent en images les proverbes flamands. Il suffit de rappeler de Jérôme Bosch ses estampes des Aveugles et de la Chevalerie, de l'Eléphant et de 
la Baleine [1. L. Maeterlinck, le Genre satirique dans la peinture flamande, 2° éd. (Bruxelles, 1907), fig. 189 et 189 bis, 190 et 190 bis.] ; de Bruegel, ses estampes de la Cuisine des Gras et de la Cuisine des Maigres, ses Proverbes flamands, ses Vertus et ses Vices [R. Van Bastelaer et Georges H. De Loo, Peter Bruegel l'Ancien (Bruxelles, G. Van Oest, 1905).] ; ou encore le tableau attribué à Patenier, qui apprend Comment il faut traverser le Monde [Maeterlinck, op. cit., fig. 196.]. Au xviiesiècle encore, dans le coin des tableaux de Jordaens, se lisent des proverbes qui précisent l'intention satirique du peintre [Par exemple, le Concert en famille du musée d'Anvers, qui porte cette inscription: Soo d'oude songen, soo pepen de jonge (« Comme chantent les vieux, gazouillent les petits »). ]. 

La vogue de ces compositions satiriques et moralisantes des Flamands a été si grande, que je croirais volontiers que la gravure de Franco a été conçue sous leur influence plus ou moins directe. 

A quelle école appartenait le peintre qui, vers le milieu du xviie siècle, eut l'idée de s'inspirer de cette vieille gravure? C'était, je crois, un artiste des Pays-Bas. Les coiffures et les rabats de ses hommes-oiseaux se retrouvent dans les tableaux flamands ou hollandais du xviie siècle. La peinture a un précis, un fini, qui semblent bien indiquer la provenance 

néerlandaise. Ajoutons qu'à la fin du xvii° siècle et au commencement du xviiie, le goût des compositions satiriques et moralisantes, qui avait été, au xvie siècle, si général dans les Pays-Bas, n'y était pas complètement aboli : à preuve tel tableau des Proverbes flamands d'un peintre flamand du xviiie siècle [Op. cit., fig. 239.  ] publié par M. Maeterlinck. Que dis-je? Aujourd'hui même, des Flamands souhaitent, naïvement, de le voir renaître. 

M. Maeterlinck termine son livre (couronné par l'Académie royale de Belgique, et récemment réimprimé) sur le Genre satirique dans la peinture flamande, par des réflexions comme celle-ci : «Peut-être verrons-nous reparaître un jour, sur la toile ou sur les murs de nos écoles ou de nos 
édifices publics, ces compositions à la fois amusantes et moralisatrices de jadis, les illustrations de nos dictons populaires et de nos proverbes.... Il faut espérer que le genre national, à la fois familier et moralisateur, de Bruegel le Vieux renaîtra et qu'il reparlera encore au peuple, comme par le passé, le seul langage qu'il puisse comprendre.» Il est permis de souhaiter d'autres méthodes pour l'éducation du peuple ; et, d'ailleurs, l'art n'a pas à moraliser. Mais je m'égare loin de mon sujet. Il devrait me suffire d'avoir exposé ici un problème curieux de folklore artistique, sur lequel je n'ai sans doute pas tout dit. PAUL PERDRIZET. 

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J'y ajoute cette image,trouvée sur Pinterest 

https://fr.pinterest.com/pin/76350156162487826/

La chasse à la pipée, ou chasse à la chouette, tableau début XVIIIe. Des femmes attirent des oiseaux à tête d'homme pour les punir d'avoir succombé. Hôtel d'Agar à Cavaillon.

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https://fr.pinterest.com/pin/76350156162487826/

https://fr.pinterest.com/pin/76350156162487826/

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SOURCES ET LIENS.

— BRAZ (Jean-Pierre), 2011, La chasse à la chouette

http://www.jpbrazs.com/__download/CRFP/PICTORIAL/CRFP_%20com_16-11-11_chouette.pdf

 

— PERDRIZET (Paul) 1907, " La Chasse à la Chouette, Contribution à l'histoire de la peinture Satirique ", in Revue de l'Art Ancien et Moderne, Paris, août 1907, pp. 143-150 

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57805404/f198.item.r=pertrizet.texteImage

—ROUSSE (M.) , 1976, L'allégorie dans la farce de "La Pipée" ,Cahiers de l'Association internationale des études francaises  Année 1976  Volume 28  Numéro 1  pp. 37-50

http://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1105

Sur un livret anonyme, Niccolo Jommelli a composé Il paratajo, Le filet à oiseaux ou La pipée. Cet intermède en deux actes a été créé à l’Académie royale de musique, à Paris le 25 sept. 1753 durant la Guerre des bouffons.

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Published by jean-yves cordier
9 mai 2017 2 09 /05 /mai /2017 16:55

Quelques azulejos du Salon de Charles Quint et de la chapelle de l'Alcazar royal de Séville par Cristobal de Augusta en 1577-1578. Deuxième partie. Le hibou — ou la chouette— harcelé par deux oiseaux. La chasse à la Chevêche depuis l'Antiquité.

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Voir les autres parties : 

 

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Voir les autres articles sur Séville :

 

– Au Musée des Beaux-Arts de Séville :

Autres articles :

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— Sur le hibou harcelé, voir :

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Lorsque je visitai, en juin 2015, l'Alcazar de Séville, j'avais encore  en tête l'article que je venais d'écrire sur la valeur emblématique du Hibou pour Joris Hoefnagel, l'exceptionnel miniaturiste et premier naturaliste au service de Ferdinand II, du duc Albert de Bavière puis de l'empereur Rodolphe II entre 1580 et 1600 : je venais de découvrir dans son œuvre le thème du hibou harcelé par les oiseaux, allégorie de l'artiste persécuté ou incompris des Ignares, avec en filigrane celle du Christ confronté aux Juifs.

Aussi, lorsque j'aperçu sur les azulejos qui ornent les soubassements du Palais Gothique de l'Alcazar et qui furent réalisés sous Philippe II vers 1577 par Cristobal de Augusta, un hibou harcelé par deux oiseaux qui tentaient de lui crever les yeux, le rapprochement de cette scène avec celles que j'avais analysé s'imposa.

Le motif se retrouvait sur de nombreux panneaux, plus ou moins bien conservés et avec des raccords entre carreaux de faïence parfois difficiles. D'ailleurs, dans l'ensemble des 589 m2 du décor de faïence du Palais Gothique, le thème de l'agressivité des animaux semblait dominer.

 

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Hibou harcelé par deux oiseaux, Cristobal de Augusta, azulejos, 1577-1578, soubassement du Palais Gothique de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile juin 2015.

Hibou harcelé par deux oiseaux, Cristobal de Augusta, azulejos, 1577-1578, soubassement du Palais Gothique de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile juin 2015.

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Hibou harcelé par deux oiseaux, Cristobal de Augusta, azulejos, 1577-1578, soubassement du Palais Gothique de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile juin 2015.

Hibou harcelé par deux oiseaux, Cristobal de Augusta, azulejos, 1577-1578, soubassement du Palais Gothique de l'Alcazar de Séville. Photographie lavieb-aile juin 2015.

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Partant du principe que la différence entre les Chouettes et les Hiboux repose sur la présence d'aigrettes (souvent prises pour des oreilles) chez ces derniers, je considérais au vu des plumes hérissées en huppe sur la tête des Rapaces ici représentés qu'il s'agissait de hiboux. 

La couleur jaune des yeux était compatible avec cette piste et j'avais le choix entre Grand-duc, Moyen-duc et Petit-duc.

Mais l'artiste n'avait aucun souci de l'exactitude naturaliste de ses animaux (tout le contraire de Hoefnagel), comme le montrait soit l'allure des oiseaux persécuteurs  (un échassier doté d'une plume en coquille d'escargot et un improbable colibri dépourvu de queue), soit celle des libellules, des canards (semblables à des perroquets) et des hérons qui occupaient le panneau. Nous étions dans le monde semi-onirique et semi-fantastique des grotesques, où triomphait madame Imaginacion. Scènes de chasse et de prédation qui ont été signalées sur une frise gallo-romaine du Puy. 

N.B : B. Ducos a observé cette scène de la chouette harcelée sur la fameuse fresque de Raphaël Les Amours de Psyché du palais de la Farnésine.

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J'avais mis ces images de coté, lorsque je reçus il y a quelques jours le numéro 105 de l'illustrissime revue La Hulotte, dessinée et rédigée par Pierre Déom. Sous le titre de La petite Chouette, il était consacré à la  Chevêche, Athene noctua (Scopoli, 1769). Une chouette à la tête arrondie, de la taille d'un merle, et aux yeux jaunes.

Or, j'appris à la page 12, sous le titre "La manif des oiseaux" , que :

 "Le soir, si la chevêche a le malheur de sortir un peu trop tôt, elle risque de se retrouver dans un chahut pas possible. Sitôt qu'ils l'aperçoivent, les passereaux se mettent à l'invectiver. Ils s'approchent d'elles et la houspillent en poussant des cris d'alarme. Certains font même mine de se précipiter sur elle — en prenant quand même garde à leurs plumes, car un coup de griffe est vite arrivé. Depuis la pie jusqu'au minuscule troglodyte, en passant par la mésange bleue, le merle, le pic-épeiche, tout le monde se croit autorisé à venir lui balancer des horreurs. Sous les huées, la petite Chouette reste impassible. Elle attend que tous ces casse-pieds se fatiguent et se décident à aller dormir, car la nuit tombe. Lorsqu'elle prend son bain de soleil en plein après-midi, même tapage : alors, parfois, la Chevêche en a marre. Elle s'envole de son perchoir et va se réfugier dans son trou".

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Sur la même page, l'auteur décrivait aussi l'utilisation de ce comportement par les chasseurs, "depuis plus de 23 siècles" (au 2e ou 3e siècle avant J.C ? pendant la République romaine et la période hellénistique ?) : ils plaçaient une Chevêche apprivoisée sur un piquet et lorsque des alouettes passaient dans le ciel, ils tiraient sur une corde pour obliger leur prisonnière à battre des ailes. Les oiseaux descendaient invectiver le rapace, sans voir les chasseurs cachés dans une hutte, et leurs filets.

Ce comportement était-il propre à cette espèce ? L'artiste de l'Alcazar avait-il doté d'une crête iroquoise une brave Chevêche ? J'ai voulu en savoir davantage.

Témoignages de la chasse à la chevêche.

Le Catalogue des espèces du genre Strix, publié à la suite de la thèse de Charles Naudin soutenue en 1842 sur la végétation des Solanées, me donna une première description en note de la description de Strix passerina Linn. qui est l'ancien nom d'Athene noctua, notre Chevêche) :

"Pour faire cette chasse, un homme se blottit sous un panier assez vaste pour le cacher entièrement, tout en lui laissant la liberté de se mouvoir. La chevêche est attachée en dehors sur un perchoir d'un demi mètre de long, fixé horizontalement à la partie supérieure du panier, et disposé de manière que l'homme peut, du dedans, lui imprimer à volonté divers mouvements qui forcent la chevêche à s'agiter et à battre des ailes. A une petite distance du point où ce perchoir pénètre dans le panier, se trouve une ouverture de la grandeur de la main par la par laquelle le chasseur fait passer les deux branches entrouvertes d'une longue pince de bois qu'il tient à la main et qu'il peut fermer au besoin. Lorsque les oiseaux ont été attirés par la vue de leur ennemie, ils se posent pour la harceler, sur l'une des branches de la pince qui leur offre un point d'appui commode ; mais celle-ci venant à se fermer brusquement, ils se trouvent saisis par les pattes et deviennent aisément la proie du chasseur."

On retrouve cette pratique sous la plume de Jacques Henri Fabre , dans ses Éléments de zoologie de 1882 page 244

 

" La Chouette commune ou Chevêche a la grosseur du geai, mais elle est beaucoup plus courte, plus ramassée. Son plumage est brun avec des taches blanches, rondes ou ovales. Pour exprimer l'étonnement, la surprise, la crainte, elle fléchit les jambes, s'accroupit, puis se redresse brusquement en allongeant le cou et tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gauche. On la dirait poussée par un ressort. Ce geste se répète coup sur coup à plusieurs reprises, chaque fois accompagné d'un claquement de bec. C'est la chouette qui autrefois était utilisée dans la chasse à la pipée. A la vue de l'oiseau de nuit, à son cri, les oisillon du voisinage accouraient pour harceler l'ennemi abhorré, et étaient pris aux gluaux. Dans le midi s'utilise toujours cette singulière antipathie : l'alouette est attirée sous le plomb du chasseur, encore mieux par la présence de la chouette lancée en l'air que par le scintillement du miroir. "

Cette description m'indique que la technique se nomme "chasse à la pipée". Mais la chevêche capturée peut être remplacée par son seul cri, ou par une imitation de celui-ci, comme le décrit J.B. Noulet dans la  Mosaïque du Midi, dans un numéro de 1840, juste à la suite de sa description de la Chevêche :

 

"Les oiseaux diurnes ont une antipathie naturelle, instinctive, contre les oiseaux de nuit, qui sont leurs plus cruels ennemis; aussi, s'il arrive que l'un de ces derniers quitte son repaire pendant le jour, il est bientôt entouré d'une nuée d'oiseaux , qui arrivent de toute part et l'entourent comme pour jouir de son embarras, l'éclat de la lumière le forçant à prendre une attitude embarrassée et grotesque ; enfin, assailli au milieu des cris divers de cette multitude courroucée, il finit par payer de la vie son imprudence ; ce n'est plus le tyran de la nuit, avide de sang , portant partout l' effroi et le carnage, c'est une victime laissée sans défense.

"La connaissance de ce fait singulier a donné l'idée de la chasse qu'on nomme pipée. On sait que la pipée consiste à faire choix d'un arbre de médiocre élévation, dans des bois de haute futaie, à portée d'un taillis de deux ou trois ans : on abat les branches les plus proches du tronc qui paraissent superflues; on n'en conserve qu'une certaine quantité que l'on dépouille de leurs rameaux jusques vers leur extrémité, ayant le |plus grand soin de laisser à cet arbre la tête de verdure la plus touffue que l'on a pu trouver. Il faut aussi autant qu'il est possible , que les branches que l'on conserve ne soient point placées dans une position perpendiculaire les unes au-dessus des autres; mais, dans leur trajet d'élévation , les supérieures doivent coïncider avec les vides qui se trouvent entre les inférieures. On fait de distance en distance, d'avant en arrière, sur les branches que l'on a dépouillées de leurs rameaux, des entailles, dans lesquelles on place une petite branche d'osier , à laquelle on a donné le nom de gluau , parce qu'effectivement elle est enduite de glu dans toute son étendue , jusqu'à un décimètre prés de son plus gros bout : on incline ces gluaux le plus près possible les uns sur les autres, et on en garnit ainsi tout l'arbre.

"Lorsque l'arbre est ainsi préparé et tendu, on élève une petite loge au bas du tronc. Cette loge n'est autre chose que quelques branches de verdure que l'on a amoncelées de manière à pouvoir se tenir dessous le moins incommodément possible: on y ménage quelques ouvertures, afin de ramasser, sans en sortir, avec un petit râteau de bois, les oiseaux qui, après s'être englués sur l'arbre, tombent tout autour et souvent sur la loge.

"On ne doit jamais commencer cette chasse qu'une heure au plus tôt avant le coucher du soleil ; et ce n'est que quand cet astre a disparu de dessus l' horizon , que l'on contrefait la voix de la chouette. C'est à ce moment que les merles , les grives, les geais, les pies, et la nombreuse tribu de becfins, etc. , accourent en foule pour harceler l'oiseau de nuit qu'ils croient entendre, et que, dans leurs diverses évolutions, que leur colère anime, ils se prennent sur l'arbre : lorsque l'on tient l'un d'eux et surtout un geai, qu'on fait crier, tous les autres accourent avec une sorte d'acharnement et de fureur, parce qu'ils croient qu'il est tombé dans les serres de la chouette ; ils vont et viennent en foule, ils crient a tue-tète, s'élancent étourdîment sur les gluaux et en tombant poussent de nouveaux cris, qui attirent vers ce lieu tous leurs semblables. J.-B. Noulet, La Mosaïque du Midi 1840, p. 21.

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Constant Duméril (Elémens des sciences naturelles, Volume 2 page 1133), en 1830, m'apprend qu'on utilise pour imiter ce chant "en frouant, à l'aide de certains instruments ou d'une feuille de graminée". Le verbe "Frouer", dérivé de l'onomatopée frou, désigne spécifiquement l'action de contrefaire, par un pipeur, le chant de la chouette : 

"le Pipeur commence à frouer, ce qu’il fait en soufflant dans une feuille de lierre, à laquelle on fait un petit trou, en levant le côté du milieu assez près de la queue, ce qui fait le cri d’un petit oiseau, qui appelle les autres à son secours : il y a encore diverse manières de frouer. Aussitôt qu’on a froué, plusieurs oiseaux, comme des rouges-gorges, viennent se prendre." — (L’Agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Rouen, 1787)

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Ceux qui préfèrent le style de Buffon liront le passage suivant de son Histoire naturelle .

 

"Les yeux de ces oiseaux sont d’une sensibilité si grande, qu’ils paroissent être éblouis par la clarté du jour, et entièrement offusqués par les rayons du soleil : il leur faut une lumière plus douce, telle que celle de l’aurore naissante ou du crépuscule tombant ; c’est alors qu’ils sortent de leurs retraites pour chasser, ou plutôt pour chercher leur proie, et ils font cette quête avec grand avantage ; car ils trouvent dans ce temps les autres oiseaux et les petits animaux endormis, ou prêts à l’être : les nuits où la lune brille sont pour eux les beaux jours, les jours de plaisir, les jours d’abondance, pendant lesquels ils chassent plusieurs heures de suite, et se pourvoient d’amples provisions : les nuits où la lune fait défaut sont beaucoup moins heureuses ; ils n’ont guère qu’une heure le soir et une heure le matin pour chercher leur subsistance ; car il ne faut pas croire que la vue de ces oiseaux qui s’exerce si parfaitement à une foible lumière, puisse se passer de toute lumière, et qu’elle perce en effet dans l’obscurité la plus profonde ; dès que la nuit est bien close, ils cessent de voir, et ne diffèrent pas à cet égard des autres animaux, tels que les lièvres, les loups, les cerfs, qui sortent le soir des bois pour repaître ou chasser pendant la nuit : seulement ces animaux voient encore mieux le jour que la nuit ; au lieu que la vue des oiseaux nocturnes est si fort offusquée pendant le jour, qu’ils sont obligés de se tenir dans le même lieu sans bouger, et que quand on les force à en sortir, ils ne peuvent faire que de très-petites courses, des vols courts et lents, de peur de se heurter ; les autres oiseaux qui s’aperçoivent de leur crainte ou de la gêne de leur situation, viennent à l’envi les insulter : les mézanges, les pinçons, les rouge-gorges, les merles, les geais, les grives, etc. arrivent à la file : l’oiseau de nuit perché sur une branche, immobile, étonné, entend leurs mouvemens, leurs cris qui redoublent sans cesse, parce qu’il n’y répond que par des gestes-bas, en tournant sa tête, ses yeux et son corps d’un air ridicule ; il se laisse même assaillir et frapper, sans se défendre ; les plus petits, les plus foibles de ses ennemis sont les plus ardens à le tourmenter, les plus opiniâtres à le huer : c’est sur cette espèce de jeu de moquerie ou d’antipathie naturelle, qu’est fondé le petit art de la pipée ; il suffit de placer un oiseau nocturne, ou même d’en contrefaire la voix, pour faire arriver les oiseaux à l’endroit où l’on a tendu les gluaux : il faut s’y prendre une heure avant la fin du jour, pour que cette chasse soit heureuse ; car si l’on attend plus tard, ces mêmes petits oiseaux qui viennent pendant le jour provoquer l’oiseau de nuit, avec autant d’audace que d’opiniâtreté, le fuient et le redoutent dès que l’obscurité lui permet de se mettre en mouvement, et de déployer ses facultés." Buffon, Histoire naturelle, Tome XVI. Les Oiseaux. Les oiseaux de proie nocturne. 1770.

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La description la plus précise, la plus amusante et la mieux illustrée de la pipée  est celle Noël Chomel (1633-1712) dans son Dictionnaire oeconomique de 1708 et ses nombreuses rééditions. Mais elle est un peu longuette et je l'ai réservée à la troisième partie de cet article. Notons qu'alors, vers 1708, la chevêche passe pour la femelle du hibou, ce qui coupe court à toutes les supputations naturalistes sur les illustrations qui précèdent, et notamment sur le panneau d'azulejos de l'Alcazar.

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Comme le signalait la revue La Hulotte, cette espèce de chasse était connue des Anciens ; car vers 343 av. J.C,  Aristote l’indique clairement dans les termes suivants dans le Livre IX, chap. II, § 5 de son Histoire des animaux :

Καὶ γλαὺξ δὲ καὶ ὄρχιλος πολέμια· τὰ γὰρ ᾠὰ κατεσθίει καὶ οὗτος τῆς γλαυκός. Τῆς δ´ ἡμέρας καὶ τὰ ἄλλα ὀρνίθια τὴν γλαῦκα περιπέταται, ὃ καλεῖται θαυμάζειν, καὶ προσπετόμενα τίλλουσιν· διὸ οἱ ὀρνιθοθῆραι θηρεύουσιν αὐτῇ παντοδαπὰ ὀρνίθια.

Ou pour les latinistes :

 Die cæteræ aviculæ omnes noctuam circumvolant, quod mirari vocatur, advolantesque percutiunt. Qua propter eâ constitutâ avicularum genera et varia multa capiunt.   

Autrement dit : 

"Dans le jour, tous les petits oiseaux volent autour de la chouette; et l'on dit que c'est pour l'admirer; mais en volant autour d'elle, ils lui arrachent les plumes; aussi, les oiseleurs prennent-ils les petits oiseaux de toute espèce au moyen de la chouette, qui les attire."

Un peu plus près de nous, Pline l'Ancien rapportera ceci :

"Les Noctua [Chevêches] soutiennent avec adresse les attaques des oiseaux : entourées par une foule trop nombreuse, elles se couchent sur le dos, se défendent avec leurs pattes, et, se ramassant, protègent toutes les parties de leur corps avec le bec et les ongles. " Pline, Histoire naturelle, Livre X chap. XIX

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Après ce passage long comme un jour sans pain, il vous faudrait quelques images, non ?

Passons donc à l'iconographie de la Chouette harcelée.

Je débuterai par le folio 55 du Pontifical d'Antoine de Chalon, Bibliothèque Municipale d'Autun BM 0129 peint par le Maître des prélats bourguignons. En marge de l'enluminure montrant la bénédiction de cloches, en relation avec le texte De benedictione signi seu campane, dans le coin supérieur droit, une chouette est harcelée par trois petits oiseaux (dont des hirondelles ?).

Puisqu'il s'agit de marginalia, nous ne pouvons pas y attribuer une intention allégorique, mais seulement constater que la scène du harcélement est bien connue des enlumineurs.

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Chouette harcelée par trois oiseaux dont une pie.

Dans le même ordre, voici la lettrine d'un manuscrit londonien de la fin du XIIe siècle. Source : Eule, Rdklabor.de VI, 271, fig.4. ou mieux http://bestiary.ca/beasts/beast245.htm

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British Library, Harley MS 4751, Folio 47r. Source : http://bestiary.ca/beasts/beast245.htm

British Library, Harley MS 4751, Folio 47r. Source : http://bestiary.ca/beasts/beast245.htm

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Hibou harcelé par quatre oiseaux.

La gravure attribuée à Dürer et datée vers 1515 porte le titre de Eule, von Vögeln angegriffen. Elle montre la même scène, mais il ne s'agit plus de marginalia ou de lettrine, et la scène du Hibou harcelé par quatre oiseaux est devenu le sujet principal, et fait l'objet d'une gravure. D'autre part, la banderole dessinée au dessus de l'oiseau nocturne est destiné à une inscription qui donne à la scène une visée allégorique. La voici :  Der Eülen seyndt alle Vögel neydig und gram . Elle peut se traduire par "Le Hibou . tous les oiseaux envieux et tourmentés."

J'ai étudié cette gravure dans mon article de mars 2015 sur ce thème. J'y renvoie puisqu'il renferme déjà plusieurs exemples iconographiques.

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Dürer, Eule, von Vögeln angegriffen, vers 1515. http://www.zeno.org/Kunstwerke/B/D%C3%BCrer,+Albrecht+%28Schule%29%3A+Eule,+von+V%C3%B6geln+angegriffen

Dürer, Eule, von Vögeln angegriffen, vers 1515. http://www.zeno.org/Kunstwerke/B/D%C3%BCrer,+Albrecht+%28Schule%29%3A+Eule,+von+V%C3%B6geln+angegriffen

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Il reste à étudier l'iconographie concernant la chasse ayant recours à la Chevêche, ou, plus largement, la chasse à la pipée sur le double aspect de sa technique cynégétique, et de ses significations allégoriques. Ce sera l'objet de mon troisième article de cette série.

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SOURCES ET LIENS.

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— DÉOM (Pierre), 2017, La petite chouette, numéro consacré à la Chevèche. La Hulotte, n° 105, Boult-aux-Bois

— Maria Angels Roque, La cigogne et la chouette en Castille: Symboles de vie et de mort, Ethnologie française nouvelle serie, T. 19, No. 4, Mélanges (Octobre-Décembre 1989), pp. 371-381,  Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40989147

Heinrich Schwarz et Volker Plagemann (1970)  Site LABOR RDK http://www.rdklabor.de/wiki/Eule

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Published by jean-yves cordier - dans Séville Chouette
9 mai 2017 2 09 /05 /mai /2017 16:55

Quelques azulejos du Salon de Charles Quint et de la chapelle de l'Alcazar royal de Séville par Cristobal de Augusta en 1577-1578. Première partie.

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Ce premier article servira d'introduction à la Deuxième partie qui étudiera le motif du hibou harcelé par les oiseaux. Je n'en dis pas plus !

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Voir les autres articles sur Séville :

 

– Au Musée des Beaux-Arts de Séville :

Autres articles :

 

 

 

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PRÉSENTATION.

Le palais Gothique de l'Alcazar, édifié par Alphonse X (1252-1284) fut réaménagé par Charles Quint, qui conserva les voûtes rythmées d'ogives du rez-de-chaussée tout en faisant percer les mûrs de larges baies. Il comporte la Chapelle, la salle des Célébrations, et la salle des Tapisseries.

  Le soubassement des murs a été décoré de carreaux de faïences ou azulejos de style Renaissance réalisés pour les plus remarquables ont été  réalisés vers 1577-1578 par le céramiste sicilien (ou né à Estella, Navarre)  Cristóbal de Augusta pendant le règne de Philippe II, sur une surface de 589 mètres carrés dans la Salle des Célébrations (ou salle des Voûtes, salle des Fêtes, Hall de Charles V) et de la Chapelle.  L’œuvre rend hommage à Charles Quint et son épouse Isabelle de Portugal, dont le banquet des noces  se déroula très probablement ici le 10 mars 1526.

 Ces carreaux de céramique stannifère ont été considérés comme les plus importants du genre existant en Espagne, associant un décor de fleurs , d' oiseaux, d'animaux fantastiques et de masques. Ils sont en partie attribués à Cristóbal de Augusta, d'une part car  Augusta apparaît fréquemment dans les dépenses du Palais comme « maître de la fabrication et des tuiles de fabrication Pisane » (dans un document de date du 9 Mars 1577, il engage à ne pas à effectuer d'autres travaux pendant la période des travaux), mais aussi car certains panneaux de personnages mythologiques ou allégoriques portent les signatures AVGSTA, AVS, dont il ne reste parfois que le A.

Je n'aurai pas la prétention de montrer l'ensemble des panneaux, et j'emprunte au site Wikipédia les photos attribuables à ANUAL qui donnent une idée de leur superficie :

La Chapelle

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La "Salle des Voûtes (Sala de las Bóvedas ) ou plutôt Salle des Tapisseries:

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Anual - image sur Wikipédia https://es.wikipedia.org/wiki/Cer%C3%A1mica_sevillana

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Néanmoins, comme les panneaux sont répétés plusieurs fois, quelques images suffiront à rendre compte d'une bonne part de l'ensemble. On pourra consulter le lien http://www.retabloceramico.net/bio_augustacritobalde.htm pour la biographie de Cristóbal de Augusta et des clichés complémentaires.

Description.

Les murs sont recouverts jusqu’à mi-hauteur par de très beaux azulejos bleu et verts sur fond jaune d’or,  formés d’arabesques végétales et des animaux qui se terminent parfois par des figures fantastiques. Ce type de motifs, appelé grotesques, très à la mode durant la Renaissance, s’inspiraient en grande partie de peintures décoratives de la Maison Dorée de Néron qui fut découverte à Rome à la fin du 15ème siècle et qu’elle était à moitié enterrée, ressemblant à une grotte. D’où le nom de "grotesque".

Brève histoire de la céramique Renaissance à Séville.

La production de céramique à Séville a été très variée, localisée depuis l' époque romaine dans le quartier de Triana, et consolidée au cours de la période musulmane. Jusque-là, les carreaux hispano-mauresques  étaient recoupés, les couleurs vives étaient appliquées en à-plats  pour chaque pièce d'un puzzle constituant le carreau, formant des motifs géométriques non figuratifs.  Au début de la Renaissance , à la fin du XVe siècle, et sous l'influence de la majolique italienne, se produisent des changements fondamentaux pour l'évolution de l'azulejo. Les faïenciers — la ville de Faenza, centre de production important, donnant le mot « faïence » en français — utilisèrent alors une glaçure, c’est-à-dire une sorte de pâte à base d’étain, qui leur permettait de peindre comme sur un tableau des motifs de différentes couleurs sur des plats ou vases de terre cuite émaillés, puis sur des carreaux avec des décors colorés très élaborés : rinceaux, personnages, grotesques. La palette de bleu, jaune clair, jaune foncé, vert, brun, blanc, noir, violet est déclinée en introduisant les dégradés.  On passe ainsi d'une production artisanale, basée sur une répétition quasi-industrielle, à une création artistique, produisant de grands panneaux décorés, présentant des scènes figuratives et narratives trouvant leur sources érudites dans les recueils de gravures et les œuvres picturales. Ainsi, il a été montré que La Grande Prostituée, panneau de carreaux de faïence de Cristobal de Augusta. Séville, circa 1575 au monastère de la Mère de Dieu de Séville s'inspire de La Grande Prostituée, trouvée dans Figures du Nouveau Testament, publié à Lyon par Jean de Tournes en 1554.

Il vint alors à Séville plusieurs potiers étrangers, sans-doute attirés par le prestige et la richesse  dont bénéficiait la ville depuis la découverte de l'Amérique,  qui y enseignaient le nouvel art céramique, dont l' un des plus importants fut l'artiste italien Francisco Niculoso Pisano ( Pise , XVe siècle - Séville , 1529) qui s'installa dans la ville vers 1498.  On lui doit  l'introduction en Espagne des décors de grotesques récemment popularisés par Raphaël. Plusieurs de ses œuvres sont toujours en place, tels le retable de la chapelle de l'Alcazar de Séville (1504).

Cristobal de Augusta,(actif de 1569 à 84), né à Estella (Navarre), était depuis 1569 le gendre du faïencier Roque Hernandez. Il se révéla comme le grand peintre en azulejos. 

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I. PANNEAU AUX FONTAINES ET AUX CERFS.

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On le rencontre sur le mur à gauche de l'autel de la Chapelle, et dans la Salle des Célébrations. Il est encadré par des vases encadrés par deux lapins. Deux frises supérieures et inférieures font courir des alternances de putti, de masques et d'oiseaux en haut, et de rinceaux en bas. La bande la plus haute est ornée de couronnes royales parmi des arabesques.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint  de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Les encadrements.

Vase au masque et aux lapins.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint  de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Frise de putti menacés par des serpents.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Lion couronné tenant dans sa gueule des tiges florales.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le même panneau aux cerfs dans la Chapelle.

Profitons-en pour le décrire. Au centre, un entrelacs bleu renferme deux oiseaux picorant de leur bec acéré le mamelon d'un buste ailé.

Cette arabesque bleue forme plus haut un trépied qui reçoit un couple de chimères, dont le nez est mordu par des oiseaux. 

Chaque chimère tient un ruban auquel pend un bouquet floral dans un vase. Deux lapins (des lièvres si vous voulez) tiennent les rubans inférieurs.

Une fontaine laisse écouler l'eau des deux étages de ses jets dans sa vasque, gardée par deux cerfs couchés,  aux bois généreux.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, chapelle de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, chapelle de l'Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Même dessin ailleurs, avec des couleurs différentes (cerfs, lapins) :

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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La fontaine aux cerfs.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le buste picoré par les oiseaux.

 

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau à la fontaine aux cerfs par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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II. PANNEAU AUX HIBOUS, PERROQUETS  ET HÉRONS.

1. Encadrements.

Les encadrements supérieurs et latéraux sont les mêmes que précédemment. En bas, une frise oppose un griffon à la langue en fer de lance et un lion mordant un serpent. Entre les queues enchaînées des lions se lit la date 1577.

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Frise inférieure,  Panneau aux chouettes, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015. Emprunt au site https://www.bluffton.edu/homepages/facstaff/sullivanm/spain/seville/alcazar/alcazar9.html
Frise inférieure,  Panneau aux chouettes, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015. Emprunt au site https://www.bluffton.edu/homepages/facstaff/sullivanm/spain/seville/alcazar/alcazar9.html

Frise inférieure, Panneau aux chouettes, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015. Emprunt au site https://www.bluffton.edu/homepages/facstaff/sullivanm/spain/seville/alcazar/alcazar9.html

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Sur ce panneau, l'artiste a représenté :

– dans le registre supérieur deux hibous dont les yeux jaunes sont menacés par le bec pointu de deux oiseaux dont un échassier. Puis viennent en dessous deux lampes à huile attirant des libellules.

– dans le registre médian, deux escargots grimpent sur les arabesques des rinceaux. Deux "perroquets" à bec plat (peut-être des canards souchets, mais l'exactitude naturaliste n'est pas de mise ici) saisissent la tige terminale d'une guirlande de fruits.

– dans le registre inférieur, deux hérons prennent leur déjeuner sous la forme d'un poisson (ou serpent) ailé.

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Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le registre supérieur : les deux hibous harcelés.

Je rappelle que ce motif sera étudié dans la deuxième partie de mon article.

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Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le registre médian et le registre inférieur. Escargots, "perroquets" et hérons gourmands.

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Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau aux hibous, escargots, perroquets et hérons par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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III. PANNEAU AUX RINCEAUX ET ENTRELACS.

 

Les azulejos du Salon de Charles Quint de l'Alcazar royal de Séville. Première partie.

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IV. PANNEAU AUX MÉDAILLONS ROYAUX.

Ces médaillons représentent sur fond bleu les profils de Charles Quint et de son épouse, Isabelle du Portugal.

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Panneau aux médaillons de Charles Quint et d'Isabelle du Portugal, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Panneau aux médaillons de Charles Quint et d'Isabelle du Portugal, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le modèle de ces portraits pourrait être une médaille biface par Leone Leoni :

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 médaillon d'Isabelle du Portugal, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

médaillon d'Isabelle du Portugal, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Le modèle de Charles Quint pourrait être son portrait à cheval à Mühlberg par Titien (1548) :

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Médaillon de Charles Quint  par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Médaillon de Charles Quint par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Bandeau emblématique.

Dans le bandeau supérieur, nous pouvons observer les blasons de Charles Quint en alternance : c’est-à-dire les 2 colonnes d’Hercule avec la devise PLVS VLTRA « plus oultre », les armes de Bourgogne bandé d'or et d'azur, bordé de gueules, et les armes de la maison d'Aragon d'or aux quatre pals de gueules .

Devise PLVS VLTRA « plus oultre », armes de Bourgogne et  armes de la maison d'Aragon, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Devise PLVS VLTRA « plus oultre », armes de Bourgogne et armes de la maison d'Aragon, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Ailleurs, on trouve le blason de la Castille et du Léon avec le lion, celui de la Navarre avec les chaînes).

Les écus sont présentés par deux femmes, l'une tenant une épée et l'autre un pichet d'étain. Le collier de la Toison d'or, aux maillons en forme de briquets, entoure les écus.

 

Ecu aux armes du Léon par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Ecu aux armes du Léon par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Devise PLVS VLTRA entre les Colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar).

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Devise PLVS VLTRA entre les Colonnes d'Hercule  par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Devise PLVS VLTRA entre les Colonnes d'Hercule par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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V. LES PANNEAUX LATÉRAUX À PERSONNAGES MYTHOLOGIQUES ET ALLÉGORIQUES.

De nombreux panneaux sont encadrés par des éléments verticaux représentant des personnages ; certains portent des noms, des dates, ou la signature d'Augusta. 

 

1°) Protée : PROTEO.

Protée, divinité marine assujetti à Poseïdon (Neptune), est connu comme un vieillard prophétique, ou pour sa capacité d'adopter toutes les  formes possibles. Il est décrit ainsi par Ovide dans le Livre VIII des Métamorphoses :

«Il est des corps qui, métamorphosés une fois, conservent à jamais leur nouvelle forme ; mais il en est d'autres qui ont reçu du ciel le privilège de se transformer à leur gré. C'est le vôtre, divin Protée, habitant de la mer dont les bras entourent le monde : on vous a vu prendre tantôt la forme d'un jeune homme, tantôt celle d'un lion ou d'un sanglier furieux ; on vous a vu couvert de la peau d'un serpent qu'on aurait eu horreur de toucher, ou bien, armé des cornes d'un taureau ; vous devenez tour à tour arbre et rocher ; tantôt, empruntant la liquide transparence des eaux, vous vous changez en fleuve, et tantôt vous êtes la flamme ennemie de l'onde."

L'artiste le peint ici avec un visage barbu, des bras en trompes cornues, le buste musclé vêtu d'une cuirasse romaine, et les jambes comme deux serpents ou monstres marins écailleux, dotés d'ailes ou nageoires épineuses. 

Il pourrait résumer le monde baroque, fait de chimères et d'impermanence des formes ou des points de vue.

Le dessin peut trouver l'une de ses sources dans les Emblemata d'Alciat (1551) page 196 (édition lyonnaise par Mathias Bonhomme) dont la gravure est accompagnée de l'épigramme suivant:

"Vieillard de Pallène, ô Protée, à l'air histrionique / Qui a tantôt corps d'homme et tantôt d'animal / Dis-moi quel raison te fait prendre tous les aspects / Et tant varier que tu n'as pas forme assurée ?  / — J'exhibe de l'antique et du premier âge les signes / Sur quoi chacun rêve selon sa fantaisie"

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Protée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Protée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Protée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Protée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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2°) Metra, METRA.

Ce personnage a parfois été identifié comme le dieu Mithra, mais ce n'est autre que Metra, fille d'Érysichthon. Pour s'en convaincre, il suffit d'apprendre que sa légende est décrite par Ovide dans le Livre VIII des Métamorphoses juste après le passage consacré à Protée. Et e comprendre que cette Metra est elle aussi, comme Protée, capable de se transformer en diverses formes pour tenter d'échapper à la voracité insatiable de son père. 

Le personnage peint ici n'a guère de traits féminins, et se présente plutôt comme une version juvénile de Protée ; seule la tête diffère, mais le buste et le corps anguilliforme sont identiques au panneau ci-dessus.

L'artiste, ou son commanditaire, a donc représenté deux sortes d'allégories de l'insaisissable et du mouvant

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Metra, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Metra, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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3°) Autres figures analogues (avatars des deux précédents ?). 

D'autres panneaux représentent le sosie de Metra, mais sans la nommer. L'un d'entre eux porte la date de 1578.

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Metra, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.
Metra, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Metra, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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4°) Pensée et Imagination.

Deux autres panneaux représentent Pensamiento, la Pensée, et Imaginacio, l'Imagination. Il est évident que l'association de ces deux entités complète parfaitement, par le champ des métamorphoses du mental et des images, les deux divinités de Protée et de Metra.

a) Pensamiento (la Pensée).

Pensamiento est une figure engainée et ailée, barbue, âgée, dont la main désigne un panier plein de boules rondes et blanches (pièces ? œufs ?).

Chronogramme 1578.

 

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Pensamiento, photo Anual sur Wikimédia https://es.wikipedia.org/wiki/Cer%C3%A1mica_sevillana#/media/File:Azulejos_001.jpg

Pensamiento, photo Anual sur Wikimédia https://es.wikipedia.org/wiki/Cer%C3%A1mica_sevillana#/media/File:Azulejos_001.jpg

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b) Imaginacion.

Il s'agit encore d'une figure engainée, mais ici féminine, souriante, dont les bras ornés de bracelets sont croisés sur le ventre. Le chronogramme est aussi de 1578.

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Imaginacion, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Imaginacion, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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5°) Autres personnages.

Nous avons encore affaire à des gaines ou termes. Le premier est assez identique à Pensamiento. 

Pensamiento ? par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Pensamiento ? par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Autre figure engainée, par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Pomone ?  par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Pomone ? par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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VI. CINQ  AUTRES PETITS DÉTAILS.

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Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

Azulejos par Cristobal de Augusta en 1577-1578, Alcazar royal de Séville . Photographie lavieb-aile 2015.

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SOURCES ET LIENS.

http://azulejos.fr/

— PLEGUEZUELO (Alfonso), 2013, « Un palacio de azulejos », Apuntes del Alcázar, no 14,‎ 2013, p. 216-232 (ISSN 1578-0619)

— BOS, (Cornelis et Metsys) (1506?-1556) : gravures de style grotesque :

http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/19126-redirection

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Published by jean-yves cordier - dans Séville
8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 22:23

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Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Datation.

Si on en croit une inscription d'une pierre actuellement posée sur la pelouse de l'ancien Doyenné, et portant le texte C...E CROIX FVST FAICTE EN LA MV. XL. III "Cette croix fut faite en l'an 1443", et si on relie, comme le propose E. Le Seac'h,  ce vestige au calvaire, on le date de 1443. Une reconstitution en a été proposée en 1896 par De Lorme, avec un socle hexagonal encadré de fins contreforts qui se terminaient en pinacles pyramidés, et des arcs boutants qui les reliaient au fût central. Des statues étaient disposées entre eux. 

Alain de Coëtivy, identifié au personnage agenouillé et portant un chapeau de cardinal,  est traditionnellement considéré comme le donateur du calvaire. Pourtant, il n'a été nommé cardinal que le 16 décembre 1446, et n'accéda au titre de Sainte-Praxède qu'en 1449.

Enfin, on peut aussi tenir compte de la note manuscrite de la page 61 de l'ouvrage de Miorcec de Kerdanet (exemplaire numérisé du diocèse de Quimper) datant ce calvaire de 1456, lors du don du reliquaire des dix-mille martyrs ramené de Rome, Alain est alors légat pontifical de Calixte III auprès de Charles VII pour préparer la nouvelle croisade et obtenir l'abrogation de la Pragmatique Sanction.

 

 

 

 

D'autre part, Jean-Marie Guillouet écrivait en 2007 (Congr. archeol. 2009) : 

"Enfin, les restes imposants du calvaire situé immédiatement au sud de l’édifice sont remarquables bien que leur attribution par la tradition au cardinal Alain de Coëtivy (identifié par la plupart des auteurs dans le clerc agenouillé aux côtés de la Vierge de Pitié) ne repose, à notre connaissance, que sur des éléments fragiles : le chapeau cardinalice porté par le personnage, la date stylistiquement assignable à l’œuvre et la présence ancienne de ses armes dans la vitre de la chapelle du Carman."

Enfin, il regroupe aujourd'hui des statues de kersanton disparates : dans l'ordre chronologique :

— Le cardinal de Coëtivy et le saint évêque : atelier du Folgoët , vers 1449.

— La Pietà : atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577)

— Le Crucifié : Maître de Plougastel (1570-1621).

Il est décrit dans l'Atlas en ligne des Croix et Calvaires du Finistère initié par l'abbé Yves-Pascal Castel, sous le n° 520, avec trois croquis et les mentions suivantes (dont j'élucide les abréviations) :

520. Le Folgoët, église, granit, kersanton . 6 mètres. XVe siècle. et 1600. Massif architecturé octogonal avec banc, deux degrés et base à moulures prismatiques du calvaire du XVe siècle. Socle cubique à chanfrein, Vierge de Pitié, statue géminée mutilée, autre statue géminée: sainte femme-Marie Madeleine, groupe du cardinal de Coetivy avec son saint patron. (Alain de Coetivy, mort en 1474, tombeau dans l’église Sainte-Praxède, à Rome). Fût à écots. Croix à branches rondes, fleurons-boules, crucifix, angelot. [Yves-Pascal Castel 1980]

 

Reconstitution du calvaire par De Lorme, Congrés archéologique 1898, Gallica

Reconstitution du calvaire par De Lorme, Congrés archéologique 1898, Gallica

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Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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1°) Le Christ crucifié. Kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621).

Il est l'œuvre du Maître de Plougastel, auteur du fameux Calvaire de cette paroisse. Le style de ce sculpteur est caractérisé, selon E. Le Seac'h, par son hiératisme, "une note d'intériorité froide", où "la rondeur des traits imprimés aux visages donne aux sculptures une quiétude magnifiée proche de l'ataraxie de pierre".

Au Folgoët, on lui doit aussi rien de moins que  la statue de la Vierge à l'Enfant qui a été élevée à la dignité du Couronnement de 1888 sous le nom de statue miraculeuse de Notre-Dame-du-Folgoët. Il a aussi sculpté le Christ aux liens placé à l'entrée dans l'intérieur du sanctuaire. Voir mon article V.  

Outre les 167 personnages du calvaire monumental de Plougastel, il a réalisé une série de quatre croix et vingt-quatre petits calvaires.

On retrouve ici les caractéristiques communes à ceux-ci. La tête est fortement inclinée sur l'épaule droite, le visage est paisible, encadré par les longues mèches de cheveux ; la barbe dessine des parenthèses sous les narines et sous la lèvre inférieure, et ces courbes sont finement  peignées. La couronne d'épines suit les entrelacs de deux brins tressés, mais ces brins s'hérissent de boutons en guise d'épines.  Le thorax aux côtes horizontales est réduit, les flancs sont creusés, le nombril est en bouton,  les bras sont lisses, sans articulation visible. Le pagne est formé de plis plats ressemblant à des bandelettes, maintenu par un nœud simple dont un pan s'échappe vers le bas sur la cuisse droite en un serpentin de volutes, et l'autre sort par dessus avant de retomber sur la face l'externe de la cuisse. Les pieds, en rotation interne, se croisent, pied droit recouvrant le gauche. 

Ce qui attire l'attention, c'est la succession de gouttes de sang, en tronc de cône, géométriquement alignées le long de la face ventrale des avant-bras à partir des clous des poignets. Ce détail est d'ailleurs dessiné en croquis dans l'Atlas. 

Sur le pied droit, le clou fait jaillir six gouttes concentriques, semblables à des petits pointes.

La croix est écotée, les bras s'achèvent en fleurons-boules.

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Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Christ crucifié, kersanton, Maître de Plougastel (1570-1621). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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2°) La Pietà ; saint Jean et une sainte Femme au pied de la Croix. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).

Un détail vite remarqué est caractéristique de cet atelier établi à Landerneau pour bénéficier du transport du kersanton depuis ses sites d'extraction par voie maritime sur l'Elorn. Ce sont les grosses larmes qui s'écoule des yeux des trois personnages au pied de la croix : la Vierge, Jean l'évangéliste, et une Sainte Femme. Certes, ici, la tête de Jean est perdue, mais d'autres détails stylistiques incitent à lui attribuer ces émouvants écoulements lacrymaux.

J'ai déjà décrit ce détail dans ma description du  calvaire de Dinéault et de la Pietà de Saint-Nic. 

Voir aussi d'autres œuvres de Bastien ou Henry Prigent:

 

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Au Folgoët, l'Atelier Prigent a sculpté le groupe (dissocié) de saint Yves entre le Riche et le Pauvre de l'angle sud-ouest de la façade, ainsi que le Christ aux liens, et les deux Vierges à l'Enfant de la façade sud : ces œuvres sont décrites dans mon article La Collégiale du Folgoët V : les statues.

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 La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577)..  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).. Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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La Vierge, visage recouvert par un voile-manteau et cerné par la guimpe, a les yeux baissés ; ses traits sont plus recueillis sous l'effet d'un chagrin intériorisé que bouleversés. La robe, lisse sur la poitrine, se plisse ensuite de sobres plis verticaux convergents vers la taille et sous le genou droit avant de tracer une volute plus tourmentée cachant le pied gauche. Marie soutient son Fils sous les épaules, alors que la main gauche saisit l'avant-bras gauche. Le bras droit du Christ pend, vertical, exposant la plaie dde la paume.

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La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

La Pietà. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Saint Jean l'évangéliste.

Puisque la tête du saint n'a pas été retrouvée, nous suivons plus attentivement le drapé et les détails vestimentaires ; la fente pectorale boutonnée tracée avec un soin presque gourmand par le sculpteur évoque celle des tuniques ou robes des apôtres du porche de Landivisiau

 

 

 

 

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La Ceinture oppose sa ligne horizontale au tuyautage de la robe, tandis que le pan gauche du manteau se casse en une succession de plis en becs pour s'accrocher à la taille, et que le pan droit trace d'autres rythmes et d'autres mélodies au dessus de la manche bouffante. 

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Saint Jean.  Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Saint Jean. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Sainte Femme au pied de la Croix.

Mêmes manches bouffantes, même pan faisant retour vers la ceinture. Le voile coqué et la guimpe découpe une fenêtre en hublot pour un visage aux yeux caves, comme à Saint-Nic. Le pli de l'encolure est le même que celui de la Pietà.

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Sainte Femme au pied de la Croix.. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Sainte Femme au pied de la Croix.. Kersanton, Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Le groupe du cardinal de Coëtivy et du saint évêque. Atelier du Folgoët (vers 1449 ?)

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Le cardinal de Coëtivy, surnommé "le cardinal d'Avignon", a été un personnage de premier plan pour le duché et pour les relations entre le pape et la royauté. Né le 20 novembre 1407 au château de Coët-Lestremeur en Plounéventer, à 13 km au sud-est du Folgoët, il fut abbé de Redon, évêque de Dol et de Cornouaille et évêque d'Avignon en 1437 puis évêque d'Uzés de 1442 à 1447.  Conseiller du roi Charles VII en 1440, il a été créé cardinal in petto par le pape Eugène IV, et confirmé par Nicolas V en janvier 1447, puis  il reçu le titre de cardinal de Sainte-Praxède le 20 décembre 1448. Après avoir obtenu du pape en 1455 la création de la paroisse de Saint-Yves-aux-Bretons à Rome, il a joué un grand rôle dans la canonisation le 29 juin 1455 de saint Vincent Ferrier (1350-1419), ce dominicain espagnol qui vint prêcher en Bretagne à la demande du duc Jean V en 1418. C'est le cardinal qui confirma, comme légat du pape Callixte III, la canonisation de Vincent Ferrier en juin 1456 en faisant, à Vannes, l'élévation du corps (recueil des reliques dans un reliquaire).

 

La statue représente le cardinal agenouillé sur un coussin à glands, les mains jointes, un bâton ( de pèlerin ? pastoral, à la crosse brisée ?) sous le bras gauche. Il porte une tunique serrée aux poignets par six boutons ronds, et recouverte par un long mantelet sans manches formant une traîne derrière lui, comme la cappa magna.  Un chapeau rond à fond plat est maintenu derrière la tête par une forte cordelière qui vient dessiner un huit autour des coulisseaux : c'est le  galero, le chapeau de cardinal muni de ses cordons à houppe. Il est coiffé comme un moine avec une tonsure coronale. Les yeux en amande donnent l'impression que le religieux regarde vers le ciel. Les commissures des lèvres suivent la même direction. Le nez est large et épaté." (E. Le Seach p. 94)

 

Derrière lui, sur la face nord (voilà pourquoi on oublie de le photographier), un évêque est debout, relevant le manteau du cardinal d'une main et tenant sa crosse de l'autre. "Il porte une tunique longue dont l'amict est à col montant. Les plis de sa tunique se drapent en V et donnent au tissu une apparence de lourdeur et de richesse de l'étoffe. La tête est coiffée d'une mitre. Les yeux sont ourlés. Il s'agit probablement de saint Alain, patron du donateur et évêque de Cornouaille." (E. Le Seach p. 94). D'autres y voient Allain de la Rue, évêque du Léon qui a consacré l'église en 1419.

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Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449).  Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

Le cardinal de Coëtivy , Kersanton, Atelier du Folgoët (vers 1449). Calvaire de la basilique du Folgoët. Photographie lavieb-aile mai 2017.

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Jean-Marie) 

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1dff008d90abab0badb8551ddb7a4c06.pdf

— ABGRALL (Jean-Marie), 1896, Le Folgoët (Finistère), « Livre d’or des églises de Bretagne », Rennes, 

— COËTLOGON (Marquis de), 1851, Dessins, histoire et description de l’église de Notre-Dame du Fologët, Brest, 1851

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LESNEVEN. Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/c07f91a4317a870c35de08f576183805.pdf

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LE FOLGOET. Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/FOLGOET.pdf

— COUFFON (René),  1948, « À quelle époque convient-il de dater l’église actuelle de Notre-Dame du Folgoët ? », Nouvelle revue de Bretagne, 5, 1948.

— GUILLERMIT (Augustin),1922  Le Folgoat Monographie paroissiale. ed. A. Lajat (Morlaix)

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8c56e3a44e19df315b7cd0de70f0f172.pdf

— GUILLOUET (Jean-Marie), 2009,  Le Folgoët, collégiale Notre-Dame, Congrés archéologique de France (2007), Finistère. 165, pp.166-176.

https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00557740/document

— JOB AN IRIEN 1989, A la recherche de la vérité sur Notre Dame du Folgoët = Itron Varia ar Folgoet. Ed Minihi Levenez (Landerneau) 24 p.: ill.; 25 cm.

 

— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut. Pages 95-100.

— LÉCUREUX ,1914,  « Le Folgoët. Église collégiale. 3ème excursion », dans Congr. arch. de France. Brest et Vannes, 1914, p. 99-110.

— LORME (A. de ), 1896, « L’art breton et l’église du Folgoat », dans Congr. arch. de France . Brest, 1898, p. 218-236.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k356651/f290.item

— MIORCEC DE KERDANET ( Daniel), 1853, Nouvelle notice sur N.-D. du Folgoët et sur ses environs, J.-B. Lefournier (Brest), 144 p.; 22 cm.

https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/33e093346604e23fe86b2fdaa39ca374.pdf

 

— INFOBRETAGNE :

http://www.infobretagne.com/folgoet.htm

http://www.infobretagne.com/folgoet-basilique.htm

— LES AMIS DU FOLGOËT.

http://les-amis-du-folgoet.pagesperso-orange.fr/Basilique.htm

— monumentshistoriques.free.fr

http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/folgoet/descriptif.html

 

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